Intervention de François Patriat

Réunion du 23 septembre 2009 à 9h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Article additionnel avant l'article 14

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Monsieur le secrétaire d'État, vous aurez beau déclarer, la main sur le cœur, que vous ne souhaitez pas recentraliser la formation professionnelle et, avec le talent dont vous faites preuve depuis deux jours, tenter de nous en convaincre, il apparaît clairement que c’est ce à quoi vous vous employez, avec pour ambition de créer une usine à gaz emploi-formation autour du nouveau Pôle emploi, dont on connaît bien aujourd’hui les limites.

Comment qualifier la concertation avec l’ARF, l’Association des régions de France, alors que les propositions des régions ont été systématiquement rejetées ?

Les travaux préparatoires avaient tous montré deux choses : d’une part, un cruel déficit de visibilité en matière de pilotage de la politique de formation ; d’autre part, la nécessité de renforcer le lien entre la formation et l’emploi. Or ce projet de loi n’atteint pas ce double objectif : il n’inscrit pas le droit à la formation initiale différée, pourtant réclamé par tous lors des travaux du groupe Ferracci ; il n’organise pas la cohérence entre le fonds de sécurisation des parcours professionnels et les politiques de formation initiées par les régions.

C’est, monsieur le secrétaire d'État, un texte qui recentralise et qui place sous la tutelle de l’État les partenaires sociaux, via leurs fonds nationaux, et les régions.

Pourtant, votre propre majorité a voté la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a quasiment achevé le processus de décentralisation de la formation professionnelle.

Je rappelle que la compétence des régions en matière de formation professionnelle s’est construite progressivement depuis la loi du 7 janvier 1983.

Pas moins de cinq lois leur ont progressivement donné une compétence générale.

Enfin, la loi du 13 août 2004 a affirmé le principe selon lequel les régions ont l’entière responsabilité de l’apprentissage et de la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi.

Or vous revenez sur cette compétence générale ! C’est une démarche à contre-courant de ce qui se fait ailleurs en Europe, où, partout, la formation est une compétence régionale forte.

Un rapport récent du Sénat précise que, aujourd’hui, les régions sont actives dans les politiques de formation professionnelle qui s’inscrivent parfaitement dans le rôle que les rapporteurs souhaitent conférer aux régions pour la préparation de l’avenir, qu’il faut poursuivre la clarification des compétences entre l’État et les régions et renforcer le rôle de ces dernières dans le domaine de l’apprentissage.

Pourtant, les régions ont bien fait leur travail. Elles sont devenues le premier financeur des formations pour les demandeurs d’emploi – avec l’État, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État. En moyenne, elles ont dépensé 16 % de plus que les dotations qui leur ont été transférées. Si, par ailleurs, vous supprimez l’autonomie fiscale des régions, vous détruirez tous les bénéfices de cette politique, alors même que celles-ci ont œuvré en faveur d’une véritable sécurisation des parcours professionnels.

En définitive, ce projet de loi crée une opacité et une complexité supplémentaires en se contentant d’ajouter l’État aux acteurs existants – régions, partenaires sociaux et organismes collecteurs.

Vous pourrez décider de l’affectation d’une partie des fonds de la formation professionnelle continue vers Pôle emploi, pour financer des actions d’adaptation des publics en difficulté vers les secteurs sous tension, sans que l’État apporte de financement supplémentaire, et c’est bien là qu’est le hiatus.

Votre objectif, vous l’avez rappelé en commission, monsieur le secrétaire d’État, qui est d’y voir plus clair sur l’allocation des 26 milliards d’euros consacrés annuellement à la formation professionnelle, ne sera pas atteint faute d’une véritable transparence sur l’affectation des fonds et d’une véritable évaluation des politiques menées par les différents partenaires.

Sur le PRDF, vous retirez le pouvoir d’initiative des régions, remettant en cause la compétence des régions fixée par la loi. Vous soumettez à la signature de l’État le plan régional de développement des formations professionnelles, qui, jusqu’à présent, était approuvé par le seul conseil régional.

Ce projet de loi n’est plus un document partenarial, élaboré dans la concertation, c’est un document de compromis.

Il est pourtant indispensable que les politiques des régions et celles des partenaires sociaux soient articulées en fonction des demandes d’emploi.

Il n’est pas raisonnable de considérer que ce fonds peut être géré à l’échelon national. Où est le progrès si l’État peut décider seul de l’affectation de certains fonds pourtant cogérés ?

Concernant l’AFPA, je voudrais vous faire part de nos grandes inquiétudes sur l’avenir de cet opérateur public central pour les politiques publiques de formation, alors que, aujourd’hui, vous organisez le transfert à Pôle emploi des psychologues de l’AFPA et que, demain, vous l’avez dit, vous procéderez à la dévolution des biens et des immeubles.

Il est évident que cet organisme est dans l’incapacité la plus totale de s’organiser, dans les contraintes de calendrier que vous lui imposez, face à la montée massive du chômage.

Votre logique est de faire entrer l’AFPA dans le monde du tout-marché. C’est méconnaître la réalité sur le terrain de la formation, nous le voyons en pratique dans les régions avec le partenariat privilégié que nous avons avec cet organisme.

Il aurait été bien plus utile et concret d’expérimenter la création d’un service public de l’emploi et de la formation professionnelle confié aux régions, organisé autour de schémas prescriptifs et dans un cadre juridique sécurisé, avec un vrai dialogue entre entreprises et formation, avec une véritable évaluation que l’État aurait pu organiser.

Aujourd’hui, et cela a été rappelé par M. Hortefeux devant l’Assemblée des départements de France, nous sommes dans une démarche de recentralisation.

Cet amendement revêt une importance capitale. Dans les régions, il y a différents types de CFA. Certains, CFA de branches ou parfois du sport, sont nantis et disposent de moyens importants. D’autres, en revanche, n’ont aucun moyen, sont en déficit chronique croissant. Tel est le cas d’un CFA que je connais bien, qui compte 1 800 élèves, assure trente-cinq formations, et est polyvalent pour tous les petits métiers : coiffure, tapisserie, etc.

Nous proposons donc de faire en sorte que le produit de la collecte de la taxe d’apprentissage non affectée par les entreprises ainsi que des deux sections du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage soit réservé aux régions, après péréquation nationale.

On aurait ainsi d’abord une vision de la demande territoriale, puis une répartition équitable qui se ferait avec les partenaires financeurs, dans le plus grand intérêt des élèves et de la formation à des métiers qualifiants pour lesquels beaucoup de jeunes et de demandeurs d’emploi attendent aujourd’hui un peu de justice et d’efficacité.

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