Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, mes premiers mots, comme mes pensées, vont d’abord vers les victimes innocentes et pleines de vie des attentats odieux perpétrés il y a une semaine à Paris, ainsi qu’à leurs familles plongées dans la peine et l’incommensurable douleur. Leur souffrance est aussi la nôtre ; c’est celle de toute la nation.
Mes pensées vont aussi aux forces de sécurité et aux services de secours, qui ont fait preuve d’un grand courage et d’une grande efficacité au cours de leurs interventions pour assister, secourir et protéger nos compatriotes, tout en maintenant l’ordre républicain, celui qui nous permet de vivre ensemble et de jouir des libertés fondamentales reconnues à chaque individu.
Mes pensées vont, ensuite, à l’avenir de notre société, à l’héritage que nous voulons laisser aux générations futures, à cet avenir qu’il nous faut reconstruire, car il y aura assurément un avant et un après le 13 novembre 2015.
L’instauration de l’état d’urgence a permis des mesures d’exception. Monsieur le Premier ministre, comme l’a exprimé le président Mézard à la tribune du Congrès, nous vous soutenons lorsqu’il s’agit de prendre des mesures visant à rétablir la sérénité de nos concitoyens et leur droit à la sécurité, conditions sine qua non de l’exercice de toutes les libertés, parmi lesquelles celle d’exprimer librement ses idées, celle d’avoir ou de ne pas avoir de religion, celle d’aller boire un verre à une terrasse, ou encore celle d’écouter la musique de son choix.
Dix ans après les émeutes dans les banlieues qui avaient abouti au déclenchement de l’état d’urgence, nous sommes aujourd’hui contraints d’y recourir à nouveau, cette fois-ci sur l’ensemble du territoire de la République, y compris en outre-mer et sur mon île de Saint-Martin, où nous faisons aujourd’hui face aux agissements d’une secte terroriste qui peut frapper n’importe où.
Pour la plupart, ces fanatiques sont nés ou ont grandi sur notre sol. Cela conduit à s’interroger sur la faillite de nos politiques en direction de quartiers qui sont trop souvent devenus des zones de non-droit.
Il ne faut pas s’y tromper, les jeunes qui partent faire le djihad, embrigadés et animés par une haine féroce de notre société, révèlent un malaise profond, à la fois social et identitaire, sans oublier la faillite éducative de parents dépassés, n’ayant plus la moindre autorité sur leurs enfants. Il nous faut agir à la racine du mal si nous voulons tarir le recrutement du terrorisme islamiste.
Le communautarisme, qui n’a cessé de progresser au sein de notre société, favorise frustrations et ressentiments en juxtaposant et en opposant les communautés entre elles, ce qui a pour effet de dissoudre le sentiment d’appartenance à la seule communauté qui compte : la communauté nationale.
Mes chers collègues, le principe de laïcité, tel qu’il est exprimé dans la loi concernant la séparation des Églises et de l’État de 1905, doit reprendre le dessus et irriguer nos politiques publiques. Il est évident pour nous que l’une des réponses à la situation que nous connaissons passe par davantage de laïcité et par une plus stricte application de la loi de 1905, qu’il ne saurait être question d’affaiblir ou de restreindre.
Parce qu’ils se réclament de Daech et parce qu’ils ont presque toujours séjourné en Syrie, ceux qui s’attaquent à nous et à nos valeurs importent sur notre territoire les conflits armés qui ravagent le Moyen-Orient et auxquels notre pays prend désormais une part de plus en plus active.
Alors, bien évidemment, une partie de la solution pour retrouver la sérénité dans nos villes passe par la Syrie et l’Irak, et par l’éradication de Daech, véritable fabrique à terroristes. Pour ce faire – nous l’avons dit à plusieurs reprises à cette tribune –, il faut parler avec tous ceux qui ont Daech pour ennemi et unir nos forces. Par conséquent, nous approuvons et nous soutenons la réorientation de notre stratégie dont le chef de l’État a fait part devant le Congrès, tout simplement parce que, sur cette question, la fin justifie très clairement les moyens.
Il en va de même sur notre sol : dans le respect du droit et au nom de l’État de droit, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour parvenir à des résultats rapides, pour sauver des vies, pour neutraliser les terroristes et pour faire triompher les valeurs républicaines.
À situation très exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Vous appliquez, monsieur le Premier ministre, une formule de la Ière République : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »