Intervention de Annie David

Réunion du 23 septembre 2009 à 14h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Article 19

Photo de Annie DavidAnnie David :

En organisant le transfert des personnels de l’orientation de l’AFPA vers Pôle emploi, cet article 19, que nous pouvons considérer comme un cavalier, puisque la disposition prévue ne figure pas dans l’Accord national interprofessionnel signé le 7 janvier 2009 par l’ensemble des partenaires sociaux, s’inscrit dans une stratégie plus globale de démantèlement de cet organisme.

Monsieur le secrétaire d'État, vous affirmez que l’AFPA « reste une colonne vertébrale dont nous aurons besoin au niveau national ». Mais en l’amputant d’un service essentiel, vous l’affaiblissez durablement, mettant ainsi en péril la pérennité de ce service public !

Ce qui fait aujourd’hui l’originalité et l’efficacité de l’AFPA, c’est son offre globale de services : orientation, formation professionnelle qualifiante, rémunération des stagiaires, hébergement gratuit, restauration, accompagnement social et médical, etc. En supprimant un seul de ces services, c’est l’ensemble du dispositif que vous mettez à mal !

N’ayons pas peur des mots : à terme, c’est bel et bien la disparition de ce service public, et non un simple « aménagement », que vous organisez ! Pourtant, rien ne justifie une telle mesure, bien au contraire.

Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, l’AFPA est loin d’avoir démérité. Si vous n’accordez qu’un faible crédit à mes propos et à ceux des personnels de cet organisme, peut-être en accorderez-vous davantage au rapport annuel de performance de la mission interministérielle annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2008, qui souligne ceci : « les actions qualifiantes de l’AFPA restent des valeurs sûres en matière d’insertion dans l’emploi. Le taux de placement dans l’emploi durable des stagiaires de l’AFPA [...] est en progression constante depuis 2006 et dépasse même pour 2008 les objectifs fixés en termes de prévision et cible ».

Ce succès est aussi à mettre au crédit du service d’orientation, « sas obligatoire des stagiaires », notamment de ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi. Sans ce service, beaucoup d’entre eux, faute d’avoir identifié leurs compétences et leur projet professionnel, n’arriveraient pas à acquérir la qualification recherchée à l’issue d’une formation relativement courte.

De plus, ce transfert du service d’orientation n’est pas un acte isolé. Parallèlement, vous imposez à ce service public des exigences de rentabilité et le soumettez à la concurrence libre et non faussée. Or, par essence, le service public n’a pas vocation à être rentable et ne peut souffrir de la concurrence.

L’alignement de la gestion de ce service public sur des critères de gestion du privé s’annonce comme le prélude à une privatisation ultérieure. D’ailleurs, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État : « les règles de la concurrence s’appliquent à la formation professionnelle, qui est d’ores et déjà considérée en droit communautaire comme une activité économique. » À vous entendre, vous ne faites que vous plier à l’exigence européenne.

Aussi, je vous propose une autre option, qui a le mérite de préserver les compétences et le savoir-faire de l’AFPA dans le domaine de l’orientation, tout en ne contrariant pas la Commission européenne : créons, à l’échelle du territoire, un service public de l’orientation et de la formation tout au long de la vie, en nous appuyant, par exemple, sur l’article 3 de ce projet de loi, qui instaure ce lieu unique et qui pourra servir de base, en nous appuyant également sur les travaux de Martin Hirsch, ou encore sur les conclusions de la mission sur l’orientation tout au long de la vie actuellement en cours, que vous avez-vous-même mise en place.

Avant de procéder précipitamment au transfert des personnels de l’orientation de l’AFPA, nous devons au préalable entamer un débat global sur le service public de l’emploi et de la formation, instrument nécessaire de la sécurisation des parcours professionnels, dont les fondations sont posées dans ce texte. Nous participerons à ce débat, si vous décidez de l’engager, monsieur le secrétaire d'État, car le groupe CRC-SPG a des propositions à formuler pour la création d’un service public de l’orientation et de l’information tout au long de la vie.

Par ailleurs, dans un instant, monsieur le secrétaire d’État, vous allez nous présenter un amendement visant à transférer à l’AFPA les bâtiments aujourd’hui en possession de l’État, alors que vous savez très bien que l’association n’aura pas les moyens financiers de les entretenir. Pour venir à leur secours, dites-vous ! Soyons clairs : sauf à grever son budget, le directeur général de l’AFPA aura-t-il d’autre choix que de vendre ces bâtiments ? Bien sûr que non ! Vous privez donc cette association, qui a pourtant fait ses preuves, des moyens de continuer à apporter une réponse globale de qualité au besoin de formation de nombre de nos concitoyens.

Ce n’est ni dans l’urgence ni sans une véritable concertation que l’on développera une réelle sécurité en matière d’emploi et de formation, laquelle est pourtant nécessaire au développement économique de notre pays et à la dignité de sa population active : c’est en ouvrant le débat à l’ensemble des partenaires concernés, dont fait partie l’AFPA, bien évidemment.

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