Séance en hémicycle du 19 novembre 2015 à 14h30

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.

Photo de Claude Bérit-Débat

La séance est reprise.

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, faisant référence aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, avait dit que le monde était entré dans le XXIe siècle « par des portes de feu ».

Cette phrase résonne particulièrement aujourd’hui et nous trouble, alors que notre assemblée commence l’examen du projet de budget pour 2016, dans le contexte toujours dramatique des attentats d’une gravité sans précédent survenus vendredi dernier.

Nous savons déjà que ces événements tragiques auront des conséquences budgétaires non négligeables. Les nouvelles dépenses exceptionnelles annoncées par le Gouvernement pour faire face à la crise sécuritaire représenteraient, selon les premières estimations, un coût compris entre 500 millions et un milliard d’euros.

Ces mesures nouvelles seront, selon toute vraisemblance, examinées durant la discussion du projet de loi de finances au Sénat. En tout cas, elles ont d’ores et déjà rendu caduc l’équilibre général du budget voté mardi à l’Assemblée nationale.

Ces dépenses supplémentaires sont évidemment compréhensibles. La création de 8 500 emplois pour les forces de l’ordre et la justice, l’annulation de 9 200 suppressions de postes de militaires et le renforcement des moyens en matériel sont autant de mesures impératives. Critiquer l’impact négatif sur les finances publiques serait tout simplement incompréhensible pour la population.

Pourtant, à côté de la menace terroriste et des risques géopolitiques, les incertitudes économiques ne manquent pas. Le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1, 5 % l’an prochain, contre 1, 1 % probablement en 2015. C’est une prévision prudente, selon l’avis même d’observateurs peu susceptibles de complaisance, comme l’OCDE ou le FMI.

Mais les incertitudes nationales, européennes et mondiales sont telles qu’au fond il semble difficile d’établir des prévisions fiables. C’est pourquoi nous mesurons toute la difficulté de la tâche qui incombe au ministre des finances et au secrétaire d’État chargé du budget.

La Commission européenne, en temps normal si soucieuse du respect des engagements budgétaires des États membres, a montré avant-hier qu’elle pouvait adopter « une approche intelligente et humaine des traités européens », selon les mots du commissaire aux affaires économiques et monétaires et ancien ministre des finances, Pierre Moscovici.

Dans ce contexte, notre groupe continue d’approuver dans sa globalité la politique économique menée par l’exécutif. Nous considérons que la trajectoire de redressement des finances publiques définie l’an dernier dans la loi de programmation pour 2014-2017, confirmée lors de la présentation du programme de stabilité en avril de cette année, reste la bonne. Les efforts d’économie sont sérieux et réels.

Plus particulièrement en ce qui concerne la partie « recettes », nous saluons les mesures en faveur des TPE et des PME, ainsi que les mesures de simplification, comme la suppression de taxes à faible rendement.

Pour autant, nous estimons le texte encore perfectible. Il pourrait davantage prendre en compte les préoccupations des territoires, en particulier les territoires ruraux. Nous proposerons ainsi, dans la première partie du projet de loi de finances, de nombreux amendements qui, nous l’espérons, recueilleront l’intérêt de notre assemblée et du Gouvernement.

En dignes héritiers de Joseph Caillaux, nous tenons tout d’abord à réaffirmer notre attachement à un impôt sur le revenu acquitté par le plus grand nombre, chacun selon ses moyens. Il s’agit en effet d’un impôt citoyen. En cela, nous sommes fidèles à l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Dans le même esprit, nous défendrons d’autres mesures qui nous semblent aller dans le sens d’une plus grande responsabilisation : défiscalisation des heures supplémentaires, relèvement du plafonnement du quotient familial, rétablissement de la demi-part supplémentaire des personnes veuves à revenu faible ou moyen.

Nous proposerons également un certain nombre de mesures propres à favoriser l’activité des entreprises, car il faut encourager le début de reprise économique en accroissant la confiance et en dégageant des marges de manœuvre pour permettre aux entreprises d’investir.

Nous proposerons aussi des dispositions dans le domaine du logement pour lutter contre l’habitat indigne, véritable fléau, et pour encourager la construction de logements, alors que l’objectif de construction de 500 000 logements neufs par an est difficile à atteindre.

Nous souhaitons améliorer le traitement fiscal des associations à but non lucratif dans le secteur de la santé et dans celui des services à la personne, car elles remplissent de véritables missions de service public et constituent un pilier du lien social dans nos territoires.

Les députés ont déjà adopté plusieurs mesures dans le domaine de la fiscalité écologique. Nous poursuivrons ce mouvement en faveur du développement des énergies renouvelables, mais en restant également soucieux de l’intérêt des usagers. Comme l’a dit Mme la ministre du développement durable, l’écologie doit être incitative et non punitive.

Certaines mesures auront des conséquences importantes sur les collectivités locales. La poursuite de la baisse drastique de la dotation globale de fonctionnement à hauteur de 3, 7 milliards d’euros, soit près de 10 % du montant total, risque de mettre l’an prochain certaines collectivités dans une situation financière délicate. Même si nous admettons la nécessité, pour les collectivités, de participer au redressement des finances publiques, nous déplorons les conséquences néfastes sur l’investissement public, assuré à 70 % par ces collectivités. Nous proposons d’étaler la baisse sur quatre ans, au lieu de trois, afin d’amortir la dureté du choc et de permettre aux collectivités de mieux s’adapter.

De même, nous proposerons des amendements d’équité et d’efficacité concernant le Fonds de compensation pour la TVA, la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères et diverses autres mesures relatives à la TVA.

Comme chaque année, nous sommes attentifs à préserver et à favoriser le tissu d’entreprises locales, qui sont vitales pour l’activité économique dans les territoires ruraux ou faiblement urbanisés. Nous soutenons la montée en débit internet et de la couverture mobile sur ces mêmes territoires. Soucieux de l’équité et des deniers publics, nous proposerons de nouveau la suppression de niches fiscales.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, la quasi-totalité des membres du RDSE s’accordent sur l’économie générale de ce projet de loi, même s’ils proposent de l’améliorer en usant de leur droit d’amendement.

Nous le savons, mes chers collègues, le texte qui résultera de nos travaux sera remanié. Tâchons par conséquent de faire en sorte que l’apport du Sénat soit significatif et constructif. Il reviendra ensuite à chacun d’entre nous de se prononcer selon ses convictions et en toute responsabilité.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, vous nous avez présenté ce matin le dernier projet de loi de finances de la mandature du Président de la République. En effet, on peut considérer, comme l’ont souligné certains avant moi, que le prochain budget engagera, de toute manière, une autre équipe gouvernementale, même si le choix des Français dans le futur devait s’inscrire dans la continuité.

M. le ministre des finances et des comptes publics s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Ce dernier budget de la mandature nous offre donc l’occasion de dresser un bilan.

Un certain nombre d’intervenants ont exprimé leurs déceptions face à un budget qui n’apporte aucune réponse aux questions clés que se posent les Français. Notre économie a pourtant besoin de ces réponses pour essayer de retrouver le chemin de la croissance, du pouvoir d’achat et de la diminution du chômage.

Vous avez exprimé votre satisfaction, monsieur le ministre, mais en réalité ce budget traduit un triple échec.

En premier lieu, ce budget est celui des engagements non respectés, et Vincent Delahaye et Philippe Dallier les ont rappelés. Le Président de la République avait pris l’engagement que le budget serait maîtrisé dès 2013, puis votre prédécesseur, Pierre Moscovici, avait annoncé que cet engagement serait respecté avec un léger retard. Lorsque vous avez pris vos fonctions, vous vous êtes engagé à vous inscrire dans la continuité de vos prédécesseurs, et vous n’y êtes pas parvenu. Cet engagement sera tenu par d’autres au Gouvernement.

En deuxième lieu, il faut faire le constat de votre échec s’agissant des réformes de structure. Certains avaient reproché à la droite de ne pas avoir fait de telles réformes, mais le « premier » Premier ministre de cette mandature avait prétendument engagé la réforme et le Président de la République lui-même avait évoqué dans le passé la fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG. Pourtant, aucune réforme fiscale structurelle n’est intervenue.

Vous évoquez votre satisfaction, mais, lorsqu’on fait le bilan, on se rappelle des « pigeons » et des « bonnets rouges ». Cette année, presque toutes les professions en prise directe avec l’économie ont protesté – je pense notamment aux médecins et aux avocats. J’évoquerai le cas des policiers plus tard. Et je ne mentionne pas les retraités, qui ont subi les dysfonctionnements de Bercy. Bref, tous ceux qui font le lien entre les Français et l’économie ont eu l’occasion d’exprimer leur profond mécontentement à la suite des réformes engagées.

Sur la dette, beaucoup de choses pourraient être dites, notamment qu’elle n’a pas été contenue. Mais, au moment où l’on nous parle de l’importance de la sécurité, il faut prendre conscience d’une réalité : la France est en train de devenir dépendante financièrement de créanciers dont on sait que ce sont des pays riches, qui ont des moyens d’intervention au Moyen-Orient. Or la dette pose aussi une question de sécurité et de sécurité nationale. Nous ne pouvons accepter de dépendre de n’importe quel créancier.

Depuis les tragiques événements de vendredi dernier, nous découvrons, avec les massacres, que la sécurité est une priorité. Ce même vendredi, durant la séance de l’après-midi à l’Assemblée nationale, votre gouvernement traitait cette question en proposant un amendement de rabot de 20 millions d’euros…

Dans le projet de budget pour 2016 que vous avez présenté et qui, M. le rapporteur général le disait, a évidemment été modifié, la mission « Sécurités » croissait de 0, 9 %, alors que vous proposez une augmentation de 4 % des crédits de la mission « Culture ». Telle est la réalité de votre perception de la sécurité.

Si vous aviez eu des marges de manœuvre, les événements exceptionnels auraient peut-être trouvé là une réponse adaptée. Mais, chose rare, vous êtes contraints par ce drame à modifier totalement la structure du budget et de sa discussion. Par conséquent, nous sommes dans l’impossibilité la plus complète de connaître les propositions que formulera le Gouvernement dans quelques jours, dans ce qui me semble relever d’un excès de précipitation.

Pourtant, pour les forces de sécurité, l’année 2015 a été marquée par deux crises d’exception : la crise migratoire et, dès le début du mois de janvier, le terrorisme. Vous aviez donc dix mois pour réagir, mais vous n’avez proposé une augmentation que de 0, 9 %. Ainsi, la hausse des effectifs dans votre budget ne correspond même pas à ceux que vous avez dû déployer à Calais pour résoudre la crise migratoire depuis cet été.

M. Jacques Chiron proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Telle est la réalité du budget que vous vous apprêtiez à présenter devant la représentation nationale et qui, manifestement, vous satisfaisait ! Vous parlez de sécurité, mais, en réalité, le Président de la République n’a fait que répondre à des demandes faites tout au long de l’année 2015 par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, par la voix notamment de son rapporteur spécial pour la défense, M. Dominique de Legge : nous exigions que le minimum pour que nos armées puissent fonctionner, pour qu’un certain nombre d’engagements soient tenus et pour sécuriser des budgets par trop contraints.

Et aujourd’hui il faudrait tout arrêter au nom de la sécurité et d’une menace que vous n’avez pas anticipée, ce qui vous oblige à redéployer les moyens ? Pour autant, il y a peu encore, lorsque nous le demandions, vous nous expliquiez que le groupe Les Républicains ne pouvait pas créer à la va-vite des postes de formation au-delà de ce qui était possible ; le Gouvernement nous a encore fait cette réponse il y a à peine quinze jours !

Vous assénez par ailleurs le dogme des effectifs, que vous affirmez vouloir augmenter. Effectivement, vous le faites dans le domaine de la sécurité, avec 1 632 postes ; mais, dans l’enseignement, vous les augmentez de 11 851 postes, soit presque 15 % de l’effort en effectifs. Voilà la manière dont vous abordez le problème de la sécurité ! Depuis que vous êtes aux affaires, l’augmentation des effectifs dans le domaine de la sécurité a représenté 3 422 postes sur 244 000 ! Voilà la réalité !

Cela étant, compte tenu de la crise que nous traversons, vous avez raison d’augmenter les effectifs. Je souhaite pour ma part que ce gouvernement réponde à la crise sécuritaire, même dix mois trop tard – mieux vaut tard que jamais –, avec autant d’efficacité et de vivacité que celles qui ont été déployées par les gouvernements de M. Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour répondre, par des mesures d’ordre économique, à la crise financière.

En effet, à crise financière, mesures d’ordre économique ; à crise sécuritaire, mesures sécuritaires ; et tant mieux s’il y a des effectifs supplémentaires !

Néanmoins, il ne faudrait pas que ce soient des augmentations d’effectifs « à votre manière », c’est-à-dire qui se traduisent par une détérioration du ratio des moyens de fonctionnement par rapport à l’investissement, ratio qui est passé de 84 % à 87 %. Vous augmentez donc les effectifs au détriment des moyens ; or, cela, nous ne le voulons pas !

Si, dans quelques jours, vous nous proposez des amendements pour renforcer la sécurité des Français, ce que nous souhaitons, il faudra alors aussi prévoir des moyens supplémentaires. La politique de votre gouvernement depuis trois ans n’a consisté qu’en de l’affichage sur les effectifs – 3 400 postes en trois ans pour plus de 247 000 agents chargés de la sécurité, au titre de la gendarmerie et de la police, vous reconnaîtrez que c’est peu…

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Or, à budget comparable, il y avait, en 2009, autant de fonctionnaires de sécurité, à 130 postes près, que dans votre prévision pour 2016. La différence, c’est que, à l’époque, il y avait 336 millions d’euros de crédits d’équipement et de fonctionnement en plus ! En contraignant ce budget à 0, 9 % en 2016, vous n’avez pas affecté cette somme aux agents qui doivent représenter la force et l’autorité de l’État et assurer la sécurité de nos concitoyens.

Voilà la triste réalité de l’orientation que vous êtes obligés de prendre : en matière de sécurité, vous en venez enfin à des propositions que nous n’avons cessé de formuler, par la voix notamment du rapporteur spécial pour la défense, ainsi que sur le budget de la sécurité intérieure.

Enfin, dire que « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » n’est pas une formule très heureuse. En effet, pour l’instant, avec vous, les Français, n’ont ni stabilité économique ou fiscale ni sécurité !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

Applaudissements sur quelques travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. « Applaudissements nourris » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est avec une certaine gravité que nous abordons ce débat budgétaire, ainsi que, bien sûr, les questionnements sur les réformes structurelles et l’adaptation du pays à différents enjeux. Nous avons bien évidemment à l’esprit, depuis vendredi dernier, un enjeu particulier, celui des moyens à apporter à la lutte contre le terrorisme et de leur compatibilité avec la règle des 3 % de déficit.

Sur ce point, le président de la République a apporté une réponse ; vous me direz peut-être qu’elle ne se résume pas à la formule employée, selon laquelle « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité », qui peut s’entendre si elle est temporaire, car la lutte contre le terrorisme doit évidemment primer, mais qui ne saurait faire office de réponse structurelle.

En réalité, nous sommes confrontés à un vrai défi : donner la priorité au régalien, parce que c’est l’urgence, et donc faire des choix pour réduire les autres postes de dépenses. Nous devons le faire dans l’urgence, alors que cette orientation aurait pu, aurait dû être prise plus tôt.

En disant cela, je pose un constat qui ne se veut en rien polémique. Toutefois, faute d’avoir collectivement anticipé cette mutation, en tout cas faute de l’avoir suffisamment anticipée, le pays devra la faire à grands pas. Même si, conjoncturellement, ponctuellement, nous pouvons privilégier la dépense en matière de lutte contre le terrorisme, nous ne devons pas faire de cette obligation de court terme une facilité et nous exonérer du retour à l’équilibre des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Bien au contraire, nous devons plus que jamais accomplir la mutation vers un État qui donne la priorité au régalien.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous avez parfois caricaturé l’opposition – c’est le jeu – en disant qu’elle souhaite diminuer les dépenses autres que régaliennes ; mais c’est, me semble-t-il, la nécessité même.

Prenons garde de tomber dans une facilité budgétaire de court terme qui nous préparerait des réveils douloureux. Je le dis d’autant plus que votre proposition de budget souffre précisément de ne pas avoir assez établi de choix et de hiérarchies dans les priorités. Il est toutefois encore temps de la modifier et nous verrons si le débat au Sénat le permet.

Ce budget consiste en effet en une somme de contraintes. Si j’osais, je dirais qu’il s’agit d’une performance géométrique : votre budget est à la fois carré pour Bruxelles, rond et doux pour les frondeurs, mais plat pour la lutte contre les déficits et les réformes de fond.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

On pouvait discuter vos hypothèses de croissance, dans les deux sens : pas assez optimistes pour certains, trop pour d’autres, notamment au regard des risques que présentent certains pays, comme la Chine. Maintenant, on doit s’interroger sur l’impact du terrorisme et des moyens à dégager pour le combattre.

Autant dire que ce budget, précédemment sans surprise, monsieur le ministre des finances, devient par la force des choses un budget comportant des risques ; mais vous n’y pouvez rien, car ce sont ceux que nous imposent malheureusement les terroristes.

Ainsi, nous pouvons nous interroger sur un certain nombre de facilités ; c’est bien sûr là le rôle de l’opposition. Il y a dans ce budget des aspects négatifs ; mais, je vous rassure, je dirai évidemment un mot de quelques points positifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Les dépenses publiques continuent de progresser, avec une augmentation de 14 milliards d’euros l’année prochaine, si elles sont tenues et si les hypothèses de croissance et d’inflation se réalisent. Or nous détenons déjà, avec 57 %, le record du pourcentage des dépenses publiques rapportées au PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

En outre, le nombre de fonctionnaires repart à la hausse, même si l’on isole l’effort en matière de lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, la créativité fiscale ne s’arrête pas – c’est le lot de tous les gouvernements, me direz-vous. Ainsi, si vous affichez des baisses d’impôt sur le revenu, vous créez ou augmentez concomitamment un certain nombre de taxes – moins que dans le passé, mais tout de même.

Nous vous faisons le reproche de concentrer l’impôt sur les classes moyennes. Quels que soient les efforts de présentation – je vous ai bien entendu ce matin, monsieur le ministre des finances –, la réalité concrète, vécue, est celle-là. Je vous invite à quitter vos statistiques – il est vrai que Bercy en fait de très belles – pour considérer l’écart constaté par les classes moyennes sur leurs feuilles d’imposition ; interrogez les familles et vous sortirez sans doute de cette forme de « bulle de langage ».

Enfin, avec les élus locaux, nous vous reprochons d’organiser un transfert de fiscalité vers les collectivités territoriales. Je pense que vous ne mesurez pas assez l’effet « défoliant » que la baisse des dotations aura sur les territoires et sur l’économie.

Néanmoins, parmi les mesures positives de ce budget, notons la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et celle du pacte de responsabilité ; vous avez pris conscience de l’importance des entreprises : la conversion est tardive, mais bénéfique.

Est également positive la prise en compte de la révision de la loi de programmation militaire, que nous avions demandée.

Enfin, soulignons votre demi-effort de maîtrise des charges budgétaires, effort toutefois insuffisant et résultant de contraintes contradictoires qui ne font pas un cap. Vous n’avez pas assez choisi d’aller vers un modèle d’État recentré sur ses fonctions régaliennes, alors que le pays devra, me semble-t-il, y venir.

Cette réalité des demi-choix budgétaires apparaît clairement quand on se compare à nos équivalents européens : nous sommes à la traîne de l’Europe. Nous étions moyens partout et bons sur quelques indicateurs, mais nous sommes maintenant en queue de peloton pour l’ensemble des indicateurs.

Ainsi, en matière de déficit, nous serons, avec la Belgique, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, les seuls à ne pas être l’année prochaine « dans les clous » du Pacte de stabilité et de croissance. Notre dette publique frôle le seuil de 100 % du PIB, alors que la moyenne en zone euro baisse ; notre croissance est en berne, tandis que nos partenaires font mieux que nous ; nos taux de prélèvements obligatoires demeurent élevés ; nous détenons le record du taux de dépenses publiques rapportées au PIB et notre taux de chômage dépasse malheureusement les 10 %.

Votre budget est donc contraint parce que nous avons une croissance décidément trop molle, contrairement à nombre de nos voisins européens, qui ont retrouvé des taux de croissance plus enviables.

Face à ce déclassement de notre économie, quelles réformes proposer ? C’est la question centrale. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réforme du temps de travail, notamment dans la fonction publique, pour gagner en productivité. C’est la façon de sortir de l’étau où nous nous trouvons.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

On pourrait aussi évoquer la réduction des charges à travers l’instauration de la TVA sociale ou de la TVA compétitivité. Vous avez choisi, avec le CICE, une voie que nous trouvons moins productive et moins efficace, mais convenons ensemble que, au moins, la stabilité en l’occurrence n’est pas la pire des solutions.

Comme nous l’avons dit, ce budget nous semble marqué par trop de « non-choix », mais il n’est pas le pire du quinquennat. Il est aussi marqué par le remords, tardif et partiel, en matière de fiscalité, par une certaine continuité, positive, mais insuffisante, de la politique de l’offre et par la continuité, négative, en matière de dépenses – trop peu de réductions. Il ne s’inscrit donc pas dans l’adaptation de l’État aux contraintes de l’économie d’aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC a soutenu les propositions que notre rapporteur général a brillamment détaillées – je l’en remercie, d’ailleurs – et il sera actif pour proposer, avec la majorité sénatoriale, des corrections donnant au Gouvernement l’occasion de modifier son budget.

L’heure est grave et nous pouvons parfois savoir faire des bouts de chemin ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

La contrainte que représente l’obligation de retour à un État régalien devrait inspirer davantage la politique du Gouvernement. Souhaitons donc que les propositions du Sénat à ce sujet soient entendues.

Monsieur le président, je conclus en souhaitant laisser le solde de mon temps de parole à mon collègue Michel Canevet, qui sinon en manquerait.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la première partie de ce projet de loi de finances s’inscrit très largement dans la continuité de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, que, d'ailleurs, nous n’avions pas soutenue, au moment de son examen, à l’inverse des groupes de la majorité sénatoriale.

Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit mon collègue Éric Bocquet. Je m’attarderai, pour ce qui me concerne, sur la situation des collectivités locales.

L’article 10 du PLF prévoit une nouvelle réduction, de 3, 7 milliards d’euros, de la dotation globale de fonctionnement, principal concours de l’État aux collectivités territoriales. Cette réduction interroge sérieusement le sens que l’on tend à donner aujourd’hui au pacte républicain issu des lois de décentralisation.

En effet, la ponction réalisée par l’article 10, sorte de tribut payé par les collectivités locales à la réduction des déficits publics, qu’elles ont pourtant contribué à contenir dans des limites raisonnables, ramène le total de la dotation sous le montant notifié en 2004. Autrement dit, dans les faits, à compter du 1er janvier 2016, les collectivités territoriales ne toucheront même plus, au titre de la DGF, ce qu’elles percevaient comme compensation du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

À la fin des années soixante-dix, la DGF a remplacé un « versement représentatif de la taxe sur les salaires », dans un contexte de généralisation de la taxe sur la valeur ajoutée. À l’origine, elle représentait une partie des recettes de TVA que percevait l’État. Il y avait donc un partage des ressources nationales entre l’État et les collectivités. On en est loin aujourd'hui !

Dans d’autres pays fortement décentralisés, comme la Belgique, l’Espagne ou la République fédérale allemande, c’est ce partage des ressources fiscales qui est à la base du « financement » de la décentralisation. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous qui cherchez souvent à savoir comment les choses se passent chez nos voisins, voilà un exemple qui peut vous intéresser !

Cela dit, je souhaite tout de même revenir sur ce qui constitue le problème principal de la contribution des collectivités territoriales, c’est-à-dire le caractère forcé de leur participation. En réalité, les collectivités doivent verser une rançon aux marchés financiers pour prix de la réduction des déficits et de la dette publique, avec pour conséquence essentielle la réduction de la dépense publique.

Que d’inepties peuvent être dites sur ce sujet, complaisamment relayées par tous ceux qui n’aiment la dépense publique que lorsqu’elle est fiscale et bénéficie aux plus grands groupes à vocation transnationale et aux ménages les plus aisés, grands consommateurs de niches fiscales et d’incitations diverses…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La dette publique recouvre des réalités fort différentes.

