La réunion est ouverte à 9 h 32.
Mes chers collègues, je passe la parole à notre collègue M. Martial Bourquin qui a souhaité intervenir.
Monsieur le Président, je souhaite revenir sur l'incident qui s'est déroulé hier. Je trouve qu'il est profondément inadmissible d'insulter de la sorte le ministre de l'agriculture que nous serons amenés à entendre régulièrement. Nous avons reçu des excuses un peu tardives, mais tout de même, ces attaques personnelles sont inacceptables ! Si de tels agissements venaient à se réitérer, nous ne manquerions pas de quitter la salle.
je prends acte de vos propos. Nous en venons à l'examen des crédits du programme « politique de la ville ». Je salue la présence du rapporteur spécial, M. Daniel Raoul.
Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est rattaché à la mission « politique des territoires ». L'examen de ce budget intervient cette année dans le contexte particulier d'attentats meurtriers qui ont ensanglanté à deux reprises la France en janvier d'abord, puis en novembre.
Prenant acte du « profond malaise social et démocratique » que connaît la France et que les attentats de janvier ont mis en évidence, le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté, réuni le 6 mars dernier, a adopté 60 mesures concernant notamment la laïcité, l'apprentissage du français, la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, la mixité sociale, ou encore l'emploi des jeunes des quartiers. Le comité interministériel a également décidé de renforcer les moyens alloués à la politique de la ville en 2015 à hauteur de 31 millions d'euros. Ce comité s'est de nouveau réuni le 26 octobre dernier aux Mureaux pour annoncer de nouvelles mesures en matière de lutte contre les ségrégations, de lutte contre les discriminations et de prévention de la radicalisation. Je souhaite rappeler que la lutte contre les phénomènes de radicalisation est un combat de chaque instant et qu'elle suppose de ne pas transiger avec l'application de la laïcité.
J'organiserai mon propos en deux temps : j'analyserai les crédits du programme 147 inscrits au projet de loi de finances et je ferai ensuite plusieurs observations sur les mesures mises en oeuvre à la suite du comité interministériel en matière de développement économique et d'habitat dans les quartiers prioritaires.
S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer, dans un contexte global de restriction budgétaire, les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville.
Les crédits du programme diminuent certes de 2,7 % en autorisations d'engagement et de 2,6 % en crédits de paiement pour atteindre, après examen par l'Assemblée nationale, 433 millions d'euros. Cependant cette baisse correspond à une « économie mécanique » résultant de la fin de l'entrée dans le dispositif des zones franches urbaines à compter du 1er janvier 2015.
En réalité, le budget de la politique de la ville augmente comme le montrent les crédits de l'action 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville ».
Les crédits de l'action 1 regroupent l'ensemble des crédits à destination, d'une part, des quartiers prioritaires dans le cadre des nouveaux contrats de ville, soit 197 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais soit 151 millions. Ces crédits augmentent de 4,6 %.
Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,1 milliards d'euros, pour lesquels il convient d'être particulièrement vigilant quant à leur déploiement à l'occasion de la signature des contrats de ville.
La dotation de développement urbain (DDU) a été rebaptisée dotation de la politique de la ville. Ces crédits d'un montant de 100 millions d'euros, sont destinés à financer des actions prévues dans les contrats de ville mis en place dans les communes comptant parmi les plus défavorisées. Les critères d'éligibilité et de répartition devraient évoluer à compter de 2016. La population des nouveaux quartiers prioritaires actuellement en cours de calcul et d'authentification par l'Insee sera prise en compte. Je serai très attentive à l'évolution de ces critères et je souhaite que les élus soient le plus possible associés à cette réflexion. Par ailleurs, le Gouvernement a prévu de réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF). Je serai particulièrement vigilante quant aux conséquences de cette réforme sur les communes éligibles à la DSU et plus généralement sur les communes comportant des quartiers relevant du PNRU et/ou du NPNRU.
Les crédits du programme 147 sont déployés dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. La liste des 1514 quartiers prioritaires a été arrêtée en décembre dernier. Pour les quartiers sortants, deux dispositifs spécifiques sont maintenus : les conventions d'adultes-relais iront à leur terme et les programmes de réussite éducative bénéficieront jusqu'en 2017 d'une subvention progressivement réduite. De même, la Caisse des dépôts nous a indiqué maintenir la possibilité pour ces quartiers de bénéficier des prêts projet-urbain (PPU). Il faut informer les communes du maintien de cette disposition.
397 contrats de ville ont été signés, soit 90 %. Je rappelle que leur signature détermine à partir du 1er janvier l'application de certaines mesures fiscales. Le Conseil national des villes a été installé le 26 octobre dernier par le Premier ministre. L'observatoire national de la politique de la ville devrait quant à lui être installé d'ici la fin de l'année.
J'en viens maintenant à mon deuxième point qui concerne le renforcement des mesures en faveur de la création et de l'implantation des entreprises ainsi que de l'emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires, dont le taux de chômage, je le rappelle, demeure très supérieur au taux constaté en dehors des QPV. Dans certains quartiers, le chômage des jeunes de moins de trente ans, atteint jusqu'à 40 %, voire plus.
Le présent programme consacre 99 millions d'euros au développement économique des quartiers : 46,2 millions sont ainsi prévus à l'action 1 pour l'emploi et l'insertion et 57,6 millions d'euros à l'action 2 « Revitalisation économique et emploi », pour les zones franches urbaines et l'EPIDe. Comme je l'avais déjà signalé dans mon rapport de l'année dernière, cette question m'apparaît essentielle.
S'agissant de l'emploi des jeunes, des dispositifs d'amélioration de la qualification des jeunes ont été renforcés. C'est le cas de l'EPIDe. Je rappelle que cet établissement met en place un cadre structurant d'inspiration militaire, un suivi personnalisé des jeunes et des équipes pluridisciplinaires pour les accompagner. Comme nous l'a indiqué sa directrice lors d'une audition préparatoire à cet examen du budget, 3 227 jeunes ont intégré l'EPIDe en 2014. 37 % résidaient dans les quartiers prioritaires. Le comité interministériel a décidé d'augmenter de 27 % le nombre de places d'accueil au sein de cet établissement. Ce sont ainsi 4 000 jeunes qui pourront être accueillis dans l'un des 18 centres à partir de 2016 pour une durée de 8 mois environ. En outre, deux nouveaux centres devraient ouvrir leurs portes à Nîmes et à Toulouse. Le financement de ces mesures est assuré par le dégel des crédits de l'année 2015.
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une subvention à hauteur de 26 millions d'euros, soit une augmentation de 17 %. Je tenais à saluer ce dispositif car si un tiers des jeunes abandonnent en cours de route, l'EPIDe a cependant permis en 2014 d'insérer 51 % des jeunes engagés alors même que le contexte économique était difficile.
Le gouvernement a également décidé de renforcer les dispositifs d'accès à l'emploi comme les emplois d'avenir ou la garantie jeune. Il a également mis en place le contrat Starter, à destination principalement des jeunes des quartiers prioritaires.
S'agissant de la création des entreprises dans les quartiers. Outre des mesures fiscales incitant à l'installation des entreprises dans ces quartiers - je pense à la mise en place d'un nouveau dispositif de ZFU, aux mesures d'exonération de taxe foncière pour les petites entreprises-, des mesures d'accompagnement à la création d'activité s'avèrent également essentielles.
L'Agence France entrepreneur, qui sera mise en place en 2016, contribuera à cette mission de soutien à la création des entreprises dans les quartiers. Je rappelle également que BpiFrance a mis en place plusieurs dispositifs d'aides aux entreprises des quartiers prioritaires et qu'elle a lancé le prêt Entreprises et Quartiers en mai dernier.
Enfin, d'autres mesures permettent de favoriser l'investissement dans l'immobilier économique. L'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) joue un rôle important pour requalifier les centres commerciaux en perte de vitesse. L'établissement a enregistré deux fois plus de saisine par les collectivités locales dans le cadre du NPNRU. En complément, un partenariat vient de se mettre en place entre l'Anru et la Caisse des dépôts et consignations pour favoriser l'investissement dans l'immobilier des quartiers prioritaires. Si les opérations de constructions ou de réhabilitations d'immobilier commercial, d'entreprise ou d'activité sont principalement visées, ce partenariat pourrait également concerner des opérations d'équipement comme les maisons de santé, qui sont importantes pour un certain nombre de communes, ou des logements spécifiques.
J'en viens maintenant à mon dernier point qui ne manquera pas, mes chers collègues, de vous interpeller et qui concerne la concentration de l'habitat dans certains quartiers.
Ainsi, en matière d'habitat, le Premier ministre M. Manuel Valls a appelé le 6 mars dernier à « casser les logiques de la ségrégation avec une autre répartition de l'habitat ». À cette fin, le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté a adopté plusieurs mesures parmi lesquelles : l'accélération de la mise en oeuvre du nouveau plan de renouvellement urbain (NPNRU), dont tous les acteurs rappellent l'importance au regard du succès du PNRU, et une meilleure répartition du parc social sur les territoires.
S'agissant du NPNRU, les listes des 200 quartiers d'intérêt national et des 250 opérations d'intérêt régional ont été arrêtées. L'Anru a adopté un nouveau règlement général qui précise que « seuls les projets qui visent une transformation du quartier grâce à un impact global, urbain, économique, social et environnemental » seront financés par l'Agence.
Dans les zones tendues, les logements sociaux détruits devront être reconstruits en dehors des quartiers prioritaires, sauf exception justifiée par l'intérêt local. Cette orientation traduit l'une des mesures adoptées par le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté.
Les démolitions ne devraient plus être financées qu'à 70 % au lieu de 100 % auparavant. Or, cette décision, qui oblige les bailleurs sociaux à apporter plus de fonds propres, pourrait les conduire à proposer dans un premier temps de simples réhabilitations. Il me paraît essentiel qu'on mette fin à la concentration de logements sociaux dans un certain nombre de quartiers. Je souhaite redire que la démolition/reconstruction est l'un des moyens pour mettre un terme à une situation que le Premier ministre M. Manuel Valls a qualifié d'« apartheid territorial, social, ethnique ». Cela signifie qu'il faut avec bon sens, construire des logements dans des communes qui n'ont pas atteint leurs quotas de logements sociaux.
Les projets bénéficieront de moyens financiers sous deux formes : des subventions ou des prêts bonifiés distribués par Action Logement. Les représentants de l'USH m'ont indiqué que le recours au mécanisme d'équivalent subvention n'était pas neutre et que les organismes Hlm seraient perdants à hauteur de 150 à 200 millions d'euros.
Les règles de financement ont été actées au mois d'octobre dernier. Action Logement est le premier contributeur du NPNRU. Ce dernier apportera 84 % des fonds sous deux formes : 3,2 milliards d'euros de subventions et 2,2 milliards de prêts équivalents-subvention.
Ce sont ainsi 6,4 milliards d'euros qui seront consacrés au NPNRU : 5,3 milliards seront dédiés aux quartiers d'intérêt national et 1,1 milliard d'euros aux quartiers d'intérêt régional. Il devrait rester un reliquat de 600 millions d'euros du PNRU, dont le programme est engagé à hauteur de 92 %. Ce reliquat sera affecté au financement du NPNRU.
S'agissant de la mise en oeuvre du NPNRU, les prévisions budgétaires pour 2015 à 2017 prévoient surtout des crédits d'ingénierie et d'études permettant de réaliser les protocoles de préfiguration. Le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté a cependant souhaité accélérer la mise en oeuvre du NPNRU avec le soutien de la Caisse des dépôts et consignations. Un prêt d'un milliard d'euros de la Caisse des dépôts devrait permettre aux maîtres d'ouvrage, aux bailleurs sociaux et aux collectivités territoriales de lancer dès 2015 les opérations de reconstruction hors site, de démolition et de création et de rénovation d'équipements publics. Pour faire face à d'éventuels besoins de trésorerie, l'Anru aura deux sources de financements à disposition : 100 millions d'Action Logement et le prêt d'un milliard de la Caisse des dépôts et consignations.
