Merci, mes chers collègues, pour la richesse de vos témoignages. En effet, les questions auxquelles nous sommes confrontés sont particulièrement difficiles à résoudre.
Je partage l'opinion de M. le rapporteur spécial de la Commission des finances sur la mixité fonctionnelle. Nos collègues MM. Jean-Pierre Bosino et Joël Labbé l'ont signalé : nos quartiers sont monofonctionnels et ce, à grande échelle. Une telle configuration est le résultat de la politique conduite après la seconde guerre mondiale. Il faut que nous nous interrogions sur la réalité de notre urbanisme. Tous nos plans locaux d'urbanisme (PLU) sont fondés sur des fonctions : nous ne travaillons pas où nous dormons et nous faisons nos courses dans de grandes zones commerciales. Cet urbanisme fonctionnel est une source de difficultés. Lorsqu'on a tenté d'implanter des entreprises dans des quartiers d'habitat, tous les maires savent ce qui s'est passé ! Cet urbanisme fonctionnel a été poussé à son paroxysme dans les grands ensembles. C'est un réel problème qui nous est posé. Lorsque des chercheurs analysent les conditions d'élaboration des PLU, ils mettent en exergue le rôle nodal des « dormeurs ». Ainsi, seules les personnes qui dorment, c'est-à-dire les habitants, dessinent la configuration de nos villes, tandis que les acteurs économiques sont exclus de la réflexion des PLU. A l'inverse, dans d'autres pays comme en Belgique, les quartiers en difficulté se trouvent au coeur des villes-centres tandis qu'en France, ils se trouvent dans les banlieues. Cette différence est la conséquence de notre histoire.
Sur l'artisanat, j'ai été présidente de l'EPARECA et, à ce titre, j'ai pu faire en sorte que cet établissement puisse intervenir non seulement pour les commerces, mais aussi pour les artisans. Cette possibilité est importante en ce qu'elle permet de générer de l'activité.
La question des avances dans le cadre du PNRU représente en effet un réel problème.
L'observation de notre collègue, M. Frank Montaugé, est importante et elle rejoint l'intervention de Mme Sophie Primas sur la fin de l'éligibilité de certains quartiers à la politique de la ville. J'ai co-présidé la Concertation nationale sur la réforme de la politique de la ville et je dois dire que la prise en compte du critère de pauvreté a permis de retenir un certain nombre de quartiers qui n'étaient pas jusqu'alors éligibles. De mémoire, je rappellerai que le montant considéré est de 7.800 euros de ressources annuelles par ménage.
Je retiens vos propos, mes chers collègues et je pense, comme l'évoquait Madame Valérie Létard que nous pourrons évaluer la situation des quartiers qui ont connu soit la perte de leur éligibilité aux dispositifs de la politique de la ville soit ne sont pas éligibles à ces dispositifs comme l'a évoqué M. Martial Bourquin. Il y a vingt ans, je participais déjà aux travaux de la Commission Cavaillé sur la préfiguration des contrats de ville et, en matière d'habitat social, j'ai toujours été hostile à retenir comme unique critère l'habitat social. Le nombre d'allocataires des caisses d'allocations familiales (CAF) qui disposent de statistiques actualisées chaque année me paraît un bien meilleur indicateur de la pauvreté des populations des communes, car celui-ci recense concomitamment les habitants des parcs publics et privés.
Sur les crédits de droit commun, je pense qu'autant la politique de la ville doit viser au rattrapage et à résoudre des problèmes très complexes, autant le droit commun d'aujourd'hui, comme héritage d'une conception sociale issue du programme du Conseil national de la Résistance qui visait à instiller l'égalité dans toutes les politiques régaliennes, me paraît devoir être actualisé. Pour assurer l'équité, ne faudrait-il pas instaurer un certain nombre de critères inégalitaires dans un certain nombre de ces politiques régaliennes, comme la police, la justice et l'éducation ? Dans certains quartiers, il faudrait mettre un instituteur pour dix élèves dans les classes, tandis que dans d'autres quartiers en proie à de moindres problèmes, un instituteur pour trente élèves pourrait s'avérer suffisant. Il faut que nous réfléchissions à cette question.
