Commission des affaires sociales

Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

La commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous examinons, en nouvelle lecture, le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait initialement 61 articles. En première lecture, l'Assemblée nationale en a supprimé un et en a ajouté 31. Le Sénat a maintenu cette suppression et a adopté conformes 48 articles ; il a modifié 30 articles, a adopté 17 additionnels et supprimé 13 articles dont 9 relatifs aux équilibres généraux et aux objectifs financiers des différentes branches.

Après l'échec de la commission mixte paritaire, réunie le 17 novembre, 58 articles restaient en discussion. Lors de son examen en nouvelle lecture, l'Assemblée a adopté 12 articles dans la rédaction du Sénat. Elle a rétabli les articles supprimés et supprimé la plupart des articles additionnels : 46 articles restent ainsi en discussion.

Ce bilan n'est pas surprenant puisque nous avons un désaccord de fond sur l'état de nos finances sociales : tandis que l'Assemblée, avec le Gouvernement, se félicite d'une tendance positive et attend un retour à l'équilibre à l'horizon 2020, nous avons alerté sur l'assurance-maladie et son déficit de 7 milliards en régime de croisière, ainsi que sur la retraite dont le déficit se creuse à nouveau dès 2019. Le redressement n'est ni spectaculaire, ni suffisant si l'on considère la ponction inédite réalisée sur les ménages et les entreprises. Ainsi, en 2012, 2,5 milliards de prélèvements obligatoires nouveaux (nouvelle majorité uniquement) et 200 millions de réduction du déficit ; en 2013, 9,8 milliards de prélèvements et 3,6 milliards de réduction du déficit ; en 2014, 5,6 milliards de prélèvements et 1,3 milliard de réduction du déficit. Les recettes nouvelles ont ainsi surtout servi à financer des dépenses nouvelles. Or il faut impérativement maîtriser les dépenses et travailler plus longtemps ; il serait plus efficace et plus juste de le décider rapidement. Nos compatriotes le savent aussi. Il y va de la crédibilité de la parole publique et de la confiance dans notre système de protection sociale.

Sur le reste, nous n'avons que peu de désaccords de fond : le Sénat a voté dès la première lecture les deux principales mesures financières, la réduction de la cotisation famille et le relèvement de l'abattement de C3S, qui traduisent la seconde étape du pacte de responsabilité.

Les autres mesures sont de nature technique et nos désaccords sont de portée limitée. La commission des affaires sociales de l'Assemblée a, pour l'essentiel, proposé de revenir au texte de première lecture. Elle a ainsi rétabli l'article 12 qui transfère aux Urssaf le recouvrement des cotisations maladie des professions libérales, rétabli la possibilité d'ouvrir le financement du FSV par voie règlementaire, supprimé le report de l'âge de départ à la retraite à 63 ans - on s'en doutait - ; supprimé les trois jours de carence à l'hôpital comme la réduction forfaitaire pour les particuliers-employeurs - c'est dommage - ; supprimé l'article sur les dividendes des dirigeants de SARL - c'est immuable - ; supprimé la prolongation des exonérations pour les jeunes agriculteurs - c'est également dommage d'autant que cela ne coûtait pas très cher.

Le Gouvernement a, sur plusieurs points, pris en considération, voire prolongé, les travaux du Sénat. A l'article 19, il a proposé un compromis compliqué sur l'affiliation des gens de mer : les marins seraient affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) et les non-marins au régime général.

A l'article 7 bis, l'adoption d'un sous-amendement de Dominique Tian réduit le champ d'application à la seule cessation forcée d'activité des dirigeants et mandataires sociaux (six personnes auraient donc été concernées en 2014), tout en supprimant, semble-t-il, l'assujettissement au premier euro pour les salariés à compter de 10 plafonds annuels de la sécurité sociale (Pass). Parallèlement un sous-amendement du Gouvernement aménage des dispositions transitoires pour les ruptures de contrat de travail. Il y a là une forme d'improvisation. En l'état, ce dispositif ne convient pas. Rappelons que le Conseil constitutionnel vient d'annuler l'augmentation de la contribution additionnelle sur les retraites chapeau en raison des effets de seuil qu'elle induisait.

Aux articles 21 et 22 relatifs respectivement à la complémentaire santé des plus de 65 ans et à la complémentaire santé de salariés en contrats courts ou ayant un faible nombre d'heures, l'Assemblée a adopté deux amendements du Gouvernement qui tendent, d'après la ministre, à prendre en compte les débats au Sénat.

L'article 21 est profondément remanié pour mettre en place un système, non de sélection, mais de labélisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses et dont le montant des cotisations sera plafonné en fonction de l'âge des souscripteurs. Ce mécanisme, inévitablement complexe, a pour contrepartie un crédit d'impôt réduit de moitié par rapport au dispositif initial. Il s'établit désormais à 1% des cotisations perçues, à tel point que l'on peut se demander s'il présente un intérêt autre que celui de justifier le rattachement de cette disposition au projet de loi de financement. Le nouveau dispositif de labélisation semble satisfaire les acteurs de l'assurance maladie complémentaire.

Le Sénat, dubitatif quant à la rédaction initiale, avait adopté une mesure sociale à l'initiative de la commission des finances en relevant le montant de l'aide complémentaire santé (ACS) pour les plus de 65 ans. L'Assemblée a supprimé cette disposition, pourtant intéressante pour les retraités les plus modestes.

A l'article 22, le Sénat ne souhaitait pas remettre en cause les contrats négociés par les entreprises qui couvrent déjà les salariés en contrat court ou effectuant un faible nombre d'heures. Le Gouvernement propose désormais de limiter l'option pour le chèque aux salariés dont la durée de couverture par le régime d'entreprise est trop courte. Cette durée sera définie par voie réglementaire, ce qui nous laisse dans le flou. Nous avions souligné, lors de la première lecture, que la situation des salariés précaires devait être traitée par la négociation entre partenaires sociaux ou par la mise en place de fonds de financement, comme le préconise le rapport Libault. A défaut d'une de ces solutions, celle préconisée par le Gouvernement a au moins le mérite de ne pas remettre en cause ce qui a été négocié par les entreprises pour une mise en oeuvre au 1er janvier.

Les articles 21 et 22 n'appellent a priori pas de nouvelle modification de notre part. De même, sur l'ensemble du texte, je ne vois pas de sujet sur lequel la poursuite de la discussion pourrait contribuer à l'améliorer.

Pour cette raison et compte tenu du désaccord de fond sur les équilibres généraux, qui avait amené le Sénat à rejeter en première lecture les objectifs de recettes et de dépenses, je vous propose de déposer une question préalable. Tout en préservant la possibilité pour les différentes opinions de s'exprimer lors de la discussion générale, son adoption se justifie dans la mesure où il n'est pas utile de rouvrir à ce stade une discussion sur les articles restant en navette.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous prenons acte du désaccord de fond sur l'état des finances de la sécurité sociale ainsi que sur d'autres décisions. En cet instant, je fais simplement remarquer que la maîtrise des dépenses publiques impose de ne pas réclamer de nouvelles dépenses.

Nous n'approuvons pas le dépôt de la question préalable : quelles que soient les circonstances, l'interruption d'une discussion ne favorise pas la vie démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Hier, les députés ont bien dit leur intention de rétablir leur texte, hormis quelques concessions mineures. Nous n'arriverons jamais à nous entendre. Notre rapporteur général a souligné l'amateurisme du Gouvernement avec ses sous-amendements de dernière minute. Les modifications apportées aux articles 21 et 22 sont difficiles à comprendre et ne sont pas évaluées. Je voterai la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Poursuivre la discussion serait inutile : nous avons beaucoup travaillé, présenté des amendements constructifs pour améliorer le texte ; l'Assemblée les a repoussés d'un revers de main. Comment ne pas éprouver un sentiment de frustration ? Inutile de passer deux ou trois jours à discuter alors que nous savons quel sera le sort de nos propositions. En demandant à sa majorité de rétablir son texte, le Gouvernement nie le rôle du Sénat, mais aussi celui de l'Assemblée nationale qui n'a d'autre choix que de voter les yeux fermés. Pour ma part, j'approuve la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je souscris aux propos de Mme Procaccia : lors de la commission mixte paritaire, nous avons bien vu que les positions n'évolueraient pas. Je félicite notre rapporteur général d'avoir dénoncé les dérives des dépenses de la sécurité sociale et des économies en trompe l'oeil. En transférant 23 milliards de l'Acoss à la Cades à titre préventif, le Gouvernement prépare la voie à de nouveaux déficits.

Point n'est besoin de poursuivre la discussion : à quoi bon y consacrer des heures si tout dialogue avec l'Assemblée est impossible ? Les mutualistes et les assureurs sont vent debout contre l'article 21, les bricolages proposés par le Gouvernement n'y changeront rien. En commission mixte paritaire, nous avons évoqué le décalage de la prime de naissance et nous avons vu à l'expression de certains députés qu'ils ne nous donnaient pas tort, même s'ils ont finalement maintenu leur texte. Quant au transfert du recouvrement des cotisations des professions libérales du RSI à l'Urssaf, nous savons que nous allons dans le mur et que les professionnels, en particulier les libéraux, y sont opposés : pourtant, l'Assemblée persiste et signe. Dans ces conditions, la poursuite de la discussion est vaine : je voterai donc la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Quand que nous avions déposé une question préalable en première lecture, vous nous aviez reproché de ne pas vouloir discuter du projet. Et maintenant, vous ne le voulez plus ? Nous ne mêlerons sans doute pas nos votes aux vôtres car nos objectifs sont radicalement opposés.

Je suis toujours étonnée d'entendre dénoncer l'inutilité des débats : la minorité sait bien qu'elle a peu de chance de faire valoir ses vues, mais cela ne doit pas l'empêcher d'exposer ses arguments. Nos travaux sont entendus à l'extérieur, démontrent qu'il y avait d'autres possibilités. C'est cela, la démocratie. Il y a quelques années, le Sénat était à gauche et le Gouvernement à droite : cette commission que je présidais avait réécrit le projet de loi de financement et l'Assemblée avait rejeté notre texte. Vous n'êtes pas dans la majorité : il est normal que vos propositions ne soient pas toutes retenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je n'ai peut-être pas été assez précis, monsieur Daudigny : nous avons voté certains articles phares aux conséquences financières importantes, ainsi en est-il des articles 7, 8 ; l'Assemblée a retenu notre rédaction de l'article 39. Nous avons également soutenu l'article 49 qui consacre une évolution importante sur les soins de suite et de réadaptation.

A l'article 55 qui traite de l'Ondam, nous avons proposé d'amplifier les économies présentées par le Gouvernement, sans remettre en cause la philosophie générale du texte. Nous nous réjouissons d'ailleurs de constater que le Gouvernement se rapproche de la position défendue par le Sénat l'an passé.

Si nous avions noté une volonté commune de poursuivre la discussion, nous n'aurions pas présenté cette motion. Comme tel n'est pas le cas, il convient de ne pas perdre inutilement du temps.

La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée.

La commission examine le rapport pour avis de M. Michel Forissier sur le projet de loi de finances pour 2016 (mission « Travail et emploi »).

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Selon les estimations du consensus des économistes en septembre, notre PIB devrait augmenter de 1,5 % en 2016, contre 1,2 % en 2015 et 0,2 % en 2014. Ce faible regain de croissance ferait enfin reculer le chômage au sens du Bureau international du travail de 10 % à 9,7 %. Cette baisse du chômage, d'ampleur limitée, est conditionnée, selon l'Unédic, à « l'accélération des créations d'emploi marchand compensant le ralentissement des contrats aidés dans le non marchand », ralentissement qui s'explique par la baisse des dotations de l'Etat. Les perspectives sont moins optimistes si l'on considère les personnes inscrites à Pôle emploi dans les catégories A, B et C, ainsi que celles dispensées de recherche d'emploi, puisque la baisse ne serait que de 7 000 personnes, après une hausse de 286 000 en 2014 et de 203 000 en 2015.

Les conséquences de ce chômage élevé sur la dette de l'Unedic sont importantes. De 21,3 milliards en 2014, elle passera à 25,7 milliards à la fin de l'année et pourrait atteindre 29,3 milliards en 2016, soit 84 % de ses recettes annuelles - j'ai eu l'impression au cours de mes auditions à être le seul à m'en inquiéter. Je suis bien conscient du rôle essentiel d'amortisseur économique et social que joue l'assurance chômage en période de crise, mais les partenaires sociaux auront à veiller, lors de la prochaine négociation de la convention début 2016, à ne pas mettre en danger la soutenabilité du système. Le Gouvernement devra d'ailleurs prendre position sur cette question avant la fin de l'année, comme l'y oblige la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Dans ce contexte, les crédits de la mission « Travail et emploi » ont été globalement préservés en 2016. Les autorisations d'engagement (11,3 milliards) sont en baisse de 664 millions par rapport à 2015, soit un repli de 5,9 %. Mais les crédits de paiement atteindront 11,4 milliards l'an prochain, soit une augmentation de l'ordre de 0,6 % (environ 75 millions). Hors mesure de périmètre, les crédits des programmes 102 « accès et retour à l'emploi » et 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », qui constituent le coeur de la mission, sont réduits de 1 %, en raison de la rebudgétisation de la réduction forfaitaire de cotisations sociales pour les particuliers employeurs à hauteur de 224 millions.

En premier lieu, les opérateurs des politiques de l'emploi voient leurs crédits globalement préservés. Ainsi, la subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi s'élèvera à 1,5 milliard, conformément à la convention tripartite 2015-2018, soit le même niveau que la subvention effectivement versée cette année après application d'une réserve de précaution.

Cette mission prévoyait initialement 189 millions pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation. Avec l'adoption de deux amendements de la députée Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis, 10 millions supplémentaires sont prévus pour accompagner les jeunes dont les contrats d'avenir signés il y a trois ans arrivent à échéance, tandis que les crédits de fonctionnement sont majorés de 2 millions.

La subvention versée à l'Afpa, toujours en grande difficulté financière, et dont la transformation en Epic devra faire l'objet de négociations avec Bruxelles, est renforcée de 10 millions pour s'élever à 95 millions.

En outre, les crédits alloués aux maisons de l'emploi, dont les crédits devaient initialement être divisés par deux l'année prochaine (de 26 à 13 millions), ont été majorés de 8 millions par un amendement à l'Assemblée : au final, elles bénéficieront de la même dotation que celle versée cette année. Afin d'éviter un coup de rabot uniforme et d'encourager les structures efficaces, la ministre du travail a indiqué que l'aide de l'Etat sera accordée au cas par cas selon une logique de projet, conformément à des critères nationaux qui privilégieront les formations prioritaires, le soutien à la création et au développement d'entreprises, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale, ou encore le développement des clauses d'insertion. Nous avons besoin d'évaluation externe, car l'évaluation interne a montré ses limites : certaines maisons de l'emploi sont très efficaces et doivent être préservées tandis que d'autres le sont beaucoup moins.

En deuxième lieu, la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes se concentre sur la Garantie jeunes. Destinée aux jeunes de 18 à 25 ans en situation de grande précarité qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation, ce dispositif propose un parcours intensif individuel et sur mesure en contrepartie d'une allocation dégressive et plafonnée au niveau du revenu de solidarité active, soit 452 euros par mois. L'an prochain, 60 000 jeunes supplémentaires devraient en bénéficier dans les départements volontaires, d'où un coût pour l'Etat de 300 millions en autorisations d'engagement, le double de cette année. A 17 millions, le cofinancement européen diminue de moitié.

Compte tenu de sa montée en charge, l'allocation aux bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) voit ses crédits passer de 40 à 10 millions, ce qui pose la question de sa suppression à moyen terme.

La participation de l'Etat au financement des écoles de la deuxième chance reste stable à 24 millions. Grâce à 43 écoles, 14 500 jeunes sortis sans diplôme ni qualification du système scolaire ont pu prendre un nouveau départ en 2014. Parallèlement, une subvention de 51 millions sera versée à l'établissement public d'insertion de la défense : 3 200 jeunes volontaires supplémentaires ont été accueillis en 2014 dans 18 centres, dont un sur le territoire de ma commune de Meyzieu. Je me félicite du taux de réussite de ces écoles : la quasi-totalité des jeunes qui en sortent acquièrent une réelle formation professionnelle. En revanche, les crédits du fonds d'insertion professionnelle des jeunes seront divisés par trois pour s'élever à 8 millions.

En troisième lieu, les crédits consacrés aux contrats aidés au sens large (contrats uniques d'insertion, emplois d'avenir, contrats outre-mer), malgré une diminution sensible, demeurent à un niveau important : ils s'élèveront à 2,4 milliards en crédits de paiement (en baisse de 536 millions) et 2,1 milliards en autorisations d'engagement (en baisse de 837 millions).

