Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait initialement 61 articles. En première lecture, l'Assemblée nationale en a supprimé un et en a ajouté 31. Le Sénat a maintenu cette suppression et a adopté conformes 48 articles ; il a modifié 30 articles, a adopté 17 additionnels et supprimé 13 articles dont 9 relatifs aux équilibres généraux et aux objectifs financiers des différentes branches.
Après l'échec de la commission mixte paritaire, réunie le 17 novembre, 58 articles restaient en discussion. Lors de son examen en nouvelle lecture, l'Assemblée a adopté 12 articles dans la rédaction du Sénat. Elle a rétabli les articles supprimés et supprimé la plupart des articles additionnels : 46 articles restent ainsi en discussion.
Ce bilan n'est pas surprenant puisque nous avons un désaccord de fond sur l'état de nos finances sociales : tandis que l'Assemblée, avec le Gouvernement, se félicite d'une tendance positive et attend un retour à l'équilibre à l'horizon 2020, nous avons alerté sur l'assurance-maladie et son déficit de 7 milliards en régime de croisière, ainsi que sur la retraite dont le déficit se creuse à nouveau dès 2019. Le redressement n'est ni spectaculaire, ni suffisant si l'on considère la ponction inédite réalisée sur les ménages et les entreprises. Ainsi, en 2012, 2,5 milliards de prélèvements obligatoires nouveaux (nouvelle majorité uniquement) et 200 millions de réduction du déficit ; en 2013, 9,8 milliards de prélèvements et 3,6 milliards de réduction du déficit ; en 2014, 5,6 milliards de prélèvements et 1,3 milliard de réduction du déficit. Les recettes nouvelles ont ainsi surtout servi à financer des dépenses nouvelles. Or il faut impérativement maîtriser les dépenses et travailler plus longtemps ; il serait plus efficace et plus juste de le décider rapidement. Nos compatriotes le savent aussi. Il y va de la crédibilité de la parole publique et de la confiance dans notre système de protection sociale.
Sur le reste, nous n'avons que peu de désaccords de fond : le Sénat a voté dès la première lecture les deux principales mesures financières, la réduction de la cotisation famille et le relèvement de l'abattement de C3S, qui traduisent la seconde étape du pacte de responsabilité.
Les autres mesures sont de nature technique et nos désaccords sont de portée limitée. La commission des affaires sociales de l'Assemblée a, pour l'essentiel, proposé de revenir au texte de première lecture. Elle a ainsi rétabli l'article 12 qui transfère aux Urssaf le recouvrement des cotisations maladie des professions libérales, rétabli la possibilité d'ouvrir le financement du FSV par voie règlementaire, supprimé le report de l'âge de départ à la retraite à 63 ans - on s'en doutait - ; supprimé les trois jours de carence à l'hôpital comme la réduction forfaitaire pour les particuliers-employeurs - c'est dommage - ; supprimé l'article sur les dividendes des dirigeants de SARL - c'est immuable - ; supprimé la prolongation des exonérations pour les jeunes agriculteurs - c'est également dommage d'autant que cela ne coûtait pas très cher.
Le Gouvernement a, sur plusieurs points, pris en considération, voire prolongé, les travaux du Sénat. A l'article 19, il a proposé un compromis compliqué sur l'affiliation des gens de mer : les marins seraient affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) et les non-marins au régime général.
A l'article 7 bis, l'adoption d'un sous-amendement de Dominique Tian réduit le champ d'application à la seule cessation forcée d'activité des dirigeants et mandataires sociaux (six personnes auraient donc été concernées en 2014), tout en supprimant, semble-t-il, l'assujettissement au premier euro pour les salariés à compter de 10 plafonds annuels de la sécurité sociale (Pass). Parallèlement un sous-amendement du Gouvernement aménage des dispositions transitoires pour les ruptures de contrat de travail. Il y a là une forme d'improvisation. En l'état, ce dispositif ne convient pas. Rappelons que le Conseil constitutionnel vient d'annuler l'augmentation de la contribution additionnelle sur les retraites chapeau en raison des effets de seuil qu'elle induisait.
Aux articles 21 et 22 relatifs respectivement à la complémentaire santé des plus de 65 ans et à la complémentaire santé de salariés en contrats courts ou ayant un faible nombre d'heures, l'Assemblée a adopté deux amendements du Gouvernement qui tendent, d'après la ministre, à prendre en compte les débats au Sénat.
L'article 21 est profondément remanié pour mettre en place un système, non de sélection, mais de labélisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses et dont le montant des cotisations sera plafonné en fonction de l'âge des souscripteurs. Ce mécanisme, inévitablement complexe, a pour contrepartie un crédit d'impôt réduit de moitié par rapport au dispositif initial. Il s'établit désormais à 1% des cotisations perçues, à tel point que l'on peut se demander s'il présente un intérêt autre que celui de justifier le rattachement de cette disposition au projet de loi de financement. Le nouveau dispositif de labélisation semble satisfaire les acteurs de l'assurance maladie complémentaire.
Le Sénat, dubitatif quant à la rédaction initiale, avait adopté une mesure sociale à l'initiative de la commission des finances en relevant le montant de l'aide complémentaire santé (ACS) pour les plus de 65 ans. L'Assemblée a supprimé cette disposition, pourtant intéressante pour les retraités les plus modestes.
A l'article 22, le Sénat ne souhaitait pas remettre en cause les contrats négociés par les entreprises qui couvrent déjà les salariés en contrat court ou effectuant un faible nombre d'heures. Le Gouvernement propose désormais de limiter l'option pour le chèque aux salariés dont la durée de couverture par le régime d'entreprise est trop courte. Cette durée sera définie par voie réglementaire, ce qui nous laisse dans le flou. Nous avions souligné, lors de la première lecture, que la situation des salariés précaires devait être traitée par la négociation entre partenaires sociaux ou par la mise en place de fonds de financement, comme le préconise le rapport Libault. A défaut d'une de ces solutions, celle préconisée par le Gouvernement a au moins le mérite de ne pas remettre en cause ce qui a été négocié par les entreprises pour une mise en oeuvre au 1er janvier.
Les articles 21 et 22 n'appellent a priori pas de nouvelle modification de notre part. De même, sur l'ensemble du texte, je ne vois pas de sujet sur lequel la poursuite de la discussion pourrait contribuer à l'améliorer.
Pour cette raison et compte tenu du désaccord de fond sur les équilibres généraux, qui avait amené le Sénat à rejeter en première lecture les objectifs de recettes et de dépenses, je vous propose de déposer une question préalable. Tout en préservant la possibilité pour les différentes opinions de s'exprimer lors de la discussion générale, son adoption se justifie dans la mesure où il n'est pas utile de rouvrir à ce stade une discussion sur les articles restant en navette.