Intervention de Alain Gournac

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Article 1er

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

Je veux d’abord m’incliner devant la douleur des familles qui ont été touchées par ce drame affreux.

Je veux aussi, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, vous soumettre une réflexion. « Les démocraties se défendent distraitement », disait celui qui, durant dix ans, siégea à la droite du général de Gaulle.

Sans doute la première des distractions, la plus dommageable, la plus impardonnable, consiste-t-elle à se dispenser de prendre acte du réel. Être incapable de le désigner, ou, plus grave, s’empêcher de le faire, est lourd de conséquences.

Désormais – et pour longtemps –, c’est avec les images des massacres dans les yeux que l’on répétera après Camus : « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Combien de choses ont été mal nommées ? Dans combien de domaines et depuis combien d’années ?

Elles ne furent pas nombreuses, ces voix qu’il était de bon ton de dénoncer parce qu’elles nous alertaient en nommant les choses comme il faut ! Hélas, ces voix furent recouvertes par les voix de ceux qui, à tort et à travers, pour un oui ou pour un non, nous rebattaient les oreilles avec la repentance, croyant la faire rimer avec le célèbre « je pense » du plus français des philosophes !

Cette désinvolture dans le langage, cette perversion dans le jugement, cette rupture avec la tradition républicaine de « la tête bien faite » nous ont conduits au bord du précipice.

Nous voilà désormais contraints de faire rimer ce beau nom de France, pour sauver celle-ci, avec état d’urgence !

Aussi voterons-nous ce texte, parce que la situation nous l’impose, parce que nous sommes face à un devoir incontournable, en raison du danger. Nous le voterons, mais nous veillerons à ce que toutes les actions qu’il permet à nos services de renseignement, à nos forces de sécurité de mener soient exécutées dans toute leur ampleur.

Mes chers collègues, permettez-moi pour conclure de restituer la parole de Thomas Mann, qui écrivait en 1935 : « Tout humanisme comporte un élément de faiblesse qui tient à son mépris du fanatisme, à sa tolérance et à son penchant pour le doute, bref, à sa bonté naturelle, qui peut, dans certains cas, lui être fatal. Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est un humanisme militant, un humanisme qui découvrirait sa virilité et se convaincrait que le principe de liberté, de tolérance et de doute ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme. »

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