Intervention de André Gattolin

Réunion du 19 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Article 22 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivons ce premier jour de marathon budgétaire par l’examen de l’article 22 relatif au prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne.

Je tiens avant toute chose à féliciter – moi aussi – notre collègue François Marc pour la grande qualité et la précision de son rapport.

Cela a été rappelé, ce prélèvement, qui est estimé à 21, 5 milliards d’euros, témoigne d’une tendance continue à la hausse. Rappelons également que la légère augmentation de ce prélèvement pour 2016 s’explique en grande partie par l’acquittement rétroactif d’environ 900 millions d’euros de corrections et de rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015.

Aujourd’hui plus qu’hier, nombreux sont ceux qui doutent de l’Europe, nombreux sont ceux qui estiment qu’il faut donner raison aux murs, au retour des frontières intérieures et au repli national.

Aujourd’hui plus qu’hier encore, ces mots ont une résonance grave. La peur peut d’ailleurs facilement leur donner raison ! Pour autant, cela ne constitue pas une solution ; ou plutôt, cela correspond à une solution contre-productive et dangereuse !

En tant qu’Européen convaincu, je ne me lasserai jamais de vous répéter, mes chers collègues, que l’Union européenne est notre avenir et notre rempart à condition, bien sûr, de lui donner l’impulsion politique et la solidarité requises, et à la condition que nous la dotions d’un budget digne de ce nom.

Les défis d’ampleur multiples et complexes auxquels nous devons faire face sont connus. Quant aux besoins budgétaires pour les affronter, ils sont d’une taille inédite.

Vendredi dernier, la procédure de conciliation menée par les institutions européennes a abouti à un compromis sur le budget européen pour 2016, qui doit encore être voté dans les prochains jours.

Certes, il en ressort une volonté de relever les défis qui se présentent à l’Europe. Néanmoins, ce budget demeure serré et incohérent, et ne semble pas à la hauteur des enjeux. Il tente ainsi de répondre à l’objectif de reprise de la croissance en Europe, puisque l’emploi et la compétitivité comptent parmi ses postes de dépense prioritaires, prenant ainsi la suite du plan Juncker et en constituant le complément.

Il y a aussi la crise des réfugiés, pour laquelle le budget européen s’élèverait à 4 milliards d’euros, qui seraient destinés tant aux États membres qu’aux pays d’où proviennent les réfugiés, afin de les aider à y faire face.

À cela s’ajoute le défi de la lutte contre le changement climatique, dont l’ampleur ne semble pas être bien prise au sérieux par l’Europe. Nous avons un rôle moteur et d’entraînement à jouer sur cette question. Cela me surprend donc de voir que l’instrument financier pour l’environnement et l’action pour le climat ne sera doté que de 3, 4 milliards d’euros pour la période 2014-2020.

Enfin, il existe un défi tout aussi difficile et urgent à relever : la lutte contre le terrorisme. À la suite des événements de janvier dernier, l’Europe a appelé à une plus grande coopération européenne comme internationale.

Aujourd’hui, nous voyons bien que les actions de ces derniers mois n’ont pas été suffisantes, puisqu’elles n’ont pas empêché la tragédie de la semaine dernière de survenir.

Le renforcement nécessaire de la coopération policière et judiciaire que la France réclamera demain lors d’un conseil extraordinaire des ministres de l’intérieur à Bruxelles est urgent. Surtout, l’Europe doit disposer enfin d’un budget adéquat, non seulement au regard de la menace que constitue Daech, mais aussi au regard de la criminalité internationale et du trafic d’armes qui lui sont intimement liés. Pour cela, une hausse de 13 % seulement du budget d’Europol sur la période 2014-2020 me semble terriblement insuffisante.

Dans un rapport d’information élaboré en avril 2014, à la demande de Simon Sutour, avec mes collègues Colette Mélot et Dominique Bailly et mon ancien collègue Pierre Bernard-Reymond sur les perspectives d’avenir d’Europol et d’Eurojust, nous avions déjà pointé cruellement du doigt cette défaillance.

Au regard de l’extension constante de leur champ d’investigation, le maintien à un niveau quasi constant du budget de ces deux agences centrales dans la lutte contre le terrorisme me paraît totalement aberrant.

En ce qui concerne le système des ressources propres – car, s’il existe des dépenses, il faut également des ressources –, celles dites « traditionnelles » – surtout les droits de douane – seront amenées à être de plus en plus limitées.

En effet, l’Europe signe de plus en plus de traités de libre-échange avec des pays tiers. Par ailleurs, la Chine revendique le statut d’économie de marché auprès de l’OMC pour l’année prochaine. Si ce statut lui était accordé, cela aurait des incidences importantes sur la capacité de l’Europe à percevoir un certain nombre de taxes ou de droits d’entrée à ses frontières.

Il ne nous est plus permis de différer une remise à plat du système actuel de financement. Il est également urgent de doter l’Europe de nouvelles ressources propres. C’est par ce biais, aussi, que nous lui permettrons de faire face à ces défis si complexes.

Redonner du sens politique à l’Europe nécessite également de redonner confiance au citoyen européen, en renforçant son accès aux informations budgétaires et leur lisibilité.

De plus, le citoyen est en droit de connaître l’impact budgétaire et économique des condamnations de la France par la Cour de justice de l’Union européenne pour violation des normes du droit européen. Je ne développerai pas ici ce point, car je déposerai un amendement en ce sens, afin de demander un rapport annuel consolidé sur la question.

Pour finir, je rappellerai que pendant près de trente ans, Émile Noël, grande figure française de l’Europe, aujourd'hui un peu oubliée – il fut le premier secrétaire général de la Commission européenne -, s’est battu contre une lecture cantonnée à la contribution nette et au solde net de la France, car il l’estimait contraire à l’esprit communautaire.

Malheureusement, j’ai le sentiment que, chaque jour un peu plus depuis les années quatre-vingt-dix, ces éléments sont devenus l’alpha et l’oméga de toutes nos discussions.

Je crois que nous devons rapidement sortir d’une telle vision, qui contribue à accroître le ressentiment des Français envers l’Europe. On nous oppose en effet systématiquement que nous payons, mais ne recevons rien.

Cette lecture purement comptable de l’Europe est dangereuse. Elle ne permet pas de comprendre les dynamiques économiques positives créées par l’Union européenne, en dehors du seul cadre national.

Bien entendu, le groupe écologiste, profondément attaché à l’Europe, votera l’article 22, malgré toutes les critiques que pourrait susciter la logique actuelle de la politique européenne.

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