Je ne crois pas. Dès lors qu'il y a une demande et un profit à réaliser, la traite existe.
Un autre moyen d'action est à souligner : il s'agit de la saisie et de la confiscation des avoirs des trafiquants. Nous avons en France un système performant, qui repose sur l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Nous essayons de le faire connaître dans les autres pays. La confiscation des produits du crime réduit la rentabilité de la traite. L'autre levier est la lutte contre le blanchiment d'argent, à travers Tracfin. Nous savons qu'il peut exister des liens entre la traite des êtres humains et le financement du terrorisme. L'argent de ces trafics doit donc être saisi et confisqué.
Enfin, en matière de trafic, la lutte contre la demande est tout aussi essentielle que la lutte contre l'offre. C'est un axe dont le débat sur la prostitution vous a rendus familiers. Les « usagers » doivent être informés que ceux dont ils sollicitent les services travaillent sous la contrainte de réseaux criminels. La directive de 2011 oblige d'ailleurs les États membres à réduire la demande par tous les moyens : pénalisation des utilisateurs, campagnes d'information, etc. La demande entretient le trafic, nous le savons bien.
Pour répondre à votre question, madame la présidente, je préciserai que la loi britannique contre l'esclavage moderne, a été adoptée en mai 2015 à la veille des élections, avec une volonté d'affichage politique fort : si une partie des mesures qu'elle contient, en particulier en matière d'incrimination des auteurs et de protection des victimes, était déjà en vigueur avant son adoption, les Britanniques ont estimé que pour faire évoluer les choses, il faut les nommer - c'est le sens de l'intitulé « esclavage moderne ». Les peines de prison associées au trafic d'êtres humains ont été augmentées et portées à quatorze ans. La loi de 2015 simplifie les textes en vigueur, identifie leurs lacunes et accroît la prévention. La véritable nouveauté réside dans l'instauration d'une clause de transparence dans la chaîne d'approvisionnement des entreprises : au-delà d'un certain seuil de chiffre d'affaires, les entreprises devront rendre compte des mesures qu'elles prennent contre la traite dans leur domaine d'activité. Elles devront s'assurer qu'elles ne recourent pas à des produits susceptibles d'être liés à la traite. Cette initiative, qui s'inscrit dans les suites de la catastrophe du Rana Plaza et relève de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, est intéressante et de nature, peut-être, à faire bouger les lignes.