A la question posée par notre collègue Mme Élisabeth Lamure, il nous a été indiqué que cette Agence France-Entrepreneur aura vocation à encourager la création d'entreprises dans « les territoires fragiles économiquement », et en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville en favorisant la création d'entreprise pérenne, en luttant contre un taux très élevé d'échec et en aidant au développement des petites et moyennes entreprises. Dirigée par M. Mohed Altrad, cette agence prendra appui sur les acteurs oeuvrant pour le développement économique tels que Citelab, BGE, Adie, ou encore Réseau entreprendre. L'agence bénéficiera d'une mutualisation des moyens existants et il nous faudra vérifier que ceux-ci s'élèvent bel et bien à 3,5 millions d'euros. À cette fin, le gouvernement a souhaité que les crédits destinés à cette agence soient regroupés au sein de la mission « Économie ». En conséquence, les députés ont adopté un amendement diminuant les crédits du présent programme de 660 000 euros, afin de les affecter au sein de la mission « Économie ». Nous essaierons ainsi d'assurer cette veille des activités et du financement de cette nouvelle agence.
Je partage ce qu'a dit notre collègue, Madame Marie-Noëlle Lienemann, sur le vivre ensemble. Aujourd'hui, c'est moins la construction de logements que l'accessibilité des loyers qui pose problème. On peut certes construire des logements, mais à partir du moment où ceux-ci ne sont pas accessibles aux populations qui continuent, quant à elles, de se concentrer dans un certain nombre de quartiers, nous manquons notre cible. Aujourd'hui, le coût du foncier représente le premier facteur de ségrégation en France. Il nous faut conduire une réflexion sur cette question, ce que nous avons commencé à faire avec la mission conduite par notre ancien collègue M. Thierry Repentin. Cette ségrégation des quartiers se retrouve à l'école et je souscris tout à fait à ce qui a été dit sur le CNED. Il faudrait ainsi faire en sorte que ce ne soit plus les maires qui vérifient si les enfants sont scolarisés et il faut arrêter d'accorder des dérogations qui se multiplient dans un certain nombre de villes. On ne sait pas ce que deviennent par la suite ces enfants !
Avec les événements survenus en France, chaque famille aujourd'hui est confrontée au risque d'une stigmatisation accrue. Avoir un logement, un emploi, du respect et de l'espérance, c'est essentiel. A défaut, les problèmes de cohésion sociale ne peuvent que survenir. Les politiques de droit commun doivent vraiment évoluer pour prendre en compte la spécificité des territoires, mais une telle démarche suppose que les régions, les départements et les métropoles se mettent ensemble autour d'un projet, ce que du reste, nos collègues MM. Martial Bourquin et Jean-Pierre Bosino appellent également de leurs voeux. Il faut vraiment retrouver cette phase de projet afin que les efforts soient recentrés vers les quartiers qui en ont le plus besoin. Il est vrai qu'une telle démarche peut s'avérer complexe. Je partage également ce que notre collègue, Mme Valérie Létard, a dit sur l'ANRU. Ce n'est pas parce qu'Action logement finance, que les programmes de réhabilitation doivent se limiter à la démolition de logements, même si celle-ci est essentielle dans un certain nombre de sites. Il faut refaire la ville dans la durée. Il importe ainsi que l'ANRU ne connaisse pas deux ou trois années de moindre activité.
Comme l'évoquait notre collègue M. Michel Le Scouarnec, les maires sont confrontés au problème de la mixité sociale et agissent pas à pas en ce sens. À la suite également de la question posée par notre collègue Mme Sophie Primas, pour résoudre les problèmes de mixité et de ghetto, il faut investir dans la culture et dans le sport. Une telle démarche repose sur les politiques de droit commun et ce, au moins au départ.
Comme je l'indiquais à Monsieur le ministre de la ville, il importe d'informer davantage sur les réussites dans nos quartiers.
En réponse à notre collègue M. Joël Labbé, on avance bel et bien, d'année en année, sur la mixité fonctionnelle.
S'agissant des zones franches urbaines évoquées par notre collègue M. Martial Bourquin, je rappellerai que celles-ci n'ont pas été abandonnées, mais plutôt recentrées. Le resserrement des critères présidant aux zones franches urbaines a permis de corriger certains dysfonctionnements.
La charte Entreprises et Quartiers a pour objet la mobilisation des entrepreneurs en faveur du développement économique et social des quartiers prioritaires.
Mme Valérie Létard et moi-même serons vigilantes sur les modalités de fonctionnement de l'ANRU.
Sur les EPIDe, sur lesquels est intervenu notre collègue M. Michel Houel, j'ai toujours pensé que ces dispositifs étaient efficaces. On devrait également créer des internats. Dans les quartiers, les maires que nous sommes rencontrons des parents qui ne savent plus gérer leurs enfants. L'internat fournit une réponse et je n'aurais pas pu poursuivre des études sans y être scolarisée. La police nous évoque souvent la situation de jeunes qui ont perdu tous leurs repères. La justice n'a d'ailleurs pas vocation, ni les moyens du reste, pour placer les enfants. L'internat est une école de vie qui peut donner des repères aux enfants.