Je centrerai mon propos autour de trois thématiques : le cadre général du projet de loi de finances pour 2016, le programme 148 et le traitement de deux problématiques transversales à l'ensemble de la fonction publique : l'apprentissage - qu'il convient de développer - et les classes préparatoires - qui doivent être préservées.
S'agissant du cadre général du projet de loi de finances pour 2016, il était prévu une légère hausse des effectifs de la fonction publique d'État - qui comprend, pour mémoire, 2,4 millions d'agents - afin de respecter l'objectif de création de postes dans des secteurs identifiés comme prioritaires : l'enseignement, la justice et la sécurité. La hausse des effectifs sera finalement plus importante que prévu, le Président de la République ayant annoncé lors du congrès de Versailles le 16 novembre dernier la création d'ici deux ans de 5 000 emplois dans la police et la gendarmerie, de 2 500 postes dans la justice et de 1 000 emplois dans les douanes.
Le Gouvernement proposait également de réduire le plafond de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en le ramenant de 1 % à 0,8 % de la masse salariale des collectivités territoriales. S'il est incontestable que le CNFPT dispose d'une épargne brute confortable - environ 42 millions d'euros - cette réduction pourrait néanmoins avoir des effets pervers pour les collectivités territoriales. À titre de comparaison, une baisse de ce plafond à 0,9 % en 2012 avait coïncidé avec une diminution de 9 % du nombre de formations assurées par le CNFPT, contraignant les collectivités à se tourner vers des organismes privés de formation dont les tarifs sont plus onéreux. L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Gouvernement et a décidé de maintenir le plafond de cotisation au CNFPT à 1 % de la masse salariale des collectivités territoriales. Cette question est toutefois susceptible de faire débat en séance publique.
J'en viens au programme 148 « fonction publique », dont je rappelle qu'il ne concerne que la fonction publique d'État. Il comportait, jusqu'à présent, deux actions : action sociale interministérielle et formation des fonctionnaires. Les crédits alloués sont stables : 126 millions d'euros pour l'action sociale et 78 millions pour la formation.
Les crédits du programme augmentent cependant, car une nouvelle action, dotée 30 millions d'euros, est créée pour développer l'apprentissage dans la fonction publique d'État. Elle prendra la forme d'une subvention visant à rembourser la moitié des frais réels engagés par les administrations étatiques pour rémunérer et former les apprentis. Cela s'inscrit dans l'objectif du Gouvernement de recruter 4 000 apprentis à la rentrée 2015 - objectif qui a été dépassé, selon la direction générale de l'administration et de la fonction publique - et 6 000 apprentis supplémentaires à la rentrée 2016.
Cette initiative de l'État doit être soutenue mais elle ne sera pas suffisante au regard de la volonté de développer l'apprentissage dans les trois versants de la fonction publique.
Les administrations de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux comptaient en effet moins de 13 000 apprentis en 2012, ce qui représente moins de 3 % de l'apprentissage en France. Dans certains ministères, le nombre d'apprentis était même inférieur à cinq !
Développer l'apprentissage dans la fonction publique requiert tout d'abord un certain volontarisme politique des élus, comme j'ai pu le constater en me rendant à Tours où le nombre d'apprentis est passé de 0 à 19 en un peu plus d'un an. Cela exige également une organisation spécifique, l'employeur public devant construire une relation de confiance avec les centres de formation des apprentis (CFA) et les maîtres d'apprentissage.
Le développement de l'apprentissage dans la fonction publique se heurte à plusieurs obstacles structurels plus ou moins faciles à surmonter. Le premier réside dans l'absence de débouchés à l'issue du contrat d'apprentissage, les apprentis devant passer un concours de la fonction publique sauf s'ils exercent un emploi de catégorie C. Pour surmonter cet obstacle, la solution consistant à créer des voies d'accès à la fonction publique réservées aux anciens apprentis pourrait se heurter au principe constitutionnel d'égal accès à l'emploi public. À moyen terme, il semble plus opérationnel de travailler à un meilleur appariement entre les besoins des employeurs publics, d'une part, et les formations en apprentissage, d'autre part. Le CNFPT a par exemple créé un CFA des métiers territoriaux à Issy-les-Moulineaux pour former des cuisiniers spécialisés en restauration collective, métier très recherché par les collectivités et qui n'exige pas de passer par un concours.
Le deuxième obstacle au développement de l'apprentissage est d'ordre financier : les coûts salariaux de l'apprenti représentent le double de ceux du privé, les employeurs publics n'étant pas éligibles aux incitations fiscales prévues pour les entreprises qui embauchent des apprentis.
Il existe, enfin, un obstacle administratif, les apprentis de la fonction publique n'étant pas autorisés à exercer une activité dite « réglementée », à l'inverse de leurs collègues du privé. Un apprenti menuisier d'une commune ne peut, par exemple, pas utiliser les machines de découpe du bois, outil qui fait pourtant partie de son coeur de métier. Cela fait presque un an que le Gouvernement a annoncé des décrets pour répondre à cette difficulté mais nous les attendons encore.
Je terminerai mon intervention en évoquant les spécificités des classes préparatoires intégrées ou CPI. Ces classes s'adressent aux étudiants et demandeurs d'emploi de condition modeste pour les aider à préparer les concours externes de la fonction publique. Elles leur proposent un soutien pédagogique renforcé, des aides financières, des facilités d'hébergement et de restauration.
476 élèves sont aujourd'hui accueillis dans 25 CPI. J'en ai visité deux : celle de l'Ecole nationale d'administration (ENA) et celle de l'Institut national du patrimoine. Je tiens à saluer la qualité des enseignements dispensés, 47 % des étudiants des CPI obtenant un concours administratif à l'issue de cette formation. Dans le cas de la CPI de l'ENA, dont la grande force est de préparer à plusieurs concours administratifs comme ceux des Instituts régionaux d'administration (IRA) ou celui de l'Institut national des études territoriales (INET), le taux de réussite atteint même 76 %.
Conscient de cette réussite, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de doubler le nombre d'élèves accueillis en CPI, qui passerait à 1 000 d'ici 2016. Je reste toutefois réservée concernant cette proposition : il ne faudrait pas que l'accroissement des effectifs remette en cause le modèle pédagogique des CPI et le suivi individualisé qu'elles proposent. Chaque CPI accueille en moyenne 19 élèves. Doubler les effectifs de chaque classe et passer à 38 élèves ne pourront que détériorer la qualité des enseignements. Sans compter que les ressources budgétaires nécessaires à ce doublement des effectifs - qui pourraient atteindre plus de 7 millions d'euros par an - n'ont pas été provisionnées.
Pour développer le modèle des CPI, la meilleure stratégie serait de créer de nouvelles classes préparatoires dans des domaines ou des zones géographiques qui, à ce jour, ne sont pas couverts par ce dispositif. Cela suppose toutefois la mobilisation de nouveaux acteurs, ce qui n'est jamais simple. Je m'étonne notamment de l'absence de CPI dans la fonction publique territoriale.
Il conviendrait également de mutualiser les démarches de toutes les CPI pour mieux faire connaître le dispositif - notamment dans les milieux universitaires -, et de ne pas s'interdire d'avoir recours à des fonds privés. La CPI de l'Institut national du patrimoine est par exemple soutenue par une fondation d'entreprises, et tout se passe pour le mieux.
Pour conclure, et notamment au regard des efforts constatés sur l'apprentissage, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission gestion des finances publiques et des ressources humaines pour le projet de loi de finances pour 2016. Je tiens à remercier l'ENA, l'Institut national du patrimoine, le CFA d'Issy-les-Moulineaux et la mairie de Tours de nous avoir réservé un accueil de grande qualité.