Intervention de Michel Mercier

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

Permettez-moi de rappeler que, pour Benjamin Franklin, qui écrivait il y a quelques années lui aussi, un peuple prêt à abandonner « un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre ». Le Gouvernement ne nous demande pas, dans le texte qu’il nous soumet, de supprimer une liberté, mais il nous demande de lui accorder des moyens suffisants pour assurer la sécurité, c’est tout autre chose !

Tout à l’heure, notre groupe – mais il ne sera pas le seul – répondra positivement à la demande que vous nous adressez, monsieur le Premier ministre, parce que la mise en œuvre de l’état d’urgence a pour but d’assurer le respect des libertés fondamentales et de toutes nos valeurs, grâce au renforcement de la sécurité dans notre pays. La nécessité de ce renforcement s’affirme, cela a déjà été dit, sur le plan tant du droit européen que du droit interne.

Sur le plan du droit européen, il s’agit bien sûr de la mise en œuvre du registre des noms de passagers, le PNR. Il faut à tout prix que les États membres de l’Union européenne donnent un vrai sens à l’affirmation qui figure dans le préambule des traités fondateurs, selon laquelle tous les pays fondateurs de l’Union européenne entendent construire une union toujours plus forte. Si ces mots ont un sens, ils doivent faire en sorte que, à l’intérieur des frontières de l’Union, on puisse construire une Europe forte, solide et libre. Oui, Schengen doit reprendre du sens ! Oui, il faut contrôler l’ensemble des frontières extérieures de l’Union ! Oui, le PNR doit être rapidement adopté par le Parlement européen !

Sur le plan du droit interne, vous nous dites qu’il est nécessaire que le Gouvernement dispose d’un arsenal juridique adapté pour être efficace dans l’action. Nous sommes prêts à vous donner ces moyens.

Proroger l’état d’urgence paraît normal. On peut certes s’interroger sur le fait de savoir si une durée de trois mois est suffisante, mais seule la situation nous permettra de le dire demain. Faisons donc confiance au Gouvernement pour demander la suppression de l’état d’urgence dès qu’il ne sera plus nécessaire.

En ce qui concerne l’adaptation des moyens d’action que vous nous demandez, nous n’avons pas non plus d’objection à opposer. Je tiens à souligner que les plus lourdes de ces mesures ne visent pas tous les citoyens, qu’il s’agisse des perquisitions de jour comme de nuit, des assignations à résidence, du port éventuel d’un bracelet électronique, mais uniquement les personnes dont l’administration peut, à juste titre, estimer qu’elles représentent une menace pour la sûreté publique. D’autres mesures peuvent avoir un caractère plus général.

Je voudrais toutefois insister sur un point. Si l’état d’urgence confère des pouvoirs supplémentaires à l’autorité administrative, la loi sur l’état d’urgence ne modifie pas le droit de la République. Toutes les mesures prises dans ce cadre peuvent être soumises au contrôle du juge administratif. De ce point de vue, si l’on se réfère à l’histoire de la juridiction administrative, c’est là que l’on trouve les plus belles pages. En effet, le juge administratif est devenu le juge des libertés publiques en développant des constructions jurisprudentielles audacieuses lorsqu’il a été amené à statuer sur des mesures prises dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Cet exemple le montre bien, l’état d’urgence, c’est aussi l’État de droit, organisé.

Sans entrer dans le détail, permettez-moi de rappeler que, dans son arrêt Rolin et Boisvert du 24 mars 2006, portant sur des mesures prises lors de la dernière mise en œuvre de l’état d’urgence à la suite de violences urbaines, l’assemblée du contentieux du Conseil d’État s’est livrée à un contrôle de proportionnalité des mesures de police administrative prises pour répondre à une menace réelle.

Par conséquent, nous devons dire oui à des pouvoirs nouveaux pour les autorités de police et oui au maintien de notre système de protection des libertés publiques !

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez dit que vous auriez peut-être besoin d’autres mesures, de nature constitutionnelle cette fois. Nous n’allons pas vous répondre tant que vous ne nous avez pas présenté de demande précise. Nous préférons attendre, et nous nous prononcerons en fonction du précepte qui fonde notre action : voir, juger, agir.

Permettez-moi toutefois de vous faire une suggestion. Depuis vendredi dernier, toutes les actions qui sont menées sont dirigées par le parquet de Paris, qui agit en flagrance, c’est-à-dire seul – les juges du siège n’ont pas à intervenir puisqu’il s’agit de flagrants délits, et c’est normal ! Si vous voulez consolider toutes les situations juridiques, il convient donc de consolider le statut du parquet, qui est un acteur essentiel dans la lutte contre le terrorisme, en mettant enfin en œuvre les propositions que nous vous avons faites en 2013. Je suis sûr que vous y avez déjà pensé et que vous aurez à cœur de nous faire part de vos intentions d’ici à quelques jours.

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