Intervention de Gérard César

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Mission « agriculture alimentation forêt et affaires rurales » - examen du rapport pour avis

Photo de Gérard CésarGérard César, rapporteur pour avis :

Comme cela était prévu dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, les crédits en faveur de l'agriculture diminueront une nouvelle fois en 2016. Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'élève à 2,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse, considérable, de 9 % en AE et de 6,5 % en CP. Le budget du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », pour sa part, (Casdar) reste stable : 147,5 millions d'euros en dépenses comme en recettes.

Certes, une partie de la réduction de l'enveloppe de cette mission s'explique par la prise en charge par la PAC ou d'autres budgets de dispositifs qui demeurent. Néanmoins, certaines baisses résultent de choix politiques : dans le contexte de crise actuelle, on peut s'étonner que les besoins budgétaires pour 2016 aient été estimés au plus juste, sans marge de manoeuvre.

J'en viens aux quatre programmes de la mission.

Avec 1,39 milliard d'euros en AE et 1,3 milliard en CP, le programme 154 qui porte les dispositifs d'intervention économique en faveur de l'agriculture reste le principal programme de la mission. C'est aussi celui qui enregistre l'essentiel des baisses puisque la dotation l'an dernier était de 1,62 milliard d'euros en AE et 1,42 milliard en CP. La forte baisse des AE s'explique par le fait que les mesures agroenvironnementales ont été budgétées en 2015 pour cinq ans. Les crédits correspondants disparaissent donc en 2016. Le reste des baisses d'AE et de CP, soit environ 120 millions, s'explique par la fin du soutien à l'assurance récolte par le budget national, l'ensemble des financements passant sur crédits européens et par le transfert d'une partie importante des prêts à l'installation des jeunes agriculteurs au budget européen.

Parmi les points positifs, notons le maintien de l'enveloppe d'aide aux filières ultramarines, à hauteur de 86,4 millions d'euros, ou encore l'augmentation de 30 millions d'euros de l'enveloppe destinée à financer le plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), qui s'élève à 86 millions, mais ce sont les AE qui augmentent, pas les CP qui passent de 45 millions à 30 millions d'euros. Il faudra donc des crédits en 2017, sinon le PCAE aura été un jeu de dupes.

Ce budget n'est pas à la hauteur des attentes en matière de crédits de crise : les dispositifs « Aide aux exploitations agricoles en difficulté » (Agridiff) et le fonds d'allègement des charges (FAC) sont dotés d'à peine plus de 3 millions d'euros, comme l'année dernière, alors que le FAC 2015 a mobilisé 100 millions d'euros. Le reste des lignes budgétaires étant calculées au plus juste, je crains qu'il ne soit pas possible d'abonder le FAC sur les marges de manoeuvre budgétaire du ministère, si la crise agricole se poursuit en 2016.

FranceAgrimer fera le plus d'efforts avec une baisse de ses crédits de fonctionnement de 3,5 % alors qu'il est demandé à ses agents de gérer plus de 20 000 dossiers dans le cadre du plan de soutien à l'élevage. L'établissement, qui finira l'année avec un déficit de 600 000 euros (sur un budget de 125 millions) devra faire des choix douloureux entre ses missions. Auditionné, le directeur de FranceAgrimer m'a fait part de ses inquiétudes. Au-delà de ces questions budgétaires, cet opérateur gère une enveloppe de soutiens économiques, dont les sources sont désormais multiples : programme 154, crédits d'expérimentation du Casdar, programme des investissements d'avenir, taxes fiscales affectées. Rien ne garantit cependant que la totalité de cette enveloppe sera réellement disponible. Ainsi, la taxe fiscale affectée sur les céréales est réduite en 2016, supprimant le financement des actions économiques dans ce secteur. Les crédits du Casdar ne suffisent déjà pas, puisqu'il y a deux fois plus de demandes que de crédits disponibles sur le programme d'expérimentation.

Les crédits du programme 154 sont calculés au plus juste. Il n'y a aucune marge de manoeuvre et il faudra ouvrir des crédits supplémentaires en cas de problème. C'est d'ailleurs ce que fait le projet de loi de finances rectificative pour 2015, actuellement en discussion à l'Assemblée, à hauteur de plus d'un milliard d'euros, essentiellement pour prendre en compte le refus d'apurement communautaire sur le calcul des aides à la surface.

Mes collègues vous donneront des précisions sur le programme 149 consacré à la forêt : avec 277,7 millions d'euros en AE et 291,3 millions en CP, il dispose d'une enveloppe quasi-identique à celle de la loi de finances précédente, marquée par une forte baisse des crédits. L'Office national des forêts (ONF) percevra près des deux tiers des crédits de ce programme. Alors que le Centre national de la propriété forestière (CNPF) avait dû puiser dans ses réserves, n'ayant pas eu de dotation en 2015, sa subvention réapparaît pour 2016.

Avec 494,8 millions d'euros en AE et 486,5 millions en CP, le programme 206 consacré à la sécurité sanitaire est en très légère baisse. Le pari budgétaire consiste à réduire les dépenses d'indemnisation en cas de problème sanitaire, grâce au développement de mécanismes alternatifs d'indemnisation non pas par l'État mais par le fonds de mutualisation sanitaire et environnementale, mais aussi grâce à une maîtrise parfaite du risque. Or, ce pari est optimiste, dans un contexte de résurgence de la fièvre catarrhale ovine (FCO) et de persistance de la tuberculose bovine, ainsi que de l'apparition de nouvelles menaces pour les animaux comme pour les végétaux. Mais c'est le pari fait depuis plusieurs années.

Avec 659,6 millions d'euros en AE et 664 millions en CP, le programme 215 consacré à la conduite et au pilotage des politiques de l'agriculture, qui porte essentiellement les crédits de personnel du ministère de l'agriculture, est en baisse sensible de plus de 50 millions d'euros. Cette diminution s'explique par environ 200 suppressions d'emploi, conformément au programme triennal, mais aussi et surtout par le transfert de 400 emplois des services déconcentrés chargés des missions d'environnement sur le budget de l'écologie (programme 217). Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas utilisé ce budget pour répondre aux attentes fiscales des agriculteurs. Les assises de la fiscalité agricole début 2014 n'ont toujours pas abouti, ayant bloqué sur la réforme du forfait agricole. Pourtant, les propositions ne manquent pas, comme la simplification de la déduction pour aléas, afin qu'elle soit davantage utilisée par les agriculteurs, ou encore l'élargissement de la déduction pour investissement aux bâtiments d'élevage.

La proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture, que vous allez prochainement nous présenter, Monsieur le Président, avec plusieurs collègues, comble les lacunes de la loi de finances en la matière.

Cette mission ne répond pas aux attentes des agriculteurs. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». En revanche, je suis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

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