Celle des collectivités locales, notons-le, est exclusivement consacrée à des dépenses d’équipement public. Les villes, les départements, les régions n’ont généralement pas de quoi payer rubis sur l’ongle la nouvelle piscine, le collège ou le centre culturel. Il ne serait pas logique que de tels équipements, dont la durée de vie se compte en dizaines d’années, soient financés sur un ou deux exercices budgétaires, par prélèvement sur les recettes de fonctionnement.

Le poids du recours à l’emprunt pèse sur les collectivités comme sur les ménages qui réalisent un achat important.

Il faut bien dire la vérité aux Françaises et aux Français : même durant les trente glorieuses, même sous la direction du général de Gaulle, la France émettait des titres de dette publique. À l’époque, l’inflation, cette hantise permanente des rentiers et des financiers, venait corriger une bonne part de cet endettement.

C’est aussi de cette manière que la France a pu se doter d’un réseau électrique de haut niveau, répondre au défi de la couverture du territoire par le téléphone automatique, sans parler du TGV, d’Airbus ou encore de Concorde. C’est ainsi que nous avons réalisé nos autoroutes, construit une bonne part de notre parc de logements locatifs sociaux ou encore nombre d’équipements sportifs et culturels.

Un endettement public n’est pas malsain quand il offre aux jeunes des lieux d’enseignement, de formation, de pratique sportive ou culturelle, quand il permet à la vie économique et sociale de se développer dans toute sa diversité, quand il donne aux entreprises les moyens modernes de communication. Cet investissement public, c’est un patrimoine que nous léguerons à nos enfants, mais c’est aussi un investissement dans la vie économique, porteuse d’emplois, de participation au maintien des entreprises et, par voie de conséquence, de ressources fiscales pour le budget de l’État.

Le débat sur la dette, mais surtout sur le coût de cette dette occulte souvent le fait que son poids repose sur les plus modestes.

Cependant, la période récente est marquée par l’insigne faiblesse des taux d’intérêt, réalité généralement négligée par tous ceux qui nous appellent au sacrifice.

La France dispose aujourd’hui d’une position favorable sur les marchés financiers. Les taux d’intérêt grevant nos émissions de maturité inférieure à trois ans sont négatifs. Le taux moyen de la dette publique française à dix ans se situe autour de 1 %. L’État va d’ailleurs encore émettre, cette année, 200 milliards d’euros de titres de dette publique et, comme la signature de la France est de qualité, 120 milliards d’euros seront mobilisés pour amortir la dette existante.

Mes chers collègues, ne confondons pas le début du cycle des déficits publics, en 1973-1974, et la dette publique, dont les titres les plus anciens encore en circulation doivent dater du début de ce siècle. N’oublions pas que circulent d'ores et déjà, sur les marchés financiers, des titres de dette publique qui seront amortis en 2055 ou en 2060…

Cessons donc d’agiter l’épouvantail de la dette pour justifier des politiques économiques et budgétaires que l’Europe impose aux pays de la zone euro. Le peuple grec, derrière Alexis Tsipras et sa coalition Syriza, et les électeurs portugais, en renvoyant à ses chères études le gouvernement qu’ils viennent de remercier, ont montré à quel point ils n’en voulaient plus.

Poursuivre cette politique d’austérité, c’est programmer une forme de suicide politique pour les forces de progrès social, pour tous ceux qui placent les individus avant les machines et les capitaux dans l’ordre des priorités de la société humaine.

La situation actuelle nous interroge tous – du moins, je l’espère – sur la forte implication qui doit être la nôtre afin d’éviter que des jeunes perdent toute perspective d’avenir et sombrent dans la désespérance au point de se laisser facilement embrigader par le discours de Daech.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cessons de réduire les capacités de nos collectivités ! Donnez-leur les capacités d’agir, pour que les services publics qu’elles organisent et les moyens qu’elles investissent dans l’éducation, la culture, le sport ou la vie associative permettent d’offrir à nos jeunes l’enrichissement nécessaire à leur développement, les armant mieux pour construire leur avenir.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances intervient dans un contexte de reprise économique – je m’excuse auprès de mes collègues et amis siégeant sur les travées de droite de notre hémicycle de ne pas abonder dans leur sens !

Pour les convaincre de la réalité de la reprise, je m’appuierai sur quelques chiffres – je n’en ferai pas trop, pour ne pas les irriter…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ainsi, la croissance a gagné 0, 3 % au troisième trimestre. L’accroissement de la consommation des ménages s’est poursuivi, avec une augmentation de 0, 3 % au troisième trimestre et de 1, 3 % sur l’année. L’investissement des entreprises a connu une hausse de 2 % sur un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le climat des affaires s’améliore chaque jour. Le taux de marge des entreprises se redresse. Et cætera, et cætera !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. En effet, mon cher collègue, mais je ne voudrais pas lasser mon auditoire !

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces indicateurs confirment le raffermissement de la croissance.

Bien évidemment, l’activité économique est stimulée par ce que l’on appelle « l’alignement des étoiles », à savoir la parité entre l’euro et le dollar, la faiblesse des taux d’intérêt et le prix du baril de pétrole.

Toutefois, ces éléments n’expliquent pas tout.

Le redressement de notre économie est aussi le fruit de la politique budgétaire conduite par le Gouvernement. Cette politique présente l’avantage de réduire les déficits – je vais tâcher de le démontrer à M. Delahaye, qui ne l’a pas perçu à la lecture du PLF

M. Vincent Delahaye sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les mesures mises en œuvre depuis trois ans commencent à produire leurs effets.

Monsieur Delahaye, la fiscalité des ménages a décru de 5 milliards d’euros ! Sur ce sujet, j’ai l’impression que nous n’avons pas lu le même document.

M. Vincent Delahaye sourit de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Quant aux entreprises, elles ont bénéficié de 19 milliards d’euros d’allégements de charges.

Vous ne l’avez peut-être pas lu dans les documents budgétaires, mais c’est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces résultats encourageants de l’année 2015 rendent réaliste et crédible l’hypothèse de croissance de 1, 5 % sur laquelle repose le présent projet de loi.

Cette hypothèse est peut-être un peu pessimiste, mais il vaut mieux se réserver de bonnes surprises plutôt que de risquer des déceptions ! Au reste, elle correspond à celle du consensus des économistes. Elle est légèrement supérieure à celle de la Commission européenne. Cependant, le Haut Conseil des finances publiques, que nous avons mis en place ensemble, l’a jugée « atteignable » – ce qui correspond, de sa part, à des félicitations.

Nous devrons être attentifs aux conséquences sur la croissance des événements dramatiques de vendredi dernier. Il est difficile d’établir un pronostic à ce stade, car l’on sait que, sur le plan économique, les attentats peuvent jouer dans les deux sens – on l’a vu après les attentats de Londres ou de Madrid.

Au reste, nous aurons à examiner les amendements du Gouvernement qui traduisent les mesures annoncées par le Président de la République, lundi dernier

Je relève toutefois deux incertitudes – voyez, chers collègues, que ma béatitude a des limites !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La première porte sur la faiblesse de l’inflation.

Le présent projet de loi de finances est construit sur une prévision d’inflation de 1 %, ce qui est assez modeste.

J’appartiens à une génération où l’inflation était un fléau que l’on devait combattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Aujourd'hui, c’est tout le contraire : il faut s’efforcer de porter l’inflation à 2 %... Disons que l’inflation fait partie de ces nouveaux veaux d’or que nous devons adorer ! Cependant, dans la réalité, nous sommes loin de ces taux : l’inflation s’élève à 0, 01 %.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il me semble donc assez légitime que nous nous interrogions sur le caractère réaliste de la prévision qui sous-tend le budget, même si je sais bien que cela ne dépend pas de vous, mais, pour l’essentiel, de la politique monétaire et donc de la Banque centrale européenne.

Ma seconde incertitude porte sur la croissance mondiale, particulièrement sur le ralentissement de la croissance en Chine, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… même si l’économie française y est probablement moins sensible, dans la mesure où le principal moteur de notre croissance est la consommation des ménages, contrairement à la croissance allemande, qui est portée par les exportations.

Monsieur le ministre, vous avez eu raison de parler de « budget de continuité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vous continuez une politique de sérieux budgétaire.

Tout à l'heure, M. Dallier a regretté le temps perdu.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il a même élevé le niveau du débat budgétaire en citant À la recherche du temps perdu.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Je tiens à lui rappeler que le dernier tome de La Recherche s’intitule Le temps retrouvé. En l’occurrence, c’est la croissance que nous allons retrouver !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur Delahaye, le déficit public poursuit sa décrue à un rythme plus rapide que celui qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques. En effet, les prévisions pour cette année et pour l’année prochaine sont en avance de 0, 3 point par rapport à la trajectoire de solde effectif qui avait été définie.

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le Gouvernement s’est fixé comme objectif de ramener le déficit public à 3, 3 % du PIB en 2016, contre 3, 8 % attendus en 2015. On peut donc penser que nous allons retrouver le niveau de déficit d’avant la crise de 2008.

Nous aborderons les mesures consécutives aux attentats du vendredi 13 novembre au moment où nous examinerons les amendements que le Gouvernement aura déposés pour les traduire. On évoque un coût de l’ordre de 600 millions d’euros. Si cette somme est importante, elle doit être mise en regard des 72 milliards d’euros de déficit.

Au reste, le Premier ministre a affirmé clairement que ces mesures ne seraient pas financées par la réduction des dotations allouées aux autres ministères.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous parlons de 0, 01 %, monsieur le rapporteur général !

En matière de déficit, nous serons très intéressés de découvrir tous les amendements que vous déposerez. Nous en avons déjà un peu parlé. J’ai lu avec intérêt les propositions de M. Mariton, à l’Assemblée nationale, qui vise une réduction du déficit de 100 milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je ne citerai qu’un extrait d’une de ces interventions, je n’aurai pas la cruauté d’en lire plus : « Quant aux collectivités locales, elles pourraient – l’évaluation est modeste et sans doute devrait-on aller plus loin – économiser une dizaine de milliards d’euros. »

Il propose aussi que ce soit la Direction générale des finances publiques, la DGFIP, qui recouvre les cotisations sociales, ce qui permettrait une économie supplémentaire de 20 milliards !

Tout cela n’est pas bien sérieux…

Nous avons vu 5 milliards d’euros de recettes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… nous attendons les 95 milliards d’euros qui restent à trouver. Il s’agit d’un bon exercice.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Le président me rappelle à l’ordre, je m’arrêterai donc là.

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. J’ajouterai tout de même que les hypothèses nous paraissent raisonnables.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. Nous sommes à la recherche du temps maîtrisé, mon cher collègue !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce budget est insincère

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

… et, pour l’essentiel, il prolonge les orientations des trois dernières années qui ont produit les excellents résultats que vous approuvez, chers collègues, mais que les Français déplorent.

Il est insincère, car les prévisions économiques sont surestimées.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Il suffit de savoir lire entre les lignes : quand le Haut Conseil des finances publiques estime que « l’hypothèse d’une croissance de 1, 5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de “ prudente ” », cela signifie manifestement que cette prévision est à peine sérieuse.

M. le secrétaire d’État chargé du budget proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

L’environnement économique mondial est également plus qu’incertain, ce qui risque d’avoir une incidence sur certaines recettes, notamment la TVA et l’impôt sur les sociétés. Par contre, la dépense publique, elle, est sûre et certaine ; elle est même grevée de nouvelles dépenses, certaines liées à l’actualité – nous les soutenons –, mais beaucoup d’autres à portée totalement électoraliste.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Après une belle éclaircie, la parité entre l’euro et le dollar demeure fragile. Les taux d’intérêt risquent de remonter, car la Réserve fédérale américaine a annoncé un relèvement de ses taux, sans en préciser la date d’effet. Or, dès lors que les taux remonteront aux États-Unis, l’effet se généralisera et le coût de notre endettement, encore aggravé par ce budget – comment prétendre qu’un déficit de 75 milliards d’euros est pratiquement neutre ? –, deviendra vite insupportable.

Vous prévoyez aussi une inflation à 1 %, alors qu’elle atteint aujourd’hui à peine à 0, 1 %. Comment cela serait-il possible ?

Nous relevons une faible, très faible réactivité de notre économie. Si l’Europe, à travers le quantitative easing, injecte 60 milliards d’euros par mois dans le système bancaire européen pour relancer l’économie, la France n’en ressent aucun effet tangible.

Cependant, l’optimisme est de mise : la croissance revient, paraît-il. Mais la réalité nous rattrape lorsque l’INSEE annonce, le 14 août dernier, une croissance nulle au deuxième trimestre. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas grave ! Selon M. Sapin, « une croissance nulle conforte nos objectifs ». J’aurais aimé qu’il nous explique aujourd’hui comment !

Les mauvais chiffres sont donc positifs ! La croissance n’est pas là, mais elle est là, cachée sous le discours ministériel, bien au chaud…

L’inversion de la courbe du chômage « amorcée » après les dernières publications ne peut faire oublier votre bilan : 600 000 chômeurs supplémentaires depuis trois ans, sans compter le coût budgétaire des emplois aidés pour masquer le désastre, car il s’agit d’un véritable désastre !

À chaque nouvelle économique défavorable, la communication du Gouvernement est simple : tout va bien, tout va mieux, et les médias sont requis pour les couplets et le refrain.

Si notre pays parvient en fin d’année à atteindre 1 % de croissance, cela n’aura rien d’exceptionnel. Ce n’est pas avec ce chiffre que nous créerons de l’emploi, et nous continuerons simplement à financer notre modèle social par la dette, ce qu’illustre l’exemple des 24 milliards d’euros transférés dans la plus grande discrétion à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, autrement dit, financés par l’emprunt.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

C’est n’importe quoi ! Je vous l’ai déjà expliqué quatre fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La réduction de l’impôt dont vous vous vantez dans tous les médias n’est en fait qu’une annonce trompeuse à l’approche des échéances électorales.

Après trois ans de hausse massive de taxes et impôts, nous voici dans une nouvelle ère, celle de la redistribution. Ainsi, vous annoncez une baisse de 2 milliards d’euros d’impôts pour 12 millions de foyers. Cela demeurera bien modeste et n’aura aucun effet ou presque sur la croissance.

Et même en prenant en compte cette diminution de 2 milliards d’euros, le produit de l’impôt sur le revenu passera, selon vos prévisions, de 69, 6 milliards d’euros en 2015 à 72, 3 milliards en 2016, soit une hausse de 4 %, sans oublier l’inévitable hausse des impôts locaux en raison de la baisse des dotations de l’État.

Quant aux prélèvements obligatoires dans leur ensemble, ils ne vont diminuer que de 0, 1 point, passant de 44, 6 % à 44, 5 % du PIB.

Là apparaît bien l’illusion fiscale qui consiste à faire croire aux Français que les impôts diminuent, alors que le taux des prélèvements obligatoires reste stable. Cela relève de la prestidigitation !

Le Président de la République avait promis qu’il n’y aurait pas de hausses d’impôts et de taxes, mais je relève au minimum trois contrevérités : taxation pour le financement des centres techniques industriels, augmentation de la contribution à l’audiovisuel public et hausse de la taxe sur le diesel.

En fait, la concentration de l’impôt caractérise votre gestion : si l’assiette de l’impôt sur le revenu diminue pour revenir à son niveau de 2011 - 46 % des contribuables -, ce dont vous vous félicitez, vous oubliez de dire que ces contribuables devront s’acquitter de 72 milliards d’euros d’impôts en 2016, contre 51 milliards d’euros en 2011.

Diminuer le nombre de foyers fiscaux soumis à l’impôt sur le revenu n’est ni juste ni habile. Un bon impôt s’appuie sur de fortes bases et un taux faible. Participer, même modestement, à l’impôt est l’honneur du citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Et que dire de l’amendement Ayrault, voté à l’Assemblée nationale, contre votre avis, par vos amis, et portant réforme de la CSG ? Encore un bel artifice ! M. Ayrault explique que ce projet, s’il est constitutionnel, ce dont je doute, ne se traduira pas par une hausse de la fiscalité, mais par « une création d’un impôt citoyen sur le revenu », alors que l’on sait pertinemment, grâce aux simulations, que les classes moyennes seront encore une fois les plus impactées !

Vous n’envoyez pas un bon signal à ceux qui travaillent, qui investissent, qui ont une famille et qui ont très souvent l’impression d’être victimes de vos choix fiscaux ! Si vous ne nous écoutez pas, écoutez M. Attali.

Que nous dit M. Attali ? Les retraités français s’enfuient au Portugal, à l’image de nos concitoyens que l’on qualifie de « riches ». Plus grave encore, monsieur le ministre, il en va de même des chercheurs, des professeurs, des artistes, des économistes : sur les sept Français qui figurent parmi les vingt-cinq meilleurs économistes du monde, un seul vit en France. Les directions financières s’en vont aussi : elles partent à Londres, où elles trouvent audace, financement, rapidité de décision, incitations fiscales et proximité avec tous les partenaires. Tout cela, ce n’est pas nous qui le disons, c’est M. Attali !

En Espagne, en Italie, en Belgique, en Allemagne, la rénovation fiscale est avancée. En France, notre niveau record de dépenses publiques – derrière le Danemark, il est vrai – ne laisse aucune marge de manœuvre, nous devrions tous en convenir.

Ce gouvernement communique, pour se consoler et évite de se comparer, pour ne pas avoir à se désoler. C’est l’essentiel d’une communication de tous les jours.

Les 16 milliards d’euros d’économies ne sont déjà plus là, mais ils n’ont jamais été là ! Dans leur majorité, ces économies seront en réalité portées par les collectivités territoriales et par quelques administrations sociales. L’État, qui devrait montrer l’exemple, annonce 5, 1 milliards d’euros d’économies, dont 2, 2 milliards ne sont pas documentés et 600 millions le sont peu, selon la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, membre de votre parti.

Telle est la réalité de votre gestion incertaine. Je citerai un exemple parmi d’autres : vous continuez de dire que vous souhaitez relancer l’apprentissage, qui a reculé de 20 % depuis votre élection, et, pour atteindre vos objectifs, vous ne trouvez pas mieux que de diminuer les ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie, alors que les CCI sont les principaux acteurs de la formation professionnelle.

Les échecs, c’est maintenant !

Déficits vertigineux, fiscalité confiscatoire, dette abyssale, paupérisation du pays… Mes chers collègues, même si la tâche est difficile dans un contexte de finances publiques dégradées, la fiscalité du capital pesant sur les entrepreneurs en France est à revoir. Elle est devenue un critère de décision primordial pour les chefs d’entreprise. La complexité de cette fiscalité, son instabilité, voire ses incohérences constituent autant de handicaps majeurs pour les entrepreneurs et pour l’objectif de relance de l’économie nationale.

Parce que les mesures impactant la fiscalité du capital sont nombreuses, complexes et instables, parce que cette fiscalité est au centre des préoccupations tout au long du cycle de vie d’une entreprise, il est temps de commencer à réformer certains dispositifs clés pour entamer la nécessaire démarche vers la relance des entrepreneurs en France, en rappelant que 5 000 entreprises moyennes et entreprises de taille intermédiaire allemandes exportent, contre 900 seulement dans notre pays.

Je ne vois rien de tel, monsieur le ministre, dans ce budget, sans fil directeur ni ambition pour redresser l’économie de notre pays. Il s’agira donc encore d’une occasion manquée !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes devant un budget de continuité – plusieurs l’ont souligné avant moi –, mais aussi un budget sans relief, comme le titrait récemment un quotidien économique.

Le manque de relief caractérise effectivement ce budget pour 2016. Cela s’explique en partie par les conditions difficiles dans lesquelles il a fallu l’établir.

Tout d’abord, la prudence s’impose quant à la prévision de croissance retenue : le chiffre de 1, 5 % reste aléatoire, eu égard aux résultats du premier semestre – 0, 7 % au premier trimestre et 0 % au second…

Il en va de même de l’inflation : si l’hypothèse retenue de 1 % n’est pas vérifiée, les conséquences peuvent être inquiétantes sur nos recettes.

Se pose aussi la question de l’emploi. Le Président de la République nous annonce depuis plusieurs années l’inversion de la courbe du chômage, ce que nous attendons impatiemment. Certes, le mois de septembre fait apparaître une amélioration, et elle était bienvenue, mais l’examen attentif des chiffres nous oblige à tempérer le discours : le nombre de demandeurs d’emploi continue de croître, de même que le chômage des seniors, et si la baisse du chômage des jeunes semble significative – 14 000 demandeurs en moins sur les 25 000 au total –, n’est-elle pas le fruit des contrats aidés et autres dispositifs largement développés par le Gouvernement ? Hélas, nous pouvons le craindre…

Le plus grave, selon moi, est de constater, si l’on examine l’évolution de la courbe du chômage dans notre pays par rapport à celle de la moyenne des pays de l’euro, qu’elle a tendance à se rapprocher. Voilà qui est inquiétant, car c’est le signe que ce sont des dépenses que l’on génère ainsi.

Quant au déficit de la balance commerciale, de 45 milliards d’euros sur les douze derniers mois et de 40 milliards l’année prochaine, il reste à un niveau préoccupant.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

On a connu pis !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Un mot des recettes. Cela a déjà été dit, le nombre de contribuables à l’impôt sur le revenu va, hélas ! diminuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Seuls 46 % des ménages vont payer l’impôt sur le revenu, alors que le produit de cet impôt, contrairement à ce que disait Richard Yung voilà quelques instants, va augmenter de 3 milliards d’euros entre l’année prochaine et cette année.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

C’est faux ! De 2 milliards seulement ! Pensez à la suppression de la PPE !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d’État, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 69, 6 milliards d’euros en 2015 et 72, 3 milliards dans ce projet de loi de finances. La réalité, la voilà !

Marques d’approbation sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Ce qui risque de se passer, monsieur le ministre, c’est que l’exil fiscal, phénomène dont on voit bien qu’il a sérieusement augmenté entre 2012 et 2013 – la hausse a atteint 33 % –, risque de croître encore. Ainsi, de plus en plus de contribuables partiront à l’étranger, parce qu’ils auront le sentiment d’être matraqués en France.

(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, tous les ménages ne paient pas d’impôt : seuls 46 % sont dans ce cas.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je le dis, tout le monde devrait payer l’impôt dans notre pays, c’est important. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Tout le monde paie des taxes, mais seulement certains paient l’impôt sur le revenu. Or il me paraîtrait logique que, même symboliquement, tout le monde paie cet impôt.

Je voudrais aussi évoquer la compétitivité et l’emploi, seuls susceptibles de nous sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons. Nous nous réjouissons, monsieur le ministre, du CICE, qui permet une baisse des charges des entreprises.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je croyais que ce budget était « sans relief » !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Nous nous félicitons aussi du crédit d’impôt recherche, qui constitue un dispositif important.

Toutefois, à notre sens, cela ne suffit pas. En effet, le CICE conduit à une baisse des salaires, tout simplement parce qu’il ne touche que les bas salaires, ce qui risque d’être préjudiciable à l’économie de notre pays. Une baisse généralisée des charges sociales, compensées bien entendu par une augmentation à due proportion de la TVA, serait préférable.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Notre objectif est non pas d’accroître les difficultés dans lesquelles se trouve notre pays, mais bien d’y remédier. Selon nous, c’est ainsi que l’économie se développera.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

S’agissant des dépenses, nous nous inquiétons de l’évolution de la masse salariale, qui représente aujourd'hui, et c’est beaucoup, 40 % des dépenses des ministères et compte pour 286 milliards d’euros dans les 1 000 milliards d’euros de la dépense publique.

Nous pensons que l’on peut faire beaucoup mieux.

Nous sommes donc d’autant plus inquiets des conséquences de l’application de l’accord sur l’évolution des carrières des fonctionnaires : décidée très récemment par Mme Marylise Lebranchu, elle risque d’avoir un impact particulièrement négatif. Nous pensons que, par une meilleure maîtrise du GVT, le glissement vieillissement technicité, et des évolutions de carrière, nous pourrions, dans ce budget, réaliser des économies.

Voilà, monsieur le ministre, les remarques dont je voulais vous faire part. Il y aurait bien entendu d’autres choses à dire, mais nous aurons l’occasion, au cours de ce débat, de le faire. Ce qui est important, c’est d’instaurer la confiance dans notre pays. Or ce budget n’est pas de nature à le permettre.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur les recettes, plus particulièrement les recettes fiscales, qui se chiffreront en 2016, d’après le projet de loi de finances, à 286 milliards d’euros, soit 8 milliards d’euros de plus que l’année dernière.

