Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 20 novembre 2015 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Article additionnel après l'article 3

Bernard Cazeneuve, ministre :

Nous constatons les résultats auxquels cette situation aboutit. Tout en étant résolument européens, il fallait que nous disions, à un moment donné, à l’Union européenne : « stop, le temps de la lutte contre le terrorisme, c’est le temps de l’urgence, et ce n’est pas le temps de la délibération sans fin des instances européennes ! »

Premier point, nous avons demandé un PNR européen, qui ne soit pas vidé de son contenu.

Lorsque je me suis rendu devant la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, la commission dite « LIBE », du Parlement européen au mois de janvier dernier, les parlementaires européens, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, ne voulaient pas de ce PNR. Ils l’ont voté en février dernier, mais en adoptant des amendements qui, dans quelques domaines, le privaient de son contenu. Quels sont ces éléments ?

Premièrement, le masquage des données. Nous avons proposé un an ; ils en sont arrivés à un mois. Ce n’est pas sérieux !

Deuxièmement, la durée de conservation des données. Nous avons proposé quatre ans ; ils ont retenu une durée infime. Ce n’est pas sérieux !

Troisièmement, nous avons voulu que soient pris en compte les vols intra-européens – on le voit bien, les terroristes traversent les frontières intérieures entre les États de l’Union européenne – ; ils n’ont pas souhaité le faire. Ce n’est pas sérieux !

Quatrièmement, nous avons proposé que l’on tienne compte non seulement des infractions transnationales, mais également des infractions nationales ; ils ne l’ont pas souhaité. Ce n’est pas sérieux !

Nous avons adopté une délibération ce matin au Conseil européen, avec l’appui de la Commission européenne, pour demander, dans le cadre du trilogue, que toutes ces demandes, qui étaient les nôtres, soient remises sur le métier.

Le président de la commission LIBE, que j’ai rencontré, m’a indiqué que je pourrais retourner devant cette même commission pour expliquer les raisons pour lesquelles nous avons besoin de toutes ces mesures, compte tenu des événements terroristes que nous avons vécus, de manière à emporter la conviction des parlementaires européens. Dans cet hémicycle, des parlementaires de toutes sensibilités ont des groupes au Parlement européen. Essayons donc de le faire !

Deuxième point, la question du trafic d’armes nous a beaucoup occupés. Après l’attentat contre Charlie Hebdo, nous avions demandé qu’une directive urgente sur ce sujet soit adoptée. Des experts européens de la concurrence ont considéré que les armes, au sein de l’Union européenne, devaient être traitées comme n’importe quel produit consommable. C’est absurde ! J’y insiste !

Nous avons indiqué que cela suffisait et qu’il convenait de modifier la directive 91 avant la fin de l’année. Nous avons obtenu satisfaction : avant la fin de l’année, nous aurons un texte sur lequel légiférer, de manière à régler définitivement cette affaire. Comme je n’étais pas sûr que cette directive serait rapidement modifiée, j’ai proposé, vendredi dernier, quelques heures avant la tragédie qui nous a cruellement frappés, un plan de lutte contre le trafic d’armes, qui sera porté au pot commun européen.

Troisième point, concernant le contrôle des frontières, nous avons demandé, voilà dix-huit mois, bien avant l’attentat contre Charlie Hebdo, la mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières extérieures de l’Union européenne – une modification du code Schengen n’est pas nécessaire pour cela –, mais l’Union européenne ne l’a pas fait, et il n’a pas été possible de mettre en œuvre de tels contrôles.

Nous avons demandé que le code Schengen soit modifié pour que les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, en plus d’être systématiques et coordonnés, soient rendus obligatoires et pour que l’interrogation du système d’information Schengen et des autres fichiers soit autorisée. Cette révision du code Schengen, la Commission européenne et le Conseil s’y étaient d’abord refusés. Elle figure dans les conclusions de la réunion de ce matin.

Enfin, j’ai très clairement averti nos partenaires européens que la France maintiendrait les contrôles à ses frontières, à toutes ses frontières, aussi longtemps que la menace terroriste l’exigerait, et qu’elle seule, souveraine, serait juge de cette durée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion