Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 novembre 2015 à 17h45
Loi de finances pour 2016 — Programme 152 - gendarmerie nationale - mission « sécurités » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel BoutantMichel Boutant, rapporteur pour avis :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je souligne d'abord que, par rapport au budget initialement présenté, de nouvelles annonces ont été faites à la suite des attentats du 13 novembre, dont la création de 5 000 postes supplémentaires pour les forces de sécurité dans les deux prochaines années. En ce qui concerne le fort taux de dépenses de personnel du programme, il en a toujours été ainsi et c'est une situation normale. Quant aux fortes dépenses de loyer, elles sont la contrepartie de l'obligation de disponibilité des gendarmes.

Je souhaite ensuite évoquer deux sujets pour lesquels un effort budgétaire particulier a été engagé.

En premier lieu, comme les autres forces de sécurité, la gendarmerie nationale est, depuis les attentats du mois de janvier, en première ligne pour lutter contre le terrorisme.

Dans le cadre du plan global de lutte contre le terrorisme du 21 janvier 2015, le décret d'avance du 9 avril 2015 a ainsi permis un effort budgétaire particulier.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le décret a prévu 35 millions d'euros pour le programme 152, dont 12 millions d'euros pour les dépenses de personnel. Il a ainsi permis de financer 18,9 millions d'euros de nouveaux équipements : véhicules, armements et équipements de protection, notamment pour intensifier la lutte contre les drones malveillants et renforcer les moyens du Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et des pelotons d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) ; 2 millions d'euros dans le cadre d'un plan de renforcement et de modernisation technologique des services ; 2,1 millions d'euros de dépenses liées aux recrutements.

En outre, les dépenses de personnel supplémentaires ont permis d'augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale de 100 ETPT au titre du renseignement territorial et d'unités opérationnelles des services spécialisés ainsi que de mobiliser les réserves civile et opérationnelle, qui vont sans doute être encore plus mobilisées à l'avenir.

L'effort budgétaire au titre de la lutte anti-terroriste se poursuivra en 2016 avec un montant de 5,2 millions d'euros notamment consacrés à la modernisation informatique de la gendarmerie.

En matière de lutte anti-terroriste, je souhaite souligner le travail accompli par la sous-direction à l'anticipation opérationnelle (SDAO), créée en 2012 pour doter la gendarmerie d'un niveau de centralisation du renseignement recueilli par les brigades sur le terrain. La SDAO coordonne ainsi le renseignement opérationnel, notamment à travers le service spécialisé de veille et d'exploitation de l'information d'alerte. Elle enrichit le dispositif anti-terroriste national et transmet les informations obtenues en zone gendarmerie aux services spécialisés, en concertation avec le service central du renseignement territorial (SCRT).

Lors de son audition du 3 novembre, le ministre de l'Intérieur nous a ainsi indiqué que la gendarmerie a été à l'origine de 41 signalements de départ vers les zones de djihad et qu'elle avait recueilli et partagé 25 notes de renseignement en lien avec les investigations à l'occasion de l'enquête sur les attentats de Charlie Hebdo. Enfin, les opérations de lutte contre la cybercriminalité, désormais basées au nouveau pôle de Pontoise, complètent l'éventail de la lutte anti-terroriste.

Le décret désignant le « deuxième cercle » des services de renseignement, prévu par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, a d'ailleurs été examiné par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La SDAO pourra ainsi utiliser une grande partie des techniques ouvertes aux services de la communauté du renseignement, à l'exclusion, notamment, de certains algorithmes utilisés dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

Deuxième sujet d'actualité qui a des conséquences importantes pour le budget de la gendarmerie, la gestion de la « crise migratoire » que nous connaissons depuis quelques mois.

Un total de 900 ETPT supplémentaires vont ainsi être recrutés dans les unités de forces mobiles de la police et de la gendarmerie et au sein de la police de l'air et des frontières, dont 370 pour la gendarmerie mobile. En effet, les forces mobiles sont déjà particulièrement utilisées depuis le début de l'année, soit dans le cadre du plan Vigipirate, soit aux frontières (Calais, Vintimille).

Je voudrais ensuite évoquer l'effort positif accompli pour préserver les « fondamentaux » de la gendarmerie nationale dans un contexte budgétaire globalement restrictif.

Les crédits hors titre 2 augmenteront de 1,36 %. Le programme Gendarmerie contribue à l'effort de redressement des finances publiques mais son caractère prioritaire est ainsi manifeste. Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a fait part de sa satisfaction à cet égard même s'il a également indiqué que les crédits demeureront un peu inférieurs aux niveaux de renouvellement optimal des moyens.

À titre d'exemple, un montant de 40 millions d'euros sera consacré en 2016 au renouvellement du parc automobile, soit les crédits nécessaires à l'acquisition de 2 000 véhicules supplémentaires. Ce nombre n'atteint toujours par le seuil de 3 000 véhicules permettant d'assurer un renouvellement normal des voitures mais il traduit un effort certain par rapport aux années précédentes.

Il convient également de souligner l'importance du plan triennal d'urgence pour le traitement des logements les plus délabrés du parc domanial, dont la mise en oeuvre a débuté en 2015 et dont la déclinaison pour 2016 prévoit 70 millions d'euros en autorisation d'engagement pour réhabiliter environ 5 000 logements. Ce plan d'urgence est essentiellement destiné à l'entretien et la réhabilitation des logements en vue de supprimer les « points noirs ». Le plan prévoit ainsi d'engager une trentaine d'opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes ainsi que les secondes phases de réfection du clos et du couvert des casernes de Bouliac et de Gap.

Enfin, le déploiement du projet NEOGEND permettra de doter les gendarmes d'outils mobiles d'accès aux systèmes d'information, dans une logique de proximité et de souplesse dans l'emploi des forces, en particulier en milieu rural. Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a ainsi fait part du projet de doter l'ensemble des gendarmes de terrain d'une tablette informatique permettant d'automatiser de nombreuses tâches répétitives. A ce plan centré sur la mobilité, s'ajoutera le volet 2016 du plan de modernisation technologique de la gendarmerie qui permettra de développer des dispositifs de pré-plaintes en ligne ou encore d'aide à la décision s'appuyant sur les données de masse (Big Data).

Enfin, je voudrais évoquer le bilan selon moi très positif de l'utilisation de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. De toutes les réserves militaires, c'est celle qui fonctionne le mieux. En 2014, environ 23 000 réservistes ont été mobilisés pour 468 452 jours d'activités. Les réservistes ont été intégrés en 2015 dans le dispositif opérationnel de lutte anti-terroriste mis en place par la gendarmerie nationale. Ils ont ainsi renforcé les unités territoriales sous forme de détachements autonomes (détachements de surveillance et d'intervention), participé à la sécurité et à la surveillance des sites sensibles et apporté de manière permanente un soutien au dispositif de renseignement et d'information de la gendarmerie. Ils jouent en effet, grâce à la diversité de leur recrutement, le rôle de « capteurs » auprès de leurs lieux de résidence et des milieux socioprofessionnels auxquels ils appartiennent.

En conclusion, même si la situation budgétaire reste tendue et malgré certains points noirs persistants comme l'immobilier domanial, pour lequel un effort important sera toutefois fait en 2016, les crédits de la gendarmerie nationale sont préservés et même renforcés dans certains domaines. En outre, la posture de la gendarmerie a été dûment adaptée au contexte sécuritaire issu des événements de janvier dernier et la récente crise migratoire a également été réellement prise en compte. Dès lors, nous avons toutes les raisons de donner un avis favorable à ce budget.

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