Je note à cet égard que le produit de l’impôt sur le revenu augmentera de 2, 8 milliards d’euros et que la lutte contre la fraude fiscale rapportera 2 milliards d’euros, soit une somme importante. Quant à la TVA, elle progressera de 3, 2 milliards d’euros, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… ce qui conduit bien sûr certains à s’interroger sur les hypothèses retenues. Sont-elles réalistes ? Au fond, l’anticipation du taux d’élasticité se fait-elle sur des bases correctes ?

Mes chers collègues, j’ai pour ma part le sentiment, compte tenu de ce que nous disent les économistes, que le Gouvernement a eu raison d’anticiper un tel niveau de recettes. En effet, quand la confiance réapparaît, comme c’est le cas aujourd'hui, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB s’améliore sensiblement.

On sait que tenir ses engagements, c’est d’abord s’assurer de la crédibilité et de la sincérité des hypothèses macro-économiques. Sur ce point, le Gouvernement est incontestablement sur la bonne trajectoire, une trajectoire reconnue comme valide par le Haut Conseil et, ces derniers jours, par les autorités européennes. Je pense qu’il faut en tenir compte.

J’en viens à l’impôt sur le revenu, dont le produit progressera, je le disais, de 2, 8 milliards d’euros, soit une augmentation de 4 %. Les raisons sont connues : les dividendes progresseront, ce qui signifie que les entreprises vont mieux – c’est certainement un élément de satisfaction pour chacun d’entre nous – et des plus-values mobilières seront générées, ce qui, là, pose question.

Cela m’amène à évoquer le quantitative easing. Tout le monde sait aujourd'hui que la facilitation monétaire introduite tant aux États-Unis qu’en Europe a eu tendance à gonfler la bulle boursière et à générer ces plus-values de valeurs mobilières. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment, monsieur le ministre, sur l’effet du quantitative easing, supposé accroître l’inflation, mais qui échoue à y parvenir et crée des bulles spéculatives. Ne serait-ce pas, pour l’avenir, un sujet d’interrogations ?

Il y a lieu de noter, mes chers collègues, que, malgré un budget contraint, le choix a été fait de favoriser la justice fiscale et le pouvoir d’achat des ménages. Je pense à la mise en œuvre de la baisse de l’impôt sur le revenu : 8 millions de ménages supplémentaires bénéficieront d’une réduction. Au total, vous l’avez dit ce matin, monsieur le ministre, 12 millions de ménages, soit les deux tiers des ménages français payant l’impôt sur le revenu, bénéficieront en 2016 d’une baisse de cet impôt, ce qui est très important.

Faut-il le rappeler à nos collègues ? En 2016, le pourcentage de ménages payant l’impôt sur le revenu sera le même que celui qui était constaté avant la crise. Il n’y a donc pas d’alourdissement de l’impôt pour les classes moyennes !

MM. Francis Delattre et Philippe Dallier protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Pour ce qui concerne l’imposition des revenus, je voulais également me réjouir de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un nouvel article 2 bis, qui fait écho à un sujet souvent évoqué ici, l’assujettissement à l’impôt des indemnités type « parachute doré », actuellement non imposables jusqu’à six fois le plafond annuel de sécurité sociale. Ce plafond sera donc divisé par deux, ce qui permettra de soumettre à l’impôt des revenus relativement importants, ce qui est une bonne chose.

Selon l’INSEE, le pouvoir d’achat ne progresse que de 57 euros par an pour les ménages modestes. Selon moi, il est important que les revenus très élevés, notamment les parachutes dorés, soient davantage sollicités.

J’en viens à l’impôt sur les sociétés et à l’autre priorité du Gouvernement, à savoir la poursuite de la stratégie fiscale visant à augmenter la compétitivité de nos entreprises.

Rappelons dans un premier temps que l’évolution spontanée de l’impôt sur les sociétés, en France, en 2016, devrait se traduire par une augmentation de son produit, à hauteur de 8, 5 %. C’est le résultat de la reprise de l’activité et de la baisse des charges. On a donc ici un facteur d’élasticité très élevé, ce qui constitue incontestablement un élément positif.

Pour autant, le rendement global de l’impôt sur les sociétés diminuera, en grande partie en raison du CICE, puisque, en 2016, la créance sur les salaires, pour les entreprises, se chiffrera à 19, 4 milliards d’euros. Dès lors, avec l’effet du pacte de responsabilité et la réduction des autres fiscalités – je pense à la C3S, pour 5, 5 milliards d’euros d’ici à 2017, ainsi qu’à la réduction de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés –, les entreprises bénéficieront au total de 33 milliards d’euros de baisses d’impôts en 2016, et ce chiffre atteindra 41 milliards d’euros en 2017.

Je souhaite en suite me féliciter de l’intensification de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale abusive. De ce point de vue, mes chers collègues, les résultats commencent à apparaître, même si certains ont semblé en douter tout à l’heure. Je me réjouis pour ma part de voir l’investissement repartir et le pouvoir d’achat d’un certain nombre de salariés, notamment les plus modestes, s’améliorer.

J’en viens enfin à la question de la modernisation et de la simplification du système fiscal. Incontestablement, le choix d’un prélèvement à la source, suivi de la mise en chantier du dispositif, devrait aboutir en 2018 à un système plus clair et plus lisible, qui permettra la réduction des aléas financiers des ménages, une meilleure réactivité des politiques économiques et un gain d’efficience pour l’administration. Monsieur le ministre, les efforts entrepris pour moderniser et simplifier notre système fiscal vont dans le bon sens. On peut féliciter le Gouvernement d’avoir agi dans cette direction.

En somme, je dirai que les hypothèses, s’agissant des recettes, sont réalistes, ce qui n’a pas toujours été le cas au cours des exercices antérieurs. Rappelez-vous des écarts constatés, voilà quelques années, en la matière !

Nous avons le souci d’une justice fiscale accrue et d’une meilleure solidarité, grâce à l’impôt sur le revenu. Nous veillons également à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, au travers du levier de l’impôt sur les sociétés et du CICE. Nous avons enfin la volonté de moderniser notre système fiscal.

Tous ces éléments relatifs aux recettes nous conduisent à soutenir activement le Gouvernement dans son effort. On a pu dire qu’il n’y avait rien de nouveau dans ce budget, qu’il était sans surprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

« La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise » !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Et c’est le ministre qui l’a dit !

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Mes chers collègues, quand un arbre tombe, cela fait du bruit, mais, quand la forêt pousse, on ne l’entend pas. Précisément, la forêt est en train de pousser : la confiance s’améliore et nous sommes dans la bonne direction !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le ministre, vous l’avez souligné, c’est dans le contexte dramatique que connaît notre pays, victime de la barbarie de Daech et de la dérive sectaire d’un islam dévoyé qu’il faut éradiquer, que nous examinons le projet de loi de finances pour 2016.

Les décisions prises par le Président de la République viendront impacter le budget, et peut-être les événements auront-ils un effet sur la croissance et, donc, sur les recettes de l’État. Mais on ne peut transiger avec la sécurité de nos concitoyens : nous devons donner à nos armées les moyens d’agir.

Tout en m’inscrivant pleinement dans la volonté d’unité nationale et de soutien aux mesures annoncées au Congrès, je ne peux souscrire, monsieur le ministre, à la mise entre parenthèses du pacte de stabilité.

En premier lieu, je considère que la solidarité de l’Europe ne doit pas seulement s’exprimer par des mots. Elle devrait aussi se traduire par une contribution de nos partenaires européens à l’engagement de la France en Afrique comme au Proche-Orient. Lorsque le coût des OPEX, dont nous connaissons les problématiques de financement, dépasse le milliard d’euros, il n’est pas incongru de considérer que nos partenaires devraient participer à l’effort que consent la France non pas seulement pour se protéger elle-même, mais pour protéger l’ensemble du continent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Au-delà de cette pétition de principe, je pense surtout que la réduction de nos déficits ne peut pas seulement être lue comme l’obligation de satisfaire à nos engagements européens. C’est d’abord parce que le poison de la dette est à terme une menace pour notre souveraineté et notre capacité à satisfaire à l’avenir aux besoins d’investissement fondamentaux que nous devons respecter le pacte de stabilité.

Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, qui considérait la souveraineté comme un marqueur de son action politique, rappelait à juste titre en 2009 ce que les déficits répétés et la dette, qui est la traduction de leur cumul, portaient comme périls pour la souveraineté nationale.

De 95, 6 % en 2014 et 96, 3 % en 2015, notre taux d’endettement exprimé en pourcentage du PIB atteindra 96, 5 % en 2016. Entre le deuxième trimestre de 2014 et le deuxième trimestre de cette année, la dette se sera accrue de 77, 8 milliards d’euros, pour atteindre 2 105, 4 milliards d’euros. À 79 %, il s’agit de la dette de l’État, en progression de 5 %, contre seulement 3 % pour les collectivités locales, soit une progression moindre, mais une progression aussi.

Certes, la croissance de la dette ralentit. Certes, l’engagement de la loi de programmation des finances publiques est respecté – je vous en donne volontiers acte, monsieur le ministre. Il n’en reste pas moins que la France figurait l’an dernier parmi les États les plus endettés de l’Union européenne : sa dette publique s’élevait à 95, 6 % du PIB, contre 92, 9 % en moyenne pour la zone euro, et 86, 2 % pour l’ensemble de l’Union européenne.

La hausse de 100 points de base sur l’ensemble des courbes des taux – j’admets qu’il s’agit d’une hypothèse théorique, mais elle a l’avantage de prendre en compte de manière uniforme l’ensemble des obligations d’État, quelle que soit leur maturité, et permet donc d’intégrer le risque financier – conduirait à une augmentation de la charge de la dette de 2, 4 milliards d’euros dès cette année, et de 7, 4 milliards d’euros à l’horizon 2017.

Je suis donc convaincu, monsieur le ministre, que nous devons procéder à des arbitrages permettant de satisfaire aux exigences de la lutte pour notre sécurité et de la réduction de nos déficits.

Je mesure évidemment la difficulté de cet exercice, puisque la loi de finances n’est toujours pas, malgré les souhaits exprimés par de nombreux parlementaires au moment de l’élaboration de la LOLF, le lieu de l’ensemble des décisions budgétaires et fiscales, ce qui rend sa construction plus difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Le rapport général fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2016 contient, en page 116, un intéressant tableau retraçant le coût des mesures nouvelles annoncées depuis le vote du projet de loi de finances pour 2015 : l’impact est évalué à 1, 5 milliard d’euros dès cette année, et à 6 milliards d’euros en 2016. Or les mesures de lutte contre le terrorisme annoncées au mois de janvier dernier ne pèsent, dans ce total, que pour 400 millions d’euros en 2015 et 425 millions d’euros en 2016.

Les crédits des missions inscrits dans la loi de finances pour 2016 sont en progression de 338 millions d’euros, compte non tenu non seulement des décisions qu’il faudra prendre à la suite du congrès de Versailles, mais également de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Cette progression est le signe de la difficulté à arbitrer entre nos priorités, et à remettre en cause un certain nombre de schémas anciens.

Sommes-nous certains que les 47 138 postes créés dans l’éducation nationale depuis 2012 apporteront une réponse au glissement de notre pays dans les classements PISA, qui mesurent le niveau d’acquisition des connaissances et donc l’efficacité de notre système éducatif, alors même que la Cour des comptes vient de démontrer le coût très élevé du lycée dans notre pays, l’un des plus élevés parmi les pays européens ?

Était-il opportun d’engager des dépenses supplémentaires à hauteur, en 2015, de 410 millions d’euros pour l’État et de 574 millions d’euros pour les caisses d’allocations familiales au titre de la réforme des rythmes scolaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Non ! Ce n’est pas parce que les enfants font du macramé qu’ils sont meilleurs élèves…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

… avec un impact, en 2016, de 319 millions d’euros sur le budget de l’État et de 250 millions d’euros sur celui de la sécurité sociale – sans parler de l’impact sur le budget des collectivités territoriales -, soit l’équivalent des seules mesures nécessaires que le Président de la République souhaite légitimement voir mises en œuvre au titre de la sécurité et qu’il a annoncées à Versailles, lundi dernier ?

Je pense qu’un moratoire doit être appliqué d’urgence à toute mesure nouvelle qui ne serait pas justifiée au regard de son efficacité ou des exigences de sécurité.

Aurons-nous, mes chers collègues, le courage collectif de considérer que l’efficacité d’une politique ne passe pas obligatoirement par des dépenses supplémentaires ? Aurons-nous le courage – j’adresse cette question à la majorité comme à l’opposition – de décider la suppression de structures héritées du passé, dont l’existence n’est plus justifiée ?

Dérives de gestion de la chancellerie des universités de Paris ; utilité de plus en plus aléatoire des centres de documentation pédagogique, à l’heure où les enseignants préparent leurs cours sur internet ; refus de rationaliser le réseau des trésoreries ou des agences de la Banque de France, certains d’entre nous considérant, à tort, qu’il s’agit d’éléments indispensables du service public ; refus d’adaptation du réseau ferroviaire hérité du XIXe siècle ; résistances à l’adaptation du réseau postal : nombreux sont les exemples qui montrent que nous tardons à prendre acte des évolutions des comportements de nos concitoyens.

Dans ces conditions, la réduction de la dépense se traduit d’abord par la technique du rabot, dont le Premier président de la Cour des comptes a rappelé, à juste titre, les limites.

Si donc la dépense des missions progresse, il faut néanmoins se réjouir des mesures prises pour encadrer les dépenses des opérateurs de l’État : la stabilisation du nombre de leurs emplois et la poursuite du plafonnement des taxes affectées. Je soutiens pleinement, de ce point de vue, les dispositions de l’article 14.

En revanche, la dépense fiscale est repartie à la hausse : stabilisée à 72 milliards d’euros entre 2011 et 2013, elle atteignait 80 milliards d’euros l’an dernier. Elle atteindra 81, 9 milliards d’euros cette année, et est prévue à 84, 4 milliards d’euros en 2016.

Les dépenses en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ont notamment progressé de 25 % en quatre ans et constituent une véritable débudgétisation.

Il est de plus en plus urgent de mettre en œuvre une approche consolidée des arbitrages budgétaires, prenant en compte à la fois les dépenses budgétaires et les dépenses fiscales. Cela suppose une évaluation systématique et régulière de la dépense fiscale, et la transmission, en la matière, de données fiables au Parlement.

La recette budgétaire est en effet minée de l’intérieur par les niches fiscales, dont un grand nombre sont le reflet des corporatismes, et sapée de l’extérieur par les stratégies d’optimisation : celles des GAFA, c’est-à-dire Google, Amazon, Facebook et Apple, mais aussi celles, plus diffuses et plus modestes, qui sont liées au développement du commerce électronique, dont le bilan annuel s’élevait en France, en 2014, à 57 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, l’engagement du Gouvernement, au sein de l’OCDE, pour faire en sorte que les multinationales de la nouvelle économie participent, par l’impôt, aux charges communes de la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Mais il nous faut également adapter nos outils de collecte à l’évolution des pratiques commerciales, sans casser les relais de croissance que constituent le commerce électronique et l’économie collaborative. C’est le sens des amendements déposés par notre commission des finances. J’espère que le Gouvernement y répondra favorablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je vous remercie de conclure maintenant, monsieur Bouvard.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

M. Michel Bouvard. Parce que nous devons progresser ensemble, parce que la démarche de convergence sur les intérêts fondamentaux ne doit pas se limiter aux seules questions de sécurité, j’espère qu’une partie de ces propositions recueilleront votre assentiment.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, s’interroger, dans le contexte actuel, sur les dépenses de notre pays est d’autant plus indispensable que – nous le savons tous – plusieurs missions traitant de sécurité et de défense pèseront davantage sur les finances publiques dans les mois et les années à venir, car je ne doute pas que ce « pacte de sécurité » sera unanimement approuvé.

Deux questions centrales me paraissent devoir être posées : nos dépenses publiques sont-elles trop élevées et l’effort de l’État est-il suffisant ? Les priorités budgétaires retenues sont-elles justifiées et sont-elles la traduction d’orientations claires ?

S’agissant de la première question, notre pays fait face à une équation budgétaire difficile : maîtriser la dette et réduire les déficits, d’un côté, tout faire pour retrouver une croissance plus élevée, de l’autre. Je le rappelle à nos collègues de l’opposition : cette difficulté existait déjà avant 2012, et les résultats obtenus alors n’autorisent, à mon sens, aucun triomphalisme excessif.

J’ai le sentiment que le niveau de dépenses publiques qui nous est proposé dans ce projet de budget correspond précisément à cet équilibre. Trop de dépenses publiques ne permettait pas d’atteindre le premier objectif ; pas assez compromettait la réalisation du second, en ralentissant davantage la croissance.

D’autres options plus radicales, en termes de diminution des dépenses publiques – moins 100 milliards d’euros, voire moins 150 milliards ! – sont avancées, ici et là, par l’opposition, et même brandies par certains comme un véritable étendard électoral.

Mais franchement, chers collègues, et les travaux de notre commission des finances l’ont montré, chacun sait que personne ne pourra tenir un tel engagement sans sacrifier des pans entiers de nos services publics !

Les auteurs de ces propositions alternatives ont précisé, fort heureusement, qu’ils ne comptaient toucher à aucune fonction régalienne. Mais il faut nous dire alors, chers collègues de l’opposition, quels seront les services publics sacrifiés. L’éducation ? La santé ? Le logement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Les jours de carence, par exemple ! Ou l’AME !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

À ce stade, aucune orientation concrète, compatible avec une telle ponction, n’a pu être présentée – j’ai pu le constater lors des débats de notre commission. Nous avons cependant bien compris, monsieur le rapporteur général, que vous aviez les fonctionnaires dans le viseur.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Quoi qu’il en soit, nous sommes très loin des 100 milliards d’économies !

Je suis donc obligé de constater que ce slogan des « moins cent milliards » – pour ne rien dire du « moins 150 milliards » – n’a aucune crédibilité.

Tant mieux, car si de telles décisions étaient adoptées, elles ne pourraient que faire reculer la croissance et l’emploi, qu’il faut au contraire encourager !

Tant mieux, car une telle orientation aurait aussi pour conséquence le recul de la solidarité et des services collectifs, au profit de dépenses privées beaucoup plus élevées, comme c’est le cas pour l’éducation et la santé dans les pays anglo-saxons.

Ce slogan des « moins cent milliards d’euros » n’est donc ni crédible, ni efficace pour la croissance, ni juste.

Je voudrais insister, s’agissant cette fois de la seconde question, sur les choix politiques très clairs exprimés par le Gouvernement au travers de ses priorités budgétaires, et d’abord sur l’effort important accompli au bénéfice de la jeunesse. Il s’agit d’une priorité assumée du Président de la République, plus que jamais concrétisée dans ce projet de budget pour 2016, par le biais de très nombreuses mesures. On ne le dit pas assez.

Les créations de postes se poursuivent dans l’éducation nationale – près de 12 000 postes seront créés en 2016 –, permettant d’améliorer les conditions d’accueil des élèves dans toutes les écoles françaises.

Cette mobilisation en faveur de l’école se traduit également par la mise en place du plan numérique pour l’éducation et par le développement de la scolarisation des enfants handicapés – concrètement, ce sont plusieurs centaines d’assistants de vie scolaire supplémentaires.

La priorité donnée à la jeunesse, c’est aussi un effort important en faveur des universités et de la condition étudiante : création de 1 000 postes à l’université, hausse des moyens consacrés à l’amélioration des conditions de la vie étudiante, notamment à l’augmentation du nombre de bourses.

Je rappelle que, depuis 2012, 400 millions d’euros supplémentaires ont été affectés à la vie étudiante. Mme Fioraso, dès sa prise de fonctions, avait d’ailleurs dû trouver l’argent en catastrophe pour honorer l’engagement de verser un dixième mois de bourse, que son prédécesseur, M. Wauquiez, avait pris sans juger bon de prévoir le financement de cette dépense !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Nous aussi, nous pouvons remonter dans le temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

L’effort en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes est également sans précédent. Je citerai la montée en charge du service civique, qui devrait concerner cette année 110 000 jeunes et dont le budget est doublé ; la mise en place de la Garantie jeunes, grâce à laquelle 60 000 jeunes de 18 à 25 ans en situation de précarité bénéficieront, dans leur recherche d’emploi, d’un accompagnement renforcé ; l’aide au recrutement d’apprentis et à la création du premier emploi par les très petites entreprises, qui seront très fortement « déchargées » en cotisations sociales.

Cette liste est loin d’être exhaustive – il y faudrait, précisément, trop de temps –, mais suffit à démontrer que l’effort en direction de la jeunesse est, dans ce budget pour 2016, concret. Ce choix explicite de la jeunesse éclaire positivement l’avenir, à un moment où notre pays a aussi besoin de telles perspectives.

Je conclurai en évoquant la sécurité et la défense, sujets qui occupent évidemment tous nos esprits. Je ne reviendrai pas sur les mesures supplémentaires annoncées par M. le ministre. Je précise simplement que le projet de loi de finances initiale comprenait déjà des créations d’emplois, que nous ne devons pas sous-estimer : 732 postes au ministère de l’intérieur, 943 au ministère de la justice, 35 dans les juridictions administratives.

Le Gouvernement a également interrompu, il y a plusieurs mois, la diminution des effectifs des armées, qui était inscrite dans la loi de programmation militaire. Il a en outre mené une action très offensive en faveur de l’adoption de nouvelles lois, en particulier dans le domaine du renseignement.

Je ne peux donc pas laisser dire, même en filigrane, même d’un ton modéré, que le Gouvernement et la gauche en général feraient de la sécurité publique et de défense nationale des questions secondaires, et se contenteraient, en la matière, de réagir aux événements. Ce n’est pas le cas, mes chers collègues !

Je viens d’en donner quelques preuves concrètes ; et je ne pense pas qu’il y en ait parmi nous beaucoup qui, au fond d’eux-mêmes, ne seraient pas prêts à reconnaître la qualité de l’action et l’engagement de Bernard Cazeneuve et de Jean-Yves Le Drian - depuis leurs prises de fonction respectives, pas seulement ces derniers jours -, avec l’appui et sous la responsabilité du Premier ministre et du Président de la République.

La gauche de gouvernement, de Pierre Joxe à Bernard Cazeneuve, a donné de longue date des gages, et même des preuves de son attachement et de son investissement en faveur de la sécurité et de la défense. Je tiens à dire, ici, ce soir, que j’assume sans réserve ce bilan, de Pierre Joxe à Bernard Cazeneuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Le budget qui nous est proposé est un budget d’adaptation à une situation exceptionnellement grave, marquée, depuis plusieurs mois, par la violence des agressions que subit notre pays.

Il y répond par la hausse indispensable des moyens de la sécurité, mais il ouvre également, par les choix dont j’ai parlé en faveur de la jeunesse et de l’emploi, de larges fenêtres sur l’avenir. C’est pourquoi, naturellement, je le soutiendrai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est présenté aujourd’hui manque singulièrement de relief, d’audace, de cohérence, au regard tant du passé que de l’avenir.

Je ne reviendrai pas sur les différents épisodes du mauvais feuilleton auquel nos concitoyens ont dû assister au cours des derniers mois et années. Vos trop nombreux zigzags, couacs, revirements et reniements sont pour le moins troublants : annonce malheureuse d’une réduction d’allocations pour les personnes porteuses de handicap, secrétaire d’État chargé du budget appelant à ne pas payer l’impôt porté sur les avis d’imposition, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

… réforme soudaine de la dotation globale de fonctionnement – mise entre parenthèses pour combien de temps ? –, alors que, voilà deux ans, le Premier ministre annonçait devant le congrès de l’Association des maires de France le lancement d’une grande réforme de la fiscalité locale.

Comprenez que cela entame singulièrement la confiance des Français dans l’action publique ! Tant d’atermoiements alimentent le sentiment de défiance, au moment où nous avons plus que jamais besoin de restaurer le pacte de confiance, en nous appuyant sur une volonté d’agir au service du redressement.

La chambre haute a pour mission de représenter les collectivités territoriales, d’en défendre tant les intérêts que les capacités d’action, au bénéfice de tous les territoires de la République. Or je puis vous assurer, monsieur le ministre, que ces territoires sont en colère devant l’incohérence des récentes ou prochaines dispositions, tant législatives que réglementaires ou normatives.

On pourrait saluer l’attribution de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, traduisant la maturité de l’organisation décentralisée de notre République. Mais encore faudrait-il qu’elle soit accompagnée des moyens financiers adaptés et nécessaires.