La mission prévoit 260 000 nouveaux contrats uniques d'insertion (CUI), contre 350 000 dans la loi de finances pour 2015. Cette forte diminution s'explique par l'anticipation de la reprise de la croissance et par les nouvelles aides aux postes (589,5 millions en autorisations d'engagement) qui remplacent les contrats aidés dans les ateliers et chantiers d'insertion, suite à la réforme du financement des structures de l'insertion par l'activité économique. Je déplore le maintien de la prééminence des contrats aidés dans la sphère non marchande (200 000) au détriment du secteur marchand (60 000), bien que les publics de ces deux types de contrat soient différents.

Une étude de la Dares avait souligné l'an dernier que six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d'un contrat unique dans le secteur marchand (CIE) avaient un emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d'un contrat aidé du secteur non marchand (CAE). En juillet, une étude du même organisme, se référant à un panel de demandeurs d'emploi entre 2005 et 2007, a montré « un effet négatif ou nul du passage en contrat aidé dans le secteur non-marchand ». Ainsi, deux ans et demi après l'entrée en contrat aidé, seulement 33 % des bénéficiaires d'un CAE ont une probabilité d'obtenir un emploi non aidé (CDD, CDI, intérim, création d'entreprise), contre 38 % des personnes de même profil n'ayant pas bénéficié de CAE. C'est pourquoi la commission des finances a adopté, sur proposition de son rapporteur général, un amendement supprimant les 200 000 CAE prévus en 2016 tout en augmentant de 40 000 les CIE, soit une économie pour les finances publiques d'un milliard en autorisations d'engagement et de plus de 450 millions en crédits de paiement.

Quant aux emplois d'avenir, l'objectif du Gouvernement est presque trois fois moins élevé que pour cette année (35 000 nouveaux contrats contre 95 000 cette année), d'où une chute des autorisations d'engagement de 334 millions.

En outre, ces chiffres voient leur portée atténuée car le Gouvernement annonce souvent en cours d'année la création de nouveaux contrats. Pour 2015, 70 000 CAE et 30 000 emplois d'avenir ont ainsi été ajoutés.

En quatrième lieu, les contrats de génération n'ont toujours pas donné les résultats escomptés, alors que les aides financières correspondantes devaient bénéficier aux TPE et aux PME.

Le Gouvernement a présenté le 9 juin le programme « Tout pour l'emploi » qui prévoit une aide à l'embauche d'un premier salarié dans les TPE et les PME. D'un montant de 500 euros par trimestre pendant deux ans, elle devrait concerner 60 000 embauches en 2016, soit une enveloppe de 80 millions en autorisations d'engagement. Cette mesure, qui entraînera sans doute des effets d'aubaine, soutiendra les PME et les TPE, qui n'ont que peu bénéficié du contrat de génération.

De fait, si le Gouvernement nourrissait de fortes ambitions en 2013 lors de l'examen du projet de loi portant création de ces contrats, en se fixant comme objectif 500 000 binômes sur le quinquennat, seulement 14 825 nouvelles aides ont été versées aux entreprises employant moins de 300 salariés en 2013, 18 109 en 2014, 20 000 étant attendues en 2015 tout comme l'an prochain. C'est pourquoi les autorisations d'engagement chutent de moitié pour s'établir à 240 millions. La transmission des compétences entre générations dans l'entreprise est certes nécessaire, mais le contrat de génération sert depuis deux ans de variable d'ajustement budgétaire et, malgré quelques assouplissements, sa complexité l'empêche d'être le dispositif tant attendu de destruction massive du chômage.

L'apprentissage est un contrat de génération qui a fait ses preuves depuis longtemps. Or, malgré la volonté du Gouvernement de le promouvoir grâce à une nouvelle prime, le nombre d'apprentis demeure bien trop faible. Ainsi, le nombre d'entrées en apprentissage a chuté de 8 % en 2013 et de 2,9 % en 2014, ce qui relativise la récente hausse de 2,5 %. Le Gouvernement vient d'instaurer une prime pour encourager l'embauche d'apprentis dans les TPE, pour un coût de 308 millions. Une aide forfaitaire de 4 400 euros sera versée à toute entreprise employant moins de onze salariés qui embauche un jeune mineur en première année d'apprentissage : le Gouvernement table sur 50 000 aides en 2015 et 70 000 en 2016.

Je ne m'oppose pas à cette nouvelle aide, mais je déplore l'inconstance du Gouvernement qui, après avoir réformé les indemnités compensatrices forfaitaires en loi de finances pour 2014, s'est empressé l'année suivante de créer une prime de 1 000 euros pour les entreprises qui embauchent des apprentis. De plus, les motivations financières, comme le prouve l'exemple allemand, ne sont pas premières en matière d'apprentissage. Même si nous sortons du domaine de compétence de notre commission, reconnaissons que l'éducation nationale a une grande part de responsabilité dans cet échec de l'apprentissage. Il nous faudra en parler à la ministre de l'éducation nationale.

Les ressources du compte d'affectation spéciale « apprentissage », sont stables à 1,5 milliard, mais là n'est pas l'essentiel. Le système français souffre de deux maux : un manque de pilotage au niveau national - cette politique étant désormais totalement dévolue aux régions - et une trop faible implication des partenaires sociaux dans l'élaboration des référentiels de formation, cette compétence étant accaparée par des services ministériels bien éloignés des réalités.

En outre, il est malaisé de retracer avec précision les dépenses publiques en faveur de l'apprentissage, en raison des compensations de l'Etat aux régions sous forme d'affectation de fractions du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), énumérées à l'article 12 du projet de loi de finances. C'est pourquoi je souhaiterais que le Gouvernement nous présente l'an prochain un jaune budgétaire consacré à l'effort de la Nation en matière d'emploi et d'apprentissage, à l'exemple de celui qui existe pour la formation professionnelle, et qui d'ailleurs devrait être refondu en 2016.

L'Assemblée a adopté huit amendements sur la mission. Outre ceux que j'ai évoqués sur les missions locales, un amendement du Gouvernement prend acte de la suppression de l'article 10 qui supprimait les exonérations de cotisations patronales applicables aux zones de revitalisation de la défense, aux bassins d'emploi à redynamiser et aux zones de revitalisation rurale, et abonde en conséquence le budget de 38 millions.

Je souhaitais initialement vous présenter trois amendements. J'envisageais tout d'abord de permettre à Pôle emploi d'acheter directement des formations d'intérêt national sans l'obligation d'obtenir au préalable l'accord des régions, afin de sauvegarder les centres de formation de l'Afpa à rayonnement national, qui proposent par exemple des formations dans les métiers de l'éolien. Le Sénat avait adopté l'automne dernier une disposition similaire à l'invitation de René-Paul Savary lors de l'examen de la loi NOTRe, mais un tel amendement aurait été déclaré irrecevable, sa nature financière n'étant pas établie. Nous rouvrirons ce débat lorsqu'un véhicule législatif approprié se présentera.

Convaincu de la nécessité de changer en profondeur les mentalités et de lutter contre les préjugés, je souhaitais aussi renforcer les moyens alloués aux campagnes de communication en faveur de l'apprentissage. Cependant la maquette budgétaire du compte d'affectation spéciale ne l'autorise plus, l'intégralité de la compétence apprentissage ayant été transférée aux régions par la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle. La délégation sénatoriale aux entreprises travaille actuellement à une réforme d'envergure de l'apprentissage sous la houlette de sa présidente Elisabeth Lamure. Prenons le temps de la réflexion pour présenter un projet qui fasse l'unanimité. Enfin, je pensais présenter un amendement pour réduire l'enveloppe consacrée aux CUI, mais celui de la commission des finances me convient.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission sous réserve de l'adoption de l'amendement de la commission des finances. En revanche, faute d'une réforme globale et ambitieuse de l'apprentissage, je propose un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Notre rapporteur, que je remercie de son éclairage, pourra-t-il nous préciser l'intérêt de disposer d'un jaune budgétaire pour cette mission ?

Tant que la croissance ne sera pas de retour, il sera difficile de proposer des emplois pérennes à celles et ceux, jeunes et moins jeunes, qui en sont éloignés. Quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, en dépit des nombreux dispositifs proposés, le retour à la prospérité économique est un préalable. En outre, je me désole du fait que nous n'ayons jamais réussi à trouver de solution pour endiguer le chômage de longue durée des plus de 50 ans.

Les salariés des associations qui aident les personnes en difficulté sont eux-mêmes en grande difficulté : leur emploi est précaire et ils peuvent se retrouver au chômage du jour au lendemain, si leur association met la clé sous le paillasson.

