Soutenir cette opposition, lui procurer les équipements dont elle a besoin, lui permettre d’entretenir ses forces combattantes, unifier les milices locales, c’est faciliter la bataille au sol. Car nous le savons bien : notre action aérienne doit appuyer les opérations terrestres, qui ne peuvent être conduites que par les forces insurgées locales, y compris kurdes, renforcées – le cas échéant – par des armées sunnites de la région.
L’histoire récente nous l’apprend en effet : en Irak ou en Libye, il serait déraisonnable et improductif d’engager nous-mêmes des troupes au sol. Il faut savoir tirer les leçons du passé !
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en guerre, mais nous ne sommes qu’au début de celle-ci. Cette guerre demandera de la constance et de la ténacité. Elle sera longue !
Nous devons tenir un langage de vérité envers nos compatriotes. Ce langage de vérité consiste aussi à dire que l’action militaire ne sera pas suffisante pour stabiliser la Syrie, prévenir l’effet de contagion sur les pays voisins et endiguer le flux des réfugiés qui se dirigent vers l’Europe.
Faire la guerre contre Daech revient donc à inscrire notre engagement militaire dans une stratégie de long terme.
C’est aussi tirer les enseignements des interventions militaires conduites dans la région au cours de ces dix dernières années.
C’est enfin être attentif à ne pas alimenter et approfondir les tensions larvées entre sunnites et chiites. Nous avons besoin d’une transition politique en Syrie qui pose les fondements d’une réconciliation nationale.
Tous nos efforts diplomatiques, toutes les initiatives que j’ai prises avec détermination et engagement vont dans ce sens.
Nous sommes conscients des difficultés, nous mesurons les obstacles, nous connaissons les ambiguïtés des différents acteurs de la région, mais, vous le savez, un processus s’est enclenché : ce sont les rencontres de Vienne. La France y contribue activement et parle à tous les acteurs de la région : elle parle aux pays limitrophes de la Syrie comme la Turquie, la Jordanie et le Liban, aux pays arabes comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite, et les pays du Golfe, et enfin à la Russie et à l’Iran – j’y reviendrai dans un instant.
Il faut maintenant accélérer ces négociations que nous appelons dans notre jargon le « processus de Vienne ». En effet, nous sommes encore loin du compte, même s’il y a un certain nombre d’acquis.
Un cessez-le-feu, un gouvernement de transition, une nouvelle Constitution pluraliste, des élections libres : tels sont les objectifs sur lesquels se sont accordés tous les pays participant aux pourparlers, y compris les Russes et les Iraniens, avec lesquels nous parlons aussi, parce qu’ils ont une responsabilité cruciale dans le règlement de la crise syrienne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France parle à tous et tient le même langage à chacun. Ce qui fait d’ailleurs notre force, c’est notre indépendance, c’est notre autonomie de décision et c’est la clarté de notre position !
À tous les pays, nous disons – je reprends ici les mots prononcés par le Président de la République le 16 novembre dernier à Versailles – que « notre ennemi, c’est Daech » !
Nous leur disons que, dans le cadre de la transition politique, M. Bachar al-Assad ne pourra pas incarner l’avenir. En effet, comment imaginer que les groupes syriens se rangeront sous un même drapeau si on leur offre pour horizon le maintien de celui qui a causé leurs malheurs et ceux de tout un peuple ?
Comme certains voudraient le faire croire, le régime syrien ne peut pas être un partenaire. La coopération antiterroriste avec ce régime, qui lui-même recourt à la terreur, ne peut être ni envisageable ni utile. Ce n’est pas plus envisageable aujourd’hui qu’au mois de mars 2012, lorsque la France a pris la juste décision de rompre ses relations avec la Syrie au lendemain des massacres de Deraa et de Homs.
Il faut aussi se souvenir qu’en août 2012, certains de ceux qui exigent aujourd’hui un bouleversement de notre politique vis-à-vis du régime syrien n’avaient pas de mots assez durs pour condamner ce régime et exhortaient le Président de la République et le Gouvernement à agir fortement pour marquer leur opposition à son égard.
Il ne faut pas non plus oublier que plusieurs de nos compatriotes ont été retenus comme otages en Syrie jusqu’au mois d’avril 2014 et que l’action de nos services de renseignement et de notre diplomatie a permis de les ramener sains et saufs !
L’action résolue contre l’État islamique et les filières terroristes implique aussi une coopération avec l’ensemble des États de la région, y compris les États de transit direct comme la Turquie. Si l’on veut prévenir ou limiter les tentations de ralliement de certaines populations sunnites de la région à Daech, il faut être capable d’afficher une politique lisible et sans complaisance envers les atrocités commises par le régime syrien.
Nous voulons être très clairs : jamais le régime syrien n’a fait preuve jusqu’ici d’une volonté sincère de coopérer en matière antiterroriste. Que chacun évite donc de se faire instrumentaliser face à ce débat et face à ces rumeurs !
Nous ne laisserons pas mettre en cause nos services de renseignement ni la politique de la France dans la lutte contre le terrorisme !
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France pleure ses morts – elle le fera encore vendredi prochain –, mais elle ne plie pas ! La France se bat et se battra sans relâche jusqu’à atteindre son but : la destruction de notre ennemi, Daech !
Le Gouvernement sollicite donc votre autorisation, en vertu de l’article 35 de la Constitution, de poursuivre l’engagement de nos forces en Syrie. Nous ne doutons pas que, comme la semaine dernière, vous enverrez un message très fort à nos concitoyens.
Nous mobilisons notre armée. Nous mobilisons notre diplomatie. La France, parce qu’elle se défend, parce qu’elle est une grande puissance, parce qu’elle est un pays libre qui s’adresse au monde, mène le combat !
C’est le combat de notre époque, qui vient après beaucoup d’autres combats que la France a su mener et finalement emporter.
Ce nouveau combat contre la barbarie, nous devons le mener unis et rassemblés. Et ce combat, notre démocratie, fidèle à elle-même, fidèle à ce que nous sommes, une fois de plus, l’emportera !