La déstabilisation précède-t-elle le démantèlement ? C’est aujourd’hui la question que pose le transfert des neuf cents psychologues orienteurs de l’AFPA à Pôle emploi. Comme d’habitude, cette opération est menée à marche forcée pour prendre de court les intéressés, et bien sûr sans aucune concertation. Il en résulte une grande colère et beaucoup d’angoisse pour l’ensemble des 11 000 salariés de l’AFPA, au-delà des seuls psychologues orienteurs. Un formidable outil de formation est méthodiquement mis en pièces par la volonté du Gouvernement.
Nous avons entendu les représentants de l’intersyndicale de l’AFPA, ainsi que les partenaires sociaux : ils sont unanimement opposés à ce transfert. Le patronat lui-même est réticent devant une décision qui suscite un grand désarroi et dont l’efficacité n’est pas prouvée.
En effet, les difficultés bien connues de Pôle emploi ne sont pas dues seulement à un afflux de chômeurs lié à la crise ; elles sont aussi le résultat d’une précipitation qui engendre le désordre et interdit au personnel de recevoir et d’aider les demandeurs d’emploi comme il le voudrait. La situation est telle que Pôle emploi va recourir au prêt de main-d’œuvre en provenance des entreprises d’intérim, qui n’ont plus assez de clients ! Les files d’attente de chômeurs se sont tellement allongées que l’on en est réduit à sous-traiter le suivi de 320 000 d’entre eux à des entreprises privées, pour un coût supérieur à celui qui est pratiqué par Pôle emploi. Il s’agit pourtant d’officines qui sont mises en concurrence selon des procédures d’appel d’offres et qui, selon la théorie libérale, devraient être plus efficaces. Ce que l’on observe dans les faits, c’est une efficacité supérieure de ces entreprises pour dégager des bénéfices au profit de leurs actionnaires et au détriment des finances de l’UNEDIC.
Est-ce un exemple à suivre ? Est-ce la voie dans laquelle le Gouvernement engage l’AFPA ? Manifestement, la réponse à cette seconde question est positive, et c’est la même procédure qui est suivie.
Quel que soit l’objet, les mêmes méthodes annoncent les mêmes résultats. Les personnels sont transférés sans concertation, sans que l’on ait même clairement expliqué pourquoi. C’est d’ailleurs la question majeure à laquelle le Gouvernement doit répondre : à quoi ce transfert des psychologues va-t-il servir ? Le Gouvernement veut-il créer un grand service de l’orientation et de l’emploi en réunissant Pôle emploi et l’AFPA ? Veut-il que Pôle emploi absorbe l’AFPA, ou seulement des morceaux de l’AFPA ? Comment les personnels de l’AFPA vont-il être intégrés au sein de Pôle emploi ? La direction de Pôle emploi ne parvient déjà pas à unifier les statuts des personnels de l’ANPE et des ASSEDIC…
On annonce aux psychologues de l’AFPA, comme si on leur offrait un cadeau, qu’ils pourront garder leur statut avec toutes les garanties afférentes. Imaginez-vous qu’ils puissent former un îlot de sérénité au milieu de la tempête que vous avez provoquée à Pôle emploi ? Ce qui préside à cette opération de transfert de personnel et de patrimoine, c’est la volonté de démanteler l’AFPA, et d’en mettre les morceaux sur le marché, en concurrence avec les organismes français et européens.
C’est toute la spécificité de l’AFPA qui est condamnée. Aujourd’hui, l’AFPA assure l’exercice effectif du droit à l’orientation professionnelle des chômeurs les plus éloignés de l’emploi. Elle garantit une véritable qualification par des formations longues et donne accès à des services associés comme l’hébergement et la restauration. Elle assure, évidemment, la rémunération des stagiaires tout au long de la formation. Toutes ces actions sont complémentaires et font de l’AFPA un ensemble cohérent et stable, qui obtient de ce fait des résultats : 70 % des stagiaires trouvent ou retrouvent un emploi qualifié.
Tel est l’outil qui est en voie d’être démantelé, et ce au pire moment, puisque le chômage remonte en flèche. Il n’est plus question d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leur démarche de formation et de les prendre globalement en charge. Déjà l’AFPA s’oriente vers des formations courtes. C’est un changement complet de perspective, lourd de menaces à la fois pour les personnels, les demandeurs d’emploi et la formation professionnelle.