Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 19 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

… réforme soudaine de la dotation globale de fonctionnement – mise entre parenthèses pour combien de temps ? –, alors que, voilà deux ans, le Premier ministre annonçait devant le congrès de l’Association des maires de France le lancement d’une grande réforme de la fiscalité locale.

Comprenez que cela entame singulièrement la confiance des Français dans l’action publique ! Tant d’atermoiements alimentent le sentiment de défiance, au moment où nous avons plus que jamais besoin de restaurer le pacte de confiance, en nous appuyant sur une volonté d’agir au service du redressement.

La chambre haute a pour mission de représenter les collectivités territoriales, d’en défendre tant les intérêts que les capacités d’action, au bénéfice de tous les territoires de la République. Or je puis vous assurer, monsieur le ministre, que ces territoires sont en colère devant l’incohérence des récentes ou prochaines dispositions, tant législatives que réglementaires ou normatives.

On pourrait saluer l’attribution de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, traduisant la maturité de l’organisation décentralisée de notre République. Mais encore faudrait-il qu’elle soit accompagnée des moyens financiers adaptés et nécessaires.

Or, en 2016 comme en 2015, les collectivités devront fonctionner avec près de 4 milliards d’euros en moins par rapport à l’année précédente. Cette réduction des dotations s’inscrit dans le cadre d’une baisse globale de plus de 11 milliards d’euros d’ici à 2017. Il s’agit là d’une promesse que le Gouvernement tient, et sur laquelle, jusqu’à présent, il s’arc-boute.

Les mots employés ces derniers temps par le Gouvernement laissent d’ailleurs penser que les dotations aux collectivités seraient un cadeau généreusement accordé par l’État. C’est oublier le principe constitutionnel de neutralité budgétaire, selon lequel les transferts de compétences aux collectivités territoriales doivent s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes aux dépenses affectées. L’État va à l’encontre de ce qui aurait pu – dû – être fait pour les collectivités, en leur retirant les moyens, financiers notamment, d’exercer pleinement leurs compétences.

La réforme des rythmes scolaires, pour ne citer qu’elle, a eu une lourde incidence sur les finances des communes, qui ont dû supporter une dépense supplémentaire de 40 % en moyenne, sans compter l’alourdissement normatif, dont le coût, pour la seule année 2015, est évalué à plus de 700 millions d’euros.

Comme toutes les collectivités locales, les communes sont durement touchées. Cette situation nuit à un échelon territorial qui a encore démontré, lors des récents événements ayant ensanglanté notre pays, toute son importance et sa pertinence.

Un rapport de la Cour des comptes précise que l’investissement des communes a reculé de 14 % en 2015 et celui des départements de près de 5 %. La dégradation de l’épargne des collectivités est également préoccupante, et cela ne fait que débuter ! Nous commençons à mesurer les conséquences de cette situation tant pour l’économie que pour l’emploi.

Permettez-moi de prendre un exemple, celui de la ville que je représente, Nancy.

Alors qu’elle doit financer des charges supplémentaires imposées par la réforme des rythmes scolaires, la revalorisation des agents de catégorie C et les évolutions des grilles indiciaires, ma ville perdra, entre 2014 et 2017, près de 10 millions d’euros de recettes de fonctionnement, soit l’équivalent de 25 % du produit de l’impôt direct !

La réforme de la DGF risque d’aggraver encore un peu plus la situation. Je me félicite que la mobilisation de nombreux maires et parlementaires de tous bords politiques aux côtés du président Gérard Larcher ait permis d’obtenir un sursis, même si la menace demeure.

Pour en revenir au cas de Nancy, les simulations effectuées en vue de la réforme de la DGF révèlent que celle-ci représente, à elle seule, un effort équivalant à 11 % du produit fiscal de la ville. En ajoutant l’incidence de la baisse des dotations, l’effort cumulé pour la commune s’élève à 36 % de son produit fiscal.

Il est donc totalement déraisonnable de promouvoir une telle réforme, qui constitue, je me permets de le rappeler, un reniement de l’engagement 54 du Président de la République, aux termes duquel « un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ».

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