Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 20 novembre 2015 à 21h00
Loi de finances pour 2016 — Article 2, amendements 232 5

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Concernant l’amendement n° I-232, je salue la constance de M. Requier et de ses collègues, qui, fidèles à la mémoire de Joseph Caillaux, et invoquant l’histoire, souhaitent rétablir la tranche à 5, 5 %. Cependant, ce ne sont sans doute pas seulement des raisons historiques qui motivent cette volonté.

Il existe, en effet, un débat de fond, puisque la moitié des foyers fiscaux ne payent pas l’impôt sur le revenu. Ce constat doit être nuancé, bien sûr, par la prise en compte de la contribution sociale généralisée, la CSG, qui est payée par tout le monde. Quoi qu’il en soit, il est vrai que les réformes successives de l’impôt sur le revenu ont contribué à faire sortir du barème un certain nombre de contribuables, ce qui a concentré l’impôt sur ceux qui restent imposables. C’est un vrai sujet.

Le rétablissement d’une première tranche à 5, 5 % présente tout de même quelques inconvénients. Le Gouvernement avait très largement médiatisé la suppression de cette tranche l’année dernière, la présentant comme une réforme d’ampleur. Finalement, cette suppression a eu un effet relativement modeste puisque la perte de recettes s’est limitée à 500 millions d'euros, contrairement à la réforme de la décote, qui portait, quant à elle, sur plus de 2 milliards d'euros.

Par ailleurs, faut-il à nouveau complexifier le barème en rétablissant une tranche qui avait été supprimée ? La question peut se poser. La commission a préféré centrer ses efforts sur la tranche la plus large à 30 %, Vincent Delahaye et Thierry Foucaud l’ont rappelé à l’instant. Cette tranche concentre quasiment la moitié du produit de l’impôt sur le revenu et concerne une catégorie de contribuables qui n’ont pas bénéficié des différentes baisses décidées et qui ont même été très durement touchés par les réformes fiscales successives.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de retirer l’amendement n° I-232, monsieur Requier, au profit de l'amendement n° I-22 de la commission.

C’est une version plus modeste que nous propose Vincent Delahaye à l'amendement n° I-373, avec une première tranche à 1 % jusqu’à 9 700 euros de revenu annuel. Le produit fiscal ne serait pas considérable, mais la mesure aurait une vertu symbolique en rendant l’impôt universel. Faut-il considérer que l’impôt est déjà universel par la CSG, qui est payée par tous ? M. le secrétaire d’État nous le dira sans doute.

Pour les raisons que j’évoquais précédemment, la commission préfère s’en tenir à son propre amendement.

L’amendement n° I-148 vise à réorganiser les tranches et à en créer de nouvelles. À la rigueur, je pourrais suivre M. Thierry Foucaud sur la moitié de l’amendement : la tranche à 30 %, trop large, concerne à la fois des revenus modestes et des revenus déjà supérieurs. On pourrait, il est vrai, prévoir des tranches intermédiaires à 16 %, à 22 % et autres, bien que cela complexifie le barème de l’impôt sur le revenu.

En revanche, vous comprenez que la commission n’ait pas pu approuver la création d’une nouvelle tranche à 50 % pour la fraction des revenus supérieurs à 152 108 euros. L’impôt sur le revenu souffre déjà d’une hyperconcentration.

Il y a déjà une très forte progressivité de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que le dernier décile des foyers fiscaux acquitte 67 % de son produit total. Plus précisément, les quelque 770 000 foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100 000 euros acquittent à eux seuls près de 40 % de ce dernier, soit 28, 7 milliards d’euros. Créer une tranche à 50 % accroîtrait encore cette hyper-concentration de l’impôt sur le revenu. Si voulez des détails sur les risques que cela comporte, je vous invite à consulter l’excellent rapport remis au Parlement sur l’évolution des départs pour l’étranger et des retours en France des contribuables et l’évolution du nombre des résidents fiscaux. M. le secrétaire d’État n’en fait pas nécessairement la même lecture que moi, mais ce rapport montre concrètement une augmentation du nombre des départs à l’étranger, motivés sans doute, pour partie, par des raisons fiscales.

La France se caractérise déjà par une très forte progressivité de l’impôt sur le revenu, qu’il ne serait pas opportun d’accroître encore en adoptant l’amendement n° I-148, sur lequel la commission émet donc un avis défavorable.

En revanche, elle est bien évidemment favorable à l’amendement n° I-389, identique à son amendement n° I-22. Je remercie le groupe UDI-UC de souscrire à l’idée de réduire la pression fiscale sur les contribuables relevant de la tranche à 30 %, qui supportent l’effort fiscal le plus important, acquittant 30 milliards d’euros, sur un total de 65, 7 milliards d’euros.

Enfin, l’amendement n° I-149 prévoit une refonte des tranches supérieures du barème qui aboutirait à alourdir encore la pression fiscale, notamment sur les foyers fiscaux du dernier décile, qui, je le redis, acquittent à eux seuls 67 % du produit de l’impôt sur le revenu. En conséquence, l’avis est défavorable.

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