Intervention de Christiane Taubira

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 novembre 2015 à 17h45
Loi de finances pour 2016 — Mission « justice » - Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Dites-le au Conseil d'État ! Notre refus d'agrément lui a été déféré et il nous a donné tort.

Pour les outre-mer, les circulaires de politiques territoriales prennent spécifiquement en compte les problématiques locales - comme elles le font en métropole. La médiation pénale pose le problème, à Mayotte, de la présence des cadis dans les juridictions. À Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, ils peuvent intervenir. Évidemment, nous sommes très prudents : ces interventions doivent se faire dans le cadre de la loi. La délinquance liée à l'alcoolisme précoce ou à la désocialisation peut y être prise en charge par un accompagnement de ce type.

L'aide aux victimes fait l'objet d'une politique volontariste, que vous avez soutenue. Nous avons doublé son budget, qui avait baissé lors des trois dernières années du précédent quinquennat, passant de 11 millions d'euros en 2009 à 10 millions d'euros en 2012. Je l'ai augmenté de 25 % dès la première année, et il atteint désormais 20 millions d'euros. Nous avons ouvert des bureaux d'aide aux victimes dans tous les TGI et commençons à en ouvrir dans les cours d'appel. La loi du 15 août 2014 sur la réforme pénale donne aux victimes des droits et des garanties supplémentaires. Celle du 17 août 2015 généralise le dispositif de suivi individualisé et pluridisciplinaire des victimes, après une expérimentation concluante dans huit TGI en 2014. Nous généralisons également le téléphone grand danger, contre les violences faites aux femmes, et avons mis en place un réseau de référents pour les victimes du terrorisme. Nous apporterons des moyens supplémentaires aux associations qui le portent.

J'avais souhaité, après les attentats de janvier, une évaluation du dispositif de prise en charge des victimes. Le résultat a été une version révisée de la circulaire de 2008, publiée début novembre. Elle crée un référent unique pour les familles. Ainsi, sur les 11 000 appels reçus par la cellule, la même famille était toujours mise en contact avec la même personne. Il en a été de même pour l'accueil à l'école militaire. Grâce à la relation de confiance ainsi créée, certaines familles ont même appelé pour donner des nouvelles, ce qui a occasionné quelques moments de grâce, lorsque celles-ci étaient bonnes.

La cellule restera en fonction jusqu'à la fin des obsèques. Nous avons en effet déchargé les familles de toutes les démarches. J'ai demandé une permanence du parquet à l'institut médico-légal pour que les permis d'inhumer soient délivrés sans délai. Au départ, l'institut nous avait indiqué qu'il faudrait deux semaines pour effectuer toutes les autopsies. Cela m'a paru impossible à annoncer aux familles. Nous avons rapidement tenu une réunion, au cours de laquelle, forte de l'expérience des attentats de janvier, j'ai fait préciser par le procureur les informations dont il avait besoin pour l'enquête. Ainsi a-t-on élaboré des critères plus fins que ceux d'Interpol et un certain nombre d'autopsies furent évitées, ce qui a réduit la durée des opérations à moins d'une semaine. Un lieu de recueillement a été mis en place pour les familles, et les permis d'inhumer ont été délivrés au fur et à mesure. Bref, nous avons conjugué le niveau d'empathie nécessaire avec l'indispensable efficacité.

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