J'ai pris connaissance avec un grand intérêt des travaux effectués par le Sénat, particulièrement en commission des Lois. Je remercie François-Noël Buffet, avec qui j'ai préparé cette réunion en discutant des mérites comparés des textes.
Je crains de devoir constater le caractère inconciliable de nos points de vue, très éloignés sur la définition des modalités d'accès au titre de séjour réservé aux étrangers malades, à l'article 10, comme sur la restriction de l'accès à la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article 11. À l'article 14, l'allongement à cinq ans des interdictions de retour sur le territoire français et la réduction à sept jours des délais de départ volontaire après une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne seront pas acceptés par les députés. Les attestations municipales d'hébergement et les cautions, introduites aux articles 14 bis et 14 ter, nous semblent aussi malvenues. L'intervention du juge des libertés et de la détention après cinq jours de rétention, et non 48 heures, constitue un recul dans la protection des libertés individuelles. Enfin, je doute que l'Assemblée nationale consente à l'article 1er A qui prévoit la remise d'un rapport gouvernemental au Parlement, ainsi que le vote par les parlementaires d'un quota triennal d'étrangers autorisés à s'installer en France.
Malgré l'échec probable de cette commission mixte paritaire, la navette n'a pas été inutile. Nos positions inconciliables résultent de divergences d'appréciation politique. En revanche, je remercie le Sénat pour le sérieux de son travail dans l'amélioration objective de la rédaction votée par l'Assemblée nationale. Le texte aura une meilleure qualité formelle. Le Sénat a par exemple disjoint de l'article 18 le dispositif de transfert temporaire intragroupe, pour en faire un article 17 bis A autonome. C'est une avancée dans l'intelligibilité de la loi. Bon nombre des rédactions adoptées par le Sénat figureront dans le texte retenu en nouvelle lecture.
Le Sénat a également apporté des améliorations de fond, à l'article 22 bis A, comme l'information des étrangers assignés à résidence avant leur éloignement pour qu'ils puissent exercer leurs droits et préparer leur départ. Les règles d'accès des journalistes aux centres de rétention ont été précisées à l'article 23. Une disposition a été ajoutée à l'article 25 sur les droits des personnes concernées par un droit de communication des administrations même si l'apparition de sanctions pénales au même article me laisse circonspect, ainsi qu'à l'article 9 pour faciliter l'octroi d'une carte de séjour aux étudiants titulaires d'un diplôme figurant parmi une liste arrêtée par décret. Nous serons en mesure de conserver ces dispositions.
Enfin, le Sénat a opéré des choix audacieux. À l'article 18 A, il prévoit un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative pour la contestation des décisions de placement en rétention et d'assignation à résidence dans la perspective d'un éloignement. Instinctivement, je confierais la responsabilité de la protection des libertés individuelles au juge judiciaire, mais le système imaginé par le Sénat ne manque pas d'attrait, profitant autant à l'étranger qu'à l'administration. Saluons les sénateurs qui ont versé cette proposition au débat.
J'appelle la commission mixte paritaire à se déclarer infructueuse, mais tel n'est pas le cas de la navette parlementaire sur ce projet de loi.