Intervention de Michèle Ramis

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 octobre 2015 à 8h35
Audition de Mme Michèle Ramis ambassadrice chargée de la lutte contre la criminalité organisée sur les femmes victimes de la traite des êtres humains

Michèle Ramis, ambassadrice :

Le ministère du travail a contribué au Plan d'action national contre la traite des êtres humains, principalement pour tout ce qui concerne l'esclavage domestique et l'exploitation par le travail, mais nous n'avons pas avec cette administration de partenariat particulier. De mon côté, je travaille surtout avec la MIPROF, qui assure la coordination du travail de l'ensemble des administrations compétentes.

J'ai évoqué la porosité entre les flux de réfugiés et la traite d'êtres humains. Les trajets effectués par les réfugiés peuvent être très longs : un migrant parti d'Érythrée peut mettre deux ans pour arriver jusqu'aux Pays-Bas... Ce fait augmente le risque que ces personnes soient détournées en chemin par les réseaux de traite, ne serait-ce que pour pouvoir payer le reste du voyage. Les femmes et les enfants sont, bien sûr, particulièrement exposés. Les services répressifs français en sont conscients et nous nous efforçons d'y sensibiliser nos partenaires notamment africains dans la perspective du sommet sur les migrations de La Valette, en novembre prochain qui traitera de ces deux formes de trafics. Concernant les mariages forcés, un programme de formation a en effet été mis en place en 2012 et les consuls informés des risques. Je n'ai pas de statistiques concernant les tendances observées mais je me propose de demander à la Direction des Français de l'étranger des éléments sur ce point et de les faire parvenir à la Délégation.

Les campagnes de sensibilisation, à mon sens très importantes, sont prévues par le plan national. Le grand public doit absolument prendre conscience de la réalité de la traite : des personnes travaillant comme employés de maison peuvent en fait, sous nos yeux, être victimes d'esclavage domestique. Il faut ensuite sensibiliser les publics à risque et cibler l'information sur les collèges et lycées. Cela existe pour les fonctionnaires français et pour les militaires en poste à l'étranger. Cette sensibilisation a également été élargie aux fédérations d'employeurs. Agir dès l'école est crucial, d'autant que les enfants peuvent être témoins de cas de traite. Il faut combattre l'acceptation sociale et culturelle de la traite, que ce soit dans les pays d'origine ou de transit ou dans les pays de destination, où ce phénomène pâtit souvent d'une certaine invisibilité.

Le terme de « traite » est désuet : on en conclut à tort que le phénomène lui-même a disparu ! Ce problème de vocabulaire nuit à l'efficacité du message d'alerte et de prévention. Beaucoup a été fait, certes, mais beaucoup reste à faire en matière de lutte contre la traite.

Il est très important de mobiliser plus efficacement les leviers européens : il faut que le problème de la traite intra-européenne soit résolu par l'Union européenne, en particulier l'exploitation sexuelle et l'exploitation des mineurs. Celle-ci doit mettre en place la plate-forme et les mécanismes d'identification des victimes que j'ai évoqués.

La traite au départ des Balkans constitue un trouble à l'ordre public et une violation des droits de l'homme. Sous nos yeux, des femmes et des enfants en sont victimes.

Le dilemme entre la protection des données et de la vie personnelle et la protection des victimes est connu : ces dernières peuvent craindre que les données recueillies soient utilisées à d'autres fins. Peut-être pourriez-vous nous aider à porter ces questions au niveau européen.

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