Monsieur le Président, mes chers collègues, en 2016, la gendarmerie nationale sera dotée d'environ 8,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de + 2,4 % par rapport à 2015. Les crédits de paiement s'élèveront quant à eux à 8,1 milliards d'euros, en hausse de + 0,8 %.
Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales, qui représentent comme en 2015 environ 85 % des crédits du programme, se montent en 2016 à près de 6,9 milliards d'euros, soit une hausse de + 0,7 % par rapport à 2016.
Au sein du « hors titre II », les dépenses de fonctionnement s'établiront en 2016 à 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,16 % par rapport à 2015.
Par ailleurs, les dépenses d'investissement s'élèveront à 103 millions d'euros, soit + 18,5 millions d'euros par rapport à 2015.
Enfin, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement traduisant le plan de lutte contre l'immigration clandestine et qui prévoit environ 19,8 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement ainsi que 370 postes supplémentaires. Au cours d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement du Gouvernement, qui prévoit une baisse de 20 millions d'euros des crédits des programmes police nationale et gendarmerie nationale afin de contribuer au respect de la norme de dépense en valeur de l'État.
Au total, la hausse des crédits de paiement demandés pour la gendarmerie sera de +1 %, contre +0,8 % avant adoption des deux amendements. Cette hausse reste modérée et ne traduit pas encore selon moi un effort suffisant, à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous vivons.
Certes, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Favier, nous a quelque peu rassurés sur la question du dégel de la réserve.
Comme vous le savez, le taux de mise en réserve est passé à 8 % en 2015. S'appliquant à l'ensemble des dépenses hors titre II, la réserve se montera ainsi à 98 millions d'euros environ pour la gendarmerie, soit 1,2 % des crédits de la mission en 2016. Or, les dépenses hors titre II de la gendarmerie nationale sont très rigides. À titre d'exemple, les loyers se monteront à eux seuls à plus de 500 millions d'euros en 2016, les dépenses d'énergie et fluides à 84 millions d'euros, etc. Au total, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie sont à 75 % des dépenses obligatoires, loyers et paiements contractuels.
Dès lors, la levée de la réserve est essentielle pour assurer le paiement des nouveaux équipements indispensables aux activités des forces de la gendarmerie.
Or, le ministre de l'Intérieur a précisé, lors de son audition devant notre commission le 3 novembre dernier, en ce qui concerne l'exercice 2015, qu'un dégel de 38 millions d'euros a eu lieu le 23 septembre permettant de couvrir les dépenses de la gendarmerie mobile et d'acquérir des véhicules et des munitions, des discussions étant en cours pour le déblocage du solde. Ensuite, en ce qui concerne l'exercice 2016, il a annoncé que le dégel des crédits aurait lieu dès le début de l'année afin que les moyens nécessaires à l'acquisition des véhicules, des protections, des armes et des munitions soient disponibles.
Un effort est certes également accompli en ce qui concerne les effectifs.
Après une augmentation de 162 postes en 2015, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une augmentation de 554 nouveaux postes. Aux 184 postes prévus par le PLF 2016 initial s'ajoutent en effet 370 postes prévus par le plan de lutte contre l'immigration clandestine.
Il faut cependant tenir compte de l'écart entre le plafond d'emplois et les effectifs réels. Le programme gendarmerie se caractérise en effet par une sous-exécution particulièrement importante de ce plafond d'emploi, écart de près de 2 000 emplois souligné par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire 2014.
Cette sous-exécution est due à un écart persistant entre la masse salariale prévue et le plafond d'emplois et a tendance à fausser quelque peu la discussion budgétaire. Il conviendra donc de le réduire autant que possible à l'avenir.
Au total, le budget de la gendarmerie, comme celui de l'ensemble des forces de sécurité, tel qu'il est prévu par le PLF 2016 dans son état actuel, ne me semble pas répondre de manière adéquate au terrible défi qui nous est lancé.
D'abord, bien que les augmentations d'effectifs ne soient pas négligeables, elles ne seront pas suffisantes à elles seules pour rendre la gendarmerie plus efficace compte tenu de l'affaiblissement qui se poursuit des moyens de fonctionnement. Cet affaiblissement touche tous les aspects du fonctionnement courant de la gendarmerie ainsi que les véhicules. En fait, ce budget accentue l'évolution qui fait du programme 152 un budget de plus en plus consacré aux crédits de personnels, qui dépassent 85 % du total. Parallèlement, les moyens de fonctionnement et d'investissement qui seraient nécessaires pour renouveler les véhicules, moderniser les systèmes informatiques et donner aux enquêteurs les moyens de répondre aux immenses défis qui se posent à eux aujourd'hui, ne sont pas assurés.
Avant de conclure, je voudrais évoquer le sujet des associations professionnelles de militaires (APNM). Nous avons en effet reçu l'association « Gend XXI ». Comme vous le savez, c'est la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire qui a permis la constitution de ces nouveaux organismes.
Aujourd'hui, l'association Gend XXI s'est donc constituée en APNM. Elle est actuellement en discussion avec des associations des autres armées pour créer une fédération. L'association « Gendarmes et citoyens » a également modifié ses statuts et est désormais dirigée par des gendarmes actifs. Elle devrait rapidement se transformer en APNM. Enfin, l'association de défense des droits des militaires-gendarmerie (ADEFDROMIL) est également en cours de constitution en APNM.
Je note que l'association que nous avons entendue a tenu un langage modéré et respectueux de l'institution. Je pense, à titre personnel, que les associations peuvent être utiles en permettant une meilleure remontée des difficultés rencontrées par les gendarmes, ce qui est positif : ils ont parfois tendance à être excessivement silencieux ! Il faudra toutefois rester vigilant. Les représentants de Gend XXI nous ont ainsi dit que si les associations estimaient ne pas être assez associées au dialogue interne, elles seraient naturellement tentées de parler davantage aux médias, ce qui ne serait pas forcément une bonne chose !
Pour conclure, le budget qui nous est présenté ne me semble pas, en l'état, à la hauteur de la menace, en particulier de la menace terroriste dont nous avons malheureusement pu mesurer l'intensité vendredi. Le Président de la République a annoncé des moyens supplémentaires en personnel pour l'ensemble des forces de sécurité. Il est nécessaire que les moyens de fonctionnement suivent ! En l'absence de précisions suffisantes à ce stade sur la manière dont cet effort supplémentaire sera intégré au PLF 2016, je vous propose que la commission donne un avis de sagesse aux crédits du programme 152. Nous pourrons ensuite nous déterminer à titre personnel, en fonction des précisions qui nous seront données par le ministre de l'Intérieur en séance, selon que nous jugerons l'effort prévu suffisant ou non.
Je laisse maintenant la parole à Michel Boutant.