Je regrette la valse-hésitation du Gouvernement en matière d'apprentissage. De surcroît, les entreprises qui ont déjà du mal à remplir leurs carnets de commande, se retrouvent face à des cathédrales administratives quand elles veulent embaucher un apprenti.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Notre rapporteur qui dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, connaît-il l'ampleur du déficit de l'Afpa ?

Les crédits sont reconduits pour les maisons de l'emploi, mais chacune fera l'objet d'un examen attentif du ministère du travail. A-t-on une idée de la façon dont l'évaluation va se dérouler ? Chez moi, ces maisons fonctionnent bien et elles s'inquiètent pour leur avenir.

Les moyens consacrés aux écoles de la deuxième chance sont stables : seront-elles également évaluées et peut-on espérer voir leurs dotations augmenter dans la mesure où elles apportent d'excellentes réponses aux personnes qu'elles forment ?

La réforme du financement des ateliers et chantiers d'insertion est en cours mais certains se retrouvent en grande difficulté de trésorerie et, si des collectivités ne les aident pas, ils seront obligés de fermer malgré leur dynamisme.

Vous avez beaucoup travaillé sur l'apprentissage, monsieur le rapporteur, et j'ai participé avec vous à la mission en Allemagne et en Autriche : la question financière est importante mais bien d'autres problèmes se posent. C'est pourquoi j'attends avec impatience les conclusions de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Notre rapporteur avait bien commencé en disant que l'économie et l'emploi s'amélioraient doucement. Mme la ministre nous avait d'ailleurs dit que tel était le cas, mais qu'il fallait rester modeste. Pour cette raison, elle avait obtenu la sanctuarisation de ses crédits mais le rapporteur général de la commission des finances veut y mettre un terme en supprimant 200 000 contrats aidés. Certes, il faut cibler ces contrats sur les personnes les plus éloignées de l'emploi et certains peuvent considérer que les résultats ne sont parfois pas à la hauteur des espérances, mais un tiers des personnes ayant conclu un CUI retrouvent quand même un emploi dans le secteur marchand ; ce sont autant de petites victoires qui incitent à l'optimisme.

Le budget a été sanctuarisé ; la Garantie jeunes sera généralisée après une expérimentation dans dix départements. Je me félicite du maintien des crédits pour les maisons de l'emploi. L'évaluation externe pourrait être un poste à approfondir. Nous connaissons tous des maisons de l'emploi qui fonctionnent bien, et d'autres présentant des faiblesses.

L'apprentissage est très important pour mobiliser les jeunes en faveur de métiers parfois mal connus. Communiquons plus sur les métiers. Comme en Allemagne, élargissons le panel des métiers accessibles par l'apprentissage. Nous avons encore du travail, les familles françaises et allemandes préférant que leurs enfants suivent des formations pour devenir « col blanc » plutôt que « col bleu ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

En ces temps d'augmentation du chômage, je regrette la réduction des crédits de cette mission, même si elle est limitée. Si l'emploi est une priorité, ne réduisons pas les dotations ! Des dispositifs se créent, sans recul ni évaluation des précédents. On met les gens dans des cases, sans chercher à les amener à un emploi concret. Ce n'est pas la bonne méthode !

Peu de mesures sont prévues sur la formation, qui constitue pourtant le passage obligé pour l'emploi. Je regrette les réductions importantes des crédits liés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et aux engagements de développement des emplois et des compétences (EDEC) : avec ces structures, on peut mieux gérer l'emploi et les compétences nécessaires, et orienter les demandeurs d'emploi. Au total, je déplore la stabilité voire la réduction des crédits des opérateurs de la politique de l'emploi.

En tant qu'ancienne rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles sur l'enseignement scolaire et la formation technique, je suis particulièrement sensible à l'apprentissage, et ne peux que me féliciter de la volonté du Gouvernement de le soutenir. Mais pourquoi n'accorde-t-on que des aides aux entreprises, sans améliorer la vie des apprentis - plus de tuteurs, aides au logement, appui aux mineurs... On réduit les cotisations patronales mais on ne fait rien pour les salaires. Nous ne voterons pas les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Voyez l'inconstance du Gouvernement ! Depuis trois ans, les incessants changements de la loi ont sapé la confiance des fédérations professionnelles : elles craignent que les aides disparaissent au bout de trois mois. L'apprentissage a besoin de stabilité. Il ne concerne pas seulement des jeunes ; avez-vous des chiffres sur l'âge moyen des apprentis alors que le Gouvernement souhaite promouvoir l'apprentissage auprès des personnes âgées de plus de dix-huit ans ?

En tant que rapporteure en 2007 sur le projet de loi relatif à la fusion de l'ANPE et des Assedic pour créer Pôle emploi, je constatais déjà l'inefficacité de certaines maisons de l'emploi. Huit ans après, rien n'a changé, mais, malgré les surcoûts, des élus refusent de changer un iota.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L'amendement du rapporteur général de la commission des finances sur les contrats aidés fait preuve de réalisme. Les collectivités ont consenti beaucoup d'efforts pour embaucher des emplois aidés : ce n'est pas seulement une main d'oeuvre bon marché, il faut aussi les encadrer. Les contraintes budgétaires proposées aux collectivités limiteront les recrutements dans les prochaines années. Les structures publiques acceptent plus facilement de prendre des profils plus difficiles que le secteur privé, ce qui relativise les chiffres donnés par le rapporteur.

On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif : les entreprises n'embauchent pas si l'économie n'est pas bonne. Au moment où nous observons quelques signes de reprise de l'économie, avec des dispositifs intéressants d'accompagnement comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ou le suramortissement, ce budget manque d'anticipation. Le nombre des contrats de génération ne décolle pas en 2016 et les crédits des missions locales et des maisons de l'emploi sont globalement stables. Alors que ce dispositif est intéressant et devrait être encouragé, le Gouvernement reste au milieu du gué sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Merci pour l'excellence de ce rapport nourri par une expérience de terrain, primordiale pour se repérer dans le maquis des dispositifs de la politique de l'emploi. La dette de l'Unédic a une incidence très forte sur les comptes sociaux : après 21 milliards en 2014, 25 milliards en 2015, elle atteindra 29 milliards d'euros en 2016. Quand s'arrêtera-t-on ?

Je me félicite du maintien des crédits des maisons de l'emploi, je regrette toutefois l'absence d'une politique plus volontariste. Contrairement à ce qu'ont prétendu certains ministres, elles ont un rôle éminent à jouer. Avec l'Alliance Villes Emploi, elles ont défini des priorités validées par les ministres successifs. Mais les crédits ont été réduits faute d'une politique claire. Une coordination entre les maisons de l'emploi, les missions locales, Pôle emploi et les Plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE) est indispensable. Pour l'avoir réalisée malgré les réticences sur le terrain, je peux témoigner qu'un plan d'action commun fait gagner un temps considérable dans la mise en place des dispositifs, encore trop nombreux.

Je me réjouis de l'aide au recrutement d'un premier salarié dans les TPE pour lesquelles le pas est souvent difficile à franchir. Avec un million d'entreprises sans salarié, le gisement d'emploi est énorme.

Les référentiels de formation sont le véritable problème de l'apprentissage, davantage que les primes ou les aides. L'éducation nationale en fait trop, les professionnels pas assez.

Très bon dispositif ciblé, la Garantie jeunes s'ajoute à une dizaine d'autres, alors que trois suffiraient : un pour les jeunes directement employables, un pour ceux qui ne le sont pas, et un pour ceux qui ont besoin d'une qualification. Comme je le disais à la ministre du travail, il faut simplifier les dispositifs ! Et je ne connais pas encore le ministre qui osera le faire...

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Je remercie le rapporteur, qui est un homme de terrain. Je crois que les considérations générales à l'échelle nationale ne doivent pas occulter les différences qui existent dans nos territoires. En Languedoc-Roussillon et notamment dans les Pyrénées-Orientales, la situation évolue grâce aux dispositifs de la politique de l'emploi en faveur des jeunes. Ces dispositifs, qui devraient être nationalisés suite au déploiement de la garantie jeunes, évoluent grâce à l'évaluation réalisée dans les territoires, souvent menée par les missions locales.

Dans mon département, il n'y a plus de maisons de l'emploi et on n'a pas vu la différence. C'est une triste nouvelle, car parfois elles apportent une valeur ajoutée. Evaluons ces structures pour permettre à Pôle emploi de reprendre leurs missions à un moindre coût.