Or, en 2016 comme en 2015, les collectivités devront fonctionner avec près de 4 milliards d’euros en moins par rapport à l’année précédente. Cette réduction des dotations s’inscrit dans le cadre d’une baisse globale de plus de 11 milliards d’euros d’ici à 2017. Il s’agit là d’une promesse que le Gouvernement tient, et sur laquelle, jusqu’à présent, il s’arc-boute.

Les mots employés ces derniers temps par le Gouvernement laissent d’ailleurs penser que les dotations aux collectivités seraient un cadeau généreusement accordé par l’État. C’est oublier le principe constitutionnel de neutralité budgétaire, selon lequel les transferts de compétences aux collectivités territoriales doivent s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes aux dépenses affectées. L’État va à l’encontre de ce qui aurait pu – dû – être fait pour les collectivités, en leur retirant les moyens, financiers notamment, d’exercer pleinement leurs compétences.

La réforme des rythmes scolaires, pour ne citer qu’elle, a eu une lourde incidence sur les finances des communes, qui ont dû supporter une dépense supplémentaire de 40 % en moyenne, sans compter l’alourdissement normatif, dont le coût, pour la seule année 2015, est évalué à plus de 700 millions d’euros.

Comme toutes les collectivités locales, les communes sont durement touchées. Cette situation nuit à un échelon territorial qui a encore démontré, lors des récents événements ayant ensanglanté notre pays, toute son importance et sa pertinence.

Un rapport de la Cour des comptes précise que l’investissement des communes a reculé de 14 % en 2015 et celui des départements de près de 5 %. La dégradation de l’épargne des collectivités est également préoccupante, et cela ne fait que débuter ! Nous commençons à mesurer les conséquences de cette situation tant pour l’économie que pour l’emploi.

Permettez-moi de prendre un exemple, celui de la ville que je représente, Nancy.

Alors qu’elle doit financer des charges supplémentaires imposées par la réforme des rythmes scolaires, la revalorisation des agents de catégorie C et les évolutions des grilles indiciaires, ma ville perdra, entre 2014 et 2017, près de 10 millions d’euros de recettes de fonctionnement, soit l’équivalent de 25 % du produit de l’impôt direct !

La réforme de la DGF risque d’aggraver encore un peu plus la situation. Je me félicite que la mobilisation de nombreux maires et parlementaires de tous bords politiques aux côtés du président Gérard Larcher ait permis d’obtenir un sursis, même si la menace demeure.

Pour en revenir au cas de Nancy, les simulations effectuées en vue de la réforme de la DGF révèlent que celle-ci représente, à elle seule, un effort équivalant à 11 % du produit fiscal de la ville. En ajoutant l’incidence de la baisse des dotations, l’effort cumulé pour la commune s’élève à 36 % de son produit fiscal.

Il est donc totalement déraisonnable de promouvoir une telle réforme, qui constitue, je me permets de le rappeler, un reniement de l’engagement 54 du Président de la République, aux termes duquel « un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Cette promesse a été faite en 2012 : on mesure le chemin parcouru depuis…

Ainsi, l’État porte aujourd’hui clairement atteinte aux équilibres budgétaires de nos collectivités, en dépit des efforts considérables qu’elles fournissent. Est-ce une manière perverse de les contraindre à recourir à des hausses de fiscalité, alors que le Gouvernement s’offre le luxe de baisser les impôts de certains ménages, après les avoir d’ailleurs lourdement augmentés ?

Pour tenter de calmer la colère, le Gouvernement annonce la création d’un fonds d’aide à l’investissement local de 1 milliard d’euros, dont la mobilisation est assortie de nombreuses contraintes qui, là encore, amènent de la complexité administrative, au moment même où vous prônez un effort de simplification.

À l’heure où la France s’apprête à accueillir la COP 21 et eu égard à l’activisme médiatique de la ministre de l’écologie, on aurait pu s’attendre à une augmentation, ou tout au moins à une sanctuarisation, du budget de son ministère : que nenni, nous assistons à une baisse des crédits !

Comment voulez-vous mobiliser les Français autour de cet enjeu important pour l’avenir de nos enfants et de la planète en lançant de tels signaux ? Là encore, j’ai bien peur que la transition énergétique, pourtant nécessaire et urgente, ne se traduise par une nouvelle vague d’augmentation des dépenses à la charge des territoires.

Pourtant, il y a beaucoup à faire. Nous l’avons dit lundi, ici au Sénat : les collectivités ont un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique, en dessinant les contours d’une écologie positive et non punitive, d’une écologie qui doit être au service d’une économie dynamique, de la croissance et de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Mes chers collègues, il me semble nécessaire de rappeler, une fois encore, que la protection de l’environnement doit faire l’objet d’une vraie politique publique, transversale et prioritaire.

Vous nous direz, monsieur le ministre, que l’État doit réduire son déficit : bien sûr ! Le rapporteur général vous a exposé l’économie de 5 milliards d’euros que nous allons proposer. N’asphyxiez pas les collectivités territoriales par une mauvaise politique.

Mes chers collègues, pour la quatrième fois, le Gouvernement nous présente un budget manquant d’ambition et de cohérence. Monsieur le ministre, ce constat est préoccupant, au regard des défis qui nous attendent.

La proximité de la COP 21 avec les élections régionales m’amène à vous redire qu’il ne faut pas espérer sauver notre « maison commune » – comme le dit le pape François dans son encyclique si souvent citée

M. Richard Yung s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le ministre, en cette période critique pour notre pays et empreinte de gravité, ce budget devrait porter la marque du ressaisissement et du courage, du redressement, pour une France plus forte dans son unité et son rayonnement. Une France que nous voulons debout, une France que nous voulons rassemblée, une France qui avance pour servir et faire vivre les valeurs de notre belle République.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances, cela a déjà été dit par de nombreux orateurs avant moi, se caractérise par son sérieux, la confirmation des engagements, des priorités clairement définies – éducation, sécurité, défense, justice –, un soutien aux entreprises et une baisse d’impôts significative pour les ménages, au moment où la politique gouvernementale et l’environnement international permettent de retrouver une meilleure croissance.

Pour réussir ce redressement, le Gouvernement a notamment lancé un plan ambitieux de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, dont 11, 1 milliards d’euros à la charge des collectivités locales. Ce plan était indispensable, compte tenu de la situation que nous avons trouvée en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je sais bien que ceux qui ont dirigé le pays jusqu’à cette date aimeraient pouvoir oublier cette période, passer à autre chose… C’est bien simple : les membres de la majorité sénatoriale ne veulent parler ni du passé – on les comprend ! – ni de l’avenir, que, pourtant, leurs très nombreux leaders évoquent sans retenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Laissez-nous le temps de revenir aux affaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. Je me propose donc de le faire à leur place.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Roger Karoutchi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Concernant le passé, si l’on a le malheur d’évoquer les 5 % de déficit public, on s’écrie, à droite : « et la crise ? », …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

… en oubliant que, en 2012, le déficit de l’Allemagne avait été ramené à zéro, tandis que celui de l’Italie – oui, de l’Italie ! – n’était plus que de 3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. La droite aux affaires, c’est un doublement de la dette en dix ans. Celle-ci représentait déjà, en 2012, 90 % du PIB. Ces chiffres devraient vous inspirer une certaine humilité

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. … lorsque vous évoquez les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités locales, dont vous êtes très largement responsables.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Une réaction, un sursaut était indispensable pour sauvegarder notre souveraineté à l’égard de nos prêteurs et pouvoir continuer à emprunter à des taux d’intérêt convenables, pour sauver aussi notre modèle social et ne pas avoir à subir l’austérité qu’ont connue de très nombreux pays européens.

En 2016, les concours financiers aux collectivités seront donc de nouveau diminués de 3, 7 milliards d’euros. Bien sûr, comme vous, nous savons que ce nouvel effort est considérable pour nombre de collectivités. L’an dernier, notre groupe avait d’ailleurs proposé diverses possibilités d’aménagement de ces efforts dans le temps. Pour autant, nous soutenons la volonté du Gouvernement de donner la priorité à la limitation de l’évolution de la dette publique et à la stabilisation de celle-ci en pourcentage du PIB.

Maîtriser la dépense publique ne peut nullement constituer une politique, mais c’est un préalable indispensable. Réaliser 50 milliards d’euros d’économies en trois ans impose que les collectivités contribuent à l’effort à hauteur de leur poids dans le budget de la nation.

Aujourd’hui, les nouveaux convertis en demandent plus. Ah oui, j’oubliais : de cela non plus, il ne faudrait pas parler ! Nous assistons à un véritable concours Lépine des prétendants : en matière de montant d’économies supplémentaires à réaliser, la gamme est large, qui s’établit entre 100 milliards et 150 milliards d’euros, et les enchères montent tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Les collectivités territoriales n’ont qu’à bien se tenir… À cet égard, vous entendre dire que de tels objectifs peuvent être atteints sans ponction supplémentaire sur les collectivités nous fait penser à ce que disait l’un de vos grands anciens : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Pour autant, mes chers collègues, au Sénat, nous savons à quoi nous en tenir : cette année encore, les propositions de diminution de dépenses de l’État resteront bien maigres et aléatoires, à l’aune des montants annoncés.

La baisse des dotations aux collectivités va exiger des efforts significatifs de la part des élus locaux. C’est une tâche extrêmement difficile qui leur est demandée ; tout comme vous, j’en mesure l’ampleur et la difficulté. C’est en quelque sorte un nouveau paradigme financier qui va s’imposer à l’action locale, dans un monde où l’argent public sera plus rare, et ce durablement.

Bien évidemment, l’investissement local en sera affecté ; nous ne le contestons pas. Les choix d’investissement devront être encore mieux réfléchis qu’auparavant, en termes tant de retombées économiques que de coûts de fonctionnement induits.

Mais ce projet de budget pour 2016 prend clairement en compte cette réalité. Un fonds de soutien pour l’investissement local de 1 milliard d’euros est lancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Sur cette somme, 500 millions d’euros iront aux territoires ruraux, pour financer les projets des petites villes, via la dotation d’équipement des territoires ruraux, et des projets en faveur de la réhabilitation et du développement des bourgs-centres. Les 500 millions d’euros restants seront destinés à des projets en matière de rénovation thermique, de transition énergétique, d’équipements numériques lourds, notamment.

La création de ce fonds de soutien sera accompagnée de plusieurs autres mesures en faveur de l’investissement.

Les remboursements au titre du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, seront élargis aux dépenses d’entretien des bâtiments publics, mais également à celles relatives à la voirie. Le groupe socialiste du Sénat a déposé un amendement visant à étendre le bénéfice du FCTVA aux dépenses réalisées par les collectivités territoriales dans le cadre du plan « France très haut débit ».

Au total, les collectivités bénéficieront de plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires par an.

Ces mesures s’ajoutent à celles qui ont été prises en 2015 en faveur des maires ruraux, qui ont vu la dotation d’équipement des territoires ruraux progresser de 200 millions d’euros, ou des maires bâtisseurs, au bénéfice desquels un fonds de 100 millions d’euros a été créé. Enfin, des facilités de trésorerie ont été prévues depuis quelques mois, avec la possibilité offerte, par la Caisse des dépôts et consignations, de préfinancer le FCTVA avec des prêts à 0 %.

Ce panel de mesures va de pair avec la volonté du Gouvernement de réduire les inégalités territoriales, au travers de la politique de péréquation.

Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, atteindrait 1 milliard d’euros en 2016, ce qui permettra un fort rééquilibrage entre les territoires. §Au total, entre 2012 et 2016, la péréquation aura été renforcée à hauteur de plus de 1, 7 milliard d’euros, ce qui représente un effort inédit, monsieur Bouvard ! Dans les territoires en difficulté, ces mesures permettent de compenser la baisse des dotations, et souvent bien plus encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Plus largement, par-delà l’achèvement de la carte intercommunale, la commune nouvelle sera également un élément de réorganisation territoriale, alors que les regroupements doivent permettre de continuer à assurer le service public local, notamment en zones rurales, dans un contexte financier contraint. Les mesures d’incitation à la création de communes nouvelles seront donc prorogées de quelques mois ; nous soutenons pleinement cette disposition.

La réforme de la DGF aurait dû prendre le même chemin que la loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, élaborée sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune et de M. Jacques Pélissard, qui avaient su nous rassembler autour de leur texte. Malheureusement, à l’automne 2014, lorsque la décision a été prise de se lancer dans cette réforme ambitieuse, le groupe UMP de l’époque, au Sénat, a refusé de participer aux travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Cela est d’autant plus malheureux que les constats sur l’état actuel de la DGF, ses limites et la nécessité de restaurer de la lisibilité et de l’équité dans son fonctionnement sont presque unanimement partagés.

Si le report de cette réforme au projet de loi de finances pour 2017 a été décidé, nous n’abandonnons pas, pour notre part, l’objectif de réformer cette ressource qui représente près d’un quart des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales.

Quant à moi, je nous engage à retrouver les voies du travail collectif afin de construire, avec le Gouvernement, la meilleure réforme possible, au bénéfice de nos collectivités et de nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. C’est indiscutablement le rôle du Sénat, singulièrement de sa commission des finances, de proposer les évolutions nécessaires pour permettre l’adoption d’une telle réforme lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2016 intervient dans un contexte exceptionnel, qui nous impose plus que jamais d’être à la hauteur de nos responsabilités et de définir les politiques publiques les plus pertinentes ; il s’agit aussi d’adresser un message d’espoir et d’affirmer des ambitions pour les jeunes de notre pays.

Mon intervention portera sur trois points.

Premièrement, il nous est proposé de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de 2, 5 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2016, ce qui représente un recul de 5 % par rapport à 2015 ou encore une baisse de près de 1 milliard d’euros par rapport à 2012.

Sur le fond, l’exercice 2016 semble devoir être peu marqué par les mesures de soutien à l’élevage, qui devraient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution. Les mesures d’urgence annoncées par le Gouvernement cet été ne trouvent pas leur traduction dans ce projet de loi de finances. Par exemple, il avait été annoncé que le fonds d’allégement des charges serait augmenté de 50 millions d’euros : les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2016 sont de 1, 56 million d’euros seulement. Il en est de même pour le soutien à l’investissement…

Par ailleurs, de trop nombreuses questions restent en suspens : ni le plan de soutien à l’élevage annoncé cet été ni le projet de loi de finances pour 2016 ne les règlent. Je pense, par exemple, à l’installation des jeunes agriculteurs, à la modernisation des entreprises agroalimentaires ou au secteur forestier. Aujourd'hui, en France, on exploite les forêts sans disposer des capacités de reboiser dans la même mesure.

Monsieur le ministre, nous manquons cruellement d’ambition dans ces secteurs dont dépendent pourtant de nombreux emplois dans l’ensemble de nos territoires.

Je veux donc redire mon inquiétude, alors que la situation économique de nos éleveurs appelle d’amples mesures structurelles et la mise au point d’une politique agricole de long terme, et donc la mobilisation de moyens à la hauteur.

Ces préoccupations, d’ailleurs, guident les travaux que je mène actuellement sur la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire que j’ai déposée avec un grand nombre de mes collègues.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles mesures entendez-vous prendre pour répondre à ces défis, au moment où les États-Unis, les pays du nord de l’Europe, la Chine définissent des plans stratégiques en matière agricole, agroalimentaire et forestière ?

Deuxièmement, j’évoquerai le financement de nos entreprises.

Vous avez affiché, monsieur le ministre, l’objectif d’une réduction supplémentaire de 9 milliards d’euros des prélèvements pour les entreprises et de la mise en œuvre d’une partie du plan PME-TPE annoncé en juin 2015 par le Premier ministre.

À l’examen du texte, cependant, force est de constater que nous sommes encore loin du compte, même si certaines dispositions vont dans le bon sens, comme la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la fin programmée de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés, qui se traduira par des économies pour les entreprises.

Les efforts en matière de rationalisation et de simplification du paysage fiscal des entreprises sont encore trop faibles. Faut-il rappeler qu’il existe en France 192 taxes sur les entreprises, dont 179 ont un rendement inférieur à 100 millions d’euros, contre 17 en Belgique et 3 en Allemagne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Ce sont autant de contraintes qui asphyxient nos entreprises et encouragent nos jeunes entrepreneurs à quitter le territoire. Il est urgent d’agir sur ce point : cela fait partie des mesures fortes que les Français attendent.

Je tiens à saluer le travail de la commission des finances, en particulier celui de son rapporteur général, sur ce sujet. Je vous encourage, monsieur le ministre, à y souscrire, s’agissant notamment de la prorogation d’un an du dispositif d’amortissement accéléré applicable aux matériels de robotique industrielle, qui a également été élargi aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Nous devons favoriser la croissance des TPE et des PME, qui représentent 52 % de l’emploi salarié, mais peinent à accéder aux financements et à devenir des ETI.

La question du financement des entreprises est cruciale, ainsi que celle des moyens consacrés à la recherche et à l’innovation. Je m’interroge sur votre ambition en la matière : la baisse de 119 millions d’euros du budget alloué à la recherche votée à l’Assemblée nationale sur votre proposition est absolument surprenante. La diminution des moyens accordés à la recherche ne paraît pas cohérente avec la sanctuarisation des crédits annoncée par le Président de la République ni avec les enjeux qui lui sont associés. C’est un nouveau signal négatif adressé à nos jeunes, aux chercheurs et aux entreprises innovantes, dont nous avons pourtant tant besoin.

Selon le rapport Gallois, ce sont les pays les plus robotisés qui connaissent le taux de chômage le plus bas. Si nous voulons faire de la France un grand pays productif, nous avons grand intérêt à mettre des robots dans nos usines et à accompagner la mutation de notre appareil industriel. Comment y parviendrons-nous si nous ne finançons pas suffisamment la recherche ?

Troisièmement, dans le même ordre d’idées, je m’interroge sur l’évolution des pôles de compétitivité, dans la perspective d’une France à treize grandes régions, et sur les rôles respectifs des régions et de l’État dans leur développement et leur performance.

Va-t-on confier la gestion complète des crédits d’animation aux régions, ce qui serait cohérent avec leurs prérogatives économiques étendues ? Va-t-on imaginer un accord entre l’État et les régions sur les pôles de compétitivité, en prévoyant pour les pôles stratégiques, ceux de dimension nationale, voire internationale, un financement d’État, et en réservant la manne régionale aux plus petits ?

Les régions, désormais plus vastes, compteront forcément des pôles aux secteurs d’activité proches ou complémentaires. Elles pourraient être tentées de favoriser des rapprochements. Sur mon territoire, nous venons de vivre la première fusion interrégionale, opérée le 1er janvier 2015 entre Alsace Énergivie, à Strasbourg, et Fibres, à Épinal. Ce phénomène amorce un mouvement de consolidation des pôles de compétitivité. Serons-nous en mesure d’accompagner ces mutations, monsieur le ministre ?

Votre projet de budget n’encourage pas tous ceux qui entreprennent, qui innovent, qui investissent, qui prennent des risques, qui créent des richesses et des emplois. En l’absence de réformes structurelles, je ne crois pas à l’effectivité des économies, en dehors de la facilité consistant à tailler dans les investissements. Pourtant, monsieur le ministre, l’investissement d’aujourd'hui devrait faire la stabilité de demain : c’est un vrai rendez-vous manqué !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de budget pour 2016 dont nous entamons l’examen aujourd’hui est marqué par un esprit de responsabilité au regard de la priorité du Gouvernement de rétablir les comptes publics de la France.

Dans ce contexte d’économies, il convient de saluer la stabilité des crédits affectés aux territoires ultramarins. En effet, l’effort total de l’État en direction de ces derniers s’élève à 14, 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 14, 1 milliards d’euros en loi de finances pour 2015 et 14, 2 milliards d’euros en exécution au titre de l’exercice 2014.

La politique de l’État s’inscrit donc dans la continuité de l’exercice 2015, puisque les axes prioritaires du Gouvernement n’ont pas connu d’évolution, tant dans leur hiérarchisation que dans leur dénomination dans le document de politique transversale.

Ces priorités sont l’enseignement scolaire, auquel est consacré 33 % des crédits, avec 4, 7 milliards d’euros ; la mission « Outre-mer », à laquelle sont affectés 2 milliards d’euros, soit 14, 5 % des crédits totaux, ses deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » étant destinés à lutter contre le chômage ; l’amélioration de la compétitivité des entreprises ; le développement de l’économie sociale et solidaire ; la lutte contre la vie chère ; l’amélioration des conditions de vie des habitants et de la cohésion sociale des territoires ; la mise en œuvre d’un plan pour la jeunesse.

Il s’agit d’une politique centrée sur l’égalité sociale, sur un nécessaire rattrapage avec les standards métropolitains. Cependant, elle peine à produire des résultats. En effet, les retards des outre-mer sur la France métropolitaine sont encore significatifs : sur onze territoires ultramarins, quatre présentent un produit intérieur brut inférieur à 50 % du niveau métropolitain ; le niveau de vie atteint 75 % de la moyenne hexagonale dans seulement trois d’entre eux.

D’aucuns expliquent cette situation par l’insuffisance des transferts publics, qui correspondraient au mieux au poids démographique des outre-mer, soit 5 604 euros par habitant, contre 5 664 euros par habitant pour la France métropolitaine : d’où la mise en avant, désormais, de l’objectif d’égalité réelle. Dans cette perspective, la mise en œuvre du principe de solidarité nationale s’impose comme une impérieuse nécessité, devant prévaloir sur l’objectif de réduction des déficits publics, qui ne saurait être appliqué de façon automatique à des territoires où le niveau de vie, rappelons-le, s’échelonne entre 24 % et 75 % de la moyenne nationale.

Victorin Lurel, député de la Guadeloupe et ancien ministre des outre-mer, a été chargé par le Gouvernement d’une mission sur ce sujet, devant déboucher sur l’élaboration d’une loi-programme.

Devons-nous pour autant nous contenter de faire le constat de l’insuffisance des crédits mis à la disposition des outre-mer, qui, nous le savons, peineront à être valorisés en cette période de baisse généralisée des dotations ?

Certes, les outre-mer ont besoin de mesures de rattrapage, mais leur développement ne peut avoir comme unique objectif de réduire l’écart avec les indicateurs économiques et sociaux des pays développés à partir des seuls transferts financiers publics. Ils ont aussi besoin de mesures différenciées pour s’intégrer à leur environnement géographique et asseoir un développement fondé sur leurs ressources propres.

La politique de perfusion qu’est l’assistanat doit laisser place à un nouveau paradigme axé sur le développement local.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

C’est tout le sens du premier engagement de François Hollande pour les outre-mer, à savoir assurer leur redressement économique par la relance de la production et de la croissance.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est capital de préserver, au bénéfice des DOM, dans le projet de loi de finances pour 2016, des mesures ambitieuses de soutien à la compétitivité des entreprises, de les consolider plutôt que de les réduire, voire de les supprimer.

À cet effet, je déposerai des amendements visant à la prolongation jusqu’au 31 décembre 2025 des dispositifs de défiscalisation et à diverses extensions du crédit d’impôt à la transition énergétique, le CITE, à des domaines emblématiques des DOM.

Certes, ces mesures alourdiront les dépenses fiscales, estimées à 3, 9 milliards d’euros, mais, dans ce contexte de crise, la fiscalité est le levier indispensable et incontournable du développement et de la création d’emplois dans nos outre-mer.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais conclure mon propos sans vous rappeler les engagements que vous avez pris lors de votre déplacement en Guyane.

Vous vous étiez alors engagé à revoir la situation financière des grandes communes de Guyane, confrontées à des besoins d’équipement primaire de leur immense territoire. Si, dans un premier temps, il peut sembler que vous ayez pensé à elles, au travers de la dotation de ruralité, bien vite cette impression favorable s’estompe du fait du « tunnel » instauré par la réforme. Pour essayer de rectifier le tir, je déposerai un amendement portant sur ce point, ainsi que sur d’autres touchant aux finances des collectivités locales des outre-mer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je veux tout d’abord exprimer toute l’admiration que m’inspire l’action des services de renseignement et des services de sécurité, qui a débouché sur les résultats que l’on sait. Ces résultats démontrent, s’il en était besoin, que, pour peu qu’on leur en donne les moyens, ces services peuvent faire de grandes choses.

Depuis quelques semaines, divers événements ont quelque peu affecté un exercice budgétaire déjà fort compliqué.

