Intervention de Manuel Valls

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Manuel Valls, Premier ministre :

Si le Conseil déclarait qu’un certain nombre de points et de garanties prévues dans la loi révisée sont inconstitutionnels, les 786 perquisitions déjà faites et les 150 assignations à résidence prononcées pourraient être annulées. Certaines mesures, y compris parmi celles qui ont été votées hier à l’Assemblée nationale, et, disant cela, je pense en particulier au recours au bracelet électronique – je suis transparent –, présentent une fragilité constitutionnelle. Je n’ignore pas qu’elles pourraient faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité ; néanmoins je souhaite que nous allions vite, afin, conformément également à votre volonté, de donner aux forces de l’ordre, aux forces de sécurité et à la justice tous les moyens de poursuivre ceux qui représentent un danger pour la nation, pour la République et pour les Français.

Si nous ne procédions pas à une révision constitutionnelle afin de faire figurer l’état d’urgence dans la Constitution – nous prendrons le temps nécessaire sur cette question, monsieur le président –, nous ne pourrions pas aller plus loin en la matière sur une longue période. Or, nous le disons tous, nous sommes en guerre, et cette guerre va durer longtemps, ce sera un combat de longue haleine, compte tenu de la situation en Syrie, en Irak, en Libye, et de l’extension de Daech ou de ses franchises sur d’autres pays ou continents. Il nous faudra donc proroger un certain nombre de dispositifs, les consigner dans l’État de droit, peut-être dans la Constitution. Tel est le cas de l’état d’urgence, et s’il devait s’inscrire dans la continuité, il nous faudrait trouver une autre appellation. Examinons cette question tranquillement.

Je ne reviens pas sur les retours ou sur la déchéance de nationalité pour les binationaux qui sont nés français.

Je dirai un mot, monsieur Karoutchi, sur la politique étrangère, sur laquelle chacun peut avoir son sentiment, et sur nos relations avec les Marocains. Pour ma part, j’ai beaucoup suivi cette question lorsque j’étais ministre de l’intérieur, avant de passer le relais à Bernard Cazeneuve. Je veux être très clair : jamais durant la période de tension entre la France et le Maroc, pour les raisons que l’on connaît, le Gouvernement français n’a souhaité mettre fin à la coopération entre les services de renseignement marocains et français, intérieurs ou extérieurs. Au cours de cette période, tout comme aujourd'hui, la coopération a toujours été d’une excellente qualité, car le Royaume du Maroc et la République française ont le même ennemi : le terrorisme. Nous connaissons par ailleurs le prix que les Marocains ont payé.

Pour le reste, comme je l’ai dit il y a quelques jours à M. Raffarin, deux changements majeurs sont intervenus après les attentats que nous avons subis : les États-Unis d’Amérique d’abord, et c’est peut-être le changement le plus important, communiquent davantage leurs informations, afin de nous permettre de frapper des sites stratégiques de Daech, son quartier général et ses centres de formation ; les Russes ensuite, ont reconnu en début de semaine qu’ils avaient eux-mêmes subi une attaque terroriste, le crash d’un avion d’une de leurs compagnies étant dû à un attentat.

Cette nouvelle situation a permis au Président de la République de prendre un certain nombre d’initiatives, que je ne rappellerai pas, car vous les connaissez, et de créer les conditions d’une coalition sur le terrain. Il doit cependant être clair pour tout le monde que l’ennemi est Daech et que c’est lui qu’il faut frapper, ce qui ne l’est pas pour les Russes aujourd'hui, mais je ne doute pas que les discussions avec le président Poutine permettront de faire évoluer les choses.

Madame Assassi, il n’est pas question de ton martial. Renonçons aux postures ! Je suis, comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, profondément attaché à la démocratie, à l’État de droit et aux libertés. Les choix que nous faisons, je le répète, ne mettent aucunement en cause l’État de droit et la démocratie. Ils sont au contraire des outils destinés à les renforcer. C’est ensemble que nous devons avancer pour combattre le terrorisme.

Vous êtes élue de la Seine-Saint-Denis, madame la sénatrice, et je sais que des personnes très proches de vous ont été directement atteintes. Nombre d’élus de ce département, mais aussi d’autres régions, ont été touchés. Quoi qu’il en soit, nous partageons vos préoccupations, mais de là à faire un rapprochement entre les événements actuels et la guerre de 1914-1918, non !

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