Intervention de François Marc

Réunion du 19 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Article 22 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’actualité nous rappelle cruellement que nous avons besoin de toujours plus de solidarité en Europe.

Ainsi, la France a invoqué, avant-hier, la clause d’assistance entre les États membres de l’Union européenne en cas d’« agression armée sur son territoire ». Cette clause n’ayant jamais été activée auparavant, j’aimerais que vous nous disiez, monsieur le secrétaire d'État, ce que nous pouvons en attendre. Vous pourrez peut-être aussi nous dire pourquoi la France a demandé de faire jouer la clause d’assistance militaire, prévue par l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, et pas la clause de solidarité, prévue par l’article 222 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Oui, nous avons besoin de solidarité en Europe. Cette solidarité doit être budgétaire et financière. C’est pourquoi nous avons besoin d’un budget ambitieux pour l’Union européenne.

Je relève que la négociation entre les institutions communautaires sur le budget pour 2016 de l’Union européenne est toujours en cours en ce mois de novembre. La procédure de conciliation doit bientôt aboutir. J’espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous pourrez nous apporter quelques éléments d’information sur ce sujet.

Comme à l’accoutumée, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps, et la négociation du budget communautaire donne lieu aux postures habituelles. L’avant-projet de budget de la Commission européenne prévoyait une baisse de 5 % des crédits d’engagement et une hausse de 1, 6 % des crédits de paiement par rapport au budget de 2015. Puis, le Conseil européen a opéré des coupes notables au travers de sa proposition du 4 septembre 2015, tandis que le Parlement européen a voté, le 27 octobre dernier, un projet encore plus ambitieux que celui de la Commission, au regard tant des ouvertures de crédits d’engagement que de celles de crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d’augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rend plus difficiles les négociations lors de la phase de conciliation, qui devrait aboutir d’ici à la fin du mois.

Je tiens à souligner de nouveau l’état préoccupant du stock de « restes à liquider », les RAL, qui devrait atteindre au moins 220 milliards d’euros à la fin de l’année 2016. Un dispositif permettant de restreindre ce montant énorme est-il envisagé ? Il faudra bien que l’Europe parvienne un jour à assainir la situation.

Je me réjouis que le budget de l’Union européenne soit toujours davantage tourné vers l’investissement et la croissance, ainsi qu’en témoigne la mise en place, en 2015, du Fonds européen pour les investissements stratégiques, le FEIS. Ce fonds vise, je le rappelle, à réaliser des investissements à hauteur de 315 milliards d’euros, ce qui contribuera à la réalisation de l’objectif de soutien à la croissance en Europe.

Par ailleurs, la décision du Conseil du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes est en cours de remplacement par la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne, qui s’appliquera de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2014. Dans mon rapport sur le projet de loi autorisant l’approbation de cette nouvelle DRP, j’ai écrit, en pesant mes mots, qu’il s’agissait d’une « occasion de réforme ratée », dans la mesure où le système en vigueur était pour l’essentiel maintenu, de nouveaux rabais étant même créés.

J’en viens maintenant à l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016, qui établit à 21, 51 milliards d’euros le montant du prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne, soit 767 millions d’euros de plus que le montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2015. Cela représente une hausse de 3, 7 %. Je précise que la contribution de la France au budget communautaire prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État, voté chaque année en loi de finances.

Il faut signaler que le montant de ce prélèvement, qui était de 4, 1 milliards d’euros en 1982, connaît une tendance à la hausse continue : entre cette date et 2016, son montant en valeur a été multiplié par 5, 5.

Les écarts considérables entre la prévision et l’exécution de cette participation au budget de l’Union européenne sont récurrents, ce qui pose un véritable problème au regard de la sincérité du prélèvement voté chaque année. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je plaide pour que l’« estimation » soumise au vote du Parlement soit la plus précise et la plus fiable possible.

Deuxième bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne, la France reste le deuxième État contributeur au budget de celle-ci, derrière l’Allemagne mais devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne.

Alors qu’il représentait moins de 400 millions d’euros en 1999, notre solde net a été multiplié depuis lors par près de vingt. Au regard de l’exercice 2014, le dernier disponible, il ne se détériore plus, puisqu’il s’établissait à 7, 9 milliards d’euros en 2014, contre 9, 4 milliards d’euros en 2013, 9 milliards d’euros en 2012 et 7, 2 milliards d’euros en 2011.

En fait, cette amélioration de notre solde net n’est qu’apparente et ne révèle aucune tendance de fond : il s’agit d’une inflexion momentanée résultant de deux facteurs purement conjoncturels.

D’abord, les contributions des États membres au titre de 2014 n’intègrent pas les rabais et corrections, à l’exception du « chèque britannique », dans l’attente de l’entrée en vigueur de la nouvelle DRP, qui interviendra en 2016 avec l’effet rétroactif que j’ai signalé. Les corrections et rabais instaurés par cette DRP et dus au titre de 2014 et de 2015 n’auront d’incidence sur les contributions nationales qu’à partir de 2016.

Ensuite, le budget de l’Union européenne pour 2014 est inférieur à celui de 2013. Or, notre pays présentant un solde net négatif, toute diminution du niveau des dépenses améliore mécaniquement ce dernier.

J’ajoute que la baisse de la part relative de notre revenu national brut dans celui de l’Union européenne constitue à l’évidence un troisième facteur.

En conclusion, sous réserve de ces différentes observations, je recommande au Sénat, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016. Je vous invite, mes chers collègues, à garder foi, comme moi, dans la construction européenne : l’Europe a besoin de nous et nous avons besoin de l’Europe !

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