Intervention de Simon Sutour

Réunion du 19 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Article 22 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la discussion sur le prélèvement européen, au-delà de l’aspect purement formel concernant la participation de la France au budget de l’Europe, est l’occasion d’examiner en détail les politiques communes de l’Union européenne, leurs évolutions, mais aussi, malheureusement, leurs faiblesses.

L’Europe est cette année, et le sera encore davantage dans les années à venir, au cœur de nos préoccupations.

Cette année aussi, cette discussion revêt un caractère exceptionnel. En effet, nombreuses sont les questions à traiter, notamment la lutte contre le terrorisme, la crise des migrants, le plan d’investissement, les crises agricoles, la pérennité de l’initiative pour l’emploi des jeunes et la crise grecque.

Ces questions, l’Europe ne peut les ignorer, elle doit pouvoir y faire face ; encore faut-il qu’elle en ait les moyens.

Afin de pallier cette situation, la question se pose d’une indispensable réforme de fond du système de ressources propres de l’Union européenne. La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel devrait être l’occasion l’année prochaine, pour elle, non seulement de mettre en place un système pérenne de ressources propres, mais également de réévaluer ses priorités afin de se doter de possibilités pour faire face aux imprévus.

Évidemment, avec un budget qui représente seulement 1 % du revenu national brut européen, l’Europe ne dispose pas aujourd’hui des moyens de ses responsabilités.

Concernant l’aspect budgétaire de cette question, qui est bien évidemment essentiel, la contribution française s’élève pour 2016, M. le rapporteur spécial l’a indiqué, à 21, 51 milliards d’euros, ce qui constitue l’une des charges les plus importantes du budget de notre pays, avec 8 % des dépenses de l’État hors charge de la dette. C’est loin d’être négligeable. Cette contribution est d’ailleurs appelée à augmenter et devrait atteindre près de 25 milliards d’euros en 2020, conformément aux perspectives budgétaires 2014-2020.

Vous le savez aussi, la France est le deuxième contributeur net en volume au budget de l’Union, derrière l’Allemagne et devant le Royaume-Uni. Elle est aussi le deuxième bénéficiaire des politiques de l’Union.

Il n’est pas de bon aloi de compter, comme dans une épicerie, ce que l’on donne et ce que l’on reçoit, mais il faut tout de même établir un bilan. Cependant, il faudrait, une bonne fois pour toutes, se pencher sur cet aspect, entre contribution et bénéfice. À cet effet, d’autres indicateurs devraient être intégrés pour le calcul de ce ratio. Je parle, entre autres, des rabais accordés à certains pays – suivez mon regard – et de la prise en compte de nos dépenses militaires – j’insiste particulièrement sur ce point compte tenu du contexte actuel – destinées à financer des actions extérieures conduites courageusement par nos armées au nom de la France et au nom de l’Europe.

Plus de solidarité dans ce domaine en particulier me semble indispensable. Je suis très satisfait que, le 16 novembre dernier, le Président de la République, François Hollande, ait clairement et solennellement abordé cette question devant le Congrès à la suite des terribles attentats qui ont meurtri notre pays. Des innocents sont morts : la France se doit de réagir, l’Europe aussi !

Invoquer, donc, comme le Président de la République souhaite le faire, l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne est sans précédent. Cet article dispose clairement : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir […]. »

Pour l’heure, si les modalités d’intervention ne sont pas précisément connues, les États membres ont d’ores et déjà donné un accord de principe mardi dernier, lors de la réunion du conseil des ministres de la défense de l’Union européenne. Il est souhaitable que des discussions s’engagent très rapidement à cet égard.

Il s’agit certainement d’un tournant. D’ailleurs, nous avons souvent abordé ce sujet dans cet hémicycle et en commission des affaires européennes : la France consacre une part importante de son budget à la défense, qui est considérable comparativement à l’Allemagne et à l’Italie ; seule la Grande-Bretagne fait jeu égal avec nous.

Cet effort consenti par la France et par ses citoyens via l’impôt doit impérativement et rapidement être pris en compte, d’une manière ou d’une autre, au niveau de l’Union européenne. Cette dernière ne pourra pas être sourde à la demande de la France à ce sujet. Il ne s’agit pas de donner notre accord sur le papier, il faut savoir comment cette solidarité se manifestera concrètement.

Le Président de la République a d’ailleurs très justement accordé au pacte de sécurité la priorité sur le pacte de stabilité, non qu’il faille déraper et ne plus respecter le second ; au contraire, chaque État membre doit pouvoir faire valoir des dépenses exceptionnelles qui, certes, lui sont propres, mais qui ont été engagées pour le bien communautaire et resteront – nous l’espérons s’agissant du terrorisme – exceptionnelles.

Le budget consacré par l’Europe en faveur de la politique de voisinage – également liée au terrorisme – est à cet égard insuffisant. Il est même très insuffisant concernant le sud de l’Europe et le pourtour méditerranéen. Il est vrai que l’importance des relations avec les pays des rives est et sud de la Méditerranée ont trop souvent été minimisées par nombre de nos partenaires européens, qui se désintéressaient de ce sujet et évoquaient constamment le partenariat oriental et la politique à l’Est. Pour eux, ce qui se passait en Méditerranée n’était pas très grave. Aujourd’hui, ces événements dramatiques ont lieu sur notre sol et continueront de se produire si nous n’agissons pas.

Je ne tiens pas à insister sur les réticences, sur le manque de solidarité dont font preuve certains de ces États au sujet des migrants, qui quittent leur pays pour fuir la guerre.

Sur la même thématique, je dirai un mot de la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne.

Il ne s’agit pas de créer une nouvelle superstructure. Les spécialistes le savent bien. Ils ne militent pas pour un énième organisme supranational chargé de traiter de ces questions, notamment en matière de renseignement. Au contraire, ils plaident pour une plus ample coordination et pour la mise en place de nouveaux outils de prévention de ces actes odieux. La question relève donc plus de la volonté politique que d’engagements budgétaires supplémentaires.

Après les attentats de janvier, le Parlement français, et en particulier le Sénat, a pu largement débattre de ce sujet.

Parmi les nombreuses propositions de résolution rédigées, l’une, portant sur le PNR européen, a été présentée sur mon initiative, et une autre, relative aux moyens de la lutte contre le terrorisme, a été déposée par plusieurs de nos collègues, dont le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet. Ces deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité. Leur but était d’alerter nos homologues européens et surtout d’inviter les diverses institutions de l’Union à agir vite, au premier chef le Parlement européen.

Ce matin même, au titre d’une communication que je faisais devant la commission des affaires européennes au sujet du PNR, j’ai eu l’occasion de le rappeler sans langue de bois : il faut que le Parlement européen cesse de traîner les pieds, et que l’on aboutisse enfin, avant la fin de cette année.

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