En outre, le financement du NPNRU est stabilisé jusqu'en 2031 et Action Logement devrait concourir au financement du NPNRU au-delà de 2019, à hauteur de 500 millions d'euros chaque année.
Je me félicite que la question de la trésorerie soit résolue. Toutefois je ne vous cache pas mon inquiétude quant aux conséquences, sur la réalisation de projets de rénovation urbaine, des baisses de dotations aux collectivités territoriales et des nouvelles règles de financement de l'Anru qui obligent les bailleurs sociaux à avoir recours de façon plus importante à leurs fonds propres. De telles remarques ont également été formulées par l'Association des maires de France (AMF). Je crains en effet que faute de moyens suffisants, les opérations de rénovation urbaine soient moins importantes que prévues ou, pire, ne puissent être réalisées alors qu'il est indispensable d'agir et d'agir vite. Cette exigence de célérité a d'ailleurs été rappelée par le Ministre en charge de la politique de la ville.
Enfin, le comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté a rappelé la nécessité de favoriser la mixité sociale dans les logements des quartiers prioritaires. La loi de finances pour 2016 prévoit deux mesures spécifiques destinées à favoriser cette mixité sociale.
L'article 2 bis prévoit des ajustements techniques afin de faciliter la mise en oeuvre de l'application d'un taux de TVA réduit à 5,5 % pour les opérations d'accession sociale dans les quartiers et dans une bande de 300 mètres autour. Pour bénéficier de la TVA à 10%, les opérations de constructions de logements intermédiaires doivent comprendre 25 % de logements sociaux. L'article 3 ter dispense de cette condition les opérations réalisées dans des communes comptant déjà plus de 50 % de logements sociaux ou dans des quartiers objets d'une convention ANRU. Cette mesure répond aux attentes de nombreux maires.
Ces mesures destinées à favoriser la mixité sociale viennent en complément du renforcement de l'application de l'article 55 de la loi SRU. Elles complètent également une mesure d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) prorogée l'an dernier au bénéfice des organismes Hlm et dont la contrepartie permet d'améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers prioritaires. Une charte précisant les conditions d'utilisation de cet abattement a été signée en avril dernier. Je regrette cependant que seul 26 % du montant soit remboursé par l'État aux communes.
En conclusion, vous comprendrez, Monsieur le Président, mes chers collègues, que dans le contexte qui est le nôtre, le montant des crédits affectés à ce programme me satisfait. Je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 147 « politique de la ville »
Je vous remercie, Madame le rapporteur. Je me tourne vers Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances pour qu'il nous fasse part de ses observations.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention Madame Guillemot. On parle beaucoup de mixité sociale, mais je souhaite que l'ANRU avec l'aide de l'Agence France-entrepreneur accorde une place importante à la mixité fonctionnelle. En effet, il n'est pas normal qu'il n'y ait pas d'entreprises qui s'installent dans ces quartiers. Je me suis toujours battu pour qu'il y ait des entreprises, des services et de l'artisanat dans ces territoires et ce, y compris au pied des immeubles ! Il faut insister sur ce point car sinon, nous aurons toute une génération de jeunes qui n'auront jamais eu de contact avec le monde du travail. J'en ai parlé avec le directeur de l'ANRU. Il faudra ainsi qu'au sein de ces futurs projets, la mixité fonctionnelle soit une priorité.
Vous avez évoqué, Madame le rapporteur, le milliard de prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Je ne suis pas certain qu'il sera nécessaire de le solliciter. Pour avoir discuté du plan de financement de l'ANRU avec son directeur, normalement, ce prêt ne devrait pas être activé. Cependant, se pose la question de la disponibilité du reliquat de six cent millions d'euros, que vous avez évoqué. Certaines communes, signataires des contrats avec l'ANRU, ont bénéficié d'avances, conformément aux dispositions de l'ancien système de financement, mais n'ont ensuite pas réalisé les programmes afférents. Le changement intervenu, en matière de décaissement, devrait éviter de telles situations, puisque désormais l'ANRU paiera au moment de l'ordre de service. Ce reliquat de six cent millions d'euros pourra-t-il être utilisé pour le financement du NPNRU? Ceci étant, nous disposons du milliard d'euros de la Caisse des dépôts et consignations en trésorerie. Sur le reste, je demeure en phase avec les autres propositions de votre rapporteur. Je tenais enfin à souligner que si, optiquement, une baisse des crédits peut être notée, les actions opérationnelles enregistrent une augmentation de l'ordre de 4,3 %. Dans le contexte que l'on connaît, à la fois budgétaire et social, mettre le paquet sur la politique de la ville doit être une priorité.
Monsieur le rapporteur spécial, la commission des finances a-t-elle voté les crédits de ce programme ?
Les dysfonctionnements entre les ministères représentent un réel problème. Je ne comprends pas que la politique de la ville soit séparée de celle du logement. Au regard des sommes en jeu, cette dichotomie ne va pas de soi.
Je me bats depuis l'année dernière pour que la politique de la ville soit rattachée à la mission « égalité des territoires et logement ». Cette complémentarité est évidente et ce rattachement nous permettrait de disposer d'une vision globale des choses.
Les crédits des autres programmes de la mission ont été rejetés, ce qui a entraîné le rejet de l'ensemble des crédits de la mission, alors que tout est positif dans ce programme 147. C'est là le sort d'un programme inséré dans une mission.
Merci Monsieur le rapporteur spécial. Je passe à présent la parole aux membres de notre commission qui ont demandé à s'exprimer.
Merci à notre rapporteur pour son rapport très précis. Je voulais saluer, à titre liminaire, la pertinence de la nouvelle politique de la ville marquée notamment par l'introduction du critère de revenu qui a permis à des quartiers de zone rurale, voire très rurale, de devenir éligibles à ses différents dispositifs. Une évaluation de l'efficacité des sommes dépensées dans ce domaine, au cours des décennies passées, a été réalisée et a conduit à la remise en cause des stratégies de peuplement et de renouvellement de l'habitat. L'objectif de mixité sociale et spatiale constitue l'enjeu principal de la politique de la ville. C'est d'ailleurs ce que nous faisons en raisonnant au niveau des périmètres des quartiers et des territoires concernés, en particulier lorsqu'il s'agit d'agglomérations. S'agissant des crédits qui touchent à la vie de ces quartiers et qui ne relèvent pas strictement de la mission qui vient d'être évoquée, il me paraît important de souligner l'importance des politiques de droit commun qui concernent l'ensemble des domaines de l'existence de nos concitoyens. Il est essentiel de préserver un niveau significatif pour ces crédits de droit commun, puisque l'efficacité du dispositif d'ensemble de cette politique de la ville résultera aussi de la manière dont ces crédits auront été mis en oeuvre et l'ensemble de ces domaines pris en compte au bénéfice des habitants de ces quartiers. Il importe d'assurer le pilotage au niveau local de la coordination de toutes ces actions afin d'assurer la réussite de cette nouvelle politique de la ville. Ainsi, il est essentiel d'assurer la préservation de ces crédits dans la durée.
Je souhaitais intervenir sur la création de l'Agence France-entrepreneur annoncée par le Président de la République à la Courneuve. Nous avions compris que cette agence avait vocation à soutenir les créateurs d'entreprises dans les quartiers prioritaires. Or, c'est loin d'être le cas puisque cette agence doit remplacer l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), au plan national. Pour autant que je sache, cette nouvelle entité devrait être financée à hauteur de 3,5 millions d'euros. Une telle somme est infime sur le plan national lorsqu'il s'agit d'assurer le soutien à la création d'entreprises, mais elle eût été bienvenue pour soutenir les actions conduites dans les quartiers prioritaires. Quelle va donc être l'efficacité de cette nouvelle agence dans les quartiers prioritaires ?
C'est une question très pertinente. En effet, je découvre que l'objet de cette nouvelle agence a été modifié par rapport à ce qui avait été précédemment annoncé.
Une fois n'est pas coutume, mais je ne suivrai pas les propos de notre collègue M. Daniel Raoul lorsqu'il souhaite que la politique de la ville soit rattachée au budget du logement. Justement, la politique de reconfiguration du bâti, telle qu'elle a été conduite depuis de nombreuses années, n'est pas suffisante. Je rappelle que l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) est peu présente dans les quartiers, lorsqu'il s'agit de lutter notamment contre l'échec scolaire et la désocialisation. L'éducation populaire, la vie associative et surtout l'école sont autant de facteurs de réussite du vivre ensemble permettant le désenclavement des quartiers. Si la politique de la ville se limite au bâti, alors point n'est besoin d'avoir un ministère de la ville ! Le champ couvert par la politique de la ville est d'un tout autre ordre, et c'est bien ce tout autre ordre qu'on n'arrive pas à réaliser ! Je connais des quartiers rénovés dernièrement, de manière très correcte, où demeurent les problèmes sociaux faute de politiques d'intégration et d'insertion des populations. Le regroupement de l'ANRU avec l'Acsé aurait été une bonne solution.
Je trouve que la lisibilité des actions distinctes de celles sur le bâti est insuffisante aux yeux de nos concitoyens et notamment de ceux qui vivent dans ces quartiers. Je pense en particulier à l'éducation populaire : on ne peut demander à l'école d'assurer à elle seule l'intégration et il devrait y avoir un programme d'éducation populaire dans ces quartiers destiné à y fortifier l'esprit civique.
Deuxièmement, il faut s'interroger sur le niveau des loyers. Les plus pauvres résident dans les quartiers qu'on vient de rénover car c'est le seul endroit où les loyers sont abordables. Aussi recommanderais-je que dans le rapport soit mentionnée la nécessité d'obtenir une visibilité sur l'éventail des loyers pour permettre une mixité.
Par ailleurs, j'aurais une observation sur l'école. Je demande qu'on étudie le nombre d'enfants qui demandent une dérogation scolaire dans ces quartiers. Ceux qui font cette démarche, afin d'étudier avec le Centre national d'enseignement à distance, se retrouvent ensuite dans les écoles coraniques. Personne ne surveille cette démarche ! La meilleure manière de le faire, c'est de contrôler par quartier combien d'enfants demandent cette dérogation scolaire.
Enfin, je souhaiterais obtenir le montant des soutiens alloués aux entreprises dans ces quartiers car, manifestement, 3,5 millions d'euros peuvent permettre une forme d'amorçage, mais ne sont, au final, nullement suffisants.
Nous avons un premier ensemble de quartiers prioritaires de la politique de la ville qui bénéficient de mesures favorisant le développement de l'ensemble des activités, via un accompagnement général des associations et des populations par le biais de mesures d'insertion et d'intégration spécifiques. Parmi ces quartiers, on trouve les quartiers considérés comme prioritaires par l'ANRU, c'est-à-dire des zones où les crédits en matière d'investissement vont être concentrés, en plus des mesures d'accompagnement des populations.
Sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où il importe de porter les efforts nécessaires à l'accompagnement des populations afin d'assurer leur sortie de la précarité et de résoudre la concentration de problèmes qui s'y fait jour, les efforts budgétaires existants s'avèrent beaucoup plus faibles historiquement que le niveau des financements que reçoit l'ANRU. Prenons garde de ne pas réduire les enveloppes et soyons, à l'inverse, extrêmement présents. Les événements que nous avons vécus témoignent de la nécessité de ne pas limiter notre action au bâti, mais d'être en capacité d'agir par l'éducation, la prévention auprès des familles, et par l'insertion, l'emploi et la présence d'entreprises dans ces quartiers. Lorsque vous avez mis en place un processus d'accompagnement et de sortie de la difficulté scolaire dans les quartiers, et que vous avez remis les jeunes sur la voie de l'emploi, il faut être en mesure d'assurer de réels débouchés et des solutions pérennes à défaut de voir tous les efforts déployés ruinés et de constater une perte de confiance des jeunes.
