Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Évidemment, monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez reconnu à plusieurs reprises et il y a quelques instants encore, à cette tribune même, ce texte n’est qu’une étape. Au-delà, une question se pose, que nous avons déjà entendue au cours des interventions précédentes : comment une démocratie peut-elle lutter efficacement contre le terrorisme ?

La démocratie française, mes chers collègues, n’est pas désarmée. Ici même, en 2005, le rapporteur de la loi prorogeant l’état d’urgence, qui n’était autre que M. Jean-Jacques Hyest, avait indiqué que les ressources du droit public français permettaient, pour faire face à des situations exceptionnelles, d’attribuer au pouvoir exécutif des prérogatives renforcées. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une telle situation.

Le constituant, le législateur et le juge, selon leurs compétences respectives, ont progressivement défini et précisé des réponses graduées en fonction de la gravité de la situation.

Nous avons à notre disposition l’article 16 de la Constitution, l’état de siège et l’état d’urgence. Ce dernier ne figure certes pas en toutes lettres dans la Constitution, mais celle-ci fait mention à deux reprises, à ses articles 42 et 48, des états de crise.

Bien sûr, dans toute démocratie, il existe une tension et un conflit permanents entre la liberté et l’ordre public. Le Sénat est la maison des garanties pour les libertés individuelles. C’est dans ce sens, d’ailleurs, que la commission des lois travaillait voilà encore quelques heures.

Aujourd’hui, on nous demande de déplacer le curseur entre la liberté et la sécurité. C’est à nous seuls, mes chers collègues, qu’il appartient de dire si la conciliation à opérer entre la liberté et l’ordre public, conciliation fragile et délicate, mais aussi nécessaire, est équilibrée. Comme plusieurs orateurs l’ont d’ailleurs souligné, il ne saurait, sans ordre public, y avoir de liberté autre que formelle. Pour ce qui nous concerne, cet équilibre est atteint. En effet, à chaque fois que le texte alourdit les contraintes – je pense notamment à l’assignation à résidence et aux perquisitions –, le cadre légal de celles-ci est aussi renforcé, précisé et plus exigeant.

Oui, il fallait un texte pour adapter aux nouvelles conditions juridiques et aux réalités contemporaines, telles qu’internet, la loi de 1955.

Toutefois, là encore, trois mois, c’est très peu ; ce laps de temps passera très vite. Nous savons tous, mes chers collègues, que dans trois mois la guerre ne sera évidemment pas terminée. Dès lors, une autre question se pose : comment mieux protéger demain, au-delà de ces trois mois, nos compatriotes ?

Vous avez, monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République, apporté un certain nombre de réponses. Vous avez notamment repris l’idée de constitutionnaliser certaines dispositions. Comme je l’ai dit dès lundi au Congrès, nous n’écartons rien ; il faut pourtant que ce soit utile pour la sécurité des Français.

Or pour le moment, comme Philippe Bas l’a indiqué, aucun des trois motifs qui justifieraient une révision de la Constitution ne nous paraît suffisant. En tout cas, la nécessité de cette constitutionnalisation ne nous saute pas aux yeux. Nous sommes bien évidemment disponibles pour étudier ce sujet, et Philippe Bas a fait une proposition qui me semble judicieuse.

Je pense toutefois que les Français ont l’esprit ailleurs. Ils suivent chaque jour l’actualité. L’enquête progresse très vite : permettez-moi, mes chers collègues, de féliciter le Premier ministre, tous les membres du Gouvernement et les forces de l’ordre, ceux qui enquêtent. Le travail qu’ils accomplissent est absolument extraordinaire dans sa rapidité.

Je pense d’ailleurs qu’il faut partir des constats faits par les enquêteurs, en tirer les leçons et agir de manière utile pour la sécurité des Français.

Premier constat : on voit bien qu’il y a, parfois, une relation entre la délinquance de droit commun et la radicalisation terroriste.

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