Si, concernant l’extension temporelle de l’état d’urgence, comme je l’ai évoqué plus tôt, la réponse n’est pas évidente, il faut tout au moins permettre au Parlement d’être informé, mais aussi d’interrompre par un vote l’état d’urgence.
La situation est encore moins claire en ce qui concerne les modifications matérielles de la loi. Si nous pouvons nous féliciter de la suppression de la censure de la presse et de l’instauration d’une information du Parlement, nous ne partageons pas la défiance généralisée à l’égard de notre système judiciaire qu’instaurent plusieurs dispositions, dont certaines ont été ajoutées par l’Assemblée nationale. Je pense, en particulier, à l’élargissement du régime d’assignation à résidence à toute personne dont le comportement semble menaçant, accompagné de mesures de placement sous surveillance électronique mobile – le fameux bracelet électronique. Comme d’autres orateurs, je vais citer Benjamin Franklin, pour qui « un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».
Monsieur le Premier ministre, vous avez dit que « la sécurité est la première des libertés ». Cette phrase, je l’imagine, a été réfléchie au regard de l’histoire du XXe siècle. Vous avez reproché hier à certains députés de « s’enfermer dans le juridisme ». Pensez-vous qu’il soit acceptable de tenir de tels propos dans l’enceinte où se rédige la loi ? Le pouvoir exécutif détiendrait-il seul le pouvoir d’écrire cette loi ? Le débat doit vraiment avoir lieu, c’est la force de la démocratie, c’est notre force face au djihadisme !
Nous nous opposons à ces dispositions dont on voit aisément poindre les limites et les dérives pour notre démocratie. Notre opposition est d’autant plus ferme que nous sommes convaincus que la solution, à terme, n’est pas là. Comme le souligne l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, dans la lutte contre le terrorisme, une seule cause majeure explique les insuffisances des forces de l’ordre : le manque de moyens humains et matériels de nos services de renseignement et de nos autorités judiciaires spécialisées.