Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 19 novembre 2015 à 11h00
Loi de finances pour 2016 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Cela vous rapporte quelques centaines de millions d’euros, mais ce n’est pas une très bonne idée.

Votre budget pour 2016 est bâti sur une prévision de croissance de 1, 5 %, ce qui est, nous le reconnaissons, plutôt raisonnable. Elle rejoint d’ailleurs le consensus des économistes.

Néanmoins, la croissance française demeurerait ainsi inférieure à la moyenne de la zone euro, prévue à 1, 8 %, et même à 2 % dans l’Union européenne.

Elle est en outre, pour une part significative, due à des facteurs exogènes pourtant très favorables à un redressement de l’activité qui ne se produit pas : baisse du prix du pétrole, baisse de l’euro, politique d’achats d’actifs par la Banque centrale européenne, taux d’intérêt toujours extraordinairement bas. Pourvu que cela dure…

Malgré tout cela, la dette publique continue de grimper, elle avoisine les 97 % du PIB et a allègrement dépassé les 2 000 milliards d’euros.

Avec un taux prévisionnel de 55, 1 % du PIB en 2016, le taux de dépenses publiques en France demeurera le plus élevé de l’Union européenne, après celui de la Finlande.

Non, la dépense publique ne décroîtra pas en 2016, vous en limitez simplement la hausse et l’objectif de la contenir à 0, 3 % en volume, contre 0, 9 % en 2015, ce qui constitue effectivement une amélioration, comporte cependant « des risques significatifs » et est jugé « particulièrement ambitieux » par le Haut Conseil des finances publiques.

Même la rapporteure générale socialiste du budget à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, a émis des doutes. Sur les 16 milliards d’euros d’économies annoncées, 3, 5 milliards d’euros reposent sur les collectivités locales. Ces économies-là, vous les ferez d’autant plus, évidemment, qu’elles nous sont imposées, avec des conséquences sur l’investissement des collectivités locales et donc sur l’activité économique.

Est-ce un si bon calcul ? Nous sommes nombreux à penser que non, sur quelque travée que nous siégions.

En outre, 7, 4 milliards d’euros reposent sur l’assurance maladie et les régimes sociaux. Resterait donc un effort de l’État de 5, 1 milliards d’euros, mais seuls 2, 3 milliards sont documentés, soit moins de la moitié.

À cela s’ajoute l’annonce de nombreuses dépenses nouvelles depuis plusieurs mois - le service civique, les contrats aidés, les aides agricoles, l’aide aux migrants, l’hébergement d’urgence - sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Parlement, ni dûment documentées, comme l’a reproché le Haut Conseil des finances publiques.

Cela s’explique sans doute par le fait que ces mesures seront financées par le déficit que l’on pourrait laisser filer ou par des coups de rabot durant l’année, autant d’éléments toujours assez difficiles à supporter, tant par les services de l’État que par les agences ou les collectivités locales.

Nous le craignons d’autant plus que, à l’approche de l’échéance de 2017, les annonces se multiplient, annonces dont les conséquences budgétaires seront pour la plupart à prendre en charge par vos successeurs.

Le plus bel exemple figure dans ce projet de loi de finances et coûtera 5 milliards d’euros à l’État et aux collectivités locales : il s’agit de la revalorisation des régimes indemnitaires des fonctionnaires, dont la montée en charge portera ses effets – ce doit être un hasard – en 2017, 2018 et 2019…

On annonce la décision, cela fait plaisir à une partie des électeurs, et on renvoie le financement à plus tard... C’est très commode. Bon courage à ceux qui prendront la suite et auront à en assumer les conséquences !

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