La commission entend Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi de finances pour 2016 (mission « Justice »).
Nous recevons Mme la garde des sceaux pour la traditionnelle audition budgétaire. Quelles priorités votre budget reflète-t-il ? Naturellement, le contexte actuel mobilise aussi votre ministère. La structure de la mission « Justice » en est-elle affectée ? La déradicalisation, notamment, est appelée à prendre de l'importance...
Merci de votre accueil. C'est toujours un plaisir de venir devant votre commission des lois, où j'apprécie la qualité des échanges et la précision des questions. Vous examinerez jeudi la mission « Justice », modifiée par les annonces du Président de la République devant le Congrès. Pour prendre toute sa part dans la lutte contre le terrorisme et la prise en charge des personnes qu'il implique, mon ministère doit affiner les outils dont il dispose. Son budget traduit les priorités du Gouvernement : justice du XXIème siècle, accès au droit et aide juridictionnelle, lutte contre le terrorisme, aide aux victimes et réforme pénale. Il franchit cette année la barre des 8 milliards d'euros, même après les 30 millions d'euros d'efforts supplémentaires qui nous ont été demandés il y a trois semaines.
Il comporte de nombreuses créations d'emplois : alors que 1 024 emplois nouveaux étaient prévus pour 2016 - sans compter les redéploiements - afin d'atteindre le chiffre de 1 834 en trois ans, le président de la République nous en a octroyé 2 500 de plus. Ainsi, nous aurons créé 6 100 emplois à la fin de la législature. Durant la campagne de 2012, le Président de la République s'était engagé à en créer 3 000 pour la police et la justice. Très rapidement, j'ai obtenu que nous en obtenions vraiment la moitié, ce qui nous a assuré dès mon premier budget la capacité de créer 500 emplois. Dès le second, ayant constaté d'importants besoins dans l'administration pénitentiaire, nous l'avons ajustée à la hausse. Les 6 100 emplois que nous aurons créés seront répartis entre les juridictions, la protection judiciaire de la jeunesse, l'administration pénitentiaire, et viendront renforcer notre logistique administrative et la modernisation de nos moyens informatiques.
La justice civile constitue 70 % de l'activité judiciaire. Sa réforme, que vous avez récemment adoptée à une très large majorité, comporte plusieurs innovations nécessitant la création d'emplois spécialisés, comme la création d'un service d'accueil unique des justiciables ou l'affectation de greffiers assistants du magistrat. Mettre en place la justice du XXIème siècle requiert aussi d'améliorer nos applicatifs informatiques. L'applicatif civil « Portalis » - dont le nom ne peut que vous être cher ! - était si lourd qu'on nous a conseillé d'y renoncer. Il est vrai que son développement devait prendre dix ans et coûter plus de 40 millions d'euros. Vu les besoins de la justice civile, j'ai préféré accélérer son développement afin qu'une première version soit opérationnelle fin 2015 et que le service d'accueil des justiciables commence à fonctionner. L'applicatif pénal « Cassiopée » avait quelques points aveugles : nous les comblons.
Cette réforme engage la fusion des juridictions sociales. La justice sociale s'adresse à des justiciables de condition modeste, qui connaissent mal l'univers judiciaire. Simplifier la constellation des juridictions, et en faciliter l'accès, est donc aussi un acte de justice sociale. J'avais proposé de réaliser par ordonnance la fusion, au sein du tribunal de grande instance, des tribunaux des affaires de sécurité sociale (Tass) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), qui auraient repris une partie du contentieux des commissions départementales d'aide sociale (CDAS). Votre commission en a décidé autrement, préférant organiser cette fusion directement dans la loi. Pourtant, nous attendons incessamment la remise d'un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ). Sans doute faudra-t-il, en temps utile, apporter quelques précisions ou modifications à ce que vous avez prévu.
J'ai présenté hier matin en séance publique l'article 15 du PLF, relatif à l'aide juridictionnelle, ainsi que l'amendement qu'y a déposé le Gouvernement. Le Sénat s'intéresse depuis des années à la question. Les rapports de M. du Luart, en 2006, et de Mme Joissains et M. Mézard, en 2014, ont inspiré notre réforme. Le budget de l'aide juridictionnelle augmente régulièrement depuis notre arrivée aux affaires, mais c'est insuffisant : depuis 2001, tous s'accordent à penser que celle-ci est à bout de souffle. Nous relevons le plafond de ressources pour bénéficier de l'aide juridictionnelle, qui passe de 941 euros à 1 000 euros, et l'indexons sur l'évolution des prix hors tabac. Nous augmentons aussi la rétribution des avocats : nous avons restreint la modulation territoriale, en réduisant de dix à trois le nombre de groupes et accru de 12,6 % le montant de l'unité de valeur, figé depuis 2007. Celle-ci, jusqu'à présent comprise entre 22 et 24,5 euros, sera désormais de 26,5, 27,5 ou 28,5 euros. La diversification des ressources votée l'an passé aura rapporté 43 millions en 2015. Nous la maintenons et la renforçons, ce qui devrait rapporter 63 millions d'euros en 2016 et 83 millions d'euros en 2017. Nous simplifions également les procédures et introduisons la médiation.
Le premier plan de lutte antiterroriste date de janvier 2015. Dès novembre 2012, j'avais diffusé une circulaire précisant les critères définissant les détenus particulièrement signalés. Je l'ai actualisée en novembre 2013. Entre-temps, en juin 2013, j'avais mis en oeuvre un plan de sécurisation des établissements pénitentiaires d'un montant de 33 millions d'euros, prévoyant l'installation de filets anti-projection, de portiques de détection, d'équipements de vidéosurveillance, la création de deux équipes cynotechniques supplémentaires et des formations supplémentaires. Nous avons lancé en 2014 un cycle de formation du personnel pénitentiaire sur la détection de la radicalisation, l'emprise sectaire et l'enseignement des religions. Des équipes légères de fouilles sont venues s'ajouter aux équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS). Enfin, nous avons recruté des aumôniers supplémentaires, en particulier musulmans : 30 en 2013, 30 en 2014, 30 en 2015 et, pour 2016, 30. La population carcérale musulmane est en effet la plus nombreuse, à en croire les chiffres relatifs à la pratique du ramadan. Or le nombre d'aumôniers musulmans venait en quatrième position : nous l'avons fait remonter à la deuxième, et avons doublé le budget que nous leur consacrons, qui passe à 1,2 million d'euros. Jusqu'en 2012, il n'y avait que quatre recrutements d'aumôniers musulmans par an...
Le renseignement pénitentiaire a été renforcé : de 70, le nombre d'officiers qui s'y consacrent est passé à 159 en 2015 et devrait atteindre 185 en 2016. Nous les faisons travailler sur la détection de signaux faibles. L'appel d'offre lancé en juillet 2014 a été remporté par l'association française des victimes du terrorisme. Depuis le 1er janvier 2015, celle-ci doit donc nous fournir un faisceau de signaux mettant en échec les stratégies de dissimulation. Elle organise également un programme de formation pour trente détenus autour de l'intervention de repentis, afin de combattre le discours de radicalisation.
Le plan antiterroriste de janvier 2015 nous octroie 950 postes et 302 millions d'euros supplémentaires. Nous renforçons donc le pôle antiterroriste de Paris, mettons en place un réseau de magistrats antiterroristes sur le territoire et créons des postes dans l'administration pénitentiaire, parfois pour de nouveaux métiers : ainsi, une cellule surveille désormais en permanence les réseaux sociaux, et travaille en partenariat avec une cellule pluridisciplinaire de réflexion associant des chercheurs, des professionnels de l'administration pénitentiaire et d'autres intervenants. Nous avons aussi recruté des traducteurs, des informaticiens et acquis un logiciel de contrôle en temps réel. Nous installons des brouilleurs de haute technologie adaptés aux nouveaux téléphones et près de 300 détecteurs de téléphones portables. Enfin, nous recrutons des surveillants pénitentiaires.
Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons mis en place une mission nationale de veille et d'information, ainsi qu'un réseau « laïcité et citoyenneté » et un plan de formation de l'ensemble du personnel.
Le deuxième plan de lutte antiterroriste, annoncé par le Président de la République, nous octroie 2 500 emplois supplémentaires, qui seront affectés au pôle antiterroriste de Paris, dans les juridictions, dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) - car les liens du terrorisme avec le crime organisé sont réels - ou encore aux services pénitentiaires chargés des extractions judiciaires. Nous ferons un effort particulier d'équipement informatique pour les magistrats du parquet et du siège. Les moyens de prise en charge et d'accompagnement des fonctionnaires sous forte tension seront également renforcés.
La réforme pénale continuera à être mise en oeuvre. Après les efforts de recrutement en faveur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), qui ont bénéficié de 1 000 personnes supplémentaires, dont 700 sont déjà recrutés et 510 en poste sur le terrain, nous accroissons leurs moyens.
Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Cukierman, rapporteure pour avis sur la protection judiciaire de la jeunesse. M. Détraigne, rapporteur pour avis sur la justice judiciaire, vous posera les questions qu'elle avait préparées. Je donnerai ensuite la parole à M. Portelli, rapporteur pour avis sur l'administration pénitentiaire.
Voici les questions de Mme Cukierman, rapporteure pour avis sur la protection judiciaire de la jeunesse : « Cette année encore, les crédits consacrés au financement du secteur associatif habilité diminuent, comme le nombre de mesures qu'il prend en charge. Cette diminution va-t-elle se poursuivre au cours des prochaines années ? Les services de milieu ouvert sont plus attractifs que les établissements de placement pour les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Comment, dès lors, éviter que les plus expérimentés se concentrent au sein des premiers ? »
Je m'exprime à présent en mon nom. Les crédits dédiés à la médiation familiale sont les seuls de tout le programme « Accès au droit et à la justice » à ne pas progresser. Cette baisse est difficilement compréhensible au regard de l'engagement fort en faveur de la médiation que vous avez pris dans le cadre du projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle que nous avons adopté au Sénat. En outre, le bilan très favorable des expérimentations conduites en matière de médiation familiale préalable obligatoire, montre que celle-ci peut être une source d'économies budgétaires, puisqu'elle évite que la juridiction ne soit saisie d'un contentieux. Pourquoi ne pas en tirer davantage parti ?
En vingt ans, le nombre d'avocats dans notre pays a doublé, ce qui explique la dépendance croissante de cette profession vis-à-vis de l'aide juridictionnelle. Pourquoi ne pas créer une obligation d'aide juridictionnelle, comparable à l'obligation de garde des médecins ? Vous avez rappelé en séance publique l'hostilité très forte de la profession d'avocats à tout principe de numerus clausus. Que pensez-vous de la création d'un examen national d'accès à la profession ? Certains cabinets se spécialisent dans des contentieux - droit des sociétés, droit des affaires, fiducie - manifestement insusceptibles de relever de l'aide juridictionnelle. Ne peut-on penser pour eux à une autre modalité de participation à l'aide juridictionnelle ? Ils pourraient contribuer à son financement...
Il est prévu de créer 2 500 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire et dans les services judiciaires pour renforcer la lutte antiterroriste. Cela représenterait presque trois fois l'effort de recrutement prévu par le plan de lutte antiterroriste pour 2015-2017. Faut-il soustraire de ces recrutements supplémentaires les 900 postes créés dans le cadre de ce plan ? Seront-ils obtenus par des créations nettes ou par des redéploiements internes à chacun des programmes ? En moyenne, il y a déjà un poste de greffier vacant par juridiction et un poste de magistrat vacant toutes les deux juridictions.
L'Assemblée nationale et le Sénat se sont opposés sur le transfert au juge judiciaire de la totalité du contentieux du placement en rétention administrative d'étrangers frappés d'une obligation de quitter le territoire. Au cas où la solution de l'Assemblée nationale l'emporterait, avez-vous déjà évalué quel serait le coût en ETPT d'une telle mesure ? Comment serait-elle financée ?
Il a été décidé de constituer cinq unités dédiées à l'accueil des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation. Je n'en ai vu aucune trace à Fleury-Mérogis. Quel est le calendrier d'ouverture de ces unités ? Quels critères de choix seront retenus pour l'affectation des personnes détenues ? Comment seront-elles prises en charge ?
Lors des auditions, les syndicats représentant le personnel des SPIP m'ont fait part d'une difficulté portant sur le mode de calcul de la pension de retraite des assistants de service social qui ont fait le choix de se reclasser dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Jusqu'à fin 2014, ces assistants reclassés bénéficiaient, pour la liquidation de leur pension de retraite, de la prise en compte de l'indemnité de sujétions spéciales sur l'ensemble de leur carrière. Depuis cette date, seule la période ouverte par le reclassement est prise en compte. Cette différence de traitement crée une rupture d'égalité au sein d'un même corps. Quelle solution pouvons-nous imaginer pour régler ce problème ? L'article 40 restreint notre marge de manoeuvre, mais pas la vôtre, madame la Ministre.
J'ai rencontré à la prison des Baumettes un aumônier témoin de Jéhovah et un autre adventiste du septième jour. Il ressort pourtant de mes échanges avec les détenus et leurs familles qu'il n'y a pas un seul adventiste, ni un seul témoin de Jéhovah dans toute la prison. Au nom de la liberté religieuse, l'État financerait-il le prosélytisme religieux ?
Merci pour la clarté de vos propos, madame la Ministre. Dans le cadre de mon avis budgétaire sur les outre-mer, je me suis penché sur la politique de sécurité, qui trouve un prolongement dans la politique pénale définit par le garde des sceaux. Quelles orientations avez-vous adressées aux parquets généraux pour prendre en compte les spécificités de la délinquance et de la criminalité d'outre-mer ? Certaines collectivités territoriales d'outre-mer se caractérisent par la présence d'autorités coutumières, qui ont un magistère moral important et participent à la cohésion sociale. Les relations des autorités judiciaires avec elles sont-elles formalisées ? Je pense en particulier à la médiation pénale.
Nous partageons votre préoccupation pour l'aide aux victimes, qui est une marque de modernité de notre justice. Le terrorisme donne à la question une ampleur particulière. Quelles inflexions vous conduit-il à lui apporter ? Vous avez prêté une grande attention à la création des bureaux d'aide aux victimes. Quel bilan en tirer ?
Bravo pour la ténacité avec laquelle vous vous efforcez d'accroître le nombre de postes consacrés à la justice. Aujourd'hui encore, le terrorisme a frappé, en Tunisie, visée pour avoir eu le courage de se doter d'une constitution progressiste. Quelle est la traduction budgétaire de la loi sur la justice du XXIème siècle ? Les 185 postes consacrés au renseignement pénitentiaire sont-ils bien distincts des emplois de surveillance pénitentiaire ? Ils devraient pourtant l'être ! Les règles internes de gestion et d'affectation du personnel de la police nationale sont respectables, mais elles n'aboutissent pas toujours à la meilleure allocation des compétences. De même, le pôle d'instruction antiterroriste a perdu l'un de ses membres les plus expérimentés, devenu juge aux affaires familiales dans une ville du nord de la France. Ne faudrait-il pas revoir certaines règles de mobilité ?
Certes, les choses bougent. M. Badinter a reconnu lundi que, grâce au Sénat, aucune ligne rouge n'avait été franchie dans la mise en place de l'état d'urgence. Certaines déclarations, comme celle de M. Sarkozy sur votre politique pénale, me paraissent en revanche excessives : nous constatons ici que des créations de postes ont lieu. Si M. Raffarin, parvient à rassembler la commission des affaires étrangères autour d'une loi pluriannuelle, pourquoi notre commission des lois n'y arriverait-elle pas ? Consulté, le Premier ministre m'a indiqué que l'idée n'était pas sotte !
La déradicalisation a déjà fait l'objet d'une demande de rapport par le ministre de l'intérieur à un député des Hauts-de-Seine, et vous devrez certainement prendre des initiatives en la matière. Je souhaite que nous posions des bases consensuelles. D'abord, je déconseille l'usage de ce terme, terriblement ambigu. M. Devedjian s'oppose à la présence dans son département de clubs de prévention. Est-ce à dire qu'il s'oppose à la déradicalisation ? Ce sujet va nous occuper longtemps... À mon sens, la déradicalisation est l'affaire du personnel pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse, pas de l'aide sociale à l'enfance ou de la prévention spécialisée, car il ne faut pas surcharger les départements.
Il a été difficile de mettre en place les conseils de prévention de la délinquance à l'échelle intercommunale - tout comme la politique de la ville. Attention, donc, au partage des compétences, tel qu'il résulte de la réforme territoriale. Attendons que des conseils régionaux soient élus pour parler déradicalisation avec eux - sauf s'ils sont d'extrême droite ! Les lycées du Pas-de-Calais comptent 7 000 décrocheurs... Vous avez clairement fait progresser le débat, mais le manque de moyens de votre ministère crée des insularités qui doivent régresser. Je vous donne acte de ce que vous faites pour l'aide juridictionnelle et la médiation familiale.
Les louanges que vous avez reçues, madame la Ministre, sont largement méritées. Les crédits pour les associations d'aide aux victimes augmentent. Voilà quatre ans que nous demandons qu'une suramende, décidée par le juge, abonde un fonds qui leur serait consacré, mais cette proposition a été sanctionnée deux fois par le Conseil constitutionnel. Allez-vous la remettre à l'ordre du jour ? La création des centres de déradicalisation, annoncés depuis quelques mois, semble être une priorité du Gouvernement. Votre ministère y sera-t-il associé ? Si oui, avec quels moyens ? Ces centres n'ont pas vocation à accueillir des personnes condamnées... L'accroissement - très bienvenu - du nombre d'aumôniers musulmans ne doit pas avoir pour contrepartie un recul des services sociaux, dont nous avons vu l'importance en visitant Fleury-Mérogis.
La salle d'audience de la zone d'attente de Roissy devait être ouverte en 2014. Cette ouverture a été reportée en 2015. Quid pour 2016 ? J'ai personnellement constaté que les travaux d'aménagement y étaient achevés.
Pour financer l'aide juridictionnelle, pourquoi ne pas mettre à contribution les contrats d'assurance qui comportent, le plus souvent à l'insu de leurs bénéficiaires, une clause de protection juridique ? Le bureau d'aide juridictionnelle devrait disposer d'un fichier les recensant.
Madame la ministre, si vous n'avez pas le temps de répondre à toutes les questions, vous pourrez nous envoyer des compléments par écrit.
Merci, je le ferai volontiers. Le budget du secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse baisse légèrement, en effet, puisqu'il passe de 225 millions d'euros à 224 millions d'euros. C'est la récompense de notre bonne gestion ! Lorsque je suis arrivée, l'État avait une dette importante envers ce secteur. J'ai décidé de la résorber. C'est fait : il n'y a donc plus lieu de prévoir des fonds pour cela. Ce secteur prend en charge 30 % des personnes confiées à la protection judiciaire de la jeunesse.
Oui, le milieu ouvert est plus attractif que les centres de placement. Aussi avons-nous pris des dispositions compensatrices. Ainsi, le régime indemnitaire est de 4 500 euros par an en milieu ouvert contre 6 840 euros en foyer d'hébergement et 8 300 euros en centre éducatif fermé. De plus, le parcours de carrière tient compte du temps passé dans les centres de placement. La rotation reste importante. Le milieu ouvert présente moins de contraintes, et le taux de non-récidive y atteint 80 %, ce qui est plus gratifiant. Mais nous avons besoin de personnel qualifié dans les centres d'hébergement.
La médiation familiale a fait l'objet d'un excellent rapport de Mme Tasca et M. Mercier, portant notamment sur l'évaluation des expérimentations menées à Bordeaux et à Arras, dont les résultats sont satisfaisants. La généralisation n'est pas prévue dans l'immédiat pour des raisons liées aux ressources humaines.
Sur 950 emplois prévus par le premier plan de lutte antiterroriste, nous avons créé 114 postes de magistrats, 114 de greffier, 15 d'assistants spécialisés et 15 d'assistants de justice. Sur les 2 500 du second plan, nous en affecterons 1 175 aux services judiciaires. Nous renforcerons - pour la troisième fois en 2015 - le pôle antiterroriste : je suis très attentive à l'augmentation du nombre de procédures et à celle des besoins en magistrats, greffiers, assistants spécialisés et assistants de justice. Grâce à ces derniers, les magistrats peuvent se concentrer sur leurs tâches. Nous renforçons également les JIRS, car il y a une relation forte entre criminalité organisée et terrorisme.
Je vous répondrai par écrit sur l'aide juridictionnelle et sur le nombre d'avocats. Je suis favorable à un examen national. Nous y travaillons depuis 2012 avec la profession, qui s'était d'abord prononcée favorablement avant de se raviser. Ce sera un facteur de professionnalisation, et de régulation du nombre d'avocats. La collaboration en début de carrière adosserait les jeunes avocats à un cabinet, ce qui les aiderait à se constituer une clientèle. La profession est plutôt hostile au numerus clausus.
Nous comblons les postes vacants au fur et à mesure. Il est possible que dans vos régions l'on vous indique que certains postes sont vacants. Pourtant, nous faisons de belles promotions, mais il faut 31 mois pour former un magistrat ! Alors qu'au cours de la législature précédente, elles comportaient en moyenne une centaine d'étudiants, la promotion de 2013 en comptait 354, celle de 2014, 368, celle de 2015, 382 et celle de 2016 en comptera 482. Du coup, j'ai dû renforcer l'école nationale de la magistrature... En parallèle, j'augmente les effectifs dans les juridictions : cette année, pour la première fois le solde entre les entrées et les départs à la retraite y est positif.
À Fleury-Mérogis, un quartier dédié sera ouvert fin 2015.
J'y suis allé il y a deux mois et la directrice m'a dit que ce n'était pas une priorité.
Cela m'étonne beaucoup. Ils seront terminés fin 2015. Il nous faudra vérifier physiquement.
Oui, car nous renforçons chaque année les effectifs de l'administration pénitentiaire. En 2014, 534 postes supplémentaires m'ont été accordés. Les premiers sont déjà opérationnels. Nous avons prévu d'affecter des ailes à ces quartiers dédiés. Il s'agira d'une double séparation, qui ne concernera pas les plus radicalisés, car ceux-ci sont à l'isolement et font l'objet de contrôles et de transfert fréquents. Ces quartiers dédiés rassembleront les personnes en situation intermédiaire, ainsi séparés du reste de la population carcérale et placés dans des cellules individuelles, dont s'occuperont des fonctionnaires pénitentiaires spécialisés. Une commission examinera les critères d'affectation et de sortie, ainsi que l'efficacité de la prise en charge par l'association française des victimes du terrorisme.
Nous avions refusé des agréments aux aumôniers témoins de Jéhovah. Ils nous ont attaqués devant le Conseil d'État qui leur a donné raison en 2013. Cela étant, je m'efforce d'associer l'ensemble des aumôniers à tous mes grands chantiers. Certains s'expriment plus que d'autres, mais tous viennent. Nous avons signé un accord avec l'Algérie pour que tous les aumôniers qui arrivent en France suivent une formation universitaire, et préparons une convention de même nature avec la Turquie et avec le Maroc.
Certains de ces aumôniers auraient été considérés il y a peu comme appartenant à une secte.
Dites-le au Conseil d'État ! Notre refus d'agrément lui a été déféré et il nous a donné tort.
Pour les outre-mer, les circulaires de politiques territoriales prennent spécifiquement en compte les problématiques locales - comme elles le font en métropole. La médiation pénale pose le problème, à Mayotte, de la présence des cadis dans les juridictions. À Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, ils peuvent intervenir. Évidemment, nous sommes très prudents : ces interventions doivent se faire dans le cadre de la loi. La délinquance liée à l'alcoolisme précoce ou à la désocialisation peut y être prise en charge par un accompagnement de ce type.
L'aide aux victimes fait l'objet d'une politique volontariste, que vous avez soutenue. Nous avons doublé son budget, qui avait baissé lors des trois dernières années du précédent quinquennat, passant de 11 millions d'euros en 2009 à 10 millions d'euros en 2012. Je l'ai augmenté de 25 % dès la première année, et il atteint désormais 20 millions d'euros. Nous avons ouvert des bureaux d'aide aux victimes dans tous les TGI et commençons à en ouvrir dans les cours d'appel. La loi du 15 août 2014 sur la réforme pénale donne aux victimes des droits et des garanties supplémentaires. Celle du 17 août 2015 généralise le dispositif de suivi individualisé et pluridisciplinaire des victimes, après une expérimentation concluante dans huit TGI en 2014. Nous généralisons également le téléphone grand danger, contre les violences faites aux femmes, et avons mis en place un réseau de référents pour les victimes du terrorisme. Nous apporterons des moyens supplémentaires aux associations qui le portent.
J'avais souhaité, après les attentats de janvier, une évaluation du dispositif de prise en charge des victimes. Le résultat a été une version révisée de la circulaire de 2008, publiée début novembre. Elle crée un référent unique pour les familles. Ainsi, sur les 11 000 appels reçus par la cellule, la même famille était toujours mise en contact avec la même personne. Il en a été de même pour l'accueil à l'école militaire. Grâce à la relation de confiance ainsi créée, certaines familles ont même appelé pour donner des nouvelles, ce qui a occasionné quelques moments de grâce, lorsque celles-ci étaient bonnes.
La cellule restera en fonction jusqu'à la fin des obsèques. Nous avons en effet déchargé les familles de toutes les démarches. J'ai demandé une permanence du parquet à l'institut médico-légal pour que les permis d'inhumer soient délivrés sans délai. Au départ, l'institut nous avait indiqué qu'il faudrait deux semaines pour effectuer toutes les autopsies. Cela m'a paru impossible à annoncer aux familles. Nous avons rapidement tenu une réunion, au cours de laquelle, forte de l'expérience des attentats de janvier, j'ai fait préciser par le procureur les informations dont il avait besoin pour l'enquête. Ainsi a-t-on élaboré des critères plus fins que ceux d'Interpol et un certain nombre d'autopsies furent évitées, ce qui a réduit la durée des opérations à moins d'une semaine. Un lieu de recueillement a été mis en place pour les familles, et les permis d'inhumer ont été délivrés au fur et à mesure. Bref, nous avons conjugué le niveau d'empathie nécessaire avec l'indispensable efficacité.
Je l'ai renforcé trois fois cette année, et nous considérons désormais que des moyens plus importants seront durablement nécessaires à Paris.
Il n'a pas été muté d'autorité. Les juges d'instruction sont limités à dix ans d'exercice de leurs fonctions au même poste par la loi organique.
Dans le cadre de la diversification des ressources pour l'aide judiciaire, nous avons mobilisé les contrats d'assurance juridique que M. Pillet a évoqués en introduisant un critère de subsidiarité. Cette bonne idée nous a fait économiser 25 millions d'euros.
La réunion est levée à 19 h 25