Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, M. Pierre Moscovici, a accusé réception de cette déclaration et a assuré que « les règles du pacte de stabilité n’empêchent pas les États de définir leurs priorités », ajoutant ceci : « Nous comprenons ce qu’est la priorité à la sécurité ». Enfin, il a indiqué que ces règles n’étaient « ni rigides ni stupides ». Ce principe pourrait-il un jour s’appliquer à l’urgence sociale, par exemple, si nous le décidions ?
Pour le moment, aucune précision ne nous a été fournie sur la marge de manœuvre dont disposera la France. Il me semble qu’à l’heure où nous débattons de la participation de notre pays au budget de l’Union européenne, il serait important de disposer d’éléments de réponse, monsieur le secrétaire d’État !
Cette situation conduit également à se poser deux questions auxquelles la zone euro devrait réfléchir.
Premièrement, il faut s’interroger sur l’inadaptation du pacte de stabilité aux circonstances du moment. En matière économique notamment, la politique d’austérité a conduit au marasme que nous connaissons. L’Europe devrait s’interroger sur les effets sociaux et politiques de sa stratégie et sur son rôle dans l’instabilité actuelle.
Si, aujourd’hui, la France sort de ce cadre, c’est aussi pour « rattraper » les retards dus aux contractions budgétaires. Il serait vraiment inopportun que, dans quelque temps, il soit nécessaire de réaliser un rattrapage de cette nature sur les budgets de la santé ou de l’éducation par exemple !
Deuxièmement, il faut se poser la question de l’inadaptation de la nouvelle architecture mise en place de 2011 à 2013 pour empêcher les dérives des États et mettre sous surveillance les États dits « dépensiers » par la Commission européenne. La sacro-sainte stabilité financière semble aujourd’hui bien dérisoire au regard de certains enjeux !
Un autre sujet qu’il me paraît indispensable d’évoquer, car le principal objectif de l’Europe reste quand même celui de la relance de l’économie ces temps-ci, concerne le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE. Depuis mars 2015, celle-ci a décidé d’engager une politique monétaire d’assouplissement quantitatif, qui se traduit par l’injection de 60 milliards d’euros chaque mois dans les circuits financiers et bancaires des pays de l’Union européenne.
L’objectif était, pour l’essentiel, de dynamiser les économies nationales, aujourd’hui touchées par une grande atonie. Or cette politique ne semble pas, pour l’instant, produire les effets escomptés, à savoir, d’une part, la relance économique et, d’autre part, le retour à un taux d’inflation proche de 2 %.
Ce programme doit en principe s’appliquer pour une période de dix-huit mois, c’est-à-dire jusqu’au mois de septembre 2016. Quelle analyse la Commission européenne et, de façon plus générale, l’Union européenne font-elles de cette absence patente de résultats ?
De plus, en l’état actuel de la situation, il me semblerait judicieux que la BCE envisage clairement d’ajuster cette politique. Il n’est plus supportable que l’argent public contribue une fois encore à financer ce que d’aucuns décrivent comme de nouvelles bulles spéculatives, et en aucun cas – du moins très insuffisamment – l’économie réelle.
À l’heure où l’on impose toujours plus de restrictions aux peuples européens, où les budgets des collectivités territoriales et des États sont en berne, comment est-il encore possible de mobiliser de telles sommes au seul profit, parfois, de spéculateurs ?
Ne croyez-vous pas que l’Europe, dans son ensemble, est surtout pénalisée par l’application systématique et simultanée de politiques d’austérité dans tous les États membres ? Le FMI l’a d’ailleurs souligné en son temps.
Je vais relativiser le terme d’austérité « systématique », car l’austérité n’est pas valable pour tous, bien au contraire ! Un rapport sur la richesse mondiale, publié le 13 octobre dernier par le Crédit suisse – grand connaisseur en la matière –, nous le confirme : 1 % de la population détient la moitié de la richesse globale !
Même Christine Lagarde, directrice générale du FMI, estime pour sa part que les inégalités menacent la stabilité du système économique mondial et donc européen.
Combien de temps accepterons-nous que certaines multinationales aient toujours plus recours à l’optimisation fiscale pour éviter de payer des impôts ? Rappelons-le inlassablement : l’évasion et la fraude fiscales représentent un manque à gagner de 1 000 milliards d’euros pour l’Europe ! Que faisons-nous pour lutter concrètement contre ce fléau ? La question se pose encore et toujours.
De la même façon, quels sont les effets du plan Juncker sur la relance de l’économie ? Ce fond de 315 milliards d’euros doit servir à financer des secteurs jugés stratégiques et, au passage, relancer la croissance et l’emploi. Pour le moment, là encore, on attend toujours – c’est malheureux, car personne ne s’en réjouit ! – d’en voir les résultats.
D’ailleurs, quatre mois après, les membres du comité d’investissement du Fonds européen pour les investissements stratégiques n’ont toujours pas été nommés pour commencer à investir dans les projets. Vingt-sept opérations, pourtant jugées éligibles, attendent.
Nous pensons qu’il est temps, aujourd’hui, de poser les fondements d’un nouveau cadre économique à l’échelle de l’Europe. Nous ne pouvons pas continuer à regarder la misère se propager sans réagir et accepter cette situation comme un état de fait. En Europe, il est possible de vaincre les inégalités, mais il faut sans doute pour cela une vraie volonté politique !
En la circonstance, nous sommes convaincus que les États conservent un rôle déterminant à jouer et qu’il est temps que chacun prenne ses responsabilités.
Pour conclure, je me permettrai de citer les propos de M. Angus Deaton, le prix Nobel d’économie de l’année 2015, qui a déclaré : « Ce qui m’inquiète le plus dans l’inégalité des revenus, c’est qu’elle peut se transformer en inégalité politique. Si les gens fortunés utilisent leur richesse pour influencer le processus politique, alors tous les autres souffrent. Là est le danger. »
Notre groupe est depuis toujours en désaccord avec le pacte budgétaire en vigueur au sein de l’Union européenne, car il conduit à ces excès. Nous ne voterons donc pas l’article 22.