Intervention de Manuel Valls

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Manuel Valls :

Nous devons avoir les yeux ouverts face au risque d’une surenchère de la terreur. Nous sommes plusieurs à le dire, depuis des mois. Dire cela, ce n’est pas alimenter la peur ou je ne sais quel sentiment anxiogène ; ce sont les faits. C’est la terreur qui alimente la peur, pas nos discours, pas nos actes. Dire cela, c’est donc se préparer à toute éventualité, pour y parer, pour mobiliser nos compatriotes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai une conviction que vous partagez, j’en suis convaincu : nous avons changé d’époque. Nous sommes entrés, avec une dureté absolue, dans un moment nouveau.

La guerre a changé de forme. Nous devons en prendre la pleine mesure et agir en conséquence, en nous adaptant en permanence aux évolutions, notamment technologiques, en étant réactifs, mais en ayant une seule ligne de conduite : le respect de ce que nous sommes, de nos grands principes, ceux de l’État de droit.

Nous avons changé d’époque, et nous devons apprendre à vivre avec cette menace. Le message n’est pas forcément facile à faire passer à nos compatriotes.

Résister, ce n’est pas se figer. Et moi, je dis aux Français qui se demandent ce qu’ils peuvent faire, qui se demandent comment être utile : résister, c’est continuer de vivre, de sortir, de nous déplacer, de nous rencontrer, de partager des moments de culture et d’émotion, de rester dans la vie et dans le mouvement.

La France est une grande nation. Elle fait face une nouvelle fois. Et parce qu’elle est la France, qu’elle est regardée, que l’on espère beaucoup d’elle, parce qu’elle a cette ténacité, cette abnégation forgée dans les épreuves du passé, elle doit continuer sa route, sans dévier. Je rencontrerai d’ailleurs, en fin de journée, l’ensemble des partenaires sociaux. Depuis vendredi, comme d’autres forces vives de la nation, ils témoignent leur solidarité. Toute la société civile doit continuer à se mobiliser : c’est ce message que je leur délivrerai.

Chacun de nous a son rôle à jouer. Notre économie doit continuer de se développer, notre territoire continuer d’attirer les touristes, nos magasins d’ouvrir, les initiatives locales, associatives, sportives d’animer notre quotidien. Face aux projets de mort, nous envoyons un message de vie !

Dans le même temps, il nous faut de la maîtrise, du sang-froid, de la vigilance, un esprit de responsabilité collective. C’est comme cela que notre société mènera cette guerre et la gagnera.

Hier, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un mouvement d’union nationale, les députés ont voté massivement la prolongation de l’état d’urgence. Après la réunion du Parlement réuni en Congrès pour entendre le Président de la République, ils ont de nouveau envoyé un message très fort. Ils ont dit notre détermination collective, implacable dans la lutte contre le terrorisme.

Je suis aujourd’hui devant vous pour vous demander de voter, à votre tour, cette prolongation, pour trois mois. J’ai suivi les travaux de votre commission des lois. Je sais que le Sénat, hier, a su dire toute sa détermination, tout son engagement - et je ne doute pas un instant de la force du message qu’il enverra, lui aussi.

Je tiens à saluer votre commission des lois et son président, Philippe Bas, que nous avons tenu à associer étroitement, en lien avec le rapporteur à l’Assemblée nationale, le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas. Vous avez travaillé dans des délais exceptionnels, pour répondre à une situation d’exception. À chaque étape, le Gouvernement a eu le souci de vous consulter sur les évolutions suggérées et, lorsque cela a été possible, d’intégrer vos propositions.

Ne l’oublions jamais : sans sécurité, il n’y a pas de grandes libertés possibles, pas de grandes libertés publiques. La sécurité, c’est un principe fondamental à l’organisation de notre société démocratique.

Depuis vendredi, dans le cadre prévu par la loi du 3 avril 1955, les pouvoirs publics ont ainsi mis en œuvre, sans attendre, des moyens et des procédures à la hauteur de la situation.

En région parisienne, les grands rassemblements ont été interdits jusqu’à dimanche prochain.

En sept jours, 793 perquisitions administratives ont été menées partout en France, de jour comme de nuit. Elles ont permis de saisir 174 armes, dont 18 armes de guerre.

En sept jours, 164 personnes dangereuses ont été assignées à résidence.

Le but de ces assignations et perquisitions, c’est d’aller vite contre les groupes susceptibles d’agir, c’est d’intervenir face à des individus au comportement menaçant.

Dans ce contexte d’état d’urgence, les policiers pourront, sur décision du ministre de l’intérieur, conserver leur arme de service, même pendant les périodes de repos. Tout agent des forces de l’ordre, y compris hors service, a le devoir d’intervenir face à une situation grave ou dangereuse. Cette mesure sera bien sûr encadrée et ne concerne, pour le moment, que l’état d’urgence.

Aux dispositions prévues par cette procédure se sont ajoutées d’autres dispositions pour la sécurité de nos concitoyens.

Nous avons déployé, sur tout le territoire, 3 000 militaires supplémentaires, pour atteindre un total de 10 000. Ils s’ajoutent aux 100 000 policiers et gendarmes et 5 500 douaniers également sur le qui-vive.

Nous avons accru les contrôles dans les gares, les aéroports, les transports, rétabli les contrôles aux frontières intérieures – comme le permet Schengen –, avec 132 points de passage autorisés contrôlés en permanence, dont 61 par la police aux frontières et 71 par les douanes.

Ces actions doivent bien évidemment se prolonger à l’échelle de l’Europe, ce qui veut dire passer à la vitesse supérieure sur au moins deux priorités que nous avons rappelées hier avec Bernard Cazeneuve.

Première priorité : adopter – enfin ! – le partage des données des passagers aériens, ou PNR européen. Je ne comprends pas que des parlementaires européens, y compris des Français, s’opposent à cet instrument indispensable pour lutter contre le terrorisme.

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