Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il y a tout juste une semaine, des attentats d’une violence inouïe allaient malheureusement se produire dans notre capitale.

Quelques jours plus tard, l’émotion est encore lourde. Un sentiment mêlé d’incompréhension, de profonde tristesse et d’impuissance est diffus dans l’atmosphère de notre pays meurtri et du monde entier solidaire qui l’accompagne dans son deuil. Dans ce climat de tension, de peur, le rôle du politique, des membres du Gouvernement et du Président de la République est primordial.

Quelques heures après ces actes de guerre, l’état d’urgence a été décrété en conseil des ministres. La gravité des événements exigeait, nous l’avons dit, l’application de cette disposition exceptionnelle permise par la loi du 3 avril 1955. Comme l’indique son article 1er, l’état d’urgence « peut être déclaré [...] soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

Toutefois, s’il est incontestable que la situation, pendant les attentats et juste après, exigeait l’état d’urgence, permettez-nous d’émettre un doute quant à sa prolongation pendant trois mois. Les notions de « péril imminent » et de « calamité publique », visées par l’article 1er, nous invitent à nous interroger sur l’installation dans la durée de cette mesure exceptionnelle qui vient affecter l’équilibre des pouvoirs au bénéfice de l’exécutif.

Nous estimons, bien entendu, que des mesures très larges doivent être prises pour faire face à la situation, mais ne peuvent-elles pas l’être dans le cadre de notre droit commun, avec un contrôle de l’autorité judiciaire ?

En parallèle à l’action nécessaire, il est de la responsabilité du politique, d’autant plus lorsqu’il est issu de la gauche progressiste, de se montrer autrement rassurant, en réaffirmant certaines valeurs et en éclairant les débats.

Si nos concitoyens sont demandeurs de sécurité, c’est avant tout pour pouvoir continuer de jouir de leurs libertés. N’est-ce pas précisément pour conserver leurs libertés que nos concitoyens souhaitent une intervention de l’État ? Dès lors, cette intervention ne devrait-elle pas s’apparenter à autre chose qu’à une surenchère sécuritaire qui dépasse l’objet de l’urgence ? Réduire nos libertés, n’est-ce pas là le projet politique et idéologique de Daech ? Vous nous accorderez le droit, monsieur le Premier ministre, de nous interroger.

La clé de voûte de ce projet de loi semble reposer sur une immense confusion pour les parlementaires et pour les citoyens : on nous enjoint de voter une loi supposée contribuer à la lutte contre le terrorisme, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une loi sur l’ordre public, d’une loi gravée dans le marbre pour les années à venir, qui pourra s’appliquer à d’autres situations, à d’autres états d’urgence.

Il s’agit, avec cette loi, de suspendre pendant trois mois l’État de droit, de mettre entre parenthèses la chaîne judiciaire. Je souhaiterais être claire et précise pour que nos concitoyens sachent exactement de quoi nous débattons aujourd’hui.

Premièrement, souhaitons-nous prolonger l’état d’urgence, qui, en l’état de la loi du 3 avril 1955, est limité à douze jours, à trois mois ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion