Intervention de François Grosdidier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 novembre 2015 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2016 — Mission « justice » - programme « administration pénitentiaire » - examen du rapport pour avis

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier :

Je remercie à mon tour le rapporteur. L'état des lieux est plus préoccupant encore que celui des juridictions. Le décalage entre les besoins et les moyens est immense. C'est le résultat de décennies de retard. Depuis l'abandon du programme de construction d'Albin Chalandon, on s'est sans cesse refusé à construire les capacités qui nous manquent, au motif que cela répondrait à une philosophie d'enfermement généralisé. En bonne politique pénale, on devrait pourtant construire pour remédier au manque de places, au lieu de déterminer la détention en fonction du nombre de places disponibles.

Face à la situation d'urgence que nous vivons, deux questions se posent : celle de la sécurisation et des communications téléphoniques, et celle du recrutement des aumôniers. Le débat s'est focalisé sur les mosquées salafistes, qui, au regard des 2 000 mosquées de France, se comptent sur les doigts des deux mains, au détriment du réel problème que constituent la télévision satellitaire et l'internet. Aucune communication par internet ne devrait, dans les prisons, échapper au contrôle. Halte aux Smartphones, et davantage d'aumôniers, tel devrait être le mot d'ordre. Il s'agit d'éviter la radicalisation en prison, qui est un phénomène fréquent.

Se pose également la question de la formation des aumôniers. Il est vrai, comme le rappelait Jean-Pierre Sueur, que le recrutement des imams n'est pas l'affaire de l'État, mais dès lors qu'on les agrée comme aumôniers, on peut exiger d'eux une formation, non pas théologique, car la République n'est pas outillée pour le faire, mais du moins en matière d'instruction civique et d'éducation aux valeurs de la République.

L'intangibilité de la loi de 1905, jusque dans ses modalités d'application, finit par conduire à la schizophrénie : on réclame, à juste titre, l'édification d'un islam de France et dans le même temps, on pousse les musulmans dans les bras des pays du Golfe, pour le financement de leurs mosquées et l'on se tourne vers les pays du Maghreb - même si c'est un moindre mal, puisque ces pays sont de tradition malikite et non pas wahhabite - pour former leurs imams, voire les salarier. Il est regrettable que nous soyons incapables, dans notre République, d'assurer la formation des aumôniers. Tant que l'on ne lèvera pas le tabou, on ne résoudra pas le problème de fond.

Cela étant dit, aucun aumônier agréé n'a, à ma connaissance, posé de problème, mais la vraie difficulté est qu'ils sont en nombre insuffisant. Et si l'on se soucie du danger des influences, il faut de toute urgence s'inquiéter de la liberté de communication qui prévaut, de fait, dans les prisons, tant par téléphone que par internet. Or je ne décèle pas, dans les décisions annoncées, de réelle prise en considération de cet impératif.

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