Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Article additionnel après l'article 3

Bernard Cazeneuve, ministre :

Comme les deux sujets sont liés, je le ferai très volontiers, monsieur le président.

Les fiches S sont utilisées par les services de renseignement. Ces mises en attention par des éléments récupérés soit par le service central du renseignement territorial, soit par les services de police, soit par des témoignages, permettent, sans que la personne qui en fait l’objet en soit informée, à l’ensemble des renseignements nécessaires au suivi de celle-ci ou, éventuellement, au démantèlement de la filière à laquelle elle appartient, de produire leurs effets.

Ces fiches de mise en attention sont très importantes pour les services de renseignement. Pour que l’efficacité du dispositif de suivi aille à son terme, cela suppose que la personne faisant l’objet du suivi n’en soit pas informée. C’est un élément de base de l’activité des services de renseignement.

Par-delà les questions constitutionnelles, qui seront traitées par le Conseil d’État dans le cadre de la saisine que nous lui adresserons afin qu’il examine l’ensemble des propositions relatives aux fiches S, je suis – c’est ma simple contribution au débat – très dubitatif – j’appelle l’attention de chacun sur ce point – sur le fait d’équiper l’ensemble de ceux qui sont « fichés S » dans le cadre de cette mise en attention d’un bracelet électronique. Si nous agissions ainsi, nous informerions ces personnes du suivi dont elles font l’objet, et le renseignement en France s’en trouverait considérablement affaibli.

Comme une grande partie de l’efficacité du renseignement dépend de cela, même si des améliorations doivent être apportées, nous aurions grand tort de prendre une mesure judicieuse en apparence, mais qui aurait des conséquences très graves à terme sur l’efficacité de notre politique de renseignement. Je suis dubitatif sur cette proposition, même si je ne conteste pas son utilité dans le débat.

Cela m’amène à évoquer, comme vous me l’avez suggéré, monsieur le président, le Conseil « Justice et affaires intérieures ».

Nous sommes confrontés à un problème au plan européen : nous versons au SIS, le système d’information Schengen, une grande partie des renseignements dont nous disposons au terme de la mise en attention de ceux que nous surveillons, mais d’autres pays européens ne le font pas, ou le font sur la base de signalements qui ne permettent pas la connexion de nos informations dans le cadre du dispositif de suivi de ceux qui ont été mis en attention par les services européens. Cette situation conduit à une perte en ligne considérable pour ce qui concerne la reconstitution de la traçabilité des terroristes au moment du franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne. À mes yeux, tel est le vrai sujet aujourd'hui ! Comment fait-on pour que l’ensemble des signalements des services soient versés au SIS, de manière à éviter des manquements dans le suivi de ceux qui peuvent commettre des actes terroristes ?

C'est la raison pour laquelle nous avons fait trois propositions ce matin au Conseil « Justice et affaires intérieures ».

Ces propositions, je les avais adressées aux institutions européennes voilà dix-huit mois. L’Europe prend trop de temps pour traiter les questions urgentes et, quand la décision est prise, elle met trop de temps à appliquer les mesures décidées. Cela suffit !

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