Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cet article 19 ne s’inscrit pas dans le prolongement de l’ANI : il s'agit d'un cavalier introduit par le Gouvernement. Je ne m’y attarderai pas, car je me suis déjà exprimé sur cette question lors de la discussion générale, et je rappellerai simplement quelques éléments.
Monsieur le secrétaire d'État, je m'adresserai d'abord à vous, parce que, vous l’avez compris, la commission s'est peu investie s'agissant des enjeux liés à l’AFPA, et parce que c’est vous qui, incontestablement, avez aujourd'hui la main et décidez de l'avenir de cette grande organisation.
Pour ma part, je ne doute pas de vos bonnes intentions à l’égard de cette composante du service public. À la différence des organisations syndicales des personnels de l’AFPA, qui s'imaginent que vous voulez la mort de cette institution, je ne crois pas que tel soit votre projet.
Toutefois, vous commettez une erreur d'analyse, me semble-t-il, et la potion qu’en application de ce diagnostic vous allez faire boire à l’AFPA sera fatale à cette dernière. En d'autres termes, monsieur le secrétaire d'État, je crois que l'association mourra, à coup sûr, mais en bonne santé !
Cette erreur d'analyse repose, je veux le souligner, sur une option politique que vous nous avez présentée, qui n'est pas la nôtre, qui est contestable et qui a montré ses limites, à savoir le « tout marché » ou le « tout libéral ». Or il me semble que l’AFPA peut être exemptée de cet axiome.
Mes chers collègues, pour que votre information à tous soit la plus complète possible, je rappellerai rapidement ce que représente l’AFPA dans notre pays.
Cette association, je le répète, est une composante du service public de l'emploi. Elle reste inscrite dans le code du travail et réunit plusieurs caractéristiques.
Premièrement, elle offre un ancrage territorial, avec une présence dans chaque département. L’AFPA, c'est plus de 180 centres de formation et d'orientation professionnelle, qui permettent d’apporter des réponses au plus près des besoins des bassins d'emploi locaux.
Deuxièmement, l’AFPA représente une solution globale pour les publics en difficulté. Son offre s'appuie sur une série de métiers de base, qui sont l'orientation, la formation, l'ingénierie-conseil, mais aussi sur la capacité à accompagner ses publics.
Je ne rappellerai pas les chiffres, mais ils sont impressionnants, puisque 180 000 adultes ont été formés en 2008, dont 66 % de demandeurs d'emploi.
En outre, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, L’AFPA a beaucoup progressé dans sa capacité à proposer des réponses individualisées, sur mesure et répondant parfaitement à la fois aux besoins du marché et à ceux des intéressés.
Les résultats sont d'ailleurs au rendez-vous : huit stagiaires sur dix obtiennent un titre professionnel et 80 % d’entre eux trouvent un emploi correspondant à la formation qu’ils ont acquise dans les six mois suivant celle-ci.
Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que l’AFPA étant aujourd'hui pleinement soumise à la concurrence il convient de prendre d'urgence certaines dispositions.
La première d’entre elles, que vous proposez au travers de cet article 19, vise à transférer les psychologues de l'association à Pôle emploi. Selon vous, il s'agit d'une nécessité, parce que l'Europe nous conduit aujourd'hui à distinguer les fonctions de formation et d'orientation, une institution ne pouvant être à la fois juge et partie.
Pourtant, je veux le répéter, l'orientation qu’offre l’AFPA vise non seulement à aiguiller les publics vers les formations que dispense l’association, mais aussi à vérifier les profils de capacité, en lien avec le contenu des formations proposées.
Autrement dit, si les formations de l’AFPA enregistrent des taux de réussite aussi importants, c'est grâce à ce travail d'accompagnement, en lien avec la formation, c'est parce que les psychologues du travail de l’association sont proches des lieux de formation et des réalités du monde du travail, à la différence – je le dis en toute amitié à notre rapporteur – de certains conseillers d'orientation au profil clinique. C’est ce qui fait toute leur efficacité !
Et voici que, en quelque sorte pour compléter le paysage – je vous reconnais là le mérite de la cohérence, monsieur le secrétaire d'État –, vous allez nous proposer, dans un amendement, de transférer le patrimoine de l’État à l’AFPA.
J'ai longuement interrogé les cadres de l'association. Il est vrai que, à force de s’entendre dire, comme c'est le cas pour eux actuellement, qu’ils sont totalement immergés dans le bain de la concurrence, ils souhaitent, pour certains d'entre eux, disposer de leviers leur permettant d'agir sur ce marché.
Toutefois, je veux attirer votre attention sur deux aspects, sur lesquels j’aurai l'occasion de revenir tout à l'heure.
Premièrement, le patrimoine qui serait transféré gratuitement par l'État à l’AFPA est tellement vétuste que l’association sera contrainte à une remise à niveau, alors que ses moyens financiers aujourd'hui ne le lui permettent pas. Et elle devra ensuite répercuter dans le coût de ses formations les montants correspondant à cet investissement, ce qui, me semble-t-il, suscitera des difficultés.
Deuxièmement, cette mesure aura pour conséquence, j’y insiste, qu’un certain nombre de régions ou de centres de formation de l’AFPA seront conduits à réduire la voilure de leurs formations.