Deuxième priorité : prendre toutes les mesures pour assurer une protection effective de nos frontières. Cela suppose au moins deux choses : mettre en place des contrôles systématiques à toutes les frontières extérieures de l’Union, y compris pour les bénéficiaires de la libre circulation, ce qui passe par une révision ciblée des règles de l’espace Schengen, et créer un système de gardes-frontières européens, comme nous le demandons depuis plus d’un an.
Ce matin même, à Bruxelles, le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux ont porté ces sujets dans le cadre du Conseil « Justice et affaires intérieures », convoqué à la demande de la France. Notre position est très claire – elle a été exprimée ici même, voilà quelques jours, par le ministre de l’intérieur en réponse à Roger Karoutchi – : si nous n’avançons pas de manière décisive, Schengen ne survivra pas et on assistera au repli sur soi généralisé de chaque État.
Au cours de nos débats, le ministre de l’intérieur, qui va nous rejoindre, reviendra sur les résultats précis de cette réunion. Mais je peux d’ores et déjà vous dire que le Conseil a montré que les idées que nous portons sont très largement soutenues. Un texte politique a été adopté par consensus. Chacun se rend compte qu’il est crucial, dans l’intérêt même de l’Europe, d’avancer désormais très vite. Après les discours et les décisions, il faut maintenant passer aux actes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un état d’urgence efficace, c’est aussi un état d’urgence repensé et modernisé. Le projet de loi soumis à votre vote prévoit donc de faire évoluer la loi de 1955. C’est nécessaire : le contexte général, juridique et technologique a bien changé depuis que cette loi a été adoptée il y a soixante ans. L’état d’urgence doit aujourd’hui être doté d’instruments plus performants, mieux adaptés à la réalité que nous vivons.
Le premier dispositif, c’est celui de l’assignation à résidence, qui immobilise les individus radicalisés et les empêche d’agir. Cette disposition est particulièrement adaptée à la menace actuelle. Nous allons donc la préciser pour qu’elle s’applique, non seulement aux individus dont les activités dangereuses sont avérées, mais aussi aux plus radicalisés, aux terroristes potentiels, dès lors qu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’ils constituent une menace pour notre sécurité. Ils pourront être conduits à leur lieu de résidence par une action coercitive, être privés de leurs passeports et documents d’identité. Ils seront soumis à des obligations strictes de pointage – trois fois par jour – et de respect d’horaires de couvre-feu, portés à douze heures par vingt-quatre heures selon les termes d’un amendement du député Éric Ciotti adopté par l’Assemblée nationale. Ils auront, enfin, l’interdiction d’entrer en contact par quelque moyen que ce soit avec d’autres individus dangereux. L’Assemblée nationale a tenu à préciser, hier, que cette interdiction pourra être maintenue même en cas de levée de l’assignation à résidence. Les peines encourues en cas de non-respect de cette assignation seront également accrues.
Enfin, vous le savez, nous avons eu un débat avec vos collègues députés, notamment sur l’initiative du groupe Les Républicains, au sujet du placement sous surveillance électronique mobile de certains individus assignés à résidence. Le Gouvernement a entendu cette préoccupation. Il a proposé un amendement visant à ouvrir cette possibilité – il s’inscrit toutefois, je le reconnais, dans les limites très étroites que nous fixe la jurisprudence constitutionnelle.
Le deuxième dispositif, c’est celui des perquisitions administratives, qui permettent de relever des preuves au domicile des perquisitionnés. Désormais, les forces de sécurité, toujours en présence d’un officier de police judiciaire, pourront faire une copie des données stockées dans les téléphones et ordinateurs trouvés sur place. Il est vrai que ces instruments n’existaient pas en 1955.
Pour que ces perquisitions administratives soient les plus utiles et les plus efficaces possible, elles doivent évidemment pouvoir déboucher sur des suites judiciaires immédiates. Tel est l’objectif d’un amendement du président de la commission des lois du Sénat, présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et adopté par les députés.
Les perquisitions sont aussi mieux encadrées : le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui précise qu’elles ne pourront pas viser les magistrats ou les journalistes, ni d’ailleurs les locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire. Il prévoit également un droit de recours, conforme au droit commun.
Moderniser la loi de 1955, c’est aussi se doter de nouveaux outils juridiques, particulièrement nécessaires face aux phénomènes d’embrigadement. Je pense bien sûr à la dissolution des associations et des groupements de fait portant une atteinte grave à l’ordre public. Je pense donc à ces mosquées salafistes radicales où l’on prône la haine de nos valeurs, le rejet violent des principes de la République. Oui, notre adversaire, c’est le djihadisme, l’islamisme radical et cette matrice que représente le salafisme ! Nous devons les combattre avec les moyens de la République et avec la plus grande détermination.