Nous savons tous que nous ne possédons plus, depuis trop longtemps, de moyens financiers disponibles, sauf à augmenter la dette, ce qui serait la plus mauvaise des solutions. Il serait peut-être plus judicieux de rechercher des gisements d’économies.

La donne est simple : l’État est exsangue, son endettement est proche de 100 % du PIB. Il ne serait pas acceptable de dépasser cette limite, et il faut même faire reculer l’endettement. Or nous ne sommes pas engagés sur ce chemin.

L’État a déjà fait jouer la corde patriotique pour tenir le plus longtemps possible et restreindre son effort, en demandant à chacun de participer à l’effort national.

L’effort le plus important va, en définitive, reposer sur nos collectivités. Elles vont contribuer à hauteur de plus de 15 milliards d’euros sur quatre ans, alors qu’elles ont déjà perdu leurs maigres marges de liberté. Elles vont restreindre leurs investissements, ce qui pèsera sur l’emploi.

L’État a décidé unilatéralement cette contribution majeure des collectivités. Au-delà de ce prélèvement, il était prévu, il y a quelques jours encore, de passer en force en bouleversant la DGF, sans concertation ni analyse. Heureusement, malgré toutes vos affirmations récentes, selon lesquelles vous ne reviendriez pas sur votre réforme, vous avez intelligemment fait marche arrière. Je salue l’effort intellectuel que vous avez dû faire…

Une nouvelle donne vient de s’imposer à nous : « l’état d’urgence ».

Les annonces du Président de la République sur les moyens à mettre en œuvre auront un impact dont nous ne connaissons pas encore l’importance. Il faudra naturellement prendre en compte les 8 500 emplois nouveaux annoncés à Versailles et les moyens matériels à mettre en regard. Parallèlement, des emplois qui devaient être supprimés dans nos armées ne le seront probablement pas, d’où le besoin de moyens financiers supplémentaires.

Puis-je, en cet instant, faire rappel de deux engagements ?

Le 21 janvier, à la suite des attentats du début de l’année sur le sol français, le Premier ministre, Manuel Valls, annonçait le renforcement des moyens alloués à la lutte contre le terrorisme : 2 680 emplois et 425 millions d’euros de crédits supplémentaires y seront consacrés entre 2015 et 2017.

Le 29 avril, à l’issue d’un conseil de défense, le Président de la République indiquait que 3, 8 milliards d’euros de crédits supplémentaires allaient être dégagés en faveur de la défense entre 2016 et 2019, et que 18 750 emplois dans les armées, dont la disparition était programmée, seraient sauvegardés.

Qu’en est-il de ces engagements ? Vous aviez prévu pour 2016, comme l’a rappelé M. Dominati, une progression des crédits de seulement 0, 9 %. Quelle est la place de ces engagements dans les annonces faites par le Président de la République à Versailles ? Il n’y a, dans ma remarque, aucune critique. Il faut savoir se donner les moyens de sa politique. Ce que je souhaiterais connaître, c’est l’impact financier de ces nouvelles annonces. Ce dernier a-t-il été calculé, évalué ? Connaît-on son étalement dans le temps ?

Pour la justice, par exemple, 2 500 emplois nouveaux sont annoncés. À ce jour, 1 370 emplois ne sont pas pourvus. Cela témoigne des difficultés de recrutement et reflète probablement la problématique du temps de formation. Ces 1 370 emplois seront-ils pourvus et 2 500 nouveaux emplois s’y ajouteront-ils d’ici à la fin de 2016 ?

Aucune information ne nous ayant été fournie, nous avons fait des simulations sommaires qui nous permettent de disposer d’un ordre de grandeur de la charge supplémentaire ainsi créée. Philippe Dallier en a parlé voilà quelques instants. Je n’ai pas le sentiment que ce surcoût justifie cette formule du Président de la République : « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. »

Cela signifie-t-il que toute dépense nouvelle destinée à assurer notre sécurité viendra augmenter d’autant notre déficit et nous éloignera du respect de notre engagement d’atteindre 3, 3 % de déficit par rapport au PIB en 2016 ?

Je souhaite que l’on nous fournisse une analyse très précise de ces dépenses nouvelles et qu’une justification de chacune d’entre elles nous soit donnée, voire qu’une économie d’un montant équivalent soit proposée.

Nous pensons sincèrement que ces dépenses nouvelles, non discutables sur le fond, peuvent largement être financées par des économies. Nous allons en proposer de nombreuses, et il nous revient d’en chercher d’autres ensemble. Lorsque la sécurité devient prioritaire, lorsque l’on est en guerre, on peut probablement consentir, par patriotisme, à abandonner un ou deux jours de congés par an, pris sur les RTT, ou accepter des jours de carence. Vous le savez, grâce aux RTT, nombre de salariés parviennent à cumuler dix, onze, voire douze semaines de congés. Il n’est pas pensable de laisser filer nos déficits, alors que nous pouvons consentir des efforts individuels. Nous annonçons que nous sommes en guerre, et nous voulons vivre comme si nous ne l’étions pas !

Je vais évoquer quelques pistes d’économies.

L’effort de guerre pourrait amener à s’interroger sur le maintien des 35 heures ou d’un temps de travail parfois inférieur encore dans certaines professions ou certains services publics. Divers avantages acquis, qui ne se justifient plus à notre époque, ne pourraient-ils être renégociés au vu des circonstances ? Nous avons refusé de faire des efforts dans le cadre d’une guerre économique ; allons-nous l’accepter dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme ?

Faut-il encore envisager de créer une nouvelle chaîne de télévision publique ?

Ne faut-il pas s’interroger sur le démantèlement progressif de l’État au travers de la mise en place d’agences et sur le coût anormal de celles-ci ? Notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx a remis un excellent rapport sur le sujet.

Ne peut-on se poser des questions à propos des 60 000 nouveaux emplois annoncés, et pour partie créés, dans l’éducation nationale ?

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à accepter le principe que le pacte de stabilité ne doit pas obligatoirement être remis en cause par le pacte de sécurité ?

Comme vous le savez, la « clause d’assistance face au terrorisme » vient d’être mise en œuvre par les Vingt-Huit. L’article 42 du traité sur l’Union européenne implique un devoir d’assistance. Cela peut-il conduire à un partage de coûts entre États et, éventuellement, avoir une incidence sur nos dépenses dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Je passerai maintenant à un tout autre sujet, beaucoup plus terre à terre, mais important pour le fonctionnement de nos collectivités : l’adaptation de la fiscalité locale aux évolutions institutionnelles relatives aux régions. Si j’en parle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est pour vous permettre d’y réfléchir avant que nous n’y revenions dans la suite de la discussion du projet de loi de finances.

Afin d’accompagner des transferts de compétences, vous proposez de porter de 25 % à 50 % la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, revenant aux régions, à compter de 2017. Corrélativement, vous abaissez de 48, 5 % à 23, 5 % la part allouée aux départements.

Vous avez précisé que le Gouvernement produira un rapport permettant de garantir la bonne adéquation entre ressources affectées aux régions et transferts de compétences entre départements et régions.

La base du transfert financier est principalement justifiée par le transfert de la compétence « transports scolaires ». Cela mérite une analyse extrêmement précise.

Je note que, dans l’Île-de-France, les transports scolaires sont de la compétence de la région. Y aura-t-il un prélèvement à ce titre ?

Quels sont la réalité et le contenu de la compétence « transports scolaires » ?

L’obligation incombant aux départements se résume, selon la loi, à « l’organisation des transports » et à la seule prise en charge du coût du transport pour les élèves handicapés. Organisation et coût sont deux notions fort différentes. La prise en charge, variable selon les départements, du coût du transport des élèves est un choix politique local, totalement libre, fait par les départements. Ils n’ont aucune obligation en la matière.

Dans ces conditions, doit-on transférer, au travers de la CVAE, l’équivalent du coût actuel, supporté au titre d’un choix politique, de la prise en charge des élèves, qui ne relève pas d’une compétence obligatoire ? Je le répète, il n’est nullement inscrit dans la loi que le coût du transport doit être assumé par les collectivités départementales : elles sont libres de le décider ou non.

À ce jour, la loi autorise déjà les régions à prendre en charge le coût du transport des élèves des lycées. Je l’ai fait moi-même inscrire dans un précédent texte. Cela montre qu’il n’y a pas transfert de charges au sens de la loi, puisqu’il n’y a pas transfert d’une compétence obligatoire.

J’estime donc que votre raisonnement sur le transfert de la charge relative aux transports scolaires ne tient pas pour 99 % de son montant. Je vous pose la question : allez-vous revoir votre analyse sur la légalité de ce prélèvement sur la CVAE des départements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’éclairer sur ces trois questions : le pacte de stabilité est-il nécessairement remis en cause par le pacte de sécurité ? La prise en charge du transport des élèves relève-t-elle d’une compétence obligatoire des départements ? Si cette prise en charge est facultative, s’agit-il d’un transfert de compétence au sens de la loi ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme il est légitime dans un débat démocratique, certains orateurs ont apporté la contradiction au Gouvernement. Je respecte bien entendu leurs arguments, auxquels j’apporterai maintenant, avec Christian Eckert, des éléments de réponse, sans entrer dans le détail à ce stade de la discussion générale.

Je constate, pour m’en féliciter, que le débat habituel, repris année après année quelle que soit la majorité en place, sur la sincérité du budget n’a pas eu lieu aujourd’hui. En effet, les hypothèses de croissance que nous avions faites pour 2015 se vérifient. Celles que nous faisons pour 2016 sont également réalistes ; elles sont conformes, grosso modo, aux prévisions des observateurs, sachant que, par définition, nous ne pouvons connaître à l’avance la vérité de l’avenir ; peut-être est-ce heureux, d’ailleurs…

L’année dernière, nous avions prévu 1 % d’inflation pour 2015. Le taux d’inflation s’établira en réalité à 0, 1 % ou à 0, 2 %, ce que personne n’avait anticipé, notamment pas la Banque centrale européenne, qui a mis en place, à partir de la fin de 2014, un programme très offensif, presque violent, de quantitative easing, destiné précisément à éviter une inflation zéro. En effet, un niveau d’inflation trop faible est une mauvaise chose pour l’économie : il doit être suffisamment élevé pour induire des anticipations positives de la part de l’ensemble des acteurs économiques, ménages comme entreprises.

Notre prévision de 1 % d’inflation pour l’année prochaine est-elle vraiment trop optimiste ? Je ne le pense pas, d’abord parce que c’est l’hypothèse retenue par la BCE, institution qui est justement chargée de mettre en œuvre les politiques permettant d’atteindre ce niveau. Par ailleurs, si l’inflation a été presque nulle en 2015, cela tient à la division par deux du prix du baril de pétrole, passé d’un peu moins de 100 dollars à un peu plus de 40 dollars. Or il est fort peu probable qu’une baisse d’une telle ampleur se reproduise l’année prochaine, le prix du pétrole étant désormais très bas, de même que celui d’un certain nombre de matières premières.

Même si je ne peux avoir de certitude, je pense donc que cette hypothèse d’inflation est correcte. Nous avons tenu nos engagements sur ce plan et nous nous donnons les moyens de les tenir l’année prochaine. Le débat sur la sincérité du budget appartient à un autre temps !

J’évoquerai maintenant la continuité de notre action, que certains ont essayé de tourner en dérision, en disant que la surprise, dans ce projet de budget, c’est qu’il n’y en a pas. À mes yeux, que le projet de budget pour 2016 s’inscrive dans la continuité du budget de 2015, qui lui-même, sur de nombreux points, était dans la continuité du budget de 2014, est une bonne chose ! Une bonne politique ne zigzague pas en fonction des circonstances : elle garde le cap, y compris dans les moments difficiles ou de doute.

Or ce projet de budget maintient le cap, tout particulièrement en matière de diminution des cotisations et des impôts pesant sur les entreprises. Beaucoup d’entre vous ont bien voulu relever que, pour la troisième année consécutive, nous mettons en œuvre les engagements que nous avions pris à cet égard : après les avoir réduits d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2015, nous inscrivons une nouvelle baisse de 9 milliards d’euros des prélèvements sur les entreprises dans le projet de budget pour 2016.

Il en va de même pour les ménages, dont nous continuons à réduire les impôts. Cette continuité dans la mise en œuvre des annonces est indispensable aux acteurs économiques, qui doivent pouvoir prendre des décisions s’inscrivant dans la durée, en particulier en matière d’investissements. Ils doivent avoir l’assurance que le chemin est tracé pour plusieurs années et que les engagements seront tenus.

Je suis donc fier de vous présenter un projet de budget peut-être dénué d’aspérités, mais marqué par la sagesse et la force de la continuité.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Dans le domaine budgétaire, les réformes structurelles sont menées par ailleurs ; vous le savez fort bien, monsieur le rapporteur général !

En ce qui concerne les comparaisons qui ont été faites entre la France et les autres pays européens, je demanderai un effort de vérité. Je vous renvoie aux documents qui commentaient la situation de la France l’année dernière, au moment où nous avions le même débat.

Au sein de l’Union européenne, on distingue habituellement trois catégories de pays : ceux qui se conforment complètement aux orientations arrêtées – il y en a trois, dont l’Allemagne –, ceux qui s’y conforment globalement et ceux qui risquent de ne pas s’y conformer. L’an passé, la France était classée dans cette dernière catégorie ; cette année, elle figure dans la catégorie des pays qui se conforment globalement à leurs engagements. Par conséquent, cessez de dire, par facilité de langage, que la France fait toujours partie des mauvais élèves de l’Europe ! Ce n’est pas vrai ! Les observateurs européens constatent que de réels efforts ont été faits.

C’est une bonne chose pour la France, pas simplement pour une majorité ou un gouvernement. Ce que l’on appelle le climat des affaires s’est amélioré, pour s’établir à un niveau que nous n’avions plus connu depuis l’avant-crise. Il faut continuer à être exigeants en termes d’investissements ou d’emploi, mais on voit bien que le climat a changé depuis l’année dernière, et nos relations avec l’Europe s’en ressentent. Pour participer aux nombreuses réunions de l’Eurogroupe ou du conseil Ecofin, je puis vous dire que la France n’est plus regardée ni écoutée de la même manière. Elle a de l’autorité. Quand je parle au nom de la France sur la question grecque, je suis écouté comme je ne l’aurais pas été l’année dernière. Il n’en serait pas ainsi si nous avions laissé perdurer une situation qui était critiquée par l’ensemble de nos partenaires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je terminerai en évoquant une question qui a été soulevée à juste titre par plusieurs d’entre vous.

Dans le contexte actuel, il va vous être demandé d’augmenter les crédits des ministères chargés d’assurer la sécurité des Français.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) La sécurité passe avant toute autre considération : aucune règle, aucun dogme, aucun principe budgétaire ne peuvent s’opposer à la nécessité de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des Français !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je pense bien sûr aux ministères de l’intérieur et de la justice, ainsi qu’au mien, dont relèvent les services des douanes. Rien, aucune considération budgétaire ne peut faire obstacle à la mise en place des moyens nécessaires pour répondre aux attentes des Français en matière de sécurité. Voilà ce que signifie cette phrase du Président de la République que vous voulez tourner en dérision ! §

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Comme je l’ai indiqué en présentant ce projet de loi de finances, l’esprit de responsabilité en matière budgétaire, qu’il est de notre devoir de manifester, n’est pas antinomique de la responsabilité politique, au contraire. En effet, c’est cet esprit de responsabilité budgétaire qui nous permet aujourd’hui de déployer des moyens supplémentaires en faveur de nos forces de l’ordre, de la justice, de tous ceux qui agissent avec un professionnalisme exemplaire pour assurer la sécurité des Français et auxquels je rends de nouveau hommage.

Il n’y a pas d’opposition entre sécurité et stabilité. Nous le démontrerons à nos partenaires européens, qui, contrairement à certains d’entre vous, ont immédiatement fait part de leur compréhension. §Il est tout de même étonnant qu’ils aient été plus prompts que la majorité sénatoriale à déclarer comprendre la décision du Gouvernement français de consacrer plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires à la sécurité des Français, et partant des Européens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

On n’a jamais dit le contraire ! C’est un faux débat !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

M. Michel Sapin, ministre. Pour répondre très clairement à votre interrogation, il n’y a pas de contradiction entre sécurité et stabilité. Simplement, assurer la sécurité des Français est une nécessité supérieure, qui prime sur tout le reste. Vient ensuite celle de pratiquer une gestion, en particulier en matière de réduction du déficit public, qui permette de maîtriser une dette n’ayant que trop augmenté au cours des années précédentes.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert

Monsieur le rapporteur général, je vous trouve très angoissé !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Vous avez une propension à souligner tous les risques. Certes, il y en a, la vie est ainsi faite, et la réalité nous rattrape très souvent, mais il n’y a pas que cela ! À Bercy, on parle plutôt d’ailleurs d’aléas, qui peuvent être positifs : la sincérité budgétaire nous conduira sans doute à en constater dans les prochaines semaines, des évolutions pouvant intervenir sur tel ou tel point, en matière tant de dépenses que de recettes. En tout état de cause, il n’y a pas que de mauvaises surprises, et cette réalité appuie les propos tenus à l’instant par M. le ministre sur l’absence d’opposition entre sécurité et stabilité ; nous y reviendrons au cours du débat.

Les taux d’intérêt à dix ans s’établissent aujourd’hui à 0, 8 % et ils sont négatifs à moins de trois ans. Nous prévoyons qu’ils atteignent 2, 4 % à dix ans à la fin de l’année prochaine, soit le triple de ce qu’ils sont actuellement. Nous faisons donc preuve de prudence, me semble-t-il, ce qui pourrait nous conduire en cours d’année à constater l’existence de marges de manœuvre supplémentaires, si nos hypothèses de départ se révèlent trop pessimistes.

Ainsi, en 2015, nous avons pu prendre un certain nombre de mesures en cours d’année, notamment le plan de lutte anti-terrorisme adopté à l’issue des événements dramatiques de janvier. Je remercie M. Doligé de l’avoir rappelé. Ces engagements ont été tenus par le biais de décrets d’avance et d’annulations de crédits. De même, la loi de programmation militaire a été révisée l’été dernier. Avons-nous suffisamment anticipé ? La question peut être posée, mais les décisions annoncées par le Président de la République à Versailles ne sont que la suite, l’amplification de mesures qui ont été prises en cours d’année. Or elles ont pu l’être parce que nous n’avions pas fait preuve, sur certains postes budgétaires, d’un optimisme béat ! Certains m’objecteront qu’il s’agit de simples économies de constatation, mais elles n’ont été possibles que parce que nos prévisions avaient été prudentes. Cela est également vrai en termes de croissance.

Plusieurs d’entre vous ont argué que si l’inflation devait être trop faible – pour l’heure, M. le ministre l’a très bien dit, nul ne peut savoir ce qu’il en sera –, cela provoquerait des désordres. Encore une fois, c’est ne voir que le côté négatif des choses ! Il se peut qu’une faible inflation nous amène à constater des recettes, notamment de TVA, inférieures à nos prévisions – ce n’est pourtant pas le cas pour 2015, contrairement aux craintes exprimées par certains cet été, comme vous pourrez le vérifier au cours de nos débats ou lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative –, mais elle a aussi des effets positifs. En effet, une part importante de nos emprunts étant indexée sur l’inflation, un faible taux d’inflation entraîne mécaniquement et immédiatement un allégement de la charge de la dette. Enfin, il n’échappera à personne qu’une faible inflation permet en général sinon de réduire la dépense publique, du moins de faciliter le respect de la norme de dépenses que nous avons fixée.

Beaucoup de choses ont été dites sur les collectivités locales, notamment sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement et le niveau des dotations dans leur ensemble.

La réforme de la DGF, tout le monde en convient, est nécessaire. On peut s’interroger sur le point de savoir si elle a été suffisamment ou insuffisamment préparée, mais je constate qu’un certain nombre d’acteurs – je pourrais donner des noms ! – ne se sont pas saisis du dossier, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… non plus que des simulations, qui étaient disponibles dès le mois de juillet. Je rappelle au passage que ce n’est pas Bercy qui établit les simulations en matière de DGF.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

C’est la direction générale des collectivités locales, qui dépend du ministère de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Ce que j’ai lu et entendu sur le sujet n’est pas exact, monsieur le rapporteur général. Ce n’est pas Bercy qui a tardé à produire des simulations !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

En tout cas, certaines simulations ont été communiquées dès le mois de juillet, mais le Comité des finances locales les a balayées d’un revers de la main, refusant même de les examiner.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

J’ajoute que vous-même, monsieur le rapporteur général, avez été destinataire, voilà déjà plusieurs semaines, de l’ensemble des simulations.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Oui, les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ont été destinataires des simulations complètes.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Vous êtes aussi venus au ministère, sur mon invitation d’ailleurs, mais vous avez bien été destinataires des simulations.

Monsieur Patient, je n’ai pas oublié ce que j’ai vu en Guyane. Vous le savez, dans le projet de réforme de la DGF, au titre de la dotation de ruralité, nous avons pris en compte, en lien avec Marylise Lebranchu et André Vallini, la spécificité de la taille des communes de votre département. Je suis ouvert à un certain nombre d’aménagements. Vous avez déjà avancé des propositions en ce qui concerne la dotation dite de superficialité, mais il faut faire en sorte d’éviter des effets d’aubaine pour certaines communes de la métropole ; nous en reparlerons.

Madame Beaufils, vous nous avez reproché de dire que l’endettement était malsain, surtout celui des collectivités territoriales. Telle n’est pourtant pas la position que j’ai exposée. L’endettement est bien sûr utile, et même vertueux, dans un certain nombre de domaines, mais convenons tout de même ensemble qu’il peut devenir malsain lorsqu’il est excessif.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Cela dit, nous ne stigmatisons personne.

Par ailleurs, on ne peut pas à la fois reprocher à l’État de ne faire des économies que sur ses dépenses d’investissement, comme certains l’ont prétendu, et regretter que, les collectivités territoriales ne pouvant faire d’économies sur leurs dépenses de fonctionnement, la diminution de leurs recettes les oblige à réduire leurs investissements. Nous aurons l’occasion de commenter, au cours du débat, les dernières données disponibles sur l’évolution des dépenses des collectivités territoriales en matière tant d’investissement que de fonctionnement.

Il est exact, monsieur Canevet, que l’impôt sur le revenu rapportera 69, 5 milliards d’euros en 2015 et 72, 3 milliards d’euros en 2016, selon nos prévisions. Vous en déduisez, pour vous en offusquer, qu’il augmente de 2, 8 milliards d’euros. Mais vous oubliez que la prime pour l’emploi, qui était une dépense fiscale, d’un montant de 2 milliards d’euros en 2015, a été supprimée, pour être remplacée par une dépense budgétaire. Ainsi, mécaniquement, les Français ne paieront que 0, 8 milliard d’euros de plus en 2016.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Mais si, monsieur le sénateur !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous poursuivrons cette discussion dans le cours du débat ou à la buvette, si vous le souhaitez, mais l’augmentation de l’impôt sur le revenu sera de 0, 8 milliard d’euros, ni plus ni moins, soit de 1, 15 % en volume, sachant que la masse salariale progresse, quant à elle, de 1, 6 %. Voilà l’explication de la baisse d’impôt provoquée par la décote. J’ajoute qu’il faudrait aussi tenir compte des produits apportés par le service de traitement des déclarations rectificatives au titre de l’impôt sur le revenu.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, 414 amendements ont été déposés sur la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

Comme nous en avions prévu l’éventualité, il me semble qu’il nous faut donc ouvrir la séance du samedi 21 novembre.

Nous pourrions ainsi siéger le matin et l’après-midi, jusqu’à dix-huit heures trente.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement demande, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve de la discussion de l’article 15 et des amendements qui y sont rattachés jusqu’au lundi 23 novembre, à dix heures, afin que Mme la garde des sceaux puisse assister au débat sur l’aide juridictionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Il n’y a pas d’opposition ?...

La réserve est ordonnée.

Nous abordons la discussion de l’article liminaire.

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2016, l’exécution de l’année 2014 et la prévision d’exécution de l’année 2015 s’établissent comme suit :

En points de produit intérieur brut

Exécution 2014

Prévision d’exécution 2015

Prévision 2016

Solde structurel (1)

Solde conjoncturel (2)

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

Solde effectif (1 + 2 + 3)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je ne suis saisi d’aucun amendement.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Comme chaque année, je constate que se posent des problèmes d’arrondis, qui faussent les totaux, mais passons…

Le Haut Conseil des finances publiques a été créé pour donner une appréciation sur les prévisions de croissance et d’inflation. Le projet de loi de finances pour 2016 me semble fondé sur des hypothèses très optimistes en matière d’évolution des investissements et de la masse salariale, laquelle augmenterait de 2, 8 %.

M. Eckert trouve le rapporteur général angoissé. Pour ma part, il me semble un peu trop tranquille…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

(M. le secrétaire d’État opine.) Le bilan est donc nul, et les redevables de l’impôt sur le revenu, qui seront de surcroît moins nombreux, devront bel et bien payer 2, 8 milliards d’euros de plus.

M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’impôt sur le revenu devrait bien augmenter de 2, 8 milliards d’euros. Certes, monsieur le secrétaire d’État, la prime pour l’emploi, qui représentait une dépense fiscale de 2 milliards d’euros, est supprimée, mais n’oublions pas que des dispositions ont été prises par le Gouvernement pour exonérer un certain nombre de contribuables de l’impôt sur le revenu, à hauteur de 2 milliards d’euros. §

Concernant le classement des pays européens, monsieur Sapin, il y a une différence entre être en tête du peloton et être en queue. En matière d’efforts budgétaires, nombre de nos partenaires européens pourraient nous donner des leçons !

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.

L’article liminaire est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous passons à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, l’article 22 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’actualité nous rappelle cruellement que nous avons besoin de toujours plus de solidarité en Europe.

Ainsi, la France a invoqué, avant-hier, la clause d’assistance entre les États membres de l’Union européenne en cas d’« agression armée sur son territoire ». Cette clause n’ayant jamais été activée auparavant, j’aimerais que vous nous disiez, monsieur le secrétaire d'État, ce que nous pouvons en attendre. Vous pourrez peut-être aussi nous dire pourquoi la France a demandé de faire jouer la clause d’assistance militaire, prévue par l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, et pas la clause de solidarité, prévue par l’article 222 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Oui, nous avons besoin de solidarité en Europe. Cette solidarité doit être budgétaire et financière. C’est pourquoi nous avons besoin d’un budget ambitieux pour l’Union européenne.

Je relève que la négociation entre les institutions communautaires sur le budget pour 2016 de l’Union européenne est toujours en cours en ce mois de novembre. La procédure de conciliation doit bientôt aboutir. J’espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous pourrez nous apporter quelques éléments d’information sur ce sujet.

Comme à l’accoutumée, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps, et la négociation du budget communautaire donne lieu aux postures habituelles. L’avant-projet de budget de la Commission européenne prévoyait une baisse de 5 % des crédits d’engagement et une hausse de 1, 6 % des crédits de paiement par rapport au budget de 2015. Puis, le Conseil européen a opéré des coupes notables au travers de sa proposition du 4 septembre 2015, tandis que le Parlement européen a voté, le 27 octobre dernier, un projet encore plus ambitieux que celui de la Commission, au regard tant des ouvertures de crédits d’engagement que de celles de crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d’augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rend plus difficiles les négociations lors de la phase de conciliation, qui devrait aboutir d’ici à la fin du mois.

Je tiens à souligner de nouveau l’état préoccupant du stock de « restes à liquider », les RAL, qui devrait atteindre au moins 220 milliards d’euros à la fin de l’année 2016. Un dispositif permettant de restreindre ce montant énorme est-il envisagé ? Il faudra bien que l’Europe parvienne un jour à assainir la situation.

Je me réjouis que le budget de l’Union européenne soit toujours davantage tourné vers l’investissement et la croissance, ainsi qu’en témoigne la mise en place, en 2015, du Fonds européen pour les investissements stratégiques, le FEIS. Ce fonds vise, je le rappelle, à réaliser des investissements à hauteur de 315 milliards d’euros, ce qui contribuera à la réalisation de l’objectif de soutien à la croissance en Europe.

Par ailleurs, la décision du Conseil du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes est en cours de remplacement par la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne, qui s’appliquera de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2014. Dans mon rapport sur le projet de loi autorisant l’approbation de cette nouvelle DRP, j’ai écrit, en pesant mes mots, qu’il s’agissait d’une « occasion de réforme ratée », dans la mesure où le système en vigueur était pour l’essentiel maintenu, de nouveaux rabais étant même créés.

J’en viens maintenant à l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016, qui établit à 21, 51 milliards d’euros le montant du prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne, soit 767 millions d’euros de plus que le montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2015. Cela représente une hausse de 3, 7 %. Je précise que la contribution de la France au budget communautaire prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État, voté chaque année en loi de finances.

Il faut signaler que le montant de ce prélèvement, qui était de 4, 1 milliards d’euros en 1982, connaît une tendance à la hausse continue : entre cette date et 2016, son montant en valeur a été multiplié par 5, 5.

Les écarts considérables entre la prévision et l’exécution de cette participation au budget de l’Union européenne sont récurrents, ce qui pose un véritable problème au regard de la sincérité du prélèvement voté chaque année. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je plaide pour que l’« estimation » soumise au vote du Parlement soit la plus précise et la plus fiable possible.

Deuxième bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne, la France reste le deuxième État contributeur au budget de celle-ci, derrière l’Allemagne mais devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne.

Alors qu’il représentait moins de 400 millions d’euros en 1999, notre solde net a été multiplié depuis lors par près de vingt. Au regard de l’exercice 2014, le dernier disponible, il ne se détériore plus, puisqu’il s’établissait à 7, 9 milliards d’euros en 2014, contre 9, 4 milliards d’euros en 2013, 9 milliards d’euros en 2012 et 7, 2 milliards d’euros en 2011.

En fait, cette amélioration de notre solde net n’est qu’apparente et ne révèle aucune tendance de fond : il s’agit d’une inflexion momentanée résultant de deux facteurs purement conjoncturels.

D’abord, les contributions des États membres au titre de 2014 n’intègrent pas les rabais et corrections, à l’exception du « chèque britannique », dans l’attente de l’entrée en vigueur de la nouvelle DRP, qui interviendra en 2016 avec l’effet rétroactif que j’ai signalé. Les corrections et rabais instaurés par cette DRP et dus au titre de 2014 et de 2015 n’auront d’incidence sur les contributions nationales qu’à partir de 2016.

Ensuite, le budget de l’Union européenne pour 2014 est inférieur à celui de 2013. Or, notre pays présentant un solde net négatif, toute diminution du niveau des dépenses améliore mécaniquement ce dernier.

J’ajoute que la baisse de la part relative de notre revenu national brut dans celui de l’Union européenne constitue à l’évidence un troisième facteur.

En conclusion, sous réserve de ces différentes observations, je recommande au Sénat, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016. Je vous invite, mes chers collègues, à garder foi, comme moi, dans la construction européenne : l’Europe a besoin de nous et nous avons besoin de l’Europe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie la commission des finances et la conférence des présidents d’avoir permis à la commission des affaires européennes d’exprimer son point de vue dans ce débat. Je tiens également à saluer l’excellent rapport de M. François Marc, qui éclaire notre discussion. Je ne peux que souscrire à la conclusion de son intervention, selon laquelle la France a besoin de l’Europe, et l’Europe de la France.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer quelques brèves réflexions, s’agissant d’abord de l’évolution préoccupante de la participation française au budget de l’Union européenne. Celle-ci est en hausse par rapport à l’an dernier. La France est un contributeur net important au budget de l’Union européenne : elle est même le deuxième, derrière l’Allemagne. Elle est également le deuxième pays bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne, essentiellement grâce à l’importance de la politique agricole commune.

La contribution française au budget européen a augmenté très sensiblement en trente ans. Notre solde net s’est nettement dégradé depuis quinze ans. Quant à l’amélioration apparente observée en 2014, elle n’est due qu’à des facteurs conjoncturels, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur spécial.

Certes, le raisonnement fondé sur le solde net de chaque pays a ses limites, mais il est inévitable, dès lors que le budget européen est financé principalement par des prélèvements sur les budgets nationaux. C’est l’esprit européen qui est ainsi mis en cause ; nous voulons de vraies ressources propres pour le budget européen. Nous espérons que le groupe animé par Mario Monti ouvrira la voie à un financement de l’Union européenne plus simple, plus transparent et plus responsable.

La question des corrections dont bénéficient certains pays reste posée, en particulier celle du « rabais britannique », dont la France demeure le principal financeur. Au fil du temps, le système devient de plus en plus complexe, voire incompréhensible. Ces mécanismes nuisent à la clarté budgétaire et au principe de transparence.

Par ailleurs, je constate, à l’instar du rapporteur spécial, l’importance des restes à liquider et l’écart considérable entre la prévision et l’exécution du prélèvement.

Je relève qu’une enveloppe de 500 millions d’euros a été mobilisée en septembre dernier pour faire face à la crise des filières laitière et porcine, sans activation de la réserve de crise pour le secteur agricole. Le budget de la PAC a donc été préservé. Nous aurions néanmoins souhaité une meilleure prise en compte des quotas par pays. Nous regrettons aussi le blocage de la Commission européenne sur les prix d’intervention ; nous l’avons signifié à M. Phil Hogan le 8 octobre dernier, lors de son audition par la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes.

Plus largement, c’est la faiblesse du montant du budget européen qui nous interpelle une nouvelle fois. Il a fallu diminuer les crédits budgétaires du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe et du programme « Horizon 2020 » pour financer le fonds de garantie du plan Juncker, auquel nous demandons que les collectivités territoriales soient mieux associées.

Les événements tragiques que connaît la France mettent en lumière une autre exigence : l’Union européenne doit renforcer sa politique de sécurité à la hauteur de la menace. Nous devons également aller vers une véritable Europe de la défense, mais comment agir avec un budget plafonné à 1 % du PIB européen ? Tant que l’Union européenne ne sera pas dotée de ressources propres, elle ne pourra pas mener une véritable action de long terme pour relancer la croissance et pour assurer sa sécurité !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat sur la contribution française au financement de l’Union européenne est toujours un temps fort, dans la mesure où il permet aux parlementaires nationaux d’exprimer leur position sur les grandes orientations des politiques menées par les autorités de l’Union européenne. C’est aussi un moment tout particulier pour les sénateurs centristes, qui ont tous l’idéal européen en partage. Cinquante-huit ans après la signature des traités de Rome, ce débat nous donne l’occasion de réaffirmer la vigueur de notre sentiment européen, qui est au cœur de notre engagement politique.

Pour la première fois, ce débat se tient dans le prolongement direct de la discussion générale du projet de loi de finances. C’est une bonne manière de le mettre en valeur, et surtout d’insister sur l’importance des relations entre notre pays et l’Union européenne.

La France, qui participe au budget européen à raison de 21, 5 milliards d’euros et en bénéficie à hauteur de 14 milliards d’euros, est le deuxième contributeur net au financement de l’Union européenne.

Il faut souligner que le coût des mécanismes de rabais est croissant pour notre pays. Ainsi, sur la période 2010-2016, la France finance en moyenne 27 % de la compensation en faveur du Royaume-Uni, ce qui est tout de même un peu fort ! En 2013, par exemple, la France a financé 1, 2 milliard sur les 4, 3 milliards d’euros du rabais britannique. D’autres pays perçoivent des rabais forfaitaires annuels sur la période 2014-2020, mais ceux-ci sont d’un montant beaucoup plus raisonnable, puisqu’ils ne représentent qu’une dizaine de millions d’euros. Il y a là un débat démocratique important, car, à la fin de la période, hors aides agricoles, la France sera l’un des derniers pays à ne pas bénéficier d’un rabais.

Je n’insisterai pas davantage sur les aspects purement financiers, que M. le rapporteur spécial a très bien traités. En effet, au-delà de la question des relations financières entre la France et l’Union européenne, ce débat nous permet surtout d’évoquer le contexte économique européen et différents sujets d’actualité, liés à l’économie, bien sûr, mais aussi à la sécurité et au climat.

De fait, les enjeux politiques auxquels notre pays doit actuellement faire face ont une portée telle qu’ils concernent tout le territoire de l’Union européenne. Les réponses structurelles à ces problèmes devront nécessairement être validées et assumées au niveau européen. Plus que jamais, nous avons besoin d’une Europe forte et qui s’engage pour l’avenir.

D’un point de vue économique, le plan Juncker, aux contours encore incertains l’année dernière, lorsque nous avons eu le même débat, a vu le jour il y a quelques mois. Nous ne pouvons que nous en réjouir, même s’il est sans doute encore un peu faible, en comparaison notamment des investissements réalisés par les États-Unis pour contrer la crise économique.

Cependant, selon le Fonds monétaire international, la situation européenne s’améliorerait légèrement, à la faveur de la baisse des cours des matières premières. On peut ainsi espérer un taux de croissance de 2 % en 2015, inférieur de 0, 2 point aux prévisions du printemps, et de 2, 2 % l’année prochaine.

En ce qui concerne la situation en Grèce, on ne peut que se réjouir de l’accord conclu entre l’Union européenne, le FMI et le gouvernement de ce pays sur une série de mesures de rigueur. Cet accord ouvre la voie au déblocage par la zone euro, demain, de 12 milliards d’euros de prêts à la Grèce.

D’un point de vue budgétaire, les relations entre la France et l’Union européenne vont un peu évoluer après les attentats de vendredi dernier et les déclarations faites par le Président de la République devant le Congrès il y a trois jours. En effet, en demandant que la priorité soit donnée au pacte de sécurité sur le pacte de stabilité, le chef de l’État a, en fin de compte, demandé aux autorités européennes un report de la réduction du déficit public.

De fait, nous savons que la création de 5 000 postes de policier ou de gendarme, de 2 500 postes dans la justice et de 1 000 dans les services des douanes, ainsi que l’annulation des 9 200 suppressions de postes prévues dans l’armée entre 2017 et 2019, nous conduiront à ne pas respecter nos engagements européens, d’autant que ces augmentations d’effectifs s’accompagneront de nouveaux besoins en équipements pour les forces de l’ordre.

Ces dépenses nouvelles, induites par la situation, sont nécessaires ; néanmoins, on peut imaginer qu’elles auraient pu être évitées, si les gouvernements successifs avaient eu le courage d’aller plus loin dans les réformes structurelles de notre pays. Ainsi, la mise en œuvre d’une vraie réforme des retraites et d’une réforme du temps de travail annuel aurait très certainement permis de dégager des marges de manœuvre essentielles, en termes humains, pour notre administration. Je regrette que nous n’ayons pas entrepris ces réformes, et que nous continuions à ne pas les entreprendre.

Aujourd’hui, la Commission européenne a bien compris qu’une situation exceptionnelle pouvait justifier une réponse exceptionnelle. Il faudra néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, que, au-delà des incontournables mesures sécuritaires, le Gouvernement présente un nouveau plan de retour à l’équilibre. Ce dernier sera forcément difficile, mais on ne pourra pas continuer ainsi ! Il faudra bien engager les réformes que l’Europe attend de nous depuis longtemps.

La portée des questions touchant à la sécurité de notre territoire et à la lutte contre le terrorisme dépassant largement les frontières nationales, nous devrons rapidement réfléchir à de nouvelles façons d’agir au niveau européen, pour la gestion de la sécurité comme pour la prévention des attaques ; il convient en particulier d’agir directement sur les terres où prospère le terrorisme. En d’autres termes, la France ne pourra pas se battre seule contre Daech – employer le mot « État » serait donner beaucoup trop d’importance à ces voyous.

Une réponse européenne doit être recherchée.

La question de la défense européenne doit aussi être posée. Voilà deux jours, monsieur le secrétaire d’État, les ministres européens de la défense se sont rencontrés afin de mettre en œuvre, pour la première fois, l’article 42 alinéa 7 du traité sur l’Union européenne.

J’espère que l’Europe ne se contentera pas de fournir à la France quelques soldats en provenance d’Allemagne ou de Belgique pour nous aider en Afrique, mais qu’elle comprendra la nécessité d’aller vers une défense européenne.

J’espère également que l’armée française, qui est actuellement sur tous les fronts – je vous rappelle que nos troupes sont actuellement présentes dans dix-neuf pays au titre des OPEX et dans près de trente-neuf pays au total ! –, obtiendra beaucoup plus d’aide de la part de l’Europe qu’elle n’en a actuellement, car elle combat des islamistes dans la zone sahélienne en Afrique qui agissent sous d’autres noms que celui de Daech !

L’Europe devrait aussi se doter d’un cadre pour lutter contre le financement du terrorisme, ainsi que d’une législation solide et efficace sur le contrôle des armes à feu. Les États membres de l’Union européenne devraient par ailleurs renforcer les échanges de renseignements entre leurs différents services et mettre en œuvre des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures de l’Union européenne, au travers d’une révision du code frontières Schengen.

À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous rappeler que le Sénat a voté au mois de mars dernier deux résolutions européennes concernant notamment le PNR, ou passenger name record. À l’occasion de l’examen du rapport de M. Sutour, la commission des affaires européennes en a notamment parlé ce matin même !

Manifestement, le Parlement européen semble enliser – volontairement ? – ce projet. Pourtant, on ne peut pas continuer à attendre ! L’échange des fichiers des passagers aériens constitue pourtant une mesure essentielle pour lutter contre le terrorisme.

Monsieur le secrétaire d’État, je pense que les collègues qui me succéderont – M. Jean Bizet en particulier – insisteront sur ce point : on ne peut pas continuer à avoir un Parlement européen aussi léger sur un sujet aussi important que la lutte contre le terrorisme !

Pour terminer, j’aimerais évoquer en quelques mots la COP 21, qui va débuter dans quelques jours à Paris. Notre pays doit être exemplaire en matière de lutte contre le changement climatique – et je crois qu’il l’est. Les enjeux posés par cette conférence sont donc primordiaux.

Néanmoins, là encore, une réponse européenne coordonnée est nécessaire pour peser dans les débats internationaux. Lundi dernier, le Sénat a d’ailleurs adopté une résolution mettant en valeur le rôle des territoires dans la transition écologique et la lutte contre le changement climatique.

À l’heure actuelle, l’Europe fait plutôt figure de bonne élève de la COP 21 : elle a ainsi déjà atteint les objectifs fixés par le précédent sommet de Kyoto, soit un taux de 20 % d’énergie d’origine renouvelable dans la consommation totale d’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Le marché des énergies renouvelables représente en Europe plus de 130 milliards d’euros, avec au total 40 % de l’ensemble des brevets dans le monde, et un million d’emplois, ce qui est tout de même significatif. Toutefois, puisque l’Europe doit atteindre l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables en 2050, elle sera obligée d’investir 2 000 milliards d’euros en dix ans, ce qui n’est pas rien !

L’Europe veut se classer au premier rang en la matière et surtout devenir indépendante, car elle importe actuellement plus de la moitié de son énergie, dont un tiers de gaz russe. L’enjeu de la COP 21 n’est pas seulement climatique, mais aussi économique !

En conclusion, je souhaiterais simplement rappeler à quel point l’Europe et la solidité de notre union sont importantes pour la France. N’oublions jamais ce que l’Europe a permis de réaliser. Aujourd’hui, les enjeux politiques de notre pays, nous les partageons avec tous les États membres de l’Europe. Sa réussite en matière économique, en matière de défense et d’environnement sera la réussite de la France !

C’est la raison pour laquelle les sénateurs centristes voteront l’article 22 du présent projet de loi de finances.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, sur certaines travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je ne vais pas revenir sur la participation de la France au budget de l’Union européenne. Je souhaiterais ici évoquer quelques points de contexte.

Le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a fixé comme priorités la recherche, l’emploi, la croissance, la politique agricole commune ou encore la politique extérieure. Il prévoit également de répondre à certaines situations d’urgence comme la crise migratoire.

En 2014, la France était le deuxième contributeur net en volume derrière l’Allemagne et devant le Royaume-Uni.

Or cette contribution a des incidences budgétaires significatives pour notre pays. Le prélèvement sur recettes devrait s’élever à 21, 51 milliards d’euros pour l’année 2016, ce qui représente une augmentation de 3, 7 % par rapport à 2015. Ce prélèvement correspond à près de 8 % du total des dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions.

Tel est le cadre global de la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

Même si ce n’est pas tout à fait le sujet du jour, permettez-moi de formuler une remarque concernant les règles budgétaires communes en vigueur.

Paris a affirmé que le renforcement sécuritaire ne lui permettra pas de respecter ces règles.

M. le rapporteur spécial fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Ce n’est pas ce que l’on a dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, M. Pierre Moscovici, a accusé réception de cette déclaration et a assuré que « les règles du pacte de stabilité n’empêchent pas les États de définir leurs priorités », ajoutant ceci : « Nous comprenons ce qu’est la priorité à la sécurité ». Enfin, il a indiqué que ces règles n’étaient « ni rigides ni stupides ». Ce principe pourrait-il un jour s’appliquer à l’urgence sociale, par exemple, si nous le décidions ?

Pour le moment, aucune précision ne nous a été fournie sur la marge de manœuvre dont disposera la France. Il me semble qu’à l’heure où nous débattons de la participation de notre pays au budget de l’Union européenne, il serait important de disposer d’éléments de réponse, monsieur le secrétaire d’État !

Cette situation conduit également à se poser deux questions auxquelles la zone euro devrait réfléchir.

Premièrement, il faut s’interroger sur l’inadaptation du pacte de stabilité aux circonstances du moment. En matière économique notamment, la politique d’austérité a conduit au marasme que nous connaissons. L’Europe devrait s’interroger sur les effets sociaux et politiques de sa stratégie et sur son rôle dans l’instabilité actuelle.

Si, aujourd’hui, la France sort de ce cadre, c’est aussi pour « rattraper » les retards dus aux contractions budgétaires. Il serait vraiment inopportun que, dans quelque temps, il soit nécessaire de réaliser un rattrapage de cette nature sur les budgets de la santé ou de l’éducation par exemple !

Deuxièmement, il faut se poser la question de l’inadaptation de la nouvelle architecture mise en place de 2011 à 2013 pour empêcher les dérives des États et mettre sous surveillance les États dits « dépensiers » par la Commission européenne. La sacro-sainte stabilité financière semble aujourd’hui bien dérisoire au regard de certains enjeux !

Un autre sujet qu’il me paraît indispensable d’évoquer, car le principal objectif de l’Europe reste quand même celui de la relance de l’économie ces temps-ci, concerne le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE. Depuis mars 2015, celle-ci a décidé d’engager une politique monétaire d’assouplissement quantitatif, qui se traduit par l’injection de 60 milliards d’euros chaque mois dans les circuits financiers et bancaires des pays de l’Union européenne.

L’objectif était, pour l’essentiel, de dynamiser les économies nationales, aujourd’hui touchées par une grande atonie. Or cette politique ne semble pas, pour l’instant, produire les effets escomptés, à savoir, d’une part, la relance économique et, d’autre part, le retour à un taux d’inflation proche de 2 %.

Ce programme doit en principe s’appliquer pour une période de dix-huit mois, c’est-à-dire jusqu’au mois de septembre 2016. Quelle analyse la Commission européenne et, de façon plus générale, l’Union européenne font-elles de cette absence patente de résultats ?

De plus, en l’état actuel de la situation, il me semblerait judicieux que la BCE envisage clairement d’ajuster cette politique. Il n’est plus supportable que l’argent public contribue une fois encore à financer ce que d’aucuns décrivent comme de nouvelles bulles spéculatives, et en aucun cas – du moins très insuffisamment – l’économie réelle.

À l’heure où l’on impose toujours plus de restrictions aux peuples européens, où les budgets des collectivités territoriales et des États sont en berne, comment est-il encore possible de mobiliser de telles sommes au seul profit, parfois, de spéculateurs ?

Ne croyez-vous pas que l’Europe, dans son ensemble, est surtout pénalisée par l’application systématique et simultanée de politiques d’austérité dans tous les États membres ? Le FMI l’a d’ailleurs souligné en son temps.

Je vais relativiser le terme d’austérité « systématique », car l’austérité n’est pas valable pour tous, bien au contraire ! Un rapport sur la richesse mondiale, publié le 13 octobre dernier par le Crédit suisse – grand connaisseur en la matière –, nous le confirme : 1 % de la population détient la moitié de la richesse globale !

Même Christine Lagarde, directrice générale du FMI, estime pour sa part que les inégalités menacent la stabilité du système économique mondial et donc européen.

Combien de temps accepterons-nous que certaines multinationales aient toujours plus recours à l’optimisation fiscale pour éviter de payer des impôts ? Rappelons-le inlassablement : l’évasion et la fraude fiscales représentent un manque à gagner de 1 000 milliards d’euros pour l’Europe ! Que faisons-nous pour lutter concrètement contre ce fléau ? La question se pose encore et toujours.

