Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 25 novembre 2015 à 14h30
Autorisation de prolongation de l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Simplement, une coalition unique est un défi. Elle ne pourra aboutir avant plusieurs semaines ! Cependant, je vois une raison d’espérer dans la nouvelle donne issue du processus de Vienne, en grande partie en raison de l’engagement russe. Les grandes puissances doivent s’entendre. De ce point de vue, l’entrée des États-Unis en période préélectorale n’est pas de bon augure. Par conséquent, il est nécessaire que nous soutenions le Président de la République dans sa volonté d’établir ce partenariat.

Si les cinq grands ne sont pas d’accord, il n'y a simplement aucune chance que des puissances locales, qui sont toutes menacées, à un moment ou à un autre, par l’émirat islamique, mais qui ont toutes de bonnes raisons de ne pas souhaiter un avantage pour l’un de leurs voisins immédiats, aboutissent à un résultat.

Messieurs les secrétaires d'État, permettez-moi d’émettre une réserve : il appartient au processus de Vienne de définir qui sont les terroristes et ceux qui ne le sont pas. Vaste programme, certes, mais la France a parfois perdu un peu de temps à chercher des alliés auprès d’interlocuteurs qui ne pouvaient l’être, si ce n’est de manière superficielle. Y a-t-il, face à la dynastie Assad, qui n’a jamais été modérée, des opposants qui puissent l’être facilement, surtout s’ils vivent ou essaient de vivre en Syrie ?

Cette coalition internationale, nous la souhaitons et nous soutiendrons les efforts du Président de la République française pour l’obtenir.

Toutefois, je pense profondément que le risque majeur concerne la société française, dont nous avons la charge.

De ce point de vue, je souhaite que la confiance puisse reposer sur la stabilité des décisions et des orientations, et sur la cohérence de l’ensemble de cette politique avec la politique globale du pays. Si l’on veut que les Européens s’intéressent à nous et nous soutiennent, il ne faut pas énoncer que « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » et opposer les deux notions. Il est vrai que la formule est belle, et je comprends que, compte tenu de l’émotion suscitée par la tragédie du 13 novembre dernier, il ne fallait pas barguigner avec les moyens dont la police a besoin. Cependant, nous avons aussi besoin de l’Europe et d’entraîner les pays européens dans notre effort.

Sinon, l’opinion française se demandera pourquoi diable assumer ses responsabilités, quand tous ceux qui nous donnent des leçons n’en respectent aucune et quand d’aucuns prétendent que nous ne sommes engagés sur le terrain que pour fuir nos responsabilités européennes.

J’évoquerai une seconde stabilité, celle de la confiance en l’État. Chacun le sait dans cet hémicycle, je suis libéral, mais s’il est aujourd’hui une certitude, et nous tous ici présents en témoignons, c’est que la France est rassemblée autour de son État, que les Français sont rassemblés autour de leur État. Et si un élément de confiance doit ressortir des tragédies des douze derniers jours, c’est l’efficacité avec laquelle la police a remonté les filières, identifié les coupables et neutralisé les assassins.

Dès lors, la confiance en l’État renaît. Encore faut-il savoir consentir – et je voudrais saluer l’initiative du président de la commission des lois, Philippe Bas –, à titre exceptionnel, les efforts nécessaires en termes de renonciation à certaines libertés pour confier à l’autorité de l’État, au pouvoir régalien, la capacité d’arrêter la main avant qu’elle ne frappe.

Tous les terroristes étaient identifiés, tous faisaient l’objet d’une fiche S, mais nous n’avons pu arrêter la main avant qu’elle ne frappe. Rendons hommage au président Edgar Faure – je