Ce n'est pas dans une loi de finances que l'on réformera l'apprentissage, lequel ne concerne pas d'ailleurs que les « cols bleus ». Les nouveaux apprentis sont des cols blancs, en bac plus deux ou en études d'ingénieurs : les collectivités commencent à les recruter ; tant mieux, car le BTP est le secteur le plus touché par la baisse d'activité. Dans le Languedoc-Roussillon, cette politique a porté ses fruits. Je me réjouis que nous ayons bientôt un texte sur l'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le rapporteur a su donner un peu de lustre à une mission qui manque singulièrement de conviction. Les contrats aidés ne fonctionnent pas s'il n'y a pas d'emploi. Maintenant que la reprise est là, il faut mettre le paquet ! Dommage que la région n'ait pas obtenu la coordination régionale de l'emploi dans la loi NOTRe, cela aurait été plus cohérent. Je regrette aussi que les formations d'intérêt national dispensées par l'Afpa n'aient toujours pas trouvé de financement. Vous qualifiez les allocations chômage d'amortisseur social, mais vous ne parlez pas du RSA, qui joue le même rôle. Je ne constate malheureusement aucune inflexion du Gouvernement pour mieux traiter ses bénéficiaires et trouver le financement nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Les maisons de l'emploi ont toute leur place dans les départements, sous certaines conditions. Dans les Deux-Sèvres, nous les avons obligées à se rassembler avec les autres acteurs du service public de l'emploi pour ne leur verser qu'une seule subvention de fonctionnement. Le Fonds social européen (FSE) finance des projets mais parfois, les sommes ne sont toujours pas versées deux ans après l'appel à projet. La gestion du FSE a été confiée aux régions : que faut-il attendre de la création des grandes régions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Certes, il y a eu un retard à l'allumage sur l'apprentissage, malgré un rattrapage depuis. Les premières dispositions du Gouvernement n'ont pas eu un bon effet, nous avons perdu deux ans, je le reconnais.

Toutes les mesures sectorielles pour résorber le chômage ont des effets pervers : on réduit le chômage des jeunes, mais on augmente le chômage de longue durée, le plus difficile à résorber. Nous n'avons pas tout essayé en matière de lutte contre le chômage, attaquons-nous vraiment à ce problème. J'espère que le Sénat votera en janvier, lors de la niche parlementaire du groupe socialiste, la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée, qui a été adoptée à l'unanimité à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale avant son passage en séance le 9 décembre. Elle part d'expérimentations locales pour préparer les chômeurs à l'emploi : une dizaine ont été réalisées sur des bassins d'emplois réduits, avec des porteurs de projets, des entreprises qui embauchent, des collectivités partenaires et un fonds d'amorçage. Je crois beaucoup à ce dispositif.

Hier, la majorité sénatoriale a détruit l'équilibre budgétaire sur le volet des recettes : il faudra, pour trouver en compensation 4 milliards en taillant dans les dépenses, d'où la proposition de la commission des finances de supprimer 200 000 emplois aidés ; une proposition bête, au moment où la croissance connait un petit sursaut. Regardons le budget dans sa logique ; d'autres coupes suivront, mais je suis sûre que vous ne les ferez pas si jamais vous reveniez aux responsabilités en 2017. Nous en prenons date.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

La mauvaise adéquation entre l'offre et la demande est un problème essentiel : mettons l'accent sur la formation des jeunes et des adultes pour leur permettre de changer de métier et favoriser la mobilité professionnelle. Attention à l'impact de la réduction des dotations budgétaires sur les contrats aidés. Si les collectivités locales doivent jouer leur rôle, les restrictions des dotations en ces temps d'augmentation des charges obèrent leur capacité à pérenniser des emplois.

C'est vrai, on n'a jamais inventé un meilleur contrat de génération que l'apprentissage. Les incantations ne suffisent pas. Si l'on souhaite relancer l'apprentissage, il faut une stabilité du cadre juridique, une meilleure orientation des jeunes, un meilleur accompagnement des jeunes apprentis, notamment en termes de logement, et une bonne santé économique de nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Renforçons l'école de la deuxième chance qui obtient de bons résultats alors que 150 000 jeunes sortent de l'école sans formation. Si le Gouvernement a raison de vouloir développer l'apprentissage, il doit être plus pédagogue envers les entreprises et mieux valoriser cette voie de formation. Certes, les emplois aidés sont un amortisseur social, mais renforçons d'abord la formation professionnelle. En vérité, la véritable école de la deuxième chance, c'est l'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La majorité sénatoriale défend une organisation régionalisée du service public de l'emploi, or vous déplorez le manque de pilotage national en matière d'apprentissage. N'est-ce pas contradictoire ? Pour plus d'efficacité et de proximité, les services de Pôle emploi ont été réorganisés avec différents objectifs : le conseiller ne passera plus son temps à des tâches administratives ou à calculer des indemnités ; le demandeur d'emploi gardera le même interlocuteur - il en va de même pour les conseillers en relation avec les entreprises. La rivalité entre l'éducation nationale et les professionnels sur l'apprentissage est désormais dépassée, du moins au niveau des principes. La ministre du travail croit dans le dispositif. Le modèle allemand ne peut pas être importé tel quel en France en raison de traditions et de modes de fonctionnement très différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

L'apprentissage vous passionne, je m'en réjouis ! Le jaune budgétaire donne une vision transversale d'une politique publique en présentant les crédits de plusieurs missions budgétaires. La moitié des apprentis ont plus de 18 ans, je vous renvoie aux statistiques de la Dares pour plus de détails. Avec 405 000 apprentis en 2015 contre 408 000 en 2014, l'objectif de 500 000 apprentis semble difficile à atteindre.

À la suite de notre déplacement en Autriche et en Allemagne, nous n'avons jamais proposé une duplication du modèle allemand ; celui-ci connaît des problèmes de sous-qualification, avec l'augmentation du nombre de jeunes issus de l'immigration, parce qu'il est plus difficile de former des apprentis qui ne maîtrisent pas la langue du pays d'accueil.

Je n'ai pas évoqué le RSA parce qu'il ne relève pas de cette mission. Plus qu'un amortisseur social, c'est un traitement social. Ancien président d'une commission locale d'insertion dans un bassin de 200 000 habitants, je peux témoigner que nous versons le RSA à certaines personnes qui ne remplissent pas les critères d'attribution mais dont c'est le seul revenu.

N'opposons pas la compétence des régions et la responsabilité de l'Etat en matière d'apprentissage. En Allemagne, Etat fédéral - ce qui devrait être plus difficile - l'Etat arrive à se coordonner avec les régions et les partenaires sociaux au sein de l'institut fédéral pour la formation professionnelle (Bibb). En France, cette coordination pourrait être réalisée au sein du Conseil national, de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (Cnefop).

Pendant, les représentants du monde l'entreprise et l'éducation nationale ne se parlaient pas : ils avaient un vocabulaire et des objectifs différents. Les choses sont en train de changer : nous avons tous intérêt à ce que l'apprentissage devienne une filière d'excellence.

Nous pouvons nous retrouver, au-delà des clivages partisans, sur une réforme de l'apprentissage. Nous travaillons avec Mme Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, à une proposition de loi sur ce sujet. Conservons le rôle de l'éducation nationale pour la reconnaissance des diplômes, mais renforçons les liens avec les branches professionnelles pour disposer de formations adéquates. Nous devrons tôt ou tard débattre également du collège unique... Donnons aux apprentis des connaissances générales adaptées aux spécificités des métiers préparés, quitte à les approfondir ensuite. Ce qui compte, c'est donner un emploi aux jeunes pour qu'ils trouvent leur place dans la société. Une volonté forte est nécessaire, et nous ferons des propositions.

Il revient à Pôle emploi, et non au tissu associatif, de coordonner les opérateurs du service public de l'emploi.

On peut soutenir certains contrats aidés comme le CIE-Starter créé par le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté de 2015, puis mis en place par une circulaire interministérielle du 25 mars 2015. Applicable à la sphère marchande, ils sont subventionnés à hauteur de 45 % du SMIC - et non 30 % - pour les jeunes de moins de trente ans en difficulté d'insertion, notamment ceux qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Vivant souvent en marge de la société et s'éloignant des valeurs républicaines, les bénéficiaires peuvent avoir suivi un dispositif de la deuxième chance ou avoir bénéficié d'un emploi d'avenir dans un secteur non marchand.

Je regrette que le ministère de la défense ne soit plus partie prenante des Epide, parce qu'il maintenait l'esprit du service militaire: le lever des couleurs chaque matin, le rassemblement collectif, l'assistance aux cérémonies patriotiques et la vie en commun dans les valeurs de la République. Cela participait d'une éducation citoyenne. La réforme de l'Epide devra être suivie de près.