De la même façon, quels sont les effets du plan Juncker sur la relance de l’économie ? Ce fond de 315 milliards d’euros doit servir à financer des secteurs jugés stratégiques et, au passage, relancer la croissance et l’emploi. Pour le moment, là encore, on attend toujours – c’est malheureux, car personne ne s’en réjouit ! – d’en voir les résultats.

D’ailleurs, quatre mois après, les membres du comité d’investissement du Fonds européen pour les investissements stratégiques n’ont toujours pas été nommés pour commencer à investir dans les projets. Vingt-sept opérations, pourtant jugées éligibles, attendent.

Nous pensons qu’il est temps, aujourd’hui, de poser les fondements d’un nouveau cadre économique à l’échelle de l’Europe. Nous ne pouvons pas continuer à regarder la misère se propager sans réagir et accepter cette situation comme un état de fait. En Europe, il est possible de vaincre les inégalités, mais il faut sans doute pour cela une vraie volonté politique !

En la circonstance, nous sommes convaincus que les États conservent un rôle déterminant à jouer et qu’il est temps que chacun prenne ses responsabilités.

Pour conclure, je me permettrai de citer les propos de M. Angus Deaton, le prix Nobel d’économie de l’année 2015, qui a déclaré : « Ce qui m’inquiète le plus dans l’inégalité des revenus, c’est qu’elle peut se transformer en inégalité politique. Si les gens fortunés utilisent leur richesse pour influencer le processus politique, alors tous les autres souffrent. Là est le danger. »

Notre groupe est depuis toujours en désaccord avec le pacte budgétaire en vigueur au sein de l’Union européenne, car il conduit à ces excès. Nous ne voterons donc pas l’article 22.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivons ce premier jour de marathon budgétaire par l’examen de l’article 22 relatif au prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne.

Je tiens avant toute chose à féliciter – moi aussi – notre collègue François Marc pour la grande qualité et la précision de son rapport.

Cela a été rappelé, ce prélèvement, qui est estimé à 21, 5 milliards d’euros, témoigne d’une tendance continue à la hausse. Rappelons également que la légère augmentation de ce prélèvement pour 2016 s’explique en grande partie par l’acquittement rétroactif d’environ 900 millions d’euros de corrections et de rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015.

Aujourd’hui plus qu’hier, nombreux sont ceux qui doutent de l’Europe, nombreux sont ceux qui estiment qu’il faut donner raison aux murs, au retour des frontières intérieures et au repli national.

Aujourd’hui plus qu’hier encore, ces mots ont une résonance grave. La peur peut d’ailleurs facilement leur donner raison ! Pour autant, cela ne constitue pas une solution ; ou plutôt, cela correspond à une solution contre-productive et dangereuse !

En tant qu’Européen convaincu, je ne me lasserai jamais de vous répéter, mes chers collègues, que l’Union européenne est notre avenir et notre rempart à condition, bien sûr, de lui donner l’impulsion politique et la solidarité requises, et à la condition que nous la dotions d’un budget digne de ce nom.

Les défis d’ampleur multiples et complexes auxquels nous devons faire face sont connus. Quant aux besoins budgétaires pour les affronter, ils sont d’une taille inédite.

Vendredi dernier, la procédure de conciliation menée par les institutions européennes a abouti à un compromis sur le budget européen pour 2016, qui doit encore être voté dans les prochains jours.

Certes, il en ressort une volonté de relever les défis qui se présentent à l’Europe. Néanmoins, ce budget demeure serré et incohérent, et ne semble pas à la hauteur des enjeux. Il tente ainsi de répondre à l’objectif de reprise de la croissance en Europe, puisque l’emploi et la compétitivité comptent parmi ses postes de dépense prioritaires, prenant ainsi la suite du plan Juncker et en constituant le complément.

Il y a aussi la crise des réfugiés, pour laquelle le budget européen s’élèverait à 4 milliards d’euros, qui seraient destinés tant aux États membres qu’aux pays d’où proviennent les réfugiés, afin de les aider à y faire face.

À cela s’ajoute le défi de la lutte contre le changement climatique, dont l’ampleur ne semble pas être bien prise au sérieux par l’Europe. Nous avons un rôle moteur et d’entraînement à jouer sur cette question. Cela me surprend donc de voir que l’instrument financier pour l’environnement et l’action pour le climat ne sera doté que de 3, 4 milliards d’euros pour la période 2014-2020.

Enfin, il existe un défi tout aussi difficile et urgent à relever : la lutte contre le terrorisme. À la suite des événements de janvier dernier, l’Europe a appelé à une plus grande coopération européenne comme internationale.

Aujourd’hui, nous voyons bien que les actions de ces derniers mois n’ont pas été suffisantes, puisqu’elles n’ont pas empêché la tragédie de la semaine dernière de survenir.

Le renforcement nécessaire de la coopération policière et judiciaire que la France réclamera demain lors d’un conseil extraordinaire des ministres de l’intérieur à Bruxelles est urgent. Surtout, l’Europe doit disposer enfin d’un budget adéquat, non seulement au regard de la menace que constitue Daech, mais aussi au regard de la criminalité internationale et du trafic d’armes qui lui sont intimement liés. Pour cela, une hausse de 13 % seulement du budget d’Europol sur la période 2014-2020 me semble terriblement insuffisante.

Dans un rapport d’information élaboré en avril 2014, à la demande de Simon Sutour, avec mes collègues Colette Mélot et Dominique Bailly et mon ancien collègue Pierre Bernard-Reymond sur les perspectives d’avenir d’Europol et d’Eurojust, nous avions déjà pointé cruellement du doigt cette défaillance.

Au regard de l’extension constante de leur champ d’investigation, le maintien à un niveau quasi constant du budget de ces deux agences centrales dans la lutte contre le terrorisme me paraît totalement aberrant.

En ce qui concerne le système des ressources propres – car, s’il existe des dépenses, il faut également des ressources –, celles dites « traditionnelles » – surtout les droits de douane – seront amenées à être de plus en plus limitées.

En effet, l’Europe signe de plus en plus de traités de libre-échange avec des pays tiers. Par ailleurs, la Chine revendique le statut d’économie de marché auprès de l’OMC pour l’année prochaine. Si ce statut lui était accordé, cela aurait des incidences importantes sur la capacité de l’Europe à percevoir un certain nombre de taxes ou de droits d’entrée à ses frontières.

Il ne nous est plus permis de différer une remise à plat du système actuel de financement. Il est également urgent de doter l’Europe de nouvelles ressources propres. C’est par ce biais, aussi, que nous lui permettrons de faire face à ces défis si complexes.

Redonner du sens politique à l’Europe nécessite également de redonner confiance au citoyen européen, en renforçant son accès aux informations budgétaires et leur lisibilité.

De plus, le citoyen est en droit de connaître l’impact budgétaire et économique des condamnations de la France par la Cour de justice de l’Union européenne pour violation des normes du droit européen. Je ne développerai pas ici ce point, car je déposerai un amendement en ce sens, afin de demander un rapport annuel consolidé sur la question.

Pour finir, je rappellerai que pendant près de trente ans, Émile Noël, grande figure française de l’Europe, aujourd'hui un peu oubliée – il fut le premier secrétaire général de la Commission européenne -, s’est battu contre une lecture cantonnée à la contribution nette et au solde net de la France, car il l’estimait contraire à l’esprit communautaire.

Malheureusement, j’ai le sentiment que, chaque jour un peu plus depuis les années quatre-vingt-dix, ces éléments sont devenus l’alpha et l’oméga de toutes nos discussions.

Je crois que nous devons rapidement sortir d’une telle vision, qui contribue à accroître le ressentiment des Français envers l’Europe. On nous oppose en effet systématiquement que nous payons, mais ne recevons rien.

Cette lecture purement comptable de l’Europe est dangereuse. Elle ne permet pas de comprendre les dynamiques économiques positives créées par l’Union européenne, en dehors du seul cadre national.

Bien entendu, le groupe écologiste, profondément attaché à l’Europe, votera l’article 22, malgré toutes les critiques que pourrait susciter la logique actuelle de la politique européenne.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, instrument de solidarité et d’intégration, le budget de l’Union européenne finance la politique de cohésion, la politique agricole, ainsi que de nombreux investissements en matière de compétitivité, de recherche et développement, d’infrastructures de transport ou d’énergie, dont la mise en œuvre à un niveau supraétatique apparaît nécessaire et évidente.

Ces dépenses d’intervention ne sont pas suffisamment mises en avant alors qu’elles intéressent de près nos concitoyens, dont l’attention se porte plus souvent sur l’austérité, les excès normatifs et la technocratie.

Certes, les « marchandages » concernant le cadre financier pluriannuel et le budget annuel ne contribuent pas à améliorer l’image d’une Europe qui, pourtant, nous apporte beaucoup.

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, évalué à 21, 5 milliards d’euros pour 2016, est en légère hausse par rapport à l’année précédente. Cette évolution est notamment due à l’augmentation de la contribution française, du fait de l’entrée en vigueur rétroactive de la nouvelle décision relative au système des ressources propres.

Deuxième contributeur net après l’Allemagne, la France est également le deuxième bénéficiaire du budget de l’Union européenne.

À l’heure de la crise des migrants, alors que se posent des enjeux de sécurité et de lutte contre le terrorisme, il convient plus que jamais d’unir nos forces pour affronter des circonstances exceptionnelles, qui doivent nous conduire à transcender les antagonismes d’ordre financier et politique.

Le comité de conciliation entre le Conseil et le Parlement européens est parvenu à un accord ce week-end sur le budget pour 2016.

Celui-ci prévoit 155 milliards d’euros en crédits d’engagement et près de 144 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 6, 7 % et 1, 9 % par rapport à 2015.

Par ailleurs, 4 milliards d’euros devraient être affectés à la crise des réfugiés, les moyens ayant été jusqu’à présent jugés insuffisants pour assumer non seulement les coûts de la gestion des frontières, mais aussi les coûts d’intégration de ces réfugiés.

Lors du sommet de La Valette des 11 et 12 novembre 2015, un montant de 500 millions d’euros prélevés sur le budget européen a été évoqué, auquel s’ajouteraient 2, 5 milliards d’euros fournis par les États membres afin d’aider la Turquie pour l’accueil des réfugiés. La contribution de la France atteindrait 386 millions d’euros et celle de l’Allemagne 534 millions d’euros.

Nous voyons ici les limites du budget de l’Union européenne, qui doit répondre également aux efforts d’investissement du plan Juncker, à la crise agricole, ainsi qu’à la crise des dettes souveraines.

Alimenté par des « ressources propres », composées à 80 % des ressources RNB - qui avaient pour objectif initial de combler l’insuffisance des ressources propres traditionnelles – et de la TVA, ce système, nous le savons, favorise la logique comptable au détriment de la solidarité, en raison des rabais et des « rabais sur le rabais ». Or la solidarité implique, par définition, que l’on ne reçoive pas forcément un retour équivalent à l’effort consenti, comme Margareth Thatcher le demandait en son temps et comme M. Cameron continue à le demander.

Mais les intérêts de chacun ne sont pas que financiers...

Troisième année du cadre financier pluriannuel couvrant la période 2014-2020, le budget pour 2016 est déjà insuffisant.

Face à la rigidité de cet outil inadapté aux fluctuations de l’économie et à tout imprévu, les instruments de flexibilité ne pourront pas combler le manque flagrant de moyens de l’Union européenne pour financer ses politiques prioritaires, parmi lesquelles figurent, notamment, la croissance et l’emploi.

La réforme du budget de l’Union européenne constitue ainsi un impératif.

C’est la raison pour laquelle nous devons convaincre nos partenaires européens de la nécessité de faire monter en puissance les autres ressources propres dans un contexte où les circonstances exceptionnelles tendent malheureusement à constituer un état permanent.

Il convient effectivement de trouver d’autres ressources réellement « propres ». Comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer lors de l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne, celles-ci pourraient provenir de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, de la hausse des droits de douane aux frontières de l’Union européenne et de la réforme de la ressource TVA, qui ne représente que 13 % du budget total.

Le lancement d’un chantier de la fiscalité européenne est une condition sine qua non pour garantir une autonomie financière réelle. Il ne peut y avoir de politique réussie sans un budget garanti, lisible et aux ressources pérennes.

Cette réforme, dont le rendez-vous a été manqué en 2014, constituerait la traduction du grand projet européen, fondé avant tout sur la solidarité, la stabilité, la paix et la liberté.

Nous devrons rapidement combler ce vide si nous voulons préserver ces valeurs communes. C’est là que se trouve le « juste retour » de notre contribution nationale au budget de l’Union européenne.

L’Europe doit maintenant démontrer qu’elle est capable de s’adapter aux nouveaux enjeux. Dans cet esprit, les membres du groupe RDSE, toujours très européens par leur histoire et leurs convictions, voteront l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016.

Applaudissements les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’examen de la contribution française au budget de l’Union européenne est un moment fort du débat consacré à l’Europe.

Il est l’occasion de porter un regard d’ensemble sur la construction européenne, sur son fonctionnement et ses orientations, ainsi que sur le rôle joué par la France dans l’évolution de notre projet commun.

Néanmoins, le débat de ce jour nous conduit une nouvelle fois à souligner les déficiences du budget communautaire, et du processus institutionnel et politique sur lequel celui-ci se fonde.

Nous avons récemment adopté ici même, au Sénat, le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne. Ce vote était indispensable pour confirmer les moyens alloués à l’Union européenne jusqu’en 2020.

Il a toutefois mis en lumière les profondes imperfections d’un système aujourd’hui à bout de souffle qui, bien que récemment révisé, n’a nullement remis en cause la part exorbitante conférée aux contributions nationales assises sur le revenu national brut, au détriment des autres types de recettes. Il a au contraire confirmé, voire amplifié, les multiples mécanismes compensatoires consentis au fil des ans, qui portent atteinte à la clarté et à l’équité du budget européen.

Ce faisant, il semble toujours aussi difficile de sortir de l’obsession du « juste retour », qui caractérise toute discussion budgétaire au niveau européen. Comme il est de notre devoir de veiller aux intérêts financiers de l’État, cette situation nous conduit à constater, année après année, l’augmentation continue de la contribution de la France, ainsi que la dégradation tendancielle de son solde net.

Les chiffres précis ont été cités, je n’y reviendrai pas.

Le moment est donc largement venu de mettre un terme à un système à la fois illisible et mortifère pour l’esprit européen. Il faut à l’Union européenne des ressources que l’on pourrait véritablement qualifier de « propres ».

Le contexte actuel ne permettra probablement pas de concrétiser une réforme d’envergure du budget communautaire lors de la révision du cadre financier pluriannuel prévue en 2016. Néanmoins, les recommandations à venir du groupe à haut niveau, présidé par Mario Monti, devront constituer un point d’appui décisif pour nos réflexions sur le financement de l’Union européenne après 2020.

Cette réflexion devra par ailleurs se pencher sur le niveau adéquat du budget européen. Nous le savons tous, les ressources financières de l’Union européenne sont aujourd’hui trop faibles pour lui permettre de répondre aux multiples défis qui ne peuvent être efficacement gérés qu’en commun.

La réponse aux crises extrêmement graves qui se succèdent depuis quelques années – la crise financière, la crise économique et sociale, la crise grecque, la crise ukrainienne, la crise migratoire et, aujourd'hui, la crise sécuritaire - a effectivement de profondes implications financières, au niveau européen comme au niveau national.

La flexibilité accordée à la prise en compte de certaines dépenses dans le calcul des déficits fait ainsi l’objet de débats récurrents, qu’il s’agisse, par exemple, de l’accueil des migrants, de la participation aux opérations maritimes de Frontex ou encore des dépenses indispensables à notre sécurité, sur le plan tant intérieur qu’extérieur.

Sur ce dernier point, la sanglante tragédie qui a endeuillé Paris et la France tout entière nous a funestement rappelé que la guerre contre Daech et l’ensemble des groupes terroristes sévissant à l’étranger comme sur notre territoire sera longue et difficile. Elle sera donc coûteuse.

La France doit être prête à assumer les dépenses en découlant, qui sont plus que jamais vitales. Les annonces du Président de la République devant le Congrès, qui vont dans ce sens, recevront donc naturellement notre soutien.

Le recrutement de 8 500 fonctionnaires dans la police, la gendarmerie, l’administration pénitentiaire, les services judiciaires et les douanes, ajouté à l’annulation de la suppression de 9 218 postes dans l’armée, concourent à renforcer le dispositif français de lutte contre le terrorisme. Nous y souscrivons donc pleinement.

Toutefois, le Président de la République a également déclaré à cette occasion que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité. Permettez-moi ici, mes chers collègues, de marquer une certaine distance par rapport à ces propos, car je ne crois pas qu’il faille opposer les deux.

Le surcoût engendré par ces nouvelles dépenses devrait, après une analyse sommaire, se chiffrer en centaines de millions d’euros, non en milliards d’euros. Or, à titre d’exemple et de comparaison, un dérapage de 0, 1 % de notre déficit public correspond à des dépenses additionnelles d’environ 2 milliards d’euros.

Dans ses premières déclarations, la Commission européenne semble vouloir faire preuve, une nouvelle fois, de clémence envers la France. Veillons toutefois à ne pas nous réfugier artificiellement derrière ces créations ou maintiens de postes, par ailleurs légitimes, pour ne pas tenir nos engagements européens.

En effet, les sommes en jeu devraient être compensées, au moins en partie, par des économies sur d’autres postes. Cette responsabilité budgétaire éviterait ainsi à la France de financer son effort de sécurité par l’emprunt, donc d’augmenter encore sa dette, ce qui, à terme, l’affaiblirait plutôt que de la renforcer.

Dans cette entreprise de longue haleine, viser un équilibre de nos finances publiques me semble ainsi de meilleure méthode que de laisser filer notre déficit public ou de vouloir exclure nos dépenses militaires dans le calcul de ce déficit.

Pour autant, le fardeau assumé par la France est lourd, sans doute trop lourd. Il l’est d’autant plus que notre pays joue, dans la lutte contre le terrorisme islamiste, un rôle que peu de capitales européennes ont la capacité ou la volonté de tenir.

L’absence de nos partenaires européens n’est plus acceptable. L’ennemi qui nous a frappés vendredi dernier n’est pas seulement celui de la France, il est aussi celui de tous les Européens. On ne le répétera jamais assez !

Son éradication ne pourra passer que par une lutte commune, acharnée, car nul, sur notre continent, ne peut aujourd’hui se prétendre à l’abri de sa barbarie. Or, sur le terrain, la France se retrouve parfois bien seule, en particulier en Afrique.

Le Président de la République a évoqué devant le Congrès l’activation de l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, qui permet la mise en œuvre d’une solidarité de défense effective. Il s’agit d’une première dans l’histoire de l’Union européenne : nous ne pouvons que soutenir sans réserve cette démarche et attendre de nos partenaires qu’ils sachent y répondre avec la célérité que la situation exige.

Monsieur le secrétaire d’État, nous devons aujourd’hui donner corps à la politique de défense européenne, qui demeure, hélas ! trop largement incantatoire ; je l’ai rappelé de nouveau à M. le président de la commission des affaires étrangères et de la défense. À défaut de créer une véritable armée européenne, nous ne pouvons plus attendre pour avancer sur la voie d’une meilleure intégration de nos capacités militaires.

La construction d’un véritable pilier européen de l’OTAN pourrait en être un préalable adapté. Nombre d’outils existent, il faut aujourd’hui s’en saisir et les faire monter en puissance avant d’en créer de nouveaux.

Mais c’est avant tout en faveur d’une véritable ambition commune en la matière qu’il faut œuvrer. Pour reprendre les mots du général Perruche, ancien chef de l’état-major de l’Union européenne, « seule l’Europe de la défense peut élever l’ambition et les capacités militaires de l’Union européenne à un niveau supérieur à la somme des capacités nationales de ses États membres ». Nos collègues Jacques Gautier et Yves Pozzo di Borgo, membres de la commission des affaires étrangères et de la défense ici présents, le savent parfaitement. Je souhaiterais que nous puissions organiser ensemble des auditions et une action sur ce point.

Cette ambition commune fait aujourd’hui cruellement défaut, et la France devra inlassablement remettre l’ouvrage sur le métier pour convaincre ses partenaires et faire progresser l’Union dans un sens conforme à l’intérêt général européen.

Notre détermination devra être tout aussi forte en ce qui concerne les outils de sécurité intérieure, que le Président de la République a également évoqués devant le Congrès. Le PNR européen est entré dans la phase finale de négociation, mais il ne peut plus rester en attente et le Parlement européen doit maintenant prendre ses responsabilités ; Yves Pozzo di Borgo vient de le rappeler, Simon Sutour fera sans doute de même dans un instant, comme il l’a souligné ce matin au sein de la commission des affaires européennes.

De même, la lutte contre le trafic d’armes et le financement du terrorisme doivent urgemment disposer de cadres mieux adaptés et plus robustes.

En effet, la coopération policière et judiciaire entre les États membres est évidemment fondamentale. Elle est pourtant loin d’être optimale. C’est un fait, certains États membres coopèrent trop peu, ne disposent pas des effectifs adéquats ou accordent une importance trop faible à la lutte contre le terrorisme.

Or nous avons bien vu lors des attaques qui ont meurtri la capitale combien la dimension transfrontalière intra-européenne était présente dans le phénomène djihadiste. Pour combattre cette hydre qu’est le terrorisme islamiste, les polices et les appareils judiciaires européens doivent dès aujourd’hui se hisser à la hauteur de l’enjeu, que ce soit par un échange automatique et obligatoire d’informations ou par la création de structures communes permettant d’assurer une coopération effective et efficace.

À ce propos, je tiens à saluer le changement d’orientation du Président de la République en matière de politique étrangère, qui a notamment permis à la Russie de rejoindre certains pays de l’Union engagés dans la lutte contre le djihadisme. Cette orientation vers une certaine forme de pragmatisme est notre dernier rempart contre ce drame du terrorisme.

Sur l’ensemble de ces sujets, le Gouvernement peut, monsieur le secrétaire d’État, compter sur notre appui le plus total.

Si, comme il est coutume de l’affirmer, l’Union européenne avance et se transforme dans les crises, alors nous nous trouvons sans conteste à un moment charnière, pour ne pas dire historique, de la construction européenne. Un sentiment d’urgence doit aujourd’hui nous animer.

Les déficiences du budget européen et les carences des principales politiques communes ne sont finalement que le reflet de la crise de confiance, de consentement, de solidarité, bref de la crise existentielle que traverse l’Union européenne depuis plusieurs années. Les Européens que nous sommes tous ici, quelles que soient nos sensibilités, ne peuvent que le déplorer.

Face à la succession des épreuves qui remettent en cause ses plus importantes réalisations et ses symboles les plus forts, tels que la monnaie unique et l’espace de libre circulation, face aux menaces qui pèsent sur la sécurité de ses citoyens, face à la défiance toujours plus grande qu’elle provoque dans les opinions publiques, l’Europe doit maintenant se réformer, se renouveler, se refonder.

La réponse ne réside peut-être pas dans plus d’Europe dans tous les domaines, mais elle est certainement dans une Europe davantage concentrée sur les grands enjeux et bénéficiant des moyens réels d’une action efficace et décisive.

Les réformes nécessaires devront se concrétiser rapidement, c’est-à-dire à l’horizon 2020. Dans cette entreprise, la France devra naturellement être fidèle à sa tradition et se trouver aux avant-postes pour proposer à ses partenaires une vision originale et ambitieuse de l’Union européenne.

Toutefois, pour être entendue des autres États membres et des institutions communautaires, la France devra avant tout restaurer sa crédibilité. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État – et monsieur le secrétaire d'État chargé du budget –, cela passe par des réformes courageuses que nous avons, tous – j’y insiste –, repoussées bien trop longtemps.

Dans ses prévisions économiques d’automne, la Commission européenne prévoyait que nos performances en termes de croissance, d’emploi, de maîtrise de la dépense publique et de déficit resteraient structurellement plus faibles que celles de nos partenaires d’ici à 2017.

Certes, la France demeure le deuxième contributeur net au budget communautaire. Néanmoins, pour peser à nouveau de tout son poids sur la scène européenne et porter les réformes indispensables dont l’Union a besoin, notre pays doit se réformer. Le sentiment d’urgence que j’évoquais doit là aussi nous animer, car la conjoncture ne sera pas aussi favorable indéfiniment.