Pour cela, la mixité sociale et fonctionnelle est nécessaire. Cette dernière requiert du temps pour être mise en oeuvre. Aussi, les programmes de l'ANRU doivent-ils être liés à des études de peuplement et il faut monter des projets pour mettre en place des habitats divers et pour obtenir une organisation un peu plus équilibrée dans ces quartiers. L'école est le reflet du quartier et l'absence de mixité dans le quartier se retrouve en son sein. Il faut ainsi accompagner tous les dispositifs et les leviers d'insertion.
Quand on réduit les budgets de l'État, on génère un effet domino à la baisse qui touche l'ensemble des collectivités locales qui ne sont pas en mesure de s'y substituer. Un euro retiré sur ces budgets provoque un effet délétère. Cette enveloppe devrait ainsi être renforcée !
Aussi, les effets de la baisse des crédits vont bien au-delà de l'assistanat pour toucher l'accompagnement à la formation et à l'emploi. Sur la question du financement de l'agence France-entrepreneur, il y a là manifestement un problème. On a en effet besoin d'obtenir des moyens significatifs, car les avantages fiscaux permettent aux petites entreprises et aux artisans de s'implanter dans les quartiers et d'y pérenniser leurs activités. Il faut que l'EPARECA y consacre des moyens et soit associé à cette démarche. La présence d'entreprises et de parcs artisanaux dans les quartiers permet que des jeunes y viennent en apprentissage et pas seulement en emplois aidés. Seul l'apprentissage permet, à terme, de créer des emplois.
Enfin, sur l'ANRU, il faut faire attention à deux aspects qui seront déterminants. D'une part, en 2017 va débuter le NPNRU. Soyons vigilants sur la construction du budget de ce nouveau programme. Action logement en finance une grande partie. Que va-t-il se passer ? Légitimement, les bailleurs et les financeurs du logement vont demander à ce que ces crédits soient utilisés pour démolir et rénover du logement ce qui, en définitive, ne relève que du Ministère du logement. N'oublions pas que l'ANRU a vocation à financer les équipements publics et un certain nombre d'infrastructures. Si l'ANRU ne finance plus cela, il incombera alors aux collectivités, dont la situation financière est difficile, de le faire ! Elles n'y arriveront pas. Sur le montant des financements accordés par l'ANRU, lorsqu'une collectivité a une capacité d'autofinancement, alors on lui donne des moyens d'interventions faibles tandis que lorsqu'elle n'a pas cette capacité, les moyens sont certes plus importants mais en réalité la collectivité ne fait pas la demande ! Il faut faire attention, car de cette manière, on ne risque pas de consommer les crédits !
J'aurais un mot sur la mixité sociale, à l'aune de mon expérience dans ma commune dont j'ai été le maire pendant dix-sept ans. Il est très important de la réaliser ! En fait, la région Bretagne, en choisissant cinq villes moyennes, avait réalisé l'ANRU sans ANRU, en apportant de l'argent, secondée en cela par le département. Les bailleurs sociaux et la municipalité ont aussi participé financièrement à ces opérations. Il a fallu réaliser la mixité là où elle n'existait pas. J'ai ainsi réalisé dix-sept nouvelles résidences qui ont été de francs succès !
Sur l'école, j'ai été directeur d'un groupe scolaire situé dans un quartier populaire qui concentrait les logements sociaux de ma ville. Autour de l'école se trouvaient ainsi 512 logements sociaux. Puisque des enfants des autres quartiers y étaient scolarisés, la mixité sociale s'opérait naturellement. Notre établissement obtenait ainsi les meilleurs résultats d'Auray. Or, la perte de la mixité a entraîné une baisse des résultats. Comment faire pour lutter contre un tel phénomène ? J'avais travaillé à l'époque avec l'Inspection d'académie pour obtenir des règles dérogatoires et des classes moins nombreuses. Pour les quartiers dits d'habitat social et pour les petites communes rurales, qui ont entre une et trois classes, peut-on appliquer les mêmes règles d'ouverture et de fermeture de classes que pour le reste du pays ? L'école est le pilier de la République dans les quartiers populaires, en difficulté, ou dans les petites communes rurales. J'ai pris conscience des difficultés spécifiques à ces petites communes rurales, où la perte de l'école entraîne bien souvent celle du dernier commerce, dans l'exercice de mon mandat de sénateur ! On peut faire des progrès dans ce domaine.
Avant d'intervenir sur la politique de la ville, je souhaiterais dire à notre collègue qui a fait une remarque liminaire qu'en matière d'élégance, le Gouvernement peut aussi être pris en défaut, en ne conviant ni les parlementaires ni le président du conseil départemental, à une réunion interministérielle aux Mureaux à laquelle quinze de ses membres participaient pourtant ! Nous avions très certainement quelque chose à dire sur la politique de la ville dans notre département des Yvelines.
Ceci étant dit, je souhaite évoquer le déclassement de certaines zones du domaine couvert par la politique de la ville. Certain quartiers ont été retirés de la liste des quartiers prioritaires arrêtée en décembre dernier. Ces quartiers sont toujours fragiles. Les bailleurs y connaissent de réelles difficultés pour garder le parc de logements sociaux en l'état. Les habitants ont toujours des conditions de vie fragiles. Les exonérations de taxes locales ont été supprimées. Les surloyers y ont été appliqués et dans les écoles, les procédures relatives aux zones urbaines sensibles ont été supprimées. L'effort de l'État pour soutenir ces populations fragiles n'est plus le même. Une telle tendance se conjugue à la baisse des dotations des communes et à celle des dispositifs de prévention. Ces communes connaissent ainsi une série de problèmes et leur déclassement, dans le contexte actuel, n'est pas sans susciter notre interrogation.
Je suis d'accord avec notre rapporteur en ce qui concerne la mixité sociale. Dans la vallée de Seine, nous connaissons les ghettos sociaux et nous mettons en oeuvre les mesures de rénovation urbaine pour les contrer. Néanmoins, j'attire l'attention du Gouvernement, du rapporteur et de notre commission, sur la loi SRU qui pourrait être appliquée avec plus de bon sens. Quand deux communes se touchent et que l'une dispose de 50 % de logements sociaux, tandis que l'autre n'en accueille que 5 %, sachant que toutes deux partagent les mêmes infrastructures, parmi lesquelles les écoles, faut-il nécessairement pénaliser cette dernière commune ? Opérer une fusion de communes n'est pas nécessairement la solution ! Il faut ainsi revoir les enjeux de la mixité sociale et les modalités de classement des quartiers.
Monsieur le Président, je voudrais féliciter Annie Guillemot pour son excellent rapport. Les crédits de la ville ont évolué. Les zones franches urbaines (ZFU) n'ont pas toujours donné de bons résultats, en matière d'embauche des jeunes des quartiers. Dans notre ville, on a mis en place des zones d'accueil artisanal qui se sont révélées bien plus efficaces que la ZFU et son dispositif de défiscalisation.
Dans la politique de la ville actuellement conduite, on renforce significativement les moyens donnés aux associations. Après 50 millions d'euros débloqués en 2015, ce sont 131 millions d'euros, tous ministères confondus, dont 77 pour le ministère de la ville. Cette évolution est très importante. Plusieurs collègues ont mis en exergue que la politique de la ville, ce n'est pas que le logement et elle va bien au-delà des crédits de l'ANRU. Cette politique agit sur la citoyenneté et dans beaucoup d'autres domaines. Même si le logement est important, il faut parfois recomposer la ville en modifiant la densité des quartiers. Il importe d'agir sur l'humain en même temps ! Faute de quoi, cette politique est inefficace !
Plusieurs actions peuvent s'avérer pertinentes. Les jeunes connaissent actuellement un engouement pour l'armée et la police. Nous avons renforcé les moyens de l'EPIDe. L'ouverture de 570 places supplémentaires permettant d'accueillir 1000 jeunes est une très bonne chose, tout comme le maintien de la défiscalisation au bénéfice des activités artisanales dans les quartiers. Voilà de la défiscalisation à bon escient !
Cependant, certains quartiers, non éligibles au NPNRU ont une sociologie pourtant proches des quartiers éligibles. Or, les moyens dont on dispose pour ces quartiers non éligibles s'avèrent extrêmement réduits au regard de ceux des quartiers sous convention avec l'ANRU. Lorsque nous aurons terminé le NPNRU, je crains que les quartiers qui sont actuellement en dehors de ce programme deviennent très lourds à supporter pour les collectivités.
En tout état de cause, je reconnais la qualité à la fois du budget et du rapport de notre collègue.
Merci également de ce rapport. On se rend compte que d'année en année, on avance, certes avec des moyens toujours limités. Au sujet de nos anciennes ministres de la ville, Mesdames Lienemann et Létard, j'entends toujours leurs propos avec intérêt et ceux-ci me paraissent convergents. Une telle convergence est essentielle lorsqu'on définit des politiques publiques de cette ampleur ! Si l'on les écoutait toutes les deux, on irait bien plus loin que cela.
Je reviendrai sur les propos de M. le rapporteur spécial de la Commission des finances sur la mixité fonctionnelle. Nous en avons parlé d'ailleurs les uns et les autres. Il est temps de revenir à de véritables politiques globales ! Car, dans le passé, la mixité sociale, fonctionnelle, culturelle et générationnelle existait. Cette difficulté à réformer tient également au fait d'avoir une politique de la ville, une politique des espaces ruraux et hyper-ruraux, sans vision globale. Je trouve que c'est là un manque regrettable.
À cet égard, j'ai été saisi d'une question qui me paraît emblématique et qui concerne la fermeture d'un collège, situé à Vannes. Celui-ci accueille deux cents élèves et vingt-quatre nationalités. Ce collège enregistre des résultats mais sa fermeture est projetée vraisemblablement pour des motifs budgétaires. Il devrait être fusionné avec le collège du centre-ville qui devrait alors passer à huit cents élèves. La défense de ce collège de proximité ne mobilise d'ailleurs pas la totalité de son corps enseignant tandis que certains parents d'élèves considèrent que cet établissement fonctionne bien. Les avis sont ainsi partagés et je pense que l'État doit jouer un rôle essentiel dans ce domaine.
Je partage l'avis de nos collègues sur la qualité du rapport qui nous a été présenté. La question des crédits affectés à la politique de la ville relève toujours de la même histoire. Une réduction puis une augmentation, la politique de la ville suit toujours cette même démarche. Je suis très attaché aux politiques spécifiques en direction des quartiers prioritaires et on ne peut faire croire qu'on est en mesure de régler les problèmes économiques et sociaux dans ces seuls quartiers. En effet, pour assurer leur développement économique, il faut aider l'installation des petites entreprises et ce sont surtout l'artisanat et le commerce qui sont moteurs, du fait de la localisation de ces quartiers qui ne permet pas toujours aux entreprises de s'y implanter. Manifestement, il y a un manque d'espace. S'agissant des crédits dont nous discutons, il nous faut être très attentifs à la manière dont les crédits de droit commun sont fléchés. Je n'ai toujours pas compris comment ce fléchage va s'opérer.
Par ailleurs, j'ai participé, comme d'autres de nos collègues, à la journée d'information organisée par l'ANRU. Je nourris une certaine inquiétude quant aux critères retenus par l'ANRU pour accorder son financement. Le concept de « scoring » qui nous a été présenté à cette occasion induit de réelles conséquences pour les villes qui possèdent des quartiers éligibles. La question du financement des projets est ainsi sous-jacente.
Enfin, il est vrai que le taux de chômage des jeunes peut atteindre, dans certains quartiers, jusqu'à 50 %. On peut intervenir sur deux leviers. Le premier concerne le parrainage des jeunes, via le soutien aux associations et missions locales. Comment aider les jeunes à aller vers l'entreprise en acquérant le comportement requis ? Dans ma ville, nous avons organisé un forum de l'emploi après avoir organisé une rencontre entre des chefs d'entreprises et des jeunes. Lors du débat, nous nous sommes très vite interrogés sur la qualité du relationnel pour les jeunes du quartier ? Le parrainage peut ainsi fournir une réponse. Le second levier concerne les dispositifs d'insertion. Il faut les revisiter puisque leur durée actuelle ne permet pas de dispenser une formation aux jeunes dans une entreprise en allant au-delà de la simple occupation. Globaliser et mutualiser, dans des secteurs d'activités comme le BTP, sur plusieurs chantiers pourraient s'avérer une solution.
Je suis particulièrement satisfait que l'EPIDe continue de fonctionner avec un budget intéressant. Le premier EPIDe a été créé dans mon département de Seine-et-Marne. Lorsque les jeunes issus des quartiers difficiles veulent travailler, cela leur est possible ! Ils obtenaient ainsi un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de cuisinier collectif ou de jardinier en collectivité. Le Président de la République a d'ailleurs visité l'année dernière l'EPIDe de Montry et il a compris qu'il fallait maintenir ce dispositif. Je formulerai une autre observation. Je regrette l'abandon des zones franches qui ont enregistré de réels résultats et permis à certains jeunes de créer leur propre entreprise et de s'en sortir. Mon troisième point portera sur mon expérience passée de maire. Lorsque je délivrais des permis de construire pour des immeubles collectifs, je demandais aux promoteurs de mettre 20 % de logements sociaux dans ces nouveaux bâtiments. Cette démarche produisait ses fruits et le 1 % patronal venait, la plupart du temps, acheter ces logements. De tels organismes ne manquaient pas d'investir dans ces programmes.
Je vous remercie, mes chers collègues, et passe maintenant la parole à notre rapporteur pour avis, Mme Annie Guillemot.
Merci, mes chers collègues, pour la richesse de vos témoignages. En effet, les questions auxquelles nous sommes confrontés sont particulièrement difficiles à résoudre.
Je partage l'opinion de M. le rapporteur spécial de la Commission des finances sur la mixité fonctionnelle. Nos collègues MM. Jean-Pierre Bosino et Joël Labbé l'ont signalé : nos quartiers sont monofonctionnels et ce, à grande échelle. Une telle configuration est le résultat de la politique conduite après la seconde guerre mondiale. Il faut que nous nous interrogions sur la réalité de notre urbanisme. Tous nos plans locaux d'urbanisme (PLU) sont fondés sur des fonctions : nous ne travaillons pas où nous dormons et nous faisons nos courses dans de grandes zones commerciales. Cet urbanisme fonctionnel est une source de difficultés. Lorsqu'on a tenté d'implanter des entreprises dans des quartiers d'habitat, tous les maires savent ce qui s'est passé ! Cet urbanisme fonctionnel a été poussé à son paroxysme dans les grands ensembles. C'est un réel problème qui nous est posé. Lorsque des chercheurs analysent les conditions d'élaboration des PLU, ils mettent en exergue le rôle nodal des « dormeurs ». Ainsi, seules les personnes qui dorment, c'est-à-dire les habitants, dessinent la configuration de nos villes, tandis que les acteurs économiques sont exclus de la réflexion des PLU. A l'inverse, dans d'autres pays comme en Belgique, les quartiers en difficulté se trouvent au coeur des villes-centres tandis qu'en France, ils se trouvent dans les banlieues. Cette différence est la conséquence de notre histoire.
Sur l'artisanat, j'ai été présidente de l'EPARECA et, à ce titre, j'ai pu faire en sorte que cet établissement puisse intervenir non seulement pour les commerces, mais aussi pour les artisans. Cette possibilité est importante en ce qu'elle permet de générer de l'activité.
La question des avances dans le cadre du PNRU représente en effet un réel problème.
L'observation de notre collègue, M. Frank Montaugé, est importante et elle rejoint l'intervention de Mme Sophie Primas sur la fin de l'éligibilité de certains quartiers à la politique de la ville. J'ai co-présidé la Concertation nationale sur la réforme de la politique de la ville et je dois dire que la prise en compte du critère de pauvreté a permis de retenir un certain nombre de quartiers qui n'étaient pas jusqu'alors éligibles. De mémoire, je rappellerai que le montant considéré est de 7.800 euros de ressources annuelles par ménage.
Je retiens vos propos, mes chers collègues et je pense, comme l'évoquait Madame Valérie Létard que nous pourrons évaluer la situation des quartiers qui ont connu soit la perte de leur éligibilité aux dispositifs de la politique de la ville soit ne sont pas éligibles à ces dispositifs comme l'a évoqué M. Martial Bourquin. Il y a vingt ans, je participais déjà aux travaux de la Commission Cavaillé sur la préfiguration des contrats de ville et, en matière d'habitat social, j'ai toujours été hostile à retenir comme unique critère l'habitat social. Le nombre d'allocataires des caisses d'allocations familiales (CAF) qui disposent de statistiques actualisées chaque année me paraît un bien meilleur indicateur de la pauvreté des populations des communes, car celui-ci recense concomitamment les habitants des parcs publics et privés.
Sur les crédits de droit commun, je pense qu'autant la politique de la ville doit viser au rattrapage et à résoudre des problèmes très complexes, autant le droit commun d'aujourd'hui, comme héritage d'une conception sociale issue du programme du Conseil national de la Résistance qui visait à instiller l'égalité dans toutes les politiques régaliennes, me paraît devoir être actualisé. Pour assurer l'équité, ne faudrait-il pas instaurer un certain nombre de critères inégalitaires dans un certain nombre de ces politiques régaliennes, comme la police, la justice et l'éducation ? Dans certains quartiers, il faudrait mettre un instituteur pour dix élèves dans les classes, tandis que dans d'autres quartiers en proie à de moindres problèmes, un instituteur pour trente élèves pourrait s'avérer suffisant. Il faut que nous réfléchissions à cette question.
A la question posée par notre collègue Mme Élisabeth Lamure, il nous a été indiqué que cette Agence France-Entrepreneur aura vocation à encourager la création d'entreprises dans « les territoires fragiles économiquement », et en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville en favorisant la création d'entreprise pérenne, en luttant contre un taux très élevé d'échec et en aidant au développement des petites et moyennes entreprises. Dirigée par M. Mohed Altrad, cette agence prendra appui sur les acteurs oeuvrant pour le développement économique tels que Citelab, BGE, Adie, ou encore Réseau entreprendre. L'agence bénéficiera d'une mutualisation des moyens existants et il nous faudra vérifier que ceux-ci s'élèvent bel et bien à 3,5 millions d'euros. À cette fin, le gouvernement a souhaité que les crédits destinés à cette agence soient regroupés au sein de la mission « Économie ». En conséquence, les députés ont adopté un amendement diminuant les crédits du présent programme de 660 000 euros, afin de les affecter au sein de la mission « Économie ». Nous essaierons ainsi d'assurer cette veille des activités et du financement de cette nouvelle agence.
Je partage ce qu'a dit notre collègue, Madame Marie-Noëlle Lienemann, sur le vivre ensemble. Aujourd'hui, c'est moins la construction de logements que l'accessibilité des loyers qui pose problème. On peut certes construire des logements, mais à partir du moment où ceux-ci ne sont pas accessibles aux populations qui continuent, quant à elles, de se concentrer dans un certain nombre de quartiers, nous manquons notre cible. Aujourd'hui, le coût du foncier représente le premier facteur de ségrégation en France. Il nous faut conduire une réflexion sur cette question, ce que nous avons commencé à faire avec la mission conduite par notre ancien collègue M. Thierry Repentin. Cette ségrégation des quartiers se retrouve à l'école et je souscris tout à fait à ce qui a été dit sur le CNED. Il faudrait ainsi faire en sorte que ce ne soit plus les maires qui vérifient si les enfants sont scolarisés et il faut arrêter d'accorder des dérogations qui se multiplient dans un certain nombre de villes. On ne sait pas ce que deviennent par la suite ces enfants !
Avec les événements survenus en France, chaque famille aujourd'hui est confrontée au risque d'une stigmatisation accrue. Avoir un logement, un emploi, du respect et de l'espérance, c'est essentiel. A défaut, les problèmes de cohésion sociale ne peuvent que survenir. Les politiques de droit commun doivent vraiment évoluer pour prendre en compte la spécificité des territoires, mais une telle démarche suppose que les régions, les départements et les métropoles se mettent ensemble autour d'un projet, ce que du reste, nos collègues MM. Martial Bourquin et Jean-Pierre Bosino appellent également de leurs voeux. Il faut vraiment retrouver cette phase de projet afin que les efforts soient recentrés vers les quartiers qui en ont le plus besoin. Il est vrai qu'une telle démarche peut s'avérer complexe. Je partage également ce que notre collègue, Mme Valérie Létard, a dit sur l'ANRU. Ce n'est pas parce qu'Action logement finance, que les programmes de réhabilitation doivent se limiter à la démolition de logements, même si celle-ci est essentielle dans un certain nombre de sites. Il faut refaire la ville dans la durée. Il importe ainsi que l'ANRU ne connaisse pas deux ou trois années de moindre activité.
Comme l'évoquait notre collègue M. Michel Le Scouarnec, les maires sont confrontés au problème de la mixité sociale et agissent pas à pas en ce sens. À la suite également de la question posée par notre collègue Mme Sophie Primas, pour résoudre les problèmes de mixité et de ghetto, il faut investir dans la culture et dans le sport. Une telle démarche repose sur les politiques de droit commun et ce, au moins au départ.
Comme je l'indiquais à Monsieur le ministre de la ville, il importe d'informer davantage sur les réussites dans nos quartiers.
En réponse à notre collègue M. Joël Labbé, on avance bel et bien, d'année en année, sur la mixité fonctionnelle.
S'agissant des zones franches urbaines évoquées par notre collègue M. Martial Bourquin, je rappellerai que celles-ci n'ont pas été abandonnées, mais plutôt recentrées. Le resserrement des critères présidant aux zones franches urbaines a permis de corriger certains dysfonctionnements.
La charte Entreprises et Quartiers a pour objet la mobilisation des entrepreneurs en faveur du développement économique et social des quartiers prioritaires.
Mme Valérie Létard et moi-même serons vigilantes sur les modalités de fonctionnement de l'ANRU.
Sur les EPIDe, sur lesquels est intervenu notre collègue M. Michel Houel, j'ai toujours pensé que ces dispositifs étaient efficaces. On devrait également créer des internats. Dans les quartiers, les maires que nous sommes rencontrons des parents qui ne savent plus gérer leurs enfants. L'internat fournit une réponse et je n'aurais pas pu poursuivre des études sans y être scolarisée. La police nous évoque souvent la situation de jeunes qui ont perdu tous leurs repères. La justice n'a d'ailleurs pas vocation, ni les moyens du reste, pour placer les enfants. L'internat est une école de vie qui peut donner des repères aux enfants.
Je suis d'une génération où nombre de jeunes filles, issus de familles difficiles, ont pu s'en sortir en trouvant dans l'internat des adultes qui étaient en mesure de les prendre en charge et de leur inculquer des repères. Je me félicite de la création de deux nouveaux EPIDe, mais je pense que les internats peuvent répondre aux vicissitudes de la situation qui est la nôtre aujourd'hui.
Madame le rapporteur, je vous remercie. Je donne tout de suite la parole à M. le rapporteur spécial de la Commission des finances. M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances. - Je voudrais préciser quelques chiffres concernant les problèmes qui ont été évoqués par nos collègues Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Valérie Létard. La politique de la ville ne doit pas se limiter au béton, mais doit inclure d'autres domaines, comme la vie associative. Les crédits de droit commun doivent être surveillés de très près et sont négociés dans le cadre des contrats de ville. Leur montant doit s'élever à 4,2 milliards d'euros en 2016. C'est maintenant que tout se joue ! La tentation des autres ministères est de lever le pied ! Il nous faudra être particulièrement vigilant.
Puisque nous avons une différence d'approche sur les montants, ma seconde précision concerne le concours financier nécessaire de la seconde version de l'ANRU qui est de 6,4 milliards d'euros. Ce montant correspond en fait à 5,5 milliards d'euros équivalents subventions et Action logement sera le principal contributeur de ce programme avec 3,2 milliards d'euros de subventions directes et 2,2 milliards d'euros de prêts bonifiés. Ces chiffres sont contractualisés depuis le mois d'octobre dernier. Le reste du financement sera assuré par 600 millions d'euros issus du reliquat du PNRU et par la contribution, à hauteur de 400 millions d'euros, de la Caisse de garantie du logement locatif social.
Notre collègue Marie-Noëlle Lienemann adressera aux rapporteurs une note sur ce sujet. Je mets aux voix les crédits du Programme 147 « Politique de la ville ».
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « politique de la ville ».
Je voudrais remercier Mme Annie Guillemot pour son excellent rapport et M. Daniel Raoul pour sa participation à la réunion de notre commission.
Nous examinons à présent l'avis budgétaire du Programme 174 consacré aux « crédits énergie ». Je passe la parole à notre collègue M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.
Monsieur le Président, mes chers collègues, comme chaque année, notre commission s'est saisie pour avis du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » qui retrace les crédits consacrés à l'énergie. Au-delà de cet exercice un peu contraint, j'ai souhaité revenir sur la situation du groupe Areva après l'annonce d'une perte record de 4,8 milliards d'euros en 2014, et examiner la pertinence des mesures annoncées pour sortir de la crise.
Quelques mots, d'abord, sur le budget : en réalité, la dotation du programme - un peu plus de 510 millions d'euros - couvre dans sa quasi-intégralité les droits des anciens mineurs, ce qui justifie sa contraction régulière de l'ordre de 5,6 % cette année, en ligne avec l'évolution démographique.
Ainsi, entre 2012 et 2016, le nombre de bénéficiaires des prestations servies par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, aura diminué de près de 20 % ; les dépenses d'intervention - avantages en nature et prestations de pré-retraite pour l'essentiel - baisseront quant à elles encore plus rapidement pour connaître une baisse de 25 %, du fait des départs en pré-retraite ou en retraite des derniers agents actifs dont l'agence assumait encore les salaires. Parmi les prestations servies, les dépenses de chauffage et de logement diminuent aussi mais dans une proportion moindre, de l'ordre de 14 %, pour permettre la revalorisation régulière des aides et la mise en oeuvre de programmes de réhabilitation et d'adaptation des logements pour une population vieillissante.
Autre action financée par le programme, à hauteur de 29 millions d'euros, la « lutte contre le changement climatique » correspond en fait, pour l'essentiel, au financement du dispositif national de surveillance de la qualité de l'air. Après la contraction significative des crédits déjà observée l'an dernier, de l'ordre de 12 %, - cette baisse pouvant cependant s'expliquer par la non-reconduction de la contribution au financement de la COP 21 et par la fin de l'effort budgétaire consenti pour accélérer l'adoption des plans de protection de l'atmosphère notamment -, cette action enregistre une nouvelle baisse de 6 % qui interpelle précisément à quelques jours de la tenue de la COP 21. Or, aucune justification à la baisse de ces crédits n'a été fournie, ni dans les documents budgétaires ni à la suite des sollicitations de votre rapporteur pour avis.
Enfin, le programme finance, pour 4 millions d'euros, quelques dépenses très spécifiques en lien avec l'énergie telles que le contrôle de la qualité des carburants ou la subvention versée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, pour l'inventaire triennal des déchets radioactifs, d'une part, et l'assainissement de sites pollués ou la reprise de déchets « orphelins », d'autre part. Au total, ces crédits baissent de près de 23 %, ce qui, s'agissant de l'ANDRA, tient compte en 2016 du report de certains chantiers de dépollution déjà financés ; à moyen terme, la poursuite de la baisse des subventions pourrait cependant obliger l'agence à retarder certaines opérations.
Fort heureusement, l'effort de la Nation en matière d'énergie va bien au-delà du périmètre du seul programme 174. Ainsi, la dépense fiscale augmentera l'an prochain de près d'un milliard d'euros, à 2,3 milliards, sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE, et de l'application de deux mesures adoptées en 2014 et 2015 en faveur des industries électro-intensives. Au total, si l'on ajoute le taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation énergétique des logements, rattaché formellement à un autre programme, la dépense fiscale atteint près de 3,5 milliards d'euros.
Les crédits en faveur de l'électrification rurale, retracés dans un compte d'affectation spéciale, sont par ailleurs reconduits à 377 millions d'euros même si l'on observe, sur l'année 2014, une sous-consommation importante des crédits. Ainsi, moins de la moitié des crédits de paiement ont été consommés. Le Gouvernement explique qu'il s'agit là d'une situation transitoire, liée notamment au déménagement de la mission « FACÉ » sur le site de la Défense et au départ de plusieurs gestionnaires, et que les retards seront en grande partie résorbés courant 2015.
Enfin, plusieurs mesures nouvelles en lien avec l'énergie sont prévues : d'une part, dans le prolongement de la disposition adoptée l'an dernier pour les nouvelles installations de méthanisation, l'exonération de fiscalité locale est étendue aux méthaniseurs existants, dits « pionniers », pour un coût total sur entre 2016 et 2021 de 18 millions d'euros ; or, si l'effet d'aubaine est réel, cette mesure est avant tout l'une des réponses aux difficultés actuelles de l'élevage. D'autre part, le rapprochement des fiscalités du diesel et de l'essence générera, compte tenu de la forte diésélisation du parc, une recette d'environ 245 millions d'euros qui servira en particulier à alléger la fiscalité locale des retraités.
Je rappellerai cependant, entre autres, que le mouvement avait en fait déjà été initié par la mise en place de la composante carbone en 2014, qu'il a jusqu'à présent été relativement indolore pour nos concitoyens compte tenu de la baisse des cours du pétrole mais qu'il n'en sera pas toujours ainsi et qu'enfin, le moteur diesel, par son rendement thermique supérieur, émet moins de CO2 qu'un moteur essence. Surtout, cette mesure aurait mérité d'être intégrée dans une réflexion plus globale sur la fiscalité énergétique. Également, un prélèvement de 90 millions d'euros est opéré sur le fonds de roulement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Ademe ; entre 2009 et 2014, le fonds de roulement, de 434 millions d'euros au 31 décembre 2014, avait il est vrai été abondé par des rentrées de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) supérieures aux décaissements des aides mais cette réserve était destinée à financer la montée en puissance des actions de l'agence. Ainsi, depuis 2015, le fonds de roulement est consommé au rythme d'au moins 100 millions d'euros par an, sachant que l'agence doit conserver une trésorerie minimale d'environ 100 millions pour assurer les premiers décaissements de l'année avant le versement de la TGAP. Dès lors, si un tel prélèvement ne pose pas de problème sur 2016, il obligera à se reposer la question du financement de l'agence dès la préparation de son budget pour 2017 et l'on ne peut donc que regretter cette gestion de court terme alors même que les missions de l'Ademe vont croissant.
En outre, le Gouvernement a introduit une mesure attendue de « compensation carbone » au profit des électro-intensifs à laquelle le Sénat, à l'initiative de notre commission, lui avait demandé de travailler dans le cadre de la loi « transition énergétique » : concrètement, il s'agit d'une aide, autorisée par le droit européen et déjà mise en place chez certains de nos voisins, qui compensera le coût indirect du carbone, c'est à dire le coût des quotas d'émissions répercutés sur les prix de l'électricité ; cette aide viendra alléger la facture des industriels d'environ 3 euros par MWh, pour un coût estimé à 93 millions d'euros en 2016. Enfin, les prorogations du CITE, pour une année supplémentaire, et de l'éco-prêt à taux zéro, pour trois ans, apportent de la visibilité mais ne dispenseront pas d'une évaluation de l'efficacité de ces dispositifs, qui est contestée pour le premier tandis que pour le second, le nombre de prêts distribués n'a cessé de diminuer depuis 2010.
Mais ce budget se caractérise aussi par ce qui n'y figure pas. En premier lieu, le financement de la transition énergétique doit être assuré par des montages extrabudgétaires complexes, via un fonds d'1,5 milliard d'euros sur trois ans logé à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et au sein duquel une « enveloppe spéciale transition énergétique » est elle-même créée. De nombreuses ressources doivent l'abonder : une partie des dividendes de la CDC et du produit des certificats d'économie d'énergie, le redéploiement d'enveloppes existantes du programme d'investissement d'avenir ou encore des ressources propres de la caisse. Sauf qu'à ce jour, le compte n'y est pas puisqu'en additionnant toutes les ressources annoncées, il manque encore 150 millions d'euros !
En second lieu, deux mesures structurantes sont renvoyées au « collectif » budgétaire qui justifient que notre commission s'en saisisse pour avis : l'évolution de la composante carbone pour 2017, qui tient compte de la trajectoire votée dans la loi de « transition énergétique » mais qui laisse entière la question de la compensation de la mesure par la baisse d'autres prélèvements, pourtant prévue par la même loi ; et, surtout, la budgétisation de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui aura pour effet de réintégrer, dès 2016 - ce qui appellera des mesures de coordination dans le présent texte -, plus de 6,4 milliards d'euros de charges et de ressources dans le budget de l'État. Sans entrer dans le détail, notons déjà que cette réforme valide rétrospectivement l'analyse du Sénat tant en termes de contrôle parlementaire que de sécurisation juridique du dispositif au regard du droit communautaire.
J'en viens maintenant à l'analyse de la situation d'Areva qui fait ressortir plusieurs éléments saillants.
S'agissant du diagnostic, globalement partagé par tous les acteurs du dossier, il apparaît clairement que les causes des difficultés actuelles sont autant externes qu'internes à l'entreprise. Après l'accident de Fukushima, le marché du nucléaire s'est brutalement contracté quand, dans le même temps, la crise économique entraînait une stagnation de la demande dans les pays développés et que l'exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, en rendant les centrales au gaz plus compétitives, avait un effet d'éviction sur la construction de centrales dans le pays. Les fondamentaux du marché ont aussi changé rapidement, sur les marchés matures d'abord, où la stabilité de la demande et la baisse des prix de marché ont accru la pression sur les clients d'Areva, qui la répercutent sur leurs fournisseurs ; sur le marché des nouveaux réacteurs ensuite, avec l'émergence de nouveaux concurrents chinois, russes ou sud-coréens bénéficiant d'un marché intérieur captif et du soutien financier de leurs États.
La situation a cependant été aggravée par des erreurs stratégiques et de gestion propres à l'entreprise. Sur le plan de la stratégie, le pari du « modèle intégré » regroupant l'ensemble des métiers du nucléaire n'a jamais produit les synergies escomptées. Dans le cadre d'une gouvernance qui interroge, il a surtout servi à justifier une course à la croissance qui s'est soldée par des investissements malencontreux, à commencer par un UraMin payé au prix fort et sans toutes les certitudes sur la teneur en minerais des gisements, et par la signature de contrats très favorables aux clients, dont l'EPR finlandais est symptomatique : une fourniture « clés en main » sans précédent dans le nucléaire, un calendrier excessivement optimiste - 50 mois contre 150 pour la tête de série des réacteurs de seconde génération - et la possibilité pour le client d'exiger des modifications à tout moment sans compensation, ce qu'il n'a pas manqué de faire.
À ces difficultés propres au groupe se sont ajoutées celles liées au manque de cohérence entre les stratégies d'Areva et d'EDF, en matière d'approvisionnement, où la diversification des achats décidée par EDF a réduit les volumes confiés à Areva, et à l'international, où « l'équipe de France » s'est souvent présentée en ordre dispersé, voire parfois en concurrence frontale.
Sur le plan de la gestion, ce sont surtout les difficultés d'exécution des grands projets qui ont pesé sur les résultats et sur l'endettement du groupe : accusant neuf ans de retard, l'EPR finlandais a obligé le groupe à inscrire dans ses comptes 4,5 milliards d'euros de provisions pour pertes ; à Flamanville, Areva, fournisseur de la chaudière nucléaire, doit maintenant démontrer la sûreté de la cuve à l'issue d'un programme d'essais dont les résultats, sur lesquels tant Areva qu'EDF affichent leur confiance, sont attendus courant 2016 ; enfin, la complexité du réacteur de recherche Jules Horowitz s'est aussi soldée par des retards importants et par un triplement du budget initial, à 1,5 milliard d'euros.
