Les estimations internationales des profits liés aux différents trafics sont en cours de réévaluation ; les derniers chiffres disponibles datent de 2012. Par exemple, les revenus de la contrefaçon tendent à croître par rapport à ceux du trafic de drogue, plus réprimé, que la première, qui est tout aussi lucrative. La traite est aussi aggravée par la mondialisation mais elle est difficile à quantifier. Alors que pour la drogue et la contrefaçon, les statistiques reposent sur une extrapolation du nombre de saisies, il est difficile de disposer d'estimations précises sur la traite, d'autant que de nombreuses victimes refusent d'être considérées comme telles et ne dénoncent pas les faits.
Je vous confirme que 25 États membres de l'ONU n'ont pas ratifié le protocole de Palerme contre la traite. En général, ces États n'ont pas non plus ratifié la convention-mère, qui comprend trois protocoles. Quant à la convention du Conseil de l'Europe, un État de l'Union européenne ne l'a pas ratifiée mais un État tiers, la Biélorussie, y a adhéré. Il faut évidemment souligner l'importance d'une ratification universelle du Protocole des Nations Unies, qui devrait se doter d'un mécanisme d'examen de sa mise en oeuvre. Il faudrait, dans la même logique, parvenir à la plus large adhésion possible de pays tiers à la convention du Conseil de l'Europe.
S'agissant de la réponse de l'Union européenne à la traite, je précise que le mécanisme de coordination des politiques pénales européennes, Eurojust, fonctionne lorsqu'il y a ouverture de poursuites. Les juges chargés de l'instruction ont parfois des difficultés à qualifier les faits de traite, faute de pouvoir prouver que la victime a été recrutée à des fins d'exploitation. D'où la requalification des faits pour un autre motif, comme le proxénétisme ou le travail forcé, mais la sanction est différente... Au début de l'année 2015, le ministère de la justice a adressé aux parquets une circulaire de politique pénale leur demandant de retenir, autant que faire se peut, les infractions de traite, punies de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende - dix ans d'emprisonnement si la victime est mineure. Or dans certains États de l'Union, la directive de 2011 n'est pas encore transposée, ce qui est regrettable. La coordinatrice européenne pour la traite des êtres humains constate une difficulté à mettre en oeuvre la politique de l'Union contre toutes les formes de traite en raison de la réticence de certains États à traiter la question de l'exploitation sexuelle.
La législation française permet de réprimer l'achat de services sexuels d'une victime de traite en connaissance de cause, mais ce n'est pas le cas partout. Différentes approches de la prostitution existent dans l'Union européenne, certains États la traitent comme une profession réglementée, à la différence de pays comme la France qui souhaitent réduire le système prostitutionnel. Ces différences compliquent singulièrement le travail de la coordinatrice de l'Union que vous avez rencontrée le 22 septembre 2015 et ont des conséquences en termes de financement : ainsi, deux tiers des financements de l'Union destinés à la lutte contre la traite vont à des projets contre l'exploitation par le travail alors que l'exploitation sexuelle fait plus de victimes