Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 19 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Article 22 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat sur la contribution française au financement de l’Union européenne est toujours un temps fort, dans la mesure où il permet aux parlementaires nationaux d’exprimer leur position sur les grandes orientations des politiques menées par les autorités de l’Union européenne. C’est aussi un moment tout particulier pour les sénateurs centristes, qui ont tous l’idéal européen en partage. Cinquante-huit ans après la signature des traités de Rome, ce débat nous donne l’occasion de réaffirmer la vigueur de notre sentiment européen, qui est au cœur de notre engagement politique.

Pour la première fois, ce débat se tient dans le prolongement direct de la discussion générale du projet de loi de finances. C’est une bonne manière de le mettre en valeur, et surtout d’insister sur l’importance des relations entre notre pays et l’Union européenne.

La France, qui participe au budget européen à raison de 21, 5 milliards d’euros et en bénéficie à hauteur de 14 milliards d’euros, est le deuxième contributeur net au financement de l’Union européenne.

Il faut souligner que le coût des mécanismes de rabais est croissant pour notre pays. Ainsi, sur la période 2010-2016, la France finance en moyenne 27 % de la compensation en faveur du Royaume-Uni, ce qui est tout de même un peu fort ! En 2013, par exemple, la France a financé 1, 2 milliard sur les 4, 3 milliards d’euros du rabais britannique. D’autres pays perçoivent des rabais forfaitaires annuels sur la période 2014-2020, mais ceux-ci sont d’un montant beaucoup plus raisonnable, puisqu’ils ne représentent qu’une dizaine de millions d’euros. Il y a là un débat démocratique important, car, à la fin de la période, hors aides agricoles, la France sera l’un des derniers pays à ne pas bénéficier d’un rabais.

Je n’insisterai pas davantage sur les aspects purement financiers, que M. le rapporteur spécial a très bien traités. En effet, au-delà de la question des relations financières entre la France et l’Union européenne, ce débat nous permet surtout d’évoquer le contexte économique européen et différents sujets d’actualité, liés à l’économie, bien sûr, mais aussi à la sécurité et au climat.

De fait, les enjeux politiques auxquels notre pays doit actuellement faire face ont une portée telle qu’ils concernent tout le territoire de l’Union européenne. Les réponses structurelles à ces problèmes devront nécessairement être validées et assumées au niveau européen. Plus que jamais, nous avons besoin d’une Europe forte et qui s’engage pour l’avenir.

D’un point de vue économique, le plan Juncker, aux contours encore incertains l’année dernière, lorsque nous avons eu le même débat, a vu le jour il y a quelques mois. Nous ne pouvons que nous en réjouir, même s’il est sans doute encore un peu faible, en comparaison notamment des investissements réalisés par les États-Unis pour contrer la crise économique.

Cependant, selon le Fonds monétaire international, la situation européenne s’améliorerait légèrement, à la faveur de la baisse des cours des matières premières. On peut ainsi espérer un taux de croissance de 2 % en 2015, inférieur de 0, 2 point aux prévisions du printemps, et de 2, 2 % l’année prochaine.

En ce qui concerne la situation en Grèce, on ne peut que se réjouir de l’accord conclu entre l’Union européenne, le FMI et le gouvernement de ce pays sur une série de mesures de rigueur. Cet accord ouvre la voie au déblocage par la zone euro, demain, de 12 milliards d’euros de prêts à la Grèce.

D’un point de vue budgétaire, les relations entre la France et l’Union européenne vont un peu évoluer après les attentats de vendredi dernier et les déclarations faites par le Président de la République devant le Congrès il y a trois jours. En effet, en demandant que la priorité soit donnée au pacte de sécurité sur le pacte de stabilité, le chef de l’État a, en fin de compte, demandé aux autorités européennes un report de la réduction du déficit public.

De fait, nous savons que la création de 5 000 postes de policier ou de gendarme, de 2 500 postes dans la justice et de 1 000 dans les services des douanes, ainsi que l’annulation des 9 200 suppressions de postes prévues dans l’armée entre 2017 et 2019, nous conduiront à ne pas respecter nos engagements européens, d’autant que ces augmentations d’effectifs s’accompagneront de nouveaux besoins en équipements pour les forces de l’ordre.

Ces dépenses nouvelles, induites par la situation, sont nécessaires ; néanmoins, on peut imaginer qu’elles auraient pu être évitées, si les gouvernements successifs avaient eu le courage d’aller plus loin dans les réformes structurelles de notre pays. Ainsi, la mise en œuvre d’une vraie réforme des retraites et d’une réforme du temps de travail annuel aurait très certainement permis de dégager des marges de manœuvre essentielles, en termes humains, pour notre administration. Je regrette que nous n’ayons pas entrepris ces réformes, et que nous continuions à ne pas les entreprendre.

Aujourd’hui, la Commission européenne a bien compris qu’une situation exceptionnelle pouvait justifier une réponse exceptionnelle. Il faudra néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, que, au-delà des incontournables mesures sécuritaires, le Gouvernement présente un nouveau plan de retour à l’équilibre. Ce dernier sera forcément difficile, mais on ne pourra pas continuer ainsi ! Il faudra bien engager les réformes que l’Europe attend de nous depuis longtemps.

La portée des questions touchant à la sécurité de notre territoire et à la lutte contre le terrorisme dépassant largement les frontières nationales, nous devrons rapidement réfléchir à de nouvelles façons d’agir au niveau européen, pour la gestion de la sécurité comme pour la prévention des attaques ; il convient en particulier d’agir directement sur les terres où prospère le terrorisme. En d’autres termes, la France ne pourra pas se battre seule contre Daech – employer le mot « État » serait donner beaucoup trop d’importance à ces voyous.

Une réponse européenne doit être recherchée.

La question de la défense européenne doit aussi être posée. Voilà deux jours, monsieur le secrétaire d’État, les ministres européens de la défense se sont rencontrés afin de mettre en œuvre, pour la première fois, l’article 42 alinéa 7 du traité sur l’Union européenne.

J’espère que l’Europe ne se contentera pas de fournir à la France quelques soldats en provenance d’Allemagne ou de Belgique pour nous aider en Afrique, mais qu’elle comprendra la nécessité d’aller vers une défense européenne.

J’espère également que l’armée française, qui est actuellement sur tous les fronts – je vous rappelle que nos troupes sont actuellement présentes dans dix-neuf pays au titre des OPEX et dans près de trente-neuf pays au total ! –, obtiendra beaucoup plus d’aide de la part de l’Europe qu’elle n’en a actuellement, car elle combat des islamistes dans la zone sahélienne en Afrique qui agissent sous d’autres noms que celui de Daech !

L’Europe devrait aussi se doter d’un cadre pour lutter contre le financement du terrorisme, ainsi que d’une législation solide et efficace sur le contrôle des armes à feu. Les États membres de l’Union européenne devraient par ailleurs renforcer les échanges de renseignements entre leurs différents services et mettre en œuvre des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures de l’Union européenne, au travers d’une révision du code frontières Schengen.

À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous rappeler que le Sénat a voté au mois de mars dernier deux résolutions européennes concernant notamment le PNR, ou passenger name record. À l’occasion de l’examen du rapport de M. Sutour, la commission des affaires européennes en a notamment parlé ce matin même !

Manifestement, le Parlement européen semble enliser – volontairement ? – ce projet. Pourtant, on ne peut pas continuer à attendre ! L’échange des fichiers des passagers aériens constitue pourtant une mesure essentielle pour lutter contre le terrorisme.

Monsieur le secrétaire d’État, je pense que les collègues qui me succéderont – M. Jean Bizet en particulier – insisteront sur ce point : on ne peut pas continuer à avoir un Parlement européen aussi léger sur un sujet aussi important que la lutte contre le terrorisme !

Pour terminer, j’aimerais évoquer en quelques mots la COP 21, qui va débuter dans quelques jours à Paris. Notre pays doit être exemplaire en matière de lutte contre le changement climatique – et je crois qu’il l’est. Les enjeux posés par cette conférence sont donc primordiaux.

Néanmoins, là encore, une réponse européenne coordonnée est nécessaire pour peser dans les débats internationaux. Lundi dernier, le Sénat a d’ailleurs adopté une résolution mettant en valeur le rôle des territoires dans la transition écologique et la lutte contre le changement climatique.

À l’heure actuelle, l’Europe fait plutôt figure de bonne élève de la COP 21 : elle a ainsi déjà atteint les objectifs fixés par le précédent sommet de Kyoto, soit un taux de 20 % d’énergie d’origine renouvelable dans la consommation totale d’énergie.

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