Il reste qu'Areva dispose d'atouts importants pour se redresser : un carnet de commande de près de 47 milliards d'euros représentant plus de cinq années d'activité, des compétences et un savoir-faire reconnus ainsi qu'un outil industriel modernisé, voire même sans équivalent dans l'aval du cycle.
Pour surmonter ses difficultés et capitaliser sur ses atouts, Areva a annoncé, en mars dernier, un plan de transformation assis sur trois piliers qui font sens sur le plan industriel.
En premier lieu, il s'agit de recentrer le « nouvel Areva » sur son « coeur de métier », les activités du cycle de l'uranium, c'est-à-dire le périmètre de l'ancienne Cogema, où le groupe détient des positions fortes. De cette première orientation découlent la recherche de partenariats - comme avec l'espagnol Gamesa dans l'éolien offshore - ou la cession d'actifs dans les autres métiers - tels que la filiale Canberra dans la mesure de la radioactivité et surtout celle de la branche réacteurs et services à la base installée, Areva NP - l'ex Framatome - à EDF.
Ce qui nous amène au second pilier, la refonte du partenariat avec EDF qui est centrale tant les deux entreprises sont liées : Areva est le premier fournisseur d'EDF et EDF son premier client. Cette refonte passera d'abord par la prise de participation majoritaire d'EDF, entre 51 et 75 %, dans Areva NP, qui est justifiée par la proximité de ces activités avec ses métiers historiques. Compte tenu du lien qui demeurera entre les deux entités sur le combustible, le nouvel Areva en conservera une part minoritaire stratégique comprise entre 15 et 25 %, les parts définitives de l'un et de l'autre devant varier en fonction de l'entrée de partenaires industriels tiers, sans doute chinois et japonais. Dans ce cadre, EDF a demandé en particulier à être immunisé de tout risque lié à l'EPR finlandais, j'y reviendrai.
Le renforcement de la relation entre les deux groupes passera en outre par la création d'une société commune d'ingénierie, de gestion de projet et de commercialisation de réacteurs neufs, qui est décisive pour arriver groupés dans la bataille à l'export, et par un accord de coopération stratégique pour sécuriser les contrats entre les deux groupes.
Second volet du plan de transformation, le plan de compétitivité a pour objectif de générer un milliard d'euros d'économies d'ici à 2017. Sur le plan social, cet effort se traduira par un plan de départs volontaires - puisque les départs non forcés seront la règle - qui devrait concerner, selon le projet transmis aux syndicats en octobre, 2 700 postes en France.
Dernier axe, la couverture des besoins de financement, estimés à 7 milliards d'euros sur 2015-2017, sera assurée par des financements propres, pour 1,2 milliard, et des cessions d'actifs, pour 2,4 milliards - 2 milliards pour 75 % d'Areva NP et 400 millions pour Canberra. Quant aux 3,4 milliards restants, ils devront être couverts pour l'essentiel par une augmentation de capital souscrite par l'État à hauteur de 2,5 à 3 milliards d'euros et financée par le programme de cessions de l'Agence des participations de l'État.
Au total, les principes mis en oeuvre dans ce que le Président de la République a qualifié de « refondation de la filière nucléaire française » me semblent bons et de nature à sortir Areva de la crise, à savoir, dans le cycle, un nouvel Areva plus compétitif est en mesure de reconquérir des parts de marché et, dans les réacteurs, la répartition des rôles est clarifiée avec une « équipe de France » remise en ordre de bataille et réorganisée autour d'un « trépied » constitué d'un chaudiériste-fournisseur de services, Areva NP, une filiale commune d'ingénierie et un architecte-ensemblier, EDF.
La réussite de l'opération est désormais conditionnée à l'atteinte d'un certain nombre d'objectifs qui sont autant de points de vigilance: la bonne réalisation du plan de compétitivité, qui devra tout particulièrement préserver les compétences commerciales et celles liées à la sûreté ; l'accompagnement social des mesures de productivité ; la définition d'une relation équilibrée avec EDF, notamment par la conclusion de contrats équitables pour les deux parties ; la recherche de partenariats industriels créateurs de valeur ; pour être clair, il s'agira de s'assurer que l'entrée de partenaires tiers n'aboutisse pas à des transferts massifs de technologies ; l'adaptation de l'offre aux nouvelles demandes du marché - c'est notamment l'objet de l'EPR « nouveau modèle » qui vise une baisse des coûts d'environ 20 % ; la mise en oeuvre d'une augmentation de capital adaptée aux besoins de financement du nouvel Areva et la plus rapide possible afin de donner de la visibilité sur le devenir de l'entreprise ; la validation des opérations de cession et de recapitalisation par les autorités européennes ; et enfin, la question centrale du portage du risque finlandais, auquel EDF a exclu de participer et qu'il paraît difficile de reporter sur un nouvel Areva au périmètre resserré. Avec l'entrée d'investisseurs tiers, c'est là l'une des incertitudes qui pèse encore sur le dossier.
S'agissant du vote sur les crédits du programme 174 et du compte d'affectation spéciale sur l'électrification rurale, je recommande ainsi à la commission un avis de sagesse. Je vous remercie de votre attention.
Merci monsieur le rapporteur. Votre avis nous a permis de faire un tour d'horizon sur les questions qui se posent à la filière dans son ensemble. Je passe la parole à nos collègues qui en ont fait la demande, en commençant par M. Roland Courteau.
Merci monsieur le Président. Il est vrai que les crédits du programme sont en baisse sur la plupart des actions, mais vous l'avez précisé vous-même, monsieur le rapporteur, cette baisse participe de l'effort budgétaire. Elle est aussi la conséquence structurelle de la baisse régulière, de l'ordre de 3 % pour l'année 2015, du nombre d'anciens mineurs bénéficiaires des droits et prestations sociales. Vous avez eu raison de préciser également que le budget de ce programme ne représentait qu'une faible partie des moyens consacrés à la politique énergétique. En effet, la politique énergétique est transversale et d'autres programmes ainsi que d'autres missions, comme celle consacrée à l'écologie, participent à son financement. Les dépenses fiscales, je l'ai bien noté, sont en hausse pour atteindre 3,5 milliards d'euros, soit six fois le total des crédits du programme. Le crédit d'impôt transition énergétique passe à 1,4 milliard d'euros et le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % en faveur de la rénovation thermique des logements est chiffré à 1,12 milliard d'euros pour 2016. Le fond dédié à la transition énergétique est quant à lui doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans. Les programmes d'investissement d'avenir participent à la transition énergétique à hauteur de 11 milliards d'euros. Enfin l'ADEME voit son financement inchangé et la Caisse des dépôts a ouvert une ligne de crédits de 5 milliards d'euros au profit des collectivités pour la rénovation des bâtiments communaux.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, la CSPE devrait être portée à 7 milliards d'euros en 2016, avec une réforme à laquelle d'ailleurs le Sénat s'était associé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La loi de finances rectificative permet d'ailleurs d'examiner à nouveau ce dispositif. Quels sont les avantages de cette réforme ? La définition d'un cadre juridique robuste qui tienne compte de la jurisprudence confirmée en matière d'accises, le renforcement du contrôle du Parlement - en phase, d'ailleurs, avec les recommandations de la Cour des comptes - et la transparence accrue des charges. Cette réforme permet également de mettre en conformité les régimes d'exonérations, dont les gros consommateurs sont bénéficiaires, avec le droit communautaire, s'agissant notamment des nouvelles lignes directrices sur les aides d'État en matière d'énergie et d'environnement qui ont été publiées en 2014. En outre, cette réforme assure également un partage plus efficient de l'effort entre l'électricité et les autres énergies, afin d'éviter que la totalité des coûts du service public et de la transition énergétique ne soit uniquement assumée par l'électricité laquelle, en France, demeure largement décarbonée.
Je voudrais terminer, monsieur le Président, sur un point. Aux causes déjà évoquées des difficultés de l'opérateur Areva, me paraissent devoir être ajoutés, d'une part, les dysfonctionnements profonds de la filière nucléaire dont les opérateurs se sont faits concurrence à eux-mêmes à l'international ainsi que, d'autre part, la réorientation de l'approvisionnement d'EDF vers Rosatom, au moment où Areva investissait massivement dans son outil de conversion en uranium, comme le programme Comurhex 2 implanté dans l'Aude.
Je ne formulerai qu'une seule question, monsieur le rapporteur : où en est-on du traitement de l'anomalie constatée dans la composition de l'acier de certaines zones du couvercle et du fond de cuve du réacteur de Flamanville ? Avons-nous avancé sur cette question ? Je vous remercie.
Je félicite notre rapporteur pour son rapport très complet. Je soutiens sa proposition de sagesse, compte tenu des observations équilibrées qui ont été les siennes. Je formulerai à mon tour quatre observations. La première concerne la CSPE dont la situation va sans doute évoluer après la loi de finances rectificative. Si nous ne savons pas encore quelle sera la position de l'Assemblée nationale, nous pouvons en revanche anticiper les contours de cette évolution. Elle correspond peu ou prou à la proposition de la commission des finances du Sénat que nous avions adoptée dans la loi relative à la transition énergétique, avec un avis de sagesse émanant de l'opposition sénatoriale d'ailleurs. La proposition du Gouvernement fixe certes le scénario qui se prépare mais nous manquons encore d'éléments quant à sa mise en oeuvre. En tous les cas, nous aurons à nous prononcer les 9 et 11 décembre sur cette question.
Monsieur le rapporteur, je partage les inquiétudes qui sont les vôtres sur la situation d'Areva. On attend beaucoup des contrats qui doivent venir de l'étranger, s'agissant notamment des projets partagés avec les Chinois et concernant les centrales à dimension intermédiaire. J'ai beaucoup apprécié votre analyse même si je demeure plus pessimiste que vous ne l'êtes !
Ma troisième observation concernera le retard enregistré sur le chantier de Flamanville. Je ne peux, à cet égard, qu'opérer un rapprochement avec Fessenheim et vous auriez pu être plus sévère dans votre constat ! Le raccordement au réseau de Flamanville, sauf mauvaise surprise, ne pourra être assuré qu'en 2018 et arrêter Fessenheim avant cette date constituerait une véritable erreur économique pour notre pays ! Vous auriez pu, monsieur le rapporteur, parler de la situation de Fessenheim et être beaucoup plus ferme là-dessus ! Il faut lier les évolutions respectives de ces deux centrales ! J'espère que ce choix ne sera pas définitif.
Enfin, concernant la question des partenariats avec d'autres industriels que pourraient nouer Areva et EDF, il faut aller beaucoup plus loin ! S'il est très bien qu'EDF ait trouvé des partenaires chinois pour construire des EPR en Grande-Bretagne, des partenariats seront aussi indispensables pour assurer le financement de la prolongation de la durée de vie de nos centrales. Il va falloir en effet débourser de 400 à 600 millions d'euros par centrale ! L'endettement d'EDF ne lui permettra pas de tout financer. Lorsque nous l'avions auditionné, M. Jean-Bernard Lévy avait éludé la question mais il l'a évoquée depuis. Vous auriez pu prendre une position dans votre rapport en faveur de tels partenariats. Dans tous les cas, je vous suivrai, monsieur le rapporteur, dans votre souhait de position de sagesse sur les crédits.
Ce rapport est intéressant car il élargit le débat. Lors du débat sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous avions évoqué le caractère inflationniste sur les matériaux que pouvaient induire les subventions et les aides fiscales. Nous avions ainsi préconisé que soit conduite une observation des prix des matériaux sur l'ensemble de la filière.
S'agissant d'Areva, je suis favorable à des partenariats pour autant que les transferts de technologies soient maîtrisés. En revanche, la question de l'ouverture du capital d'entreprises nucléaires au secteur privé, voire à des investisseurs étrangers, ne me paraît pas souhaitable. Disposez-vous d'informations sur cette question ?
