La commission des lois s'est de nouveau saisie pour avis du programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2016, au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises, de simplification de leur environnement, de protection des consommateurs et de mise en oeuvre du droit de la concurrence.
Ce programme regroupe l'ensemble des crédits destiné au soutien aux entreprises, à la protection du consommateur et à la régulation concurrentielle des marchés. La mise en oeuvre de ces missions incombe principalement à la direction générale des entreprises (DGE), à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), tant en administration centrale que par le biais des services déconcentrés, ainsi qu'à l'Autorité de la concurrence.
À périmètre constant par rapport à la loi de finances pour 2015, les crédits du programme connaissent en 2016 une nouvelle baisse significative, comme les exercices précédents, en autorisations d'engagement de 0,91 % et en crédits de paiement de 4,14 %. Cela correspond à une baisse, en apparence modeste, de 27 emplois du plafond d'emplois. En réalité, l'impact sur les emplois est plus important, car il faut tenir compte du changement de périmètre du programme : le plafond d'emplois est donc amputé de 62 emplois, auxquels on peut ajouter quatre emplois au titre de corrections techniques.
L'Assemblée nationale, qui vient d'examiner le projet de loi de finances pour 2016 en première lecture, a minoré, davantage encore, les crédits alloués au programme. À l'issue de ses travaux, les crédits reculent encore, avec une baisse des autorisations d'engagement de 1,01 % et des crédits de paiement de 4,24 %.
Je voudrais relever deux changements de périmètre qui n'ont pas toutefois d'impact budgétaire majeur. Il s'agit, d'une part, du transfert vers le programme des crédits destinés à l'économie sociale et solidaire, et, d'autre part, dans la perspective de la création auprès du ministère de l'économie et des finances d'une nouvelle structure interministérielle pour les questions d'intelligence économique, du transfert vers le programme des crédits de l'actuelle délégation à l'intelligence économique. Ces modifications de périmètre représentent quelques millions d'euros supplémentaires seulement, ce qui est peu au regard du programme dans son ensemble, de sorte qu'ils ne masquent pas une baisse plus importante des crédits. En conséquence, je peux me féliciter d'une relative stabilité du périmètre pour 2016.
Il faut noter que la diminution des crédits n'affecte pas de la même manière toutes les actions du programme. L'action relative au commerce et à l'artisanat, qui correspond à une partie des crédits de la DGE, sera plus particulièrement touchée à la baisse. Cela traduit une poursuite de la baisse des crédits du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). La DGE connaîtra une nouvelle réduction de ses effectifs, d'une trentaine d'emplois, comme les années précédentes. Les crédits alloués à l'Autorité de la concurrence, à l'inverse, vont augmenter fortement en 2016. Il s'agit de tenir compte des nouvelles missions qui lui ont été confiées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015, dite « loi Macron », à l'égard des professions réglementées du droit. Enfin, les crédits de la DGCCRF seront en baisse, mais pas au détriment de ses effectifs, qui resteront stables en 2016.
Je souhaiterais me concentrer plus particulièrement sur les crédits de chacune de ces trois actions, pour mettre en avant les trois principaux acteurs du programme. Comme mon prédécesseur Antoine Lefèvre, je demeure préoccupé par la capacité des administrations concernées à assumer les missions qui leur sont conférées, compte tenu de l'évolution de leurs moyens.
En premier lieu, la DGCCRF, qui connaît une baisse de ses crédits mais un maintien de ses emplois, reste dans une situation fragile. Pour pallier une partie de ces difficultés, il existe un enjeu de mutualisation des moyens des services départementaux, qui est aujourd'hui insuffisante. Une mission de réflexion sur ce sujet a été confiée à deux inspecteurs généraux, nous verrons ce qui en résultera.
En second lieu, l'Autorité de la concurrence connaît une érosion régulière de ses crédits et de ses effectifs depuis plusieurs années, ce qui fragilise son activité de contrôle et affecte la crédibilité même de ses décisions. En 2016, son budget repart à la hausse : l'action qui regroupe ses crédits est la seule à augmenter de manière substantielle, de l'ordre de 10%. Cette hausse tire les conséquences des nouvelles compétences qui lui sont conférées par la loi « loi Macron ». Elle doit fournir un avis sur les tarifs des professions juridiques et judiciaires réglementées, faire une proposition de cartographie pour l'implantation de nouveaux professionnels tous les deux ans et donner un avis sur la démographie des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation tous les deux ans également.
L'Autorité doit d'ailleurs rendre prochainement son avis sur le projet de décret sur la base duquel devront être pris avant fin février 2016 des arrêtés fixant les tarifs de chaque profession concernée. S'agissant des règles d'installation, l'Autorité doit proposer dans le même délai une carte des besoins pour les notaires, les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires, et donc définir les zones dans lesquelles l'implantation de nouveaux professionnels s'avérerait pertinente.
L'accroissement des crédits de l'Autorité recoupe essentiellement des dépenses de personnels, pour permettre l'exercice de ces nouvelles missions. Il faut toutefois souligner que les crédits de fonctionnement sont insuffisants pour assurer le travail de cartographie en raison de sa technicité et du caractère transitoire de la période actuelle, avec des effectifs en augmentation seulement à partir de janvier prochain... On se demande comment l'Autorité de la concurrence pourra tenir les délais qui lui sont impartis. Compte tenu de ces contraintes, je juge indispensable que des moyens suffisants lui soient alloués, c'est pourquoi je vous proposerai un amendement qui vise à relever de 300 000 euros les crédits de fonctionnement de l'Autorité.
Le troisième volet concerne la DGE, qui gère notamment l'activité d'accompagnement des entreprises dans les territoires. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a clarifié les compétences des collectivités territoriales en matière de développement économique, en donnant un rôle accru aux régions, par l'intermédiaire notamment du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, et en supprimant la clause de compétence générale. Cette loi a expressément prévu également que les régions pouvaient soutenir l'action collective des entreprises ainsi que les pôles de compétitivité, ce qu'elles faisaient déjà en pratique pour beaucoup d'entre elles.
En revanche, la loi n'a pas modifié les compétences de l'État en matière économique, alors même qu'on aurait pu imaginer que la nouvelle répartition de compétences entre les collectivités l'impliquât. Le 12 juillet dernier, le Premier ministre a néanmoins présenté, parmi les conclusions de la revue des missions de l'État, les trois axes des missions des services déconcentrés en matière de développement économique : la déclinaison au niveau régional des politiques publiques, l'accompagnement des entreprises et la veille stratégique sur le tissu économique local.
Au niveau national, la DGE est surtout en contact avec les grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) bénéficient plutôt de l'action des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
Or, compte tenu des tensions croissantes sur les effectifs des services déconcentrés, je m'interroge donc sur leur capacité, au regard des moyens alloués, à assumer cette mission d'accompagnement des entreprises dans les territoires de manière satisfaisante.
Dans le cadre de mes auditions, j'ai reçu des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et des réseaux consulaires. Ils ont tous tenu un discours relativement critique à l'égard des services de l'État en la matière, dont le rôle se cantonne de plus en plus à celui d'un observateur, au mieux d'un animateur. Ils pensent que l'État doit garder un rôle d'impulsion au niveau national, dans les politiques de filières industrielles notamment, mais ils ont émis des doutes sur la capacité des DIRECCTE, en région, à être localement le coordonnateur de la politique économique face à des régions renforcées. Les représentants des entreprises et des réseaux consulaires que nous avons entendus préconisent un renforcement des actions en faveur des très petites entreprises (TPE) et des PME, souvent écartées de fait des actions nationales et des programmes régionaux. Seul un renforcement des actions de proximité serait efficace en la matière.
Mon premier bilan fait apparaître un recul du rôle des DIRECCTE en matière économique. Je vous propose de suivre ce point au cours de l'année à venir pour examiner la situation avec les entreprises de nos différentes régions et les DIRECCTE elles-mêmes, par des déplacements en région.
Sous le bénéficie de ces observations, qui concernent principalement la DGE, la DGCCRF et l'Autorité de la concurrence, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous présenterai, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».