Intervention de Michèle Ramis

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 octobre 2015 à 8h35
Audition de Mme Michèle Ramis ambassadrice chargée de la lutte contre la criminalité organisée sur les femmes victimes de la traite des êtres humains

Michèle Ramis, ambassadrice :

Pour briser l'emprise psychologique sur les victimes, nous avons mis en place en France un système de protection large qui s'appuie beaucoup sur les associations. Cela passe d'abord par des mesures de protection des victimes qui acceptent de témoigner, telles que la garantie de l'anonymat, une mise à l'abri, etc. Nous tentons aussi de faire prendre conscience aux jeunes qu'ils sont des victimes de ces réseaux. Si leur famille est elle-même à risques, nous les plaçons dans des foyers d'accueil. Tout repose sur la confiance que les victimes accordent à ceux qui cherchent à les protéger. À cet égard, même si le maillage territorial de l'aide à l'enfance mis en place par la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse est appréciable, les victimes osent souvent plus se rapprocher des associations, qui font généralement « moins peur » que l'État et les services sociaux. C'est un travail au cas par cas.

Vis-à-vis des pays d'origine, la sensibilisation est très importante. Nous menons des actions de prévention et de formation des enseignants et des professionnels dans les pays relevant de nos stratégies régionales de lutte contre la traite en Europe du Sud-Est et en Afrique de l'Ouest. L'impact de ces programmes est difficilement mesurable car ils visent à faire évoluer les mentalités.

Concernant les mineurs isolés victimes de traite dans l'Union européenne, nous réfléchissons à un dispositif européen permettant de mieux assurer leur protection. Nous sommes confrontés à un problème de mineurs contraints de pratiquer la mendicité, le vol, la prostitution dont l'identification est souvent difficile et qui circulent au sein de l'espace Schengen. La mesure 10 du Plan d'action national contre la traite prévoit la mise en place d'une plate-forme européenne d'identification pour mieux suivre ces mineurs et retracer leur parcours. Malheureusement, ceux-ci refusent souvent toute protection. Avec l'appui de la Commission européenne, nous allons travailler avec d'autres États-membres confrontés au même problème.

Je n'ai pas de statistiques sur la traite dans les pays réglementaristes, qui sont également touchés par le problème des mineurs isolés. Je ne peux pas me prononcer sur une éventuelle corrélation entre l'autorisation de la prostitution et le niveau atteint par la traite sur un territoire.

En effet, madame la sénatrice, si j'ai comparé le trafic de drogue, la contrefaçon et la traite, mon propos concernait uniquement les revenus que dégagent ces trafics. D'après le classement de l'ONU, le trafic de drogue rapporte 320 milliards de dollars par an, la contrefaçon 250 milliards et la traite 32 milliards. Mais les dommages humains qui résultent de celle-ci sont, bien évidemment, considérables.

L'éducation est très importante à des fins préventives. En France, il serait utile de réaliser des campagnes de sensibilisation auprès des professionnels, dans les écoles et auprès du grand public pour expliquer la réalité de la traite, car ce phénomène reste relativement invisible. Le Plan national d'actions prévoit une campagne, mais le coût en est élevé. Nous essayons de mobiliser des fonds européens.

Pour répondre à la demande de M. Roland Courteau en matière de protection, la convention du Conseil de l'Europe, appliquée en France, accorde un droit de séjour temporaire et une aide au logement aux victimes qui coopèrent avec la justice afin de faciliter leur sortie des réseaux, loin de leur persécuteur, et d'organiser un retour vers le pays d'origine si c'est possible, ou dans le cas contraire de leur trouver un lieu de résidence. La prévention repose sur les campagnes de sensibilisation et sur un travail en amont avec les associations qui repèrent les cas de traite. Il s'agit aussi d'aider les victimes potentielles à détecter les pièges : les jeunes filles sont souvent envoyées en Europe, appâtées par la promesse d'un travail dans le mannequinat par exemple. Leur sensibilisation à ces dangers et leur information sur les stratégies mises en place par les réseaux pour attirer leurs victimes sont primordiales. Enfin, le personnel de nos consulats dans les pays d'origine de la traite est formé à la détection des risques que peut présenter une demande de visa pour adoption, de visa pour du personnel domestique qui peut cacher un risque de traite par esclavage domestique, de même qu'en matière de validité du mariage pour détecter les mariages forcés.

Les partenariats visés par le quatrième « P » couvrent tant la coopération internationale à des fins d'entraide judiciaire qu'à des fins d'assistance technique. L'entraide judiciaire reste peu développée en Afrique de l'Ouest par exemple, ce qui rend difficiles les poursuites contre le trafic circulaire entre les pays de la région. L'assistance technique vise à renforcer les dispositifs et les capacités des États d'origine ou de transit à mieux poursuivre les auteurs de traite.

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