Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le respect que nous devons à la mémoire des cent trente victimes des attentats du vendredi 13 novembre dernier, le respect que nous devons à leur famille et à leurs amis, le respect que nous devons à l’engagement total de nos forces de sécurité commandent que nous fassions preuve, dans ce débat, de mesure et de sang-froid. Je me félicite que ce soit le cas.
En vertu de la modification de l’article 35 de la Constitution intervenue le 23 juillet 2008, nous devons régler, ensemble, un problème qui nous est commun : celui de la prolongation de l’intervention aérienne des forces françaises au-dessus de la Syrie.
Par conséquent, messieurs les secrétaires d'État, au-delà de la mesure et du sang-froid, nous avons, en notre qualité de parlementaires, le devoir de vous questionner, de vous interpeller, d’approfondir le sujet avec vous, comme l’a fait, d'ailleurs, M. le ministre des affaires étrangères et du développement international devant les commissions réunies de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Nous vous interrogerons d’autant plus que, dans la prolongation de l’engagement des forces aériennes, nous sommes vos partenaires – je le dis au nom du groupe Les Républicains. Nous soutiendrons naturellement la demande qui est la vôtre.
Néanmoins, le partenariat qui nous lie nous oblige à vous comprendre et à mesurer nos propos, comme il vous oblige à nous comprendre et à tenir un langage de vérité avec l’ensemble de la représentation nationale, qui, d’une façon ou d’une autre, sera, par son vote, associée à votre politique, qui deviendra, de ce fait, une politique nationale, et ne sera pas seulement – je le dis avec le respect immense que je porte au Président de la République élu – la politique d’une majorité.
C’est une politique nationale, parce que l’offensive de l’État islamique vise notre pays.
La dissuasion du faible au fort a été évoquée. Nous nous trouvons exactement dans cette hypothèse. Au reste, cette dissuasion peut être redoutable à très court terme pour la France, parce qu’au terrorisme ciblé succède un terrorisme aveugle, qui peut conduire chaque Français, d’une façon ou d’une autre – à tort, du reste, mais c’est là affaire de sensibilité – à se sentir victime.
Madame Aïchi, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Vous avez évoqué un terrorisme d’« importation ». C’est possible, mais je ne voudrais pas que mon pays, à un moment ou à un autre, fasse les frais de ce premier objectif de la guerre conduite par l’État islamique qui est de nous amener à l’isolationnisme, pour prendre une formule dérivée des États-Unis, ou, tout simplement, au silence par peur. Ni le statut de la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ni nos convictions profondes, partagées par l’ensemble des membres de cet hémicycle, ne nous permettent de nous taire pour la raison que certains auraient peur.
Le deuxième objectif de la guerre menée par Daech vise à décrédibiliser notre pays dans sa politique africaine. Nous venons de le voir avec l’attentat de Bamako, même si celui-ci a été revendiqué par le Front al-Nosra et par Al-Qaïda.
De très nombreux États africains ont conclu avec la France des accords de solidarité face au risque, accords ratifiés par leur Parlement et par le nôtre.
Dans l’attentat du 13 novembre, il y a assurément la volonté de prouver que la France n’est pas capable d’assurer la sécurité ni sur son territoire ni, a fortiori, dans des territoires plus lointains, auxquels elle est, certes, associée, mais où elle ne peut exercer la même présence.
Mes chers collègues, il est un troisième objectif de guerre, plus grave encore – je vous parle ici principalement de la France, parce que c’est la France qui assume cette guerre et parce que ce sont les Français qui sont directement exposés. Il s’agit d’instiller le germe de la défiance au sein de notre communauté nationale.
Aujourd'hui, c’est un fait, la France est un pays où la diversité a des racines profondes. Cet hémicycle, où la diversité est visible, nous le rappelle. Il ne faudrait pas que, par le fait du terrorisme, les uns soient suspectés d’être favorables, complices ou, en tout cas, « imprégnables », quand les autres, par un jeu de défiance cumulative, se dresseraient contre eux.
Nous entretenons des liens étroits avec nos compatriotes musulmans. Nous les connaissons depuis longtemps, quelles qu’en soient les raisons : parce que l’on vit dans les mêmes quartiers, les mêmes banlieues, parce que nous avons fait les mêmes guerres, parce que nous avons servi dans les mêmes unités ou dans la même administration…
En ma qualité de sénateur de la Meuse, je peux vous dire, cher Jean-Marc Todeschini, que le mémorial aux combattants musulmans de la Première Guerre mondiale, où je ne manque pas de me recueillir lorsque je me rends à Verdun, est riche de souvenirs et riche d’obligations.