Intervention de Manuel Valls

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Manuel Valls, Premier ministre :

Nous donner tous les moyens d’agir, c’est enfin continuer d’adapter notre droit.

Depuis 2012, deux lois antiterroristes ont été adoptées, et la plupart de leurs mesures sont entrées en vigueur. La loi relative au renseignement, qui inclut de nombreuses propositions de l’Assemblée nationale et du Sénat – de la majorité comme de l’opposition –, renforce quant à elle les moyens de nos services de renseignement, pour leur permettre de mieux détecter les menaces et de surveiller les djihadistes en temps réel. La plupart de ses dispositions ont été mises en œuvre depuis octobre. Cet arsenal législatif sera, je l’espère, bientôt complété par la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, dont le Conseil constitutionnel a été saisi. Je tiens à cette occasion à remercier la délégation parlementaire au renseignement, présidée par Jean-Pierre Raffarin, pour ses propositions et son travail toujours constructif.

Nous devrons, là aussi, aller plus loin en révisant notre Constitution. Ses dispositions ne correspondent plus au type de crises que nous pouvons vivre aujourd’hui – nous aurons bien entendu l’occasion de revenir sur ce point au cours des prochaines semaines.

Soyons très précis. L’article 16 ne pouvait pas être activé vendredi : il n’y a pas eu d’interruption du « fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels ». L’article 36, qui définit l’état de siège, non plus, car il n’y a pas eu de « péril imminent, résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée ». Nous proposerons donc d’inscrire l’état d’urgence en toutes lettres dans la Constitution. Les procédures exceptionnelles qui en découlent doivent bénéficier de ce fondement juridique inattaquable.

Cette révision constitutionnelle, pour laquelle le Gouvernement se montrera particulièrement ouvert à toutes les suggestions qui pourront lui être formulées, nous permettra d’avancer sur deux autres mesures annoncées par le Président de la République lundi et visant à traiter du cas des Français qui se retournent contre leur propre pays : d’abord, l’élargissement de la déchéance de la nationalité aux binationaux nés en France et condamnés pour des faits de terrorisme ; ensuite, l’encadrement rigoureux du retour sur notre sol de ceux qui sont partis faire le djihad : nous voulons faire en sorte qu’ils ne puissent pas revenir sans y être expressément autorisés et sans être soumis, à leur retour, à un suivi très rapproché.

À ce jour, 966 Français sont déjà partis en Irak ou en Syrie, 142 y ont laissé la vie, 588 y sont toujours, 247 en sont revenus. Parmi ces derniers, certains sont de retour en France – beaucoup d’entre eux ont été incarcérés –, certains sont allés dans d’autres pays d’Europe, certains circulent. Mais tous représentent une très grande menace.

Ces deux révisions constitutionnelles que nous proposerons devront bien sûr être encadrées par un contrôle juridictionnel très strict.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a tout juste une semaine, la France a été attaquée. Notre responsabilité à tous, Gouvernement, représentation nationale, c’est d’apporter une réponse à la hauteur. L’Assemblée nationale l’a fait hier. Je ne doute pas que, dans un même mouvement, le Sénat le fera cet après-midi.

Je voudrais saluer sincèrement l’engagement du président Gérard Larcher et de tous les sénateurs, saluer aussi, plus largement, le rôle des élus locaux, en particulier des maires, qui, sur le terrain, doivent rassurer la population, trouver les mots, dire que la puissance publique est là, accompagner la mise en œuvre de l’état d’urgence – beaucoup de réunions se tiennent actuellement à cet effet dans les départements, en présence des élus locaux et des préfets.

Je voudrais saluer enfin l’engagement de l’Association des maires de France, qui, derrière François Baroin, a pris la décision courageuse de tenir cette semaine une réunion exceptionnelle pour témoigner de l’engagement des maires au service des valeurs de la République. Les élus locaux sont les porteurs de nos valeurs face au terrorisme.

C’est ce message d’union, d’union sacrée, c’est-à-dire de très grande force qu’attendent nos concitoyens. L’union fait la force. La force mène à la victoire. Parce que nous sommes unis, parce que nous portons dans notre cœur notre patrie, notre devise républicaine et la laïcité, que nous devons brandir plus que jamais, parce que nous sommes tous blessés, nous irons, je le sais, chercher au plus profond de nous-mêmes ces ressources pour nous dépasser, dépasser nos clivages et nous retrouver dans un même combat.

Ce combat, ce combat de la démocratie contre le chaos, nous le mènerons et nous le gagnerons !

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