Ma première question portera sur l'expérimentation du chèque énergie qui concerne 150 000 foyers. Nous serions intéressés à ce qu'il y ait une première évaluation de la mise en oeuvre de ce dispositif qui ne semble pas améliorer la situation des personnes en situation de précarité énergétique. Nous sommes attentifs également à l'évolution de la CSPE qui fera d'ailleurs l'objet d'un prochain débat.
S'agissant d'Areva, nous pensons qu'au-delà de la recherche de partenaires, l'État doit recapitaliser. Nous sommes un peu dans la même situation à cet égard qu'avec la SNCF. Areva a en effet réalisé un certain nombre d'investissements, quand bien même elle a pu commettre certaines erreurs stratégiques. Dans l'intérêt de la Nation, il serait juste que l'État participe, à bonne hauteur, à la recapitalisation de cette entreprise. En outre, je rejoins mon collègue Ladislas Poniatowski en m'interrogeant également sur la capacité financière d'EDF d'assurer le renouvellement de son parc. Enfin, je souhaiterais, comme ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, avoir des précisions sur le capital d'Areva et ses perspectives d'évolution.
Comme vous vous y attendez, nous n'allons pas voter ce budget. Néanmoins, je formulerai une première observation sur les futurs marchés du nucléaire et tout particulièrement sur celui du démantèlement de centrales nucléaires, qui va se développer. Nos sociétés françaises, qui savent les construire, doivent aussi se positionner pour en assurer la déconstruction. Parmi les causes des difficultés que traverse actuellement l'opérateur Areva, vous avez évoqué une acquisition d'UraMin au prix fort et j'aurais aimé avoir des précisions sur ce point.
Notre collègue Roland Courteau a précisé des chiffres sur lesquels je n'ai rien à ajouter. Il a également posé une question, dont il connaît la réponse en tant que membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Lorsque l'Opecst a organisé une table ronde sur le sujet, il nous a été précisé que des essais seraient réalisés début 2016 sur des échantillons similaires aux forgés de la cuve de Flamanville. Ces tests seront suivis par l'ASN qui devrait donner son avis définitif sur la sûreté de la cuve à la fin du premier semestre 2016. L'affaire est suivie de très près et je dois souligner, pour les avoir interrogés, que ni AREVA ni EDF ne sont inquiets quant aux résultats de ces études complémentaires.
Je vous remercie, M. Ladislas Poniatowski, pour votre soutien. Il est vrai que la budgétisation de la CSPE représente une grande victoire car elle permettra un meilleur contrôle du Parlement. Je rappellerai que les charges couvertes par la CSPE ont explosé et que, par le seul prolongement de la trajectoire actuelle la CSPE représenterait demain près de 25 % de la facture du consommateur. Que le Parlement vote la CSPE dans le cadre du budget me paraît une très bonne chose !
S'agissant de la situation d'Areva, je ne suivrai pas votre pessimisme. Au fond, la réorganisation prévue revient à ramener le nouvel Areva dans le périmètre de l'ancienne Cogema et à recréer Framatome de l'autre, tout en créant une filiale commune avec EDF pour la conception, la gestion de projet et la commercialisation des nouvelles centrales nucléaires. Surtout, le nouvel Areva et Areva NP disposent d'un carnet de commandes important et tous les collaborateurs d'Areva sont très motivés pour assurer le redémarrage de leur société. Il faut solder le passé et il faudra aussi recapitaliser.
S'agissant des partenariats avec d'autres opérateurs, il est clair qu'EDF ne pourra pas financer à lui seul le grand carénage et le renouvellement du parc et qu'il est à la recherche de partenariats dans cette optique.
À notre collègue Mme Marie-Noëlle Lienemann, qui évoquait l'effet inflationniste des aides fiscales, il est vrai que l'UFC-Que choisir a constaté que, comme à l'accoutumée, les subventions profitaient aux fournisseurs et non aux clients en se traduisant par une augmentation des prix. C'est hélas une tendance générale. Comment faire pour que ces subventions profitent bel et bien aux usagers ? C'est toujours la même question.
S'agissant de l'évolution du capital d'Areva NP, celui-ci sera détenu par le secteur public au minimum à 66 %, soit EDF à hauteur de 51 % et Areva à hauteur de 15 %. Il n'y a donc pas de crainte à avoir ! S'agissant des 34 % restants, divers partenaires ont exprimé leur souhait d'entrer au capital d'Areva. Ainsi, il semblerait que Mitsubishi, qui a déjà travaillé avec Areva sur le réacteur Atmea, qui est une grande réussite, souhaiterait en devenir le troisième et unique actionnaire. Le Gouvernement, quant à lui, privilégierait l'entrée, à la fois, d'investisseurs japonais et chinois, Areva devant rester, en tout état de cause, l'actionnaire minoritaire le plus important. Il faudra cependant rester vigilant sur les transferts de technologies potentiels à l'occasion de ces partenariats.
Le chèque énergie n'entrait pas dans le champ du rapport mais ce dispositif doit faire l'objet, comme l'a évoqué notre collègue Jean-Pierre Bosino, d'une expérimentation, il est donc encore trop tôt pour en tirer les enseignements. Puisque celui-ci sera payé par la CSPE, il nous faudra surveiller de très près l'évolution des prix de l'énergie afin de nous assurer que ce dispositif n'induit pas de conséquences inflationnistes !
L'État devrait recapitaliser le nouvel Areva pour un montant sans doute compris entre 2,5 et 3 milliards d'euros. S'il le fait, ce sera bien en tant qu'investisseur avisé et non à pertes car les perspectives sont bonnes !
Notre collègue Joël Labbé a raison en évoquant le futur marché que représente le démantèlement des centrales nucléaires. Même si les centrales qui ont aujourd'hui quarante ans peuvent être prolongées jusqu'à soixante, un moment ou un autre, leur démantèlement s'avérera inéluctable. EDF dispose d'une certaine expérience dans ce domaine, à l'image du démantèlement de la centrale de Brennilis, dont le retard - je le dis sans aucun esprit polémique - était dû au contentieux juridique auquel cette opération a donné lieu.
Concernant UraMin, Areva a effectivement acheté au plus haut des cours de l'uranium avant que ceux-ci ne s'effondrent, en raison notamment de l'accident de Fukushima. On a également l'impression que toutes les précautions n'ont pas été prises pour s'assurer de la teneur en minerais des gisements et que des divergences existaient, au sein de l'état-major d'Areva lui-même, quant à la pertinence de cette transaction. Au total, la dépréciation des actifs engagés se monte à plus de deux milliards d'euros sur les trois milliards dépensés pour acheter la société puis investir dans l'exploitation des gisements.
À ce problème s'ajoute l'évolution de l'EPR finlandais, dont le contrat a été mal rédigé non par incompétence, mais dans un contexte où l'on s'attendait à ce que les autres marchés assurent le renflouement des pertes, qu'on imaginait par ailleurs moindres, de ce programme qui devait être pilote. Les pertes essuyées dans le cadre de ce programme sont considérables et s'élèvent, quant à elles, à plus de 4 milliards d'euros.
Je vous remercie monsieur le rapporteur. J'invite désormais la commission à se prononcer sur les crédits du Programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La Commission émet un avis de sagesse sur les crédits du programme « Énergie, climat et après-mines » ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
Nous examinons à présent l'avis budgétaire concernant la pêche maritime et l'aquaculture au sein du programme 205. Je passe la parole à notre collègue M. Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous n'avons pas souvent l'occasion de nous pencher sur la pêche maritime et l'aquaculture. Or, il existe une ligne budgétaire au sein du programme 205 « sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « écologie, développement et mobilité durables », qui vise à soutenir le secteur de la pêche et de l'aquaculture.
Le projet de loi de finances permet donc de parler un peu de nos ports de pêche, de nos navires, de nos conchyliculteurs, essentiels à l'économie du littoral.
Tout d'abord, constatons que la pêche française va mieux depuis deux à trois ans. Après 10 années de crise, au cours de laquelle la réduction de la taille de notre flotte de pêche s'est poursuivie, les cours du poisson se maintiennent voire progressent - on pêche moins mais on vend plus cher - les stocks sont en voie de reconstitution dans certaines zones, en particulier l'Atlantique Nord, et les prix du carburant ont baissé.
Tous ces facteurs permettent aux pêcheurs de dégager de meilleurs revenus qu'auparavant. Lors de l'audition du comité national des pêches maritimes et élevages marins, il m'a été indiqué que l'année dernière, la part de pêche, c'est-à-dire le salaire du pêcheur, pouvait aller de 2 000 à 8 000 euros mensuels.
Si la pêche maritime française va mieux, tous les problèmes ne sont pas pour autant réglés : certaines pêcheries restent menacées par des baisses de quota - la sole en golfe de Gascogne ou en Manche-Est, le cabillaud et l'églefin en mer celtique - ou encore par des arrêts temporaires d'activité de pêche, comme on peut le craindre pour le bar dans l'Atlantique. Par ailleurs, la Méditerranée continue à manquer de poissons. La profession réclame moins de brutalité dans les variations de quotas, et notamment la mise en place de systèmes de quotas pluriannuels, pour plus de lisibilité.
La pêche doit par ailleurs s'adapter à la nouvelle politique commune de la pêche (PCP), notamment en mettant fin aux rejets en mer, c'est-à-dire en débarquant toutes les prises, en améliorant la sélectivité des engins, en répondant à l'impératif d'excellence environnementale. S'il faut tout débarquer, des investissements doivent être faits. Au demeurant la pêche est très contrôlée, en mer, à terre, dans les criées ...
Nous sommes à la croisée des chemins : la pêche française doit profiter de la période plutôt favorable qu'elle traverse pour se moderniser : avec un âge moyen de 26 ans, la flotte métropolitaine est vieillissante, gourmande en carburant et peu confortable pour les équipages et constitue à terme un handicap structurel. L'année dernière, j'avais indiqué que la part du carburant pouvait atteindre 40 % des coûts de fonctionnement. Il faut profiter de l'actuelle période pour construire des bateaux ou les rénover.
Concernant les crédits des pêches maritimes et de l'aquaculture proprement dit, le budget 2016 s'inscrit dans la continuité du budget 2015 : l'enveloppe est en légère baisse, avec 46,8 millions d'euros contre 47,9 millions d'euros l'année dernière.
La répartition de l'enveloppe n'évolue pas significativement avec 6,8 millions d'euros pour la recherche scientifique, dont une part importante est destinée à l'IFREMER. À cet égard, les professionnels craignent un désengagement de l'IFREMER sur la recherche halieutique, qui représenterait aujourd'hui 8 millions d'euros environ sur les 215 millions de budget de l'Institut. Il nous faudra être d'une grande vigilance sur le sujet car l'acquisition de données scientifiques, notamment par les programmes d'observations en mer, est décisive dans le cadre des négociations annuelles avec Bruxelles sur les quotas.
6,2 millions d'euros de crédits sont consacrés au contrôle des pêches, qui constitue une obligation communautaire. Mais le budget des pêches ne porte qu'une faible part des moyens de contrôles, la prise en charge des moyens humains relevant d'autres budgets. L'activité de contrôle est évaluée à 460 emplois temps plein par la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA).
Les lignes de crédits destinés à la caisse de solidarité intempérie des marins, à l'assistance technique et au repeuplement de civelles ou à la recherche outre-mer sont reconduites.
Enfin, un peu plus de 20 millions d'euros sont mobilisés pour cofinancer les actions de développement économique qui sont éligibles aux aides européennes : plans de production et de commercialisation des organisations de producteurs, aides au stockage, innovation, appels à projets.
En réalité, le budget de l'État n'est ni le seul, ni le plus important des soutiens à la pêche et l'aquaculture : depuis plusieurs années, les crédits européens jouent un rôle majeur.
L'enveloppe de la France au titre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) pour la période 2014-2020 est bien plus importante que l'enveloppe du fonds européen pour la pêche (FEP) de 2007-2013. Les 588 millions d'euros de crédits européens doivent permettre de lever au total 822 millions d'euros d'aides publiques, venant aussi en partie des régions. C'est considérable ... mais pour l'instant virtuel car la mise en oeuvre du FEAMP est encore différée : présenté en avril dernier, le programme opérationnel français n'est toujours pas approuvé à Bruxelles. J'avais déjà indiqué l'année dernière qu'il fallait accélérer la mise en oeuvre du FEAMP. Les professionnels s'inquiètent à juste titre, car cela retarde la mise en oeuvre des appels à projets, qui ne seront probablement pas sélectionnés avant la fin 2016, soit près de 3 ans après le lancement du fonds. On risque au final de ne pas pouvoir consommer l'enveloppe, ce qui serait bien dommage, et aurait probablement pour conséquence une baisse des crédits attribués à la France sur la prochaine période de programmation budgétaire.
Enfin, j'attire votre attention sur le fait que l'interprofession de la pêche, France Filière Pêche, a continué en 2015 et continuera en 2016 à apporter son soutien à la filière pêche, grâce aux 30 millions d'euros de contributions volontaires, essentiellement payées par la grande distribution. Il convient de voir pérenniser cette manne au-delà de 2016, par un nouvel accord pour France Filière Pêche, faute de quoi nous serions amenés à réfléchir à la réinstauration d'une contribution de la grande distribution.
France Filière Pêche a maintenant un rôle incontournable, pour la valorisation de la pêche française avec le label Pavillon France désormais connu par 57 % des consommateurs, mais aussi pour la recherche scientifique en apportant un soutien ponctuel aux projets qui rencontrent des difficultés de financement, mais aussi pour l'investissement à bord des navires. Cela doit continuer mais je regrette au passage que les règles européennes interdisent d'apporter des fonds publics pour soutenir l'investissement dans les nouveaux navires. Autrefois, des crédits importants y ont été consacrés. Cette interdiction conduit à ne favoriser que les grandes structures ayant de grandes capacités financières propres. Cela pousse aussi au regroupement des investisseurs, car il devient impossible de financer seul l'acquisition de navires de plus de 12 mètres.
Lors du comité interministériel de la mer (CIEM) du 22 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé une nouvelle ambition pour la pêche et l'aquaculture, notamment dans le but de réduire notre dépendance aux produits importés, qui représentent environ 85 % de notre consommation. Nous n'en serions qu'à 50 % si nous ne mangions plus de saumons et de crevettes massivement importées. Deux mesures ont été mises en avant : un encouragement de l'investissement dans des nouveaux navires avec une réglementation plus adaptée afin de ne pas décourager le renouvellement de la flotte de pêche et l'identification de sites propices et l'attribution de 15 % des crédits européens pour l'aquaculture.
Je salue ces propositions, mais il faudra qu'elles soient suivies d'effets. Les annonces concernant l'aquaculture ne sont pas nouvelles, et l'expérience des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, promis en 2010 et dont bien peu ont été élaborés, est à cet égard instructive.
La pêche maritime française a aussi besoin d'un véritable plan stratégique pour se moderniser. J'ai reçu les auteurs du rapport sur le renouvellement de la flotte de pêche, MM. Deprost et Suche, qui mettent en évidence le caractère stratégique de la flotte des navires de plus de 12 mètres. Il s'agit de moins de 1 000 navires qui apportent plus des deux tiers des captures dans les ports français. Leur modernisation, avec éventuellement leur remotorisation est indispensable car ces navires sont énergivores.
En septembre, le navire Arpège, dit « navire du futur », un navire de 25 mètres d'un coût de 8 millions d'euros, dont un quart a été financé grâce au programme des investissements d'avenir, a été mis à l'eau. Il apporte d'importants gains en consommation d'énergie et en confort à bord, ce qui est indispensable pour attirer du personnel. Une construction en série permettrait de faire baisser considérablement les coûts, probablement autour de 3,5 millions d'euros.
Encore faut-il trouver des investisseurs qui veuillent s'engager et financer de nouveaux navires. Or, leur coût les rend inaccessibles à des artisans-pêcheurs. Il faut dès lors encourager le regroupement des pêcheurs, pour leur permettre de financer la construction de navires neufs de plus de 12 mètres.
Le rapport Deprost-Suche formule de nombreuses propositions, dont la réforme du permis de mise en exploitation. Lors d'un entretien avec les responsables du port de Lorient, j'ai eu confirmation que le problème du droit à pêcher constituait un obstacle à l'installation de nouveaux pêcheurs, du fait du coût que cela représente.
La modernisation de notre flotte de pêche est nécessaire. Elle est possible. Et elle devra se faire dans le respect d'un modèle social respectueux des marins, et non pas, comme le font certains États membres de l'Union européenne, avec des matelots sous-formés, sous-payés et exposés à une multitude de risques inhérents aux sorties en mer. Le dumping social existe dans le secteur de la pêche. Beaucoup reste à faire pour lutter contre ce phénomène.
Pour conclure, je propose à la commission d'émettre un avis de sagesse à l'adoption des crédits relatifs à la pêche figurant au sein de la mission « Écologie, développement et aménagements durables », et j'espère qu'au printemps prochain, notre commission pourra constater les progrès de la pêche française sur la criée de Lorient. Car s'il faut faire évoluer les navires, il faut aussi moderniser les criées et équipements à terre.
Je remercie le rapporteur pour la qualité de son rapport ainsi que pour les auditions de terrain qu'il a menées. Avec ses 5 000 kilomètres de côtes et ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, la France dispose du deuxième domaine maritime au monde. Malgré cela, nous ne sommes qu'au quatrième rang en Europe avec environ 10 % des captures. Il est donc absolument indispensable de moderniser l'ensemble de notre flotte et de faire entendre à l'Europe qu'une intervention de la puissance publique est justifiée pour se remettre à niveau. En outre, il faut lutter contre le dumping social des pays hors-Union européenne.
La question du renouvellement des navires est majeure pour l'avenir de la filière : dans les six prochaines années, la France aura besoin de 300 bateaux neufs ou modernisés si l'on veut utiliser tous nos quotas de pêche. Lors du conseil interministériel de la mer réuni en octobre dernier, le Premier ministre a annoncé des mesures pour financer le renouvellement des flottes de ferrys, de commerce et de pêche ainsi qu'une refonte des permis de mise en exploitation pour libérer des capacités et encourager l'installation de jeunes pêcheurs. Concernant la flotte de pêche, une concertation rapide avec la profession devra mettre au point un dispositif de facilitation fiscale du renouvellement.
Enfin, je rappellerai que l'essentiel du soutien fiscal aux entreprises de pêche passe par la détaxation du carburant et par l'exonération de TVA sur la vente des produits de leur pêche. Je considère donc que l'avis de notre rapporteur est un avis de sagesse positif et c'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de budget.
J'ai moi aussi apprécié le fond et la forme, toujours savoureuse, de la présentation de notre rapporteur. Je voudrais insister sur la pêche artisanale qui, bien que n'exerçant pas de pression lourde sur le milieu marin, est malgré tout victime des excès de la pêche industrielle. Il faut sauver cette pêche artisanale et tout particulièrement la pêche au bar de ligne qui est une pêche de très grande qualité, avec un prélèvement maîtrisé de la ressource. Or, il est question d'un moratoire de six mois qui risque de mettre en difficulté les pêcheurs spécialisés.
En matière de conchyliculture, il nous faudra profiter de l'examen de la loi relative à la biodiversité pour introduire un véritable étiquetage, de façon à permettre au consommateur de distinguer les huitres triploïdes, qui poussent en deux ans au lieu de trois et ne sont pas laiteuses l'été, des autres. En parallèle, il faut continuer à travailler avec les ostréiculteurs sur le dossier de demande de spécialité traditionnelle garantie.
Je remercie à mon tour le rapporteur pour ce rapport qui sent l'iode ! Une question pour ma culture personnelle : où se situe la mer celtique ?
Le prix du carburant est un sujet très sensible pour les pêcheurs. Le fioul utilisé par les navires étant très peu taxé, les taxes ne jouent pas leur rôle d'amortisseur habituel des variations des cours du brut.
Comment s'opère la surveillance de nos zones économiques exclusives, par exemple dans les archipels des Kerguelen ou des Crozet où nos réserves seraient pillées ?
Enfin, j'ai pu observer à Concarneau que les bateaux de l'Ifremer restaient à quai, est-ce par manque d'argent ? Je suis très attaché à la préservation de la ressource, et ce faisant de nos pêcheurs, et il faut donc que l'Ifremer ait les moyens de travailler.
Je profite de l'occasion pour insister sur l'importance de l'amendement voté au Sénat en matière de suramortissement des coopératives, qui pourra s'appliquer aux coopératives de pêche et aider en particulier au renouvellement des navires.
Comment se fait-il que la France ne soit pas capable, malgré ses ressources maritimes et sa tradition de pêche, de développer une aquaculture de saumons ? Il nous faut regagner des parts de marché sur ce secteur.
Il faut effectivement doter l'Ifremer des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions, en particulier dans le cadre de la directive « stratégie pour le milieu marin » qui vise la restauration du bon état écologique des mers en 2020.
Est-ce le ministère de l'outre-mer qui gère la pêche dans les outre-mer ? Il me semble qu'il existe très peu d'initiatives de gestion maritime de ces territoires alors que la ressource est là !
Les pêcheurs sont très méritants. Nous avons aussi des ressources sur nos territoires dont nous pourrions mieux tirer avantage, qu'il s'agisse des rivières, des étangs ou des lacs. Les cormorans, dont la population a été multipliée par soixante, fait des dégâts très importants, il est temps d'y mettre un terme !
Je voudrais simplement préciser que la France a demandé à pouvoir utiliser les crédits du plan Juncker pour le renouvellement de sa flotte.
En réponse à l'interrogation de Mme Lienemann, sachez que le développement de l'aquaculture se heurte à des difficultés pour identifier les sites propices, compte tenu du risque d'opposition des riverains.
La mer celtique, située entre l'Angleterre et l'Irlande, est une zone de pêche importante pour la France. La construction de navires neufs pourrait servir à la fois à accélérer la transition énergétique et à développer l'emploi : 400 000 emplois seraient possibles dans les secteurs de la pêche et de la mer au sens large.
Le faible prix actuel des carburants ne doit pas conduire à renoncer à la modernisation de nos outils. Par ailleurs, la détaxation du carburant utilisé pour l'avitaillement des navires de pêche est essentielle.
Il ne faut pas opposer la pêche artisanale côtière et la pêche sur des navires plus gros, qui contribue d'ailleurs à l'essentiel des captures, de la même manière que nous ne devons pas opposer les différentes formes d'agriculture.
Les ressources halieutiques sont très dégradées en Méditerranée, en revanche, dans l'Atlantique, on constate l'amélioration de certains stocks, laissant penser que les quotas pourront augmenter dans l'avenir. Mais nous ne consommons pas tous nos quotas, qui ne concernent au demeurant que 50 % des quantités pêchées. Sachons aussi que nos ports de pêche traitent du poisson pêché par des navires battant pavillon étranger.
La surveillance des pêches est extrêmement forte. J'ai pu visiter avec le ministre Alain Vidalies le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage d'Étel, qui est doté de moyens techniques impressionnants. Ceux qui trichent courent un grand risque d'être identifiés.
La flotte outre-mer est très artisanale, même si elle est plus récente. Nous devons développer la pêche dans les outremers.
L'IFREMER est surtout financé sur le programme 172, qui relève de la mission « recherche et enseignement supérieur ».
La Commission émet un avis de sagesse sur les crédits consacrés à la pêche et à l'aquaculture au sein du programme 205 « sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « écologie, développement et mobilité durables ».
La commission des affaires économiques demande à être saisie pour avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015 (A.N., n° 3217).
Jean-Claude Lenoir est désigné rapporteur pour avis.
Jean-Jacques Lasserre est désigné rapporteur sur le projet de loi n° 652 (2014-2015) ratifiant l'ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d'adaptation dans le secteur touristique.
La réunion est levée à 12 h 18.