Le prix de l’énergie, la politique monétaire de la Banque centrale européenne ou le niveau de l’euro, qui ont soutenu la croissance française cette année, peuvent à tout moment se retourner. Or nous n’avons pas consenti à ce jour tous les efforts nécessaires pour reconstituer nos marges de manœuvre économiques et budgétaires, et nous demeurons trop vulnérables à tout retournement de conjoncture, notamment à une remontée des taux d’intérêt sur la dette française.

Pour la France comme pour l’Europe, nous nous devons, monsieur le secrétaire d’État, de prendre la véritable mesure des défis qui se posent à nous. Nous devons réagir, et vite.

Le groupe des Républicains votera en faveur de la contribution française au budget de l’Union européenne telle qu’elle nous est soumise au travers de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016.

Nous exprimons par ce vote notre attachement profond à la construction européenne, ainsi que notre volonté de voir la France y tenir un rôle éminent. Mais nous entendons également, par ce moyen, faire entendre notre exigence résolue en matière de réformes – j’ai eu la courtoisie et l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous étions en partie tous responsables –, qui sont plus que jamais indispensables pour permettre à notre Union, mais aussi à notre pays, de s’adapter pleinement à la réalité et aux enjeux du XXIe siècle.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la discussion sur le prélèvement européen, au-delà de l’aspect purement formel concernant la participation de la France au budget de l’Europe, est l’occasion d’examiner en détail les politiques communes de l’Union européenne, leurs évolutions, mais aussi, malheureusement, leurs faiblesses.

L’Europe est cette année, et le sera encore davantage dans les années à venir, au cœur de nos préoccupations.

Cette année aussi, cette discussion revêt un caractère exceptionnel. En effet, nombreuses sont les questions à traiter, notamment la lutte contre le terrorisme, la crise des migrants, le plan d’investissement, les crises agricoles, la pérennité de l’initiative pour l’emploi des jeunes et la crise grecque.

Ces questions, l’Europe ne peut les ignorer, elle doit pouvoir y faire face ; encore faut-il qu’elle en ait les moyens.

Afin de pallier cette situation, la question se pose d’une indispensable réforme de fond du système de ressources propres de l’Union européenne. La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel devrait être l’occasion l’année prochaine, pour elle, non seulement de mettre en place un système pérenne de ressources propres, mais également de réévaluer ses priorités afin de se doter de possibilités pour faire face aux imprévus.

Évidemment, avec un budget qui représente seulement 1 % du revenu national brut européen, l’Europe ne dispose pas aujourd’hui des moyens de ses responsabilités.

Concernant l’aspect budgétaire de cette question, qui est bien évidemment essentiel, la contribution française s’élève pour 2016, M. le rapporteur spécial l’a indiqué, à 21, 51 milliards d’euros, ce qui constitue l’une des charges les plus importantes du budget de notre pays, avec 8 % des dépenses de l’État hors charge de la dette. C’est loin d’être négligeable. Cette contribution est d’ailleurs appelée à augmenter et devrait atteindre près de 25 milliards d’euros en 2020, conformément aux perspectives budgétaires 2014-2020.

Vous le savez aussi, la France est le deuxième contributeur net en volume au budget de l’Union, derrière l’Allemagne et devant le Royaume-Uni. Elle est aussi le deuxième bénéficiaire des politiques de l’Union.

Il n’est pas de bon aloi de compter, comme dans une épicerie, ce que l’on donne et ce que l’on reçoit, mais il faut tout de même établir un bilan. Cependant, il faudrait, une bonne fois pour toutes, se pencher sur cet aspect, entre contribution et bénéfice. À cet effet, d’autres indicateurs devraient être intégrés pour le calcul de ce ratio. Je parle, entre autres, des rabais accordés à certains pays – suivez mon regard – et de la prise en compte de nos dépenses militaires – j’insiste particulièrement sur ce point compte tenu du contexte actuel – destinées à financer des actions extérieures conduites courageusement par nos armées au nom de la France et au nom de l’Europe.

Plus de solidarité dans ce domaine en particulier me semble indispensable. Je suis très satisfait que, le 16 novembre dernier, le Président de la République, François Hollande, ait clairement et solennellement abordé cette question devant le Congrès à la suite des terribles attentats qui ont meurtri notre pays. Des innocents sont morts : la France se doit de réagir, l’Europe aussi !

Invoquer, donc, comme le Président de la République souhaite le faire, l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne est sans précédent. Cet article dispose clairement : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir […]. »

Pour l’heure, si les modalités d’intervention ne sont pas précisément connues, les États membres ont d’ores et déjà donné un accord de principe mardi dernier, lors de la réunion du conseil des ministres de la défense de l’Union européenne. Il est souhaitable que des discussions s’engagent très rapidement à cet égard.

Il s’agit certainement d’un tournant. D’ailleurs, nous avons souvent abordé ce sujet dans cet hémicycle et en commission des affaires européennes : la France consacre une part importante de son budget à la défense, qui est considérable comparativement à l’Allemagne et à l’Italie ; seule la Grande-Bretagne fait jeu égal avec nous.

Cet effort consenti par la France et par ses citoyens via l’impôt doit impérativement et rapidement être pris en compte, d’une manière ou d’une autre, au niveau de l’Union européenne. Cette dernière ne pourra pas être sourde à la demande de la France à ce sujet. Il ne s’agit pas de donner notre accord sur le papier, il faut savoir comment cette solidarité se manifestera concrètement.

Le Président de la République a d’ailleurs très justement accordé au pacte de sécurité la priorité sur le pacte de stabilité, non qu’il faille déraper et ne plus respecter le second ; au contraire, chaque État membre doit pouvoir faire valoir des dépenses exceptionnelles qui, certes, lui sont propres, mais qui ont été engagées pour le bien communautaire et resteront – nous l’espérons s’agissant du terrorisme – exceptionnelles.

Le budget consacré par l’Europe en faveur de la politique de voisinage – également liée au terrorisme – est à cet égard insuffisant. Il est même très insuffisant concernant le sud de l’Europe et le pourtour méditerranéen. Il est vrai que l’importance des relations avec les pays des rives est et sud de la Méditerranée ont trop souvent été minimisées par nombre de nos partenaires européens, qui se désintéressaient de ce sujet et évoquaient constamment le partenariat oriental et la politique à l’Est. Pour eux, ce qui se passait en Méditerranée n’était pas très grave. Aujourd’hui, ces événements dramatiques ont lieu sur notre sol et continueront de se produire si nous n’agissons pas.

Je ne tiens pas à insister sur les réticences, sur le manque de solidarité dont font preuve certains de ces États au sujet des migrants, qui quittent leur pays pour fuir la guerre.

Sur la même thématique, je dirai un mot de la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne.

Il ne s’agit pas de créer une nouvelle superstructure. Les spécialistes le savent bien. Ils ne militent pas pour un énième organisme supranational chargé de traiter de ces questions, notamment en matière de renseignement. Au contraire, ils plaident pour une plus ample coordination et pour la mise en place de nouveaux outils de prévention de ces actes odieux. La question relève donc plus de la volonté politique que d’engagements budgétaires supplémentaires.

Après les attentats de janvier, le Parlement français, et en particulier le Sénat, a pu largement débattre de ce sujet.

Parmi les nombreuses propositions de résolution rédigées, l’une, portant sur le PNR européen, a été présentée sur mon initiative, et une autre, relative aux moyens de la lutte contre le terrorisme, a été déposée par plusieurs de nos collègues, dont le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet. Ces deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité. Leur but était d’alerter nos homologues européens et surtout d’inviter les diverses institutions de l’Union à agir vite, au premier chef le Parlement européen.

Ce matin même, au titre d’une communication que je faisais devant la commission des affaires européennes au sujet du PNR, j’ai eu l’occasion de le rappeler sans langue de bois : il faut que le Parlement européen cesse de traîner les pieds, et que l’on aboutisse enfin, avant la fin de cette année.

M. le président de la commission des affaires européennes acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nécessité fait loi, malheureusement, et les événements qui viennent d’avoir lieu permettront sans nul doute de lever les quelques légères interrogations qui demeurent à cet égard.

Monsieur le secrétaire d’État, sur ce dossier, la quasi-unanimité exprimée par le Sénat s’est révélée très utile. Elle a, je le crois, renforcé l’action du Gouvernement lors des négociations qu’il a menées au niveau européen.

Sans m’étendre sur les différents instruments spécifiques connus, qui méritent d’être remaniés, je souligne que l’Europe dispose tout de même de moyens importants pour lutter contre le terrorisme.

J’en reviens à l’article 22 du projet de loi de finances, qui fait l’objet de notre débat et qui me permet, à l’instar de tous les orateurs précédents, d’aborder l’ensemble des problématiques européennes.

La discussion d’aujourd’hui est inédite, en raison de la complexité de la conjoncture, de la confusion des négociations et de la superposition des enjeux.

L’Union européenne fait face à de nombreuses équations à une, voire à plusieurs inconnues. Sa responsabilité est immense et ses contraintes nombreuses. Quant à nous, parlementaires français, même si nous ne pouvons nous exprimer par un vote sur le budget européen, nous avons besoin d’obtenir une véritable mise au point au sujet des financements, qu’il s’agisse de leur situation, des possibilités ou des perspectives réelles qui s’ouvrent à ce titre. En effet, nous étudions le budget européen, notamment au sein de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Force est de le reconnaître, cette année, il est très difficile de disposer d’une évaluation précise en la matière.

Néanmoins, sur les plans économique et social, il faut saluer la mise en œuvre du plan Juncker, qui répond à une certaine volonté politique au niveau européen et que nous appelions de nos vœux depuis fort longtemps. Le Gouvernement nous l’a indiqué : la France est prête à concrétiser ce plan au plus vite et elle est à la pointe pour la mobilisation des premiers financements.

Entre l’assouplissement de la politique monétaire et la mise en œuvre du plan Juncker, l’Europe s’est enfin mobilisée. Elle a pris la mesure à la fois du risque déflationniste et de l’absence de croissance qui mine nos économies depuis de nombreuses années.

Le plan Juncker est une bonne initiative. Toutefois, restons vigilants : nous n’avons pas de visibilité quant à sa portée. Il faut écarter le risque du saupoudrage et utiliser d’autres fonds du budget européen pour l’alimenter. On ne peut pas, d’une part, annoncer un vaste plan de relance, d’autre part, ne pas accorder de nouveaux crédits à la lutte contre le chômage.

Mes chers collègues, vous le savez, l’initiative pour l’emploi des jeunes est clairement sur la sellette. Or cet enjeu doit rester prioritaire.

La volonté de réorienter le budget 2014-2020 vers les politiques sociales et économiques était et reste positive. On constate simplement que les budgets consacrés à la mise en œuvre de ces politiques sont détricotés pour faire face aux dépenses imprévues résultant des crises.

La réponse aux crises est assurée par des redéploiements de fonds ; les lignes de crédit valsent à chaque budget rectificatif, et cette pratique n’est hélas ! pas propre à l’échelon européen.

Pour l’heure, les mesures en faveur des réfugiés sont presque toutes financées par le biais de redéploiements, et non par des moyens nouveaux. Par exemple, 70 millions d’euros ont été prélevés sur le programme Galileo, ce qui est regrettable, et une autre partie a été retranchée des lignes budgétaires destinées au fonds de solidarité de l’Union européenne, à la politique agricole et à la pêche, ce qui est tout aussi préoccupant.

Ainsi, on « pioche » dans des fonds destinés au secteur agricole pour financer pour partie la crise des réfugiés, alors même que notre agriculture est en crise et qu’elle a, elle aussi, bénéficié cet été d’aides exceptionnelles de l’Europe. Cette situation n’est pas tenable. Elle va jusqu’à mettre en cause la crédibilité et l’avenir de l’Europe.

L’Europe est à la croisée des chemins. Je souhaite que les crises qui l’ébranlent aujourd’hui puissent, in fine, être salvatrices. Ces dernières sont révélatrices des propres faiblesses de l’Union. Désormais, il faut, tous ensemble, s’employer à la sauver. Pallier les urgences ne suffit plus.

Nous ne pensons pas détenir la vérité. Toutefois, nous en sommes persuadés, il faut assurer un certain nombre d’aménagements du mode de fonctionnement de l’Union européenne, à commencer par une réforme profonde de son financement. Il s’agit là du débat récurrent de ses ressources propres. On ne pourra se contenter de le rouvrir année après année, il faudra, tôt ou tard, agir. Bien sûr, il faudra procéder à des aménagements institutionnels pour que l’Union puisse exercer pleinement la mission qui devrait être la sienne et regagner l’adhésion citoyenne.

L’adhésion des citoyens est un enjeu majeur, c’est même le plus important de tous.

Bien entendu, les membres du groupe socialiste et républicain, au nom desquels je m’exprime, voteront, cette année encore, le prélèvement européen !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est appelée à examiner le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, c’est-à-dire notre contribution au budget européen, dans un contexte exceptionnel.

Le 13 novembre dernier, la France a été frappée, mais c’est toute l’Europe qui a été touchée dans sa chair comme dans ses valeurs.

Les victimes des attaques terroristes du 13 novembre venaient de toute l’Europe et même du monde entier. Beaucoup de ces hommes et de ces femmes étaient jeunes. Ils respiraient l’air libre d’une ville libre, l’air de la liberté, que l’on respire en Europe et dans les démocraties. Ils ont été fauchés par la haine fanatique du terrorisme, ce même terrorisme qui avait déjà tué à Copenhague et à Bruxelles, qui avait déjà tué à Madrid et à Londres, comme il a tué, ces dernières semaines, à Beyrouth, à Ankara, en Égypte et en Tunisie.

Aujourd’hui, c’est toute l’Europe qui doit répondre.

Partout en Europe se sont affichés, sur les monuments des grandes villes, le bleu, le blanc, le rouge. Partout a retenti La Marseillaise. Maintenant, l’Europe doit faire bloc face à la barbarie terroriste qui tue ses enfants, qui veut détruire ses valeurs et la démocratie.

C’est pourquoi la solidarité est essentielle, la coordination décisive et l’unité vitale pour l’Europe dans la lutte contre le terrorisme.

C’est pourquoi le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a demandé la réunion exceptionnelle d’un conseil Justice et affaires intérieures, demain, à Bruxelles. Il s’y rendra avec Mme la garde des sceaux. Le but est de renforcer la coopération policière et judiciaire, le contrôle de nos frontières extérieures communes, la lutte contre le trafic d’armes et contre le financement du terrorisme, et enfin d’exiger l’adoption du PNR européen.

C’est également pourquoi le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a invoqué, à la demande du Président de la République, lors de la réunion du conseil des affaires étrangères, mardi, à Bruxelles, le paragraphe 7 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne. Ainsi, doit être déclenchée, pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, la clause d’assistance mutuelle prévue dans le cas où un État membre fait l’objet d’une agression armée sur son territoire.

Les États membres ont apporté à cette démarche leur soutien unanime. Celui-ci pourrait notamment se traduire par une intensification de l’action des pays européens contre Daesh, en Irak et en Syrie, ou encore par un engagement accru sur d’autres théâtres, comme le Sahel ou la Centrafrique, pour soulager nos propres troupes.

C’est donc dans un contexte où l’Union européenne et l’efficacité des politiques communes sont plus nécessaires que jamais que le Sénat examine aujourd’hui le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

Les priorités budgétaires de l’Union doivent permettre de répondre aux grands défis auxquels l’Europe fait face : la sécurité, la crise des réfugiés, mais aussi – divers orateurs l’ont souligné – les enjeux, toujours, de la cohésion sociale, du soutien à la croissance et à l’emploi.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’établit à 21, 509 milliards d’euros.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, ce montant devrait être prochainement réactualisé, notamment pour tenir compte de l’accord intervenu entre le Conseil et le Parlement européens sur le budget de l’Union européenne pour 2016. L’adoption définitive de ce texte par le Parlement européen est prévue pour le 26 novembre prochain, en même temps que le huitième budget rectificatif pour 2015.

Ce budget pour 2016, sur lequel se sont accordés le Parlement et le Conseil européens, devrait s’élever à 155 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 143, 9 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce sont là des montants importants. Encore faut-il rappeler que ce budget ne représente que 1 % du revenu national brut de l’Union européenne.

Ce budget pour 2016 porte la marque des grandes priorités de la programmation budgétaire 2014-2020, à commencer par la réorientation des politiques européennes en faveur de l’investissement, de la croissance et de l’emploi.

Pour les gestionnaires comme pour les bénéficiaires des fonds européens, le cadre financier pluriannuel est un gage de stabilité. Il assure la lisibilité des politiques européennes, la continuité de l’action dans les territoires, la prévisibilité des moyens mis à la disposition des acteurs locaux, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des agriculteurs, des chercheurs ou des entreprises, et ce sur toute la durée de la programmation.

Pour 2016, le budget de l’Union européenne se caractérise donc par la montée en charge des programmes fixés pour la période 2014-2020, lesquels correspondent aux priorités de long terme que l’Union s’est fixées. Il s’agit, en particulier, du programme « Horizon 2020 » pour la recherche, les universités et l’innovation ; du programme Erasmus + pour la mobilité des jeunes, l’éducation et la formation tout au long de la vie ; ou encore de l’initiative européenne pour l’emploi des jeunes, qui, en France, permet de financer la garantie jeunes.

Au nombre de ces priorités figure également le mécanisme d’interconnexion pour l’Europe, le MIE, qui est consacré aux infrastructures énergétiques, de transport et numériques.

À travers toutes ces politiques, l’enjeu, pour la France, est de faire bénéficier ses projets de bons financements européens.

À cet égard, réjouissons-nous du fait que l’Union européenne ait retenu un très grand nombre de projets français, et que nos retours, c’est-à-dire la part des financements qui vont être orientés vers notre pays, aient augmenté en 2014 et en 2015.

En 2014, dernière année de référence connue, la France a perçu 570 millions d’euros pour « Horizon 2020 » et 182 millions d’euros pour Erasmus +. Notre pays est désormais, en volume, le premier bénéficiaire de ces programmes.

Plusieurs projets français ont également été retenus par le comité de coordination du MIE, en particulier le canal Seine-Escaut et la ligne ferroviaire Lyon-Turin, en faveur desquels le Gouvernement s’est beaucoup mobilisé.

Dans le même temps, les grandes politiques de l’Union européenne, en particulier la politique de cohésion, avec le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et le Fonds social européen, le FSE, doivent continuer à favoriser la croissance et l’emploi dans nos régions et dans nos départements.

En France, nous devons tenir compte d’un enjeu nouveau à ce titre : le rôle accru des acteurs territoriaux. En effet, la gestion de ces crédits européens a été confiée aux conseils régionaux.

Dans le secteur agricole également, l’Europe doit être à même de réagir aux crises pour soutenir l’activité économique. Il en est ainsi de la crise de l’élevage, que les partenaires européens ont commencé à traiter à la suite de la demande formulée, cet été, par notre pays. La France a obtenu la réunion, en septembre, d’un conseil des ministres de l’agriculture exceptionnel. À cette occasion, la Commission a annoncé un paquet de 500 millions d’euros, notamment pour le lait en poudre et la viande porcine. Ce financement sera pris en compte au titre du budget 2016.

La France va ainsi bénéficier d’une enveloppe de 62, 9 millions d’euros d’aides supplémentaires pour ses agriculteurs, lesquels recevront ces crédits avant le 31 décembre.

Le plan européen contient également des actions de stabilisation des marchés, avec de nouvelles mesures de stockage privé pour les produits laitiers, dont le fromage, et le porc.

La programmation pluriannuelle des dépenses a également su s’adapter à la mise en place du plan Juncker pour l’investissement. Ainsi, le projet de budget de l’Union européenne pour 2016 prévoit des crédits et des garanties pour la mise en place du fonds européen pour les investissements stratégiques, dans le cadre du plan Juncker. Grâce au levier de la Banque européenne d’investissement, la BEI, il sera possible de dégager un total de 315 milliards d’euros d’investissements publics et privés au cours des trois prochaines années.

En France, plus de cent quarante projets éligibles ont d’ores et déjà été identifiés et plusieurs d’entre eux ont déjà été financés.

Ce budget a aussi pour vocation de répondre au défi d’urgence auquel l’Europe est confrontée et, en particulier, à la crise des réfugiés, à la crise migratoire, laquelle a également une dimension budgétaire.

L’accueil des réfugiés, leur enregistrement dans les hotspots mis en place aux frontières extérieures de l’Union, en Grèce et en Italie, la gestion de nos frontières extérieures communes et le renforcement de la lutte contre les passeurs, l’opération maritime Sophia au large des côtes libyennes contre les trafiquants d’êtres humains, le raccompagnement dans leur pays d’origine de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale, l’appui à des projets de développement dans ces pays d’origine ou de transit, tout cela a un coût.

Il nous faut également aider les pays tiers de transit, en particulier les pays voisins de la Syrie, confrontés à un afflux de réfugiés important – le Liban, la Jordanie et la Turquie – afin que ceux-ci puissent y être accueillis au mieux, plutôt que de tenter de rejoindre l’Union européenne.

Tous ces sujets ont été au cœur des débats des dernières réunions du Conseil européen et toutes les flexibilités existantes ont été utilisées pour dégager des moyens sur les années 2015 et 2016.

La Commission évalue l’effort budgétaire global nécessaire pour répondre à la crise des réfugiés en 2015 et en 2016 à 9, 2 milliards d’euros. Cette somme inclut certains montants déjà budgétés, mais également, à hauteur de 1, 7 milliard d’euros, les nouvelles mesures annoncées lors du conseil européen extraordinaire du 23 septembre et prises en compte dans l’accord intervenu vendredi entre le Conseil et le Parlement européens sur le budget de l’Union européenne pour 2016.

Ces moyens budgétaires permettront également d’apporter des financements supplémentaires aux agences de l’ONU, en particulier au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, et au Programme alimentaire mondial, de renforcer le Fonds asile, migration et intégration et le Fonds pour la sécurité intérieure, de financer les augmentations d’effectifs dans les agences européennes chargées de ces politiques complexes – Frontex, le bureau européen d’appui en matière d’asile, ou EASO, et Europol – et de contribuer au financement de la relocalisation de 160 000 personnes résultant des décisions prises en juillet et en septembre dernier.

Ainsi le budget européen s’adapte-t-il pour répondre aux défis que l’Europe doit relever.

L’année 2016 sera également une année de réflexion sur l’avenir du budget de l’Union européenne, dans le cadre de la clause de révision du cadre financier pluriannuel. La Commission fera des propositions sur les grandes politiques européennes, mais aussi, nous l’avons évoqué ensemble lors de la présentation de la nouvelle décision du Conseil relative au système des ressources propres, sur les modalités de financement du budget de l’Union européenne. Ce sujet a été évoqué par le président Jean Bizet et beaucoup d’entre vous.

Ces modalités, nous en sommes tous convaincus, doivent être réformées en profondeur, afin de les rendre plus lisibles, plus transparentes et plus équitables. Cela implique, en particulier, de revenir sur tous les mécanismes de correction qui se sont multipliés et sédimentés au fil du temps. Tel est le sens des travaux du groupe à haut niveau que préside l’ancien président du Conseil italien, Mario Monti. Nous soutenons sa démarche et nous souhaitons qu’il débouche sur des préconisations ambitieuses.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, parler du budget de l’Union européenne, c’est donc évoquer les politiques européennes qui irriguent nos territoires, notre participation à l’espace européen de la recherche, la politique agricole commune, le financement des grandes infrastructures transfrontalières ou régionales, le soutien des fonds européens à notre tissu économique. C’est évoquer l’emploi aujourd’hui, la croissance pour demain, le soutien à l’innovation, qui représente évidemment un enjeu stratégique pour l’avenir de l’Union européenne.

C’est aussi parler de la capacité de l’Europe à faire face aux urgences et aux crises, qui sont nombreuses, vous les avez longuement évoquées.

Tel est l’enjeu du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, que l’on pourrait simplement résumer en une phrase : il s’agit de se donner les moyens de notre ambition européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.

Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2016 à 21 509 000 000 €.

L'article 22 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, de la proposition de loi organique et, d’autre part, de la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 5 novembre prennent effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 20 novembre 2015, à quinze heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions (n° 176, 2015-2016) ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (177, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 178, 2015-2016).

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (163, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (164, 2015-2016) ;

- Suite de l’examen des articles de la première partie.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.