Pensez-vous réellement qu'une mission locale ou une mission de l'emploi qui s'autoévalue puisse avouer qu'elle ne fonctionne pas bien ? Disons-le tout net : nous n'avons plus les moyens de financer des dispositifs inefficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Mais on peut redistribuer les financements publics car faire de la politique, c'est choisir. On pourrait revoir les missions locales avec le nouveau périmètre des régions. On ne sait jamais quand les fonds européens seront versés et si les aides prévues ne vont pas être supprimées. Les métropoles entrent parfois en concurrence avec les régions : la loi NOTRe n'a pas réglé tous les conflits de compétences ; la notion de chef de file ne me convient pas.

Le Gouvernement a manqué de continuité en matière de formation professionnelle et l'apprentissage. On ne créera pas des emplois sans un sursaut de l'économie. Mais nous pourrions proposer au Gouvernement de moduler la dotation globale de fonctionnement en fonction du nombre d'apprentis dans les collectivités - sur 500 agents, j'ai 12 apprentis - ou d'aider les collectivités à les recruter, comme je l'avais fait dans le département du Rhône pour les collectivités qui recouraient à des sapeurs-pompiers volontaires.

J'ai été très surpris que tout le monde, y compris le directeur général de l'Unedic, m'ait affirmé que nous avions les moyens de rembourser sa dette. Mais si la croissance reprend, les taux d'intérêts s'envoleront, comment ferons-nous avec une dette de 30 milliards d'euros ? Le Gouvernement doit alerter les partenaires sociaux sur les dangers de la dette. Il faut pouvoir respecter ses engagements et préserver l'avenir. Je ne doute pas que vous approuviez mes propositions.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission «Travail et emploi», sous réserve de l'adoption de l'amendement précité de la commission des finances, et un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

La commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Baptiste Lemoyne sur le projet de loi de finances pour 2016 (mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Je crois que nos points de vue ne divergeront pas sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à laquelle nous sommes tous attachés. Le contexte y incite. Il est bien différent de celui de l'an dernier, ou même de celui dans lequel nous avons auditionné le ministre il y a trois semaines. En une nuit, le 13 novembre, tout a basculé et ces attentats nous ont rappelé que la France est engagée dans un conflit d'un nouveau genre, contre une organisation qui combat nos valeurs par la terreur. Ces événements tragiques montrent combien les politiques publiques portées par cette mission sont encore et toujours essentielles dans la perpétuation du pacte républicain. Ils font mentir ceux qui estiment qu'une telle mission est condamnée à s'éteindre progressivement avec la disparition des générations des conflits de l'armée de conscription.

Le budget de la mission s'élève à 2,61 milliards d'euros. Elle est composée de trois grands programmes. Le premier, intitulé « Liens entre la nation et son armée », traite de sujets importants tels que la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et la politique mémorielle, malgré un poids budgétaire limité de 37,5 millions d'euros. Le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » comprend l'ensemble des rentes et pensions versées aux anciens combattants. Il regroupe l'essentiel des crédits de la mission, soit 2,4 milliards d'euros. Le troisième programme a pour objet l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la deuxième guerre mondiale, pour un montant de 100,75 millions d'euros.

Il ne faut pas nier la diminution du nombre de bénéficiaires des principales prestations servies au titre du droit à réparation. Le nombre de titulaires de la retraite du combattant devrait baisser de 4,1 % entre 2015 et 2016, et celui des personnes touchant une pension militaire d'invalidité (PMI) de 4,8 %. En conséquence, le budget de la mission sera, en 2016, inférieur de 4,7 % au niveau qui était le sien en 2015. Cette baisse est inférieure à celle subie cette année mais bien supérieure à des années précédentes.

Il avait été décidé l'an dernier d'élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en opération extérieure (Opex). Cette mesure n'a pas encore d'impact budgétaire car une très faible part des 150 000 militaires qui pourraient en bénéficier a atteint l'âge à partir duquel est versée la retraite du combattant (65 ans) ou est attribuée une demi-part fiscale (75 ans). Rappelons également que la reconnaissance de la Nation en faveur du monde combattant a une traduction non seulement budgétaire mais également fiscale. Le montant des dépenses fiscales associées à la mission s'élèvera à 789 millions d'euros en 2016. Leur rythme d'augmentation est assez dynamique et ce d'autant plus que l'Assemblée nationale a adopté un amendement, contre l'avis du Gouvernement, abaissant à 74 ans l'âge à partir duquel la demi-part est accordée, pour un coût de 44 millions d'euros par an. Je suis moi aussi réservé sur cette mesure et je note que les associations sont avant tout désireuses de stabilité et ne souhaitent pas voir s'ouvrir à nouveau un débat sur les enjeux fiscaux.

A mes yeux, l'un des principaux aspects de cette mission est l'entretien et l'affermissement du lien armée-Nation. Ce n'est pas le plus coûteux - 3,5 millions d'euros - mais c'est celui qui, plus encore depuis les attentats de Paris, doit être développé car il contribue à la cohésion de notre société et à la promotion de ses valeurs. Son principal élément, la JDC, est obligatoire, depuis la suspension de la conscription, pour tous les jeunes Français âgés de 16 à 25 ans. Le nombre de participants, en croissance ininterrompue depuis le début des années 2010 en raison de classes d'âge plus nombreuses, atteindra prochainement les 800 000 par an. Seuls 3 % des classes d'âges concernées continuent de ne pas respecter cette obligation, ce qui les prive de certains droits comme celui de passer le permis de conduire ou les concours organisés par l'Etat jusqu'à l'âge de 25 ans. Il s'agit d'ailleurs d'un sujet dont nous pourrions débattre : ce mécanisme de sanction lié au fait de ne pas avoir fait la JDC ne pourrait-il pas être maintenu après l'âge de 25 ans ?

J'ai assisté la semaine dernière à une JDC au centre du service national de Paris, qui se situe au fort de Vincennes. J'ai pu constater que le recentrage de son contenu sur la présentation des armées et des menaces qui pèsent sur notre pays et auxquelles elles doivent répondre permet désormais de sensibiliser pleinement nos jeunes aux problématiques de défense. Le Sénat débat parfois d'amendements visant à étendre le champ des sujets traités lors de la JDC. Cette journée est déjà très chargée, je crois préférable de la centrer sur les sujets directement liés aux questions de défense. En revanche, dans la mesure où la JDC doit permettre de détecter des personnes en situation de décrochage scolaire ou professionnel, il est légitime qu'une information soit fournie sur tous les dispositifs de soutien à l'orientation et à l'insertion (missions locales, Epide, etc.).

Les deux animateurs de la session, des militaires d'active, sont parvenus à établir un dialogue et lancer un débat avec leur auditoire sur les évolutions du monde contemporain, les valeurs de la République, les droits et les devoirs des citoyens ou encore le devoir de mémoire. Les jeunes ont pu échanger avec des soldats servant dans l'opération Vigipirate et ont fait preuve, au vu du nombre de questions posées, d'un grand intérêt pour la condition militaire et le service de leur pays. Sans doute les événements que nous venons de vivre contribuent-ils à renforcer cet intérêt.

La JDC est le seul moment où toute une génération de Français est en contact avec son armée. C'est également la seule journée où, toutes origines sociales confondues, ils sont brassés et extraits de leur milieu social. Dans le contexte actuel, il me semble qu'elle pourrait également être l'occasion de détecter les comportements qui peuvent constituer des signes avant-coureurs de radicalisation. J'en ai moi-même été le témoin, puisque lors de cette session un jeune a cherché, à plusieurs reprises, à mettre en difficulté les animateurs sur les valeurs de la République et les interventions françaises à l'étranger. Vendredi dernier à Nantes, une jeune femme a refusé de retirer son voile pour participer à la JDC. Ces situations sont traitées au cas par cas et conduisent chaque année à réaliser une cinquantaine de signalements auprès de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Pour en avoir été témoin et au regard du contexte que nous connaissons, j'insiste sur le fait que ce type de journée est réellement utile pour repérer des fragilités.

Je tiens également à dire un mot d'un nouveau dispositif qui ne relève pas de la mission mais contribue très largement au renforcement du lien armée-Nation : le service militaire volontaire (SMV). La loi du 28 juillet 2015 a prévu son expérimentation pour deux ans, sur le modèle du service militaire adapté (SMA) existant outre-mer. Les deux premiers centres ont ouverts cet automne et accueillent pour l'instant environ 210 volontaires, orientés pour la plupart par les missions locales. Ce dispositif vise à permettre véritablement aux jeunes d'acquérir des compétences, de mener à bien leur projet professionnel et de retrouver, grâce au statut militaire, un cadre qu'ils ont parfois perdu. Au total, 1 000 jeunes devraient prendre part, sur deux ans, à l'expérimentation. Positive pour les jeunes, cette expérimentation permet aussi à l'armée de terre, qui s'y est pleinement investie, de démontrer ses capacités d'encadrement et la pertinence de ses valeurs et de son mode d'organisation pour préparer des jeunes à affronter le monde du travail.

Le second volet du lien armée-Nation repose sur la politique de mémoire. Sans y revenir longuement, puisque le ministre l'a détaillée lors de son audition, elle prend plusieurs formes : valorisation et entretien des hauts lieux de mémoire, soutien à des actions pédagogiques comme le concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), organisation des cérémonies nationales et des commémorations ponctuelles. Après une année 2014 marquée par le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire des débarquements alliés en France, puis en 2015 un ralentissement du rythme avec en point d'orgue l'entrée au Panthéon de quatre figures de la Résistance, 2016 verra une nouvelle montée en puissance du cycle commémoratif, avec le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme qui devrait s'organiser autour de deux temps forts. Le 29 mai, une cérémonie réunira à Verdun, autour du Président de la République et de la chancelière allemande, 4 000 jeunes venus de France et d'Allemagne. La bataille de la Somme sera célébrée le 1er juillet, avec une participation active du Royaume-Uni et des pays du Commonwealth. Le budget consacré à cette politique est de 22,2 millions d'euros, en baisse de 5,1 %. Il est toutefois heureux de constater que la Mission du Centenaire, qui joue un rôle clé, est pérennisée. Cette structure très ramassée - 7 ETP - a démontré son efficacité et su mener une politique active de mécénat, même si elle doit parfois composer avec des difficultés bureaucratiques externes.

J'aimerais maintenant insister sur un point qui cristallise les craintes du monde combattant : la modernisation de la politique d'action sociale dont il bénéficie et des opérateurs qui la mettent en oeuvre. Le principal est bien sûr l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac), dont chacun ici connaît le rôle essentiel qu'il joue dans nos départements.

Il a connu depuis cinq ans une profonde évolution de ses missions et de son organisation. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la modernisation de l'action publique (MAP), de nouvelles compétences lui ont été confiées, comme la délivrance de l'ensemble des cartes et titres, l'entretien des sépultures de guerre ou la gestion des prestations à destination des harkis et des rapatriés, afin d'améliorer l'efficience de cette politique publique. Confronté à de tels bouleversements, l'Onac a connu des difficultés d'adaptation et des erreurs de gestion ont été commises, en particulier en matière de commande publique et de systèmes d'information. Je veux parler du fiasco du logiciel Kapta. Une nouvelle direction, en place depuis maintenant deux ans, a redressé la barre. Si sa tâche est loin d'être terminée, j'ai pu constater la mobilisation des personnels en allant les rencontrer.

L'Onac va être confronté à des bouleversements dans les années à venir puisque ce sont bientôt les anciens des Opex qui constitueront l'essentiel de ses ressortissants. Sa direction se met en ordre de marche pour être en mesure de répondre à des besoins et des attentes qui vont évoluer. Cela est indispensable car la Nation doit montrer à ceux qui ont servi dans son armée qu'elle reste présente une fois qu'ils ont quitté le service actif pour les accompagner dans leurs projets. S'y ajoutent des enjeux informatiques importants. A l'heure actuelle, aucun système d'information de gestion des ressources humaines n'est en place : ce sont toujours cinq gestionnaires qui gèrent à la main les 1 700 personnels de l'Onac, faute de pouvoir utiliser les outils développés par l'Etat en la matière. La modernisation passe également par la cession des établissements médico-sociaux de l'Onac à des acteurs publics dont la formation des travailleurs handicapés ou l'hébergement des personnes âgées constitue le coeur de métier. Elle devrait être effective dès 2016 pour les écoles de reconversion professionnelle et au plus tard le 31 décembre 2017 pour les Ehpad, comme le prévoit l'article 33 septies du PLF.

Concernant l'action sociale, j'ai comme vous tous été sensibilisé par les associations aux inquiétudes liées à la disparition de l'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS). Cette aide avait été mise en place en 2007 sur la base d'une simple instruction du directeur de l'Onac. De fait, elle ne disposait pas de la base juridique suffisante pour subsister. Le choix a donc été fait, et validé à l'unanimité par le conseil d'administration de l'Onac, où siège le monde combattant, de remettre à plat cette politique d'aide sociale. 2 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés en 2016 et l'Onac sera bien évidemment attentif au suivi des personnes qui bénéficiaient de l'ADCS.

La typologie des aides va être simplifiée, et ce nouveau mécanisme d'aide individuelle bénéficiera également aux anciens combattants les plus démunis, qui ne pouvaient pas toucher l'ADCS. Ce sont les services départementaux de l'Onac qui étudieront les demandes et des commissions départementales qui prendront la décision d'attribution. Pour diminuer le risque que des inégalités de traitement entre départements n'apparaissent, des instructions devraient être données pour harmoniser les critères (financiers, sociaux, de logement, de précarité, etc.) à prendre en compte. Une commission nationale devrait examiner les recours formulés contre les décisions de rejet d'octroi d'aides.

L'Onac doit par ailleurs développer sa politique à destination de deux nouveaux publics, les anciens des Opex, les harkis et les rapatriés, pour lesquels l'Onac est devenu le guichet unique. Il est indispensable d'améliorer l'information en direction de cette dernière population, toujours légitimement meurtrie par le traitement que la France lui a réservé.

Un mot enfin sur le programme 158, qui porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale. La Commission d'indemnisation pour les victimes des spoliations (CIVS) a été reconduite pour cinq ans. Aucune forclusion des mécanismes concernés n'est envisagée, et les indemnisations se poursuivent, à un rythme certes moins soutenu que dans les années 2000. Il s'agit d'une structure légère, efficiente et mobilisée. La perspective d'une refonte des décrets pour élargir le champ de ces dispositifs à tous les orphelins de guerre ne se rapproche pas puisqu'une telle mesure aurait un coût d'environ 2 milliards d'euros. Le travail de recherche des victimes de spoliations se poursuit. Il faut toutefois savoir que si les oeuvres d'art concentrent, dans ce domaine, l'attention médiatique, elles ne représentent qu'une très faible part des dossiers traités.

J'en viens maintenant aux trois mesures nouvelles prévues dans le cadre de ce budget, dont le coût s'élève 5,2 millions d'euros, soit un niveau très inférieur à celui de la diminution mécanique des crédits, lié à la démographie, qui s'établit à 135 millions d'euros. La mission participe donc activement à l'objectif de réduction des déficits, alors même que certains besoins ne sont sans doute pas encore tout à fait satisfaits.

La première mesure porte sur l'assouplissement des critères de versement et sur le lissage des effets de seuil liés à la majoration spéciale dont bénéficient les veuves de grands invalides qui ont dû cesser toute activité professionnelle pour s'occuper de leur mari (article 49). Le temps passé auprès du conjoint pour pouvoir prétendre au bénéfice de la majoration, que nous avions déjà ramené de 15 à 10 ans, sera l'année prochaine fixé à 5 ans. La deuxième mesure consiste à étendre le bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Algérie agents publics qui avaient liquidé leur pension de retraite avant le 19 octobre 1999, qui correspond à la date à laquelle la guerre d'Algérie a officiellement été reconnue en tant que telle (article 50). Enfin, est mise en place une allocation viagère au bénéfice des conjoints survivants de harkis décédés après la date de forclusion des demandes de l'allocation de reconnaissance instituée par la loi du 23 février 2005, c'est-à-dire depuis décembre 2014 (article 51).

L'Assemblée nationale a par ailleurs ajouté un article additionnel demandant au Gouvernement de réaliser un rapport sur les conséquences du remplacement de l'ADCS (article 51 bis). Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances, a déposé un amendement de suppression de cet article auquel le Gouvernement n'était en effet, pour des raisons constitutionnelles, pas favorable. Quoi qu'il en soit, le secrétaire d'Etat s'est engagé à le réaliser.

Au total, ce budget 2016 ne rogne pas sur les droits acquis, comporte plusieurs mesures nouvelles dont la portée est plus symbolique que financière et n'appelle pas de critique particulière de la part du monde combattant. Il est toutefois regrettable de constater que l'une des principales revendications de ce dernier, le déclenchement d'un travail de réflexion visant à définir les modalités d'un rattrapage du retard accumulé par la valeur du point des pensions militaires d'invalidité, ne reçoive, à ce stade, aucune réponse.

Il convient enfin d'être vigilant sur l'entretien de l'esprit de défense et du devoir de mémoire, qui sont aujourd'hui plus que jamais d'actualité.

Sous ces réserves, vous comprendrez que je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et des articles qui y sont rattachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Je soutiens l'essentiel des propos de notre rapporteur mais ne partage pas entièrement ses conclusions. Mon expérience personnelle me montre que le monde combattant est très critique. Je pense en particulier à l'ADCS, dont les conditions d'accès se sont progressivement restreintes. Depuis le mois de juin, seuls des secours exceptionnels peuvent être attribués. 2 millions d'euros vont être attribués à l'Onac, ce qui veut dire 20 000 euros par département, ce qui est loin d'être suffisant. Qu'en est-il de l'utilisation des fonds propres de l'Onac ? Vont-ils être mobilisés pour financer les aides qui seront attribuées ? Il est prévu de mettre en place une gestion décentralisée, ce qui n'est pas nécessairement source de simplification.

Le monde combattant est très attentif à la valeur du point des pensions militaires d'invalidité. Il a raison car je crois que celui-ci n'évolue pas au niveau qui devrait être celui traduisant toute notre reconnaissance aux anciens combattants. Le plafond de la rente mutualiste n'a pas non plus été modifié depuis 2007.

Le ministre a tenté de nous rassurer sur la question du maillage territorial assuré par l'Onac. Je crains malgré tout que nous n'allions vers une régionalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Ce budget n'échappe pas au dogme de la réduction des dépenses publiques. La baisse des crédits, moins élevée en 2016 qu'en 2015, est bien évidemment liée à des évolutions démographiques. Il n'en demeure pas moins que le maintien de l'enveloppe de financement actuelle permettrait de répondre à nombre des revendications du monde combattant.

Le ministre est un très bon communiquant. Les trois avancées annoncées sont symboliques. S'agissant des veuves de grands invalides, il est difficile de connaître l'impact exact de la mesure proposée. Nous savons par ailleurs que les mesures relatives à la campagne double ne toucheront qu'un petit nombre de personnes et nécessiteront des démarches auprès de la sous-direction des pensions, qui est particulièrement encombrée. Le ministre a beaucoup moins communiqué sur l'abandon regrettable de l'ADCS, qui avait le mérite de garantir à ses bénéficiaires un revenu au niveau du seuil de pauvreté. Depuis le mois de juin, seules des aides exceptionnelles peuvent être attribuées. Il s'agit d'un retour en arrière d'autant plus surprenant que le ministre affirmait encore, il y a peu, que l'aide était nécessaire et qu'elle pourrait être étendue aux anciens combattants eux-mêmes.

Je m'exprimerai en séance publique sur le lien entre l'armée et la nation, très important, en particulier dans le contexte exceptionnel que nous vivons.

Notre groupe ne suivra pas l'avis favorable du rapporteur à l'adoption des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je suis étonné par le contraste qui existe entre la France et le Royaume-Uni s'agissant du soutien manifesté à nos anciens combattants. Disposez-vous d'éléments de comparaison entre les deux pays s'agissant des budgets consacrés au devoir de mémoire et au soutien aux anciens combattants ? Au Royaume-Uni, la mobilisation nationale en faveur de la vente et du port des coquelicots, dès le premier novembre, est impressionnante et bien plus importante que celle que nous connaissons ici autour du Bleuet de France. Vendredi dernier à Londres, j'ai écouté un militaire ayant été blessé en Irak raconter son expérience. Nous avons besoin de ce type de témoignages, qu'ils viennent d'anciens combattants de la guerre d'Algérie ou de conflits plus récents. La communauté nationale doit être mobilisée sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Existe-t-il une durée minimale d'engagement dans une Opex pour recevoir la carte du combattant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Le rapporteur a bien illustré le rôle de la JDC. Elle est un outil intéressant de détection de l'illettrisme et de difficultés sociales majeures.

Le monde combattant est très attaché à la présence dans chaque département d'un service de l'Onac. Quelles sont les perspectives d'évolution de la présence de l'Onac sur nos territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

L'article 51 corrige la loi de programmation militaire adoptée en juillet dernier et revient partiellement sur l'article 52 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 en levant la forclusion qui s'appliquait aux demandes d'allocations de reconnaissance. Cet article reprenait un article déjà déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel en 2011 et qui définissait de façon injuste les modalités d'attribution de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés membres des forces supplétives de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. L'introduction de cette disposition m'avait d'ailleurs conduit, avec de nombreux collègues, à déposer une proposition de loi sur le sujet en 2014. Deux types de statut peuvent s'appliquer aux membres des formations supplétives : le statut civil de droit local - les arabo-berbères - et le statut civil de droit commun - de souche européenne. Ce sont ces derniers qui étaient exclus par la loi de programmation militaire, alors même que seules 500 personnes seraient concernées pour un budget d'environ 15 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Pour répondre à Jean-Marie Morisset, j'ai simplement voulu indiquer que les réactions à ce budget demeuraient relativement modérées dans le monde combattant. Mais les regrets sont effectivement partagés s'agissant de l'absence de revalorisation du point des pensions militaires d'invalidité. Je crois qu'il nous faut engager une réflexion sur la question, comme cela a été fait cette année s'agissant des veuves de grands invalides. On peut par ailleurs noter que certaines revendications du monde combattant ont disparu.

L'aide sociale de l'Onac bénéficiera en effet de 2 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2016. Les sommes jusqu'à présent consacrées à l'ADCS sont maintenues, ce qui devrait permettre à l'Onac de disposer d'une marge de manoeuvre notable, notamment pour certains anciens combattants qui pouvaient jusqu'à présent vivre en dessous du seuil de pauvreté sans avoir droit à l'ADCS. Les demandes seront effectivement traitées au cas par cas dans le cadre de commissions départementales et, si on peut craindre un certain manque d'homogénéité, des mesures seront prises pour garantir l'équité sur tout le territoire. Depuis 2010, les crédits consacrés à l'aide sociale ont augmenté de 30 %.

Il existe bien sûr d'autres revendications, par exemple pour permettre aux militaires ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964 de bénéficier de la carte du combattant au titre des Opex.

S'agissant du maillage territorial de l'Onac, on observe aujourd'hui une activité parfois intense dans des services départementaux qui disposent pourtant de peu de personnels. Pour autant, s'il faut rester attentif à ce que le maillage départemental soit maintenu tant que la troisième génération du feu est encore en vie, il ne sera plus forcément le plus pertinent à l'avenir. D'ici une dizaine d'années, l'Onac devra nécessairement s'être réorganisé car les publics dont il aura la charge auront eux-mêmes changé.

En ce qui concerne les veuves des grands invalides, les appréciations peuvent en effet être différentes. L'article 49 trace un chemin de crête qui résulte des réflexions engagées par le groupe de travail en 2015. Effectivement, Dominique Watrin a raison de souligner le faible poids des mesures nouvelles.

Nous n'avons pas effectué de comparaisons avec le Royaume-Uni mais je retiens la suggestion d'Olivier Cadic. Ce pays a en effet su développer une fibre très particulière vis-à-vis de ses anciens soldats.

En réponse à la question de Jean Desessard, je peux vous indiquer qu'il faut avoir passé quatre mois en Opex pour recevoir la carte du combattant.

Olivier Cigolotti a souligné le rôle que peut jouer la JDC pour détecter certains comportements. Je ne peux que souscrire à son propos, ayant eu moi-même l'occasion d'observer une situation de ce type.

Bruno Gilles nous a alertés sur les supplétifs au statut civil de droit commun. Je ne peux que l'encourager à déposer un amendement sur la question afin d'engager le débat avec le ministre.

On peut effectivement avoir quelques regrets d'un point de vue budgétaire. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont adopté un amendement abaissant de 75 à 74 ans l'âge auquel est attribuée une demi-part fiscale aux titulaires de la carte du combattant, qui représentera une dépense fiscale de 44 millions d'euros. Peut-être une telle somme aurait-elle pu être mieux utilisée autrement. Quoi qu'il en soit, ne considérons pas ce PLF comme un point d'arrivée mais comme le point de départ d'une réflexion pour l'année 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le groupe socialiste soutient la conclusion du rapporteur de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. La remise à plat des aides sociales est un sujet important qu'il faudra suivre de près. Même d'ampleur limitée, les mesures nouvelles ont une importance symbolique, en particulier s'agissant des harkis que nous avons trop longtemps négligés.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et des articles 49, 50, 51 et 51 bis rattachés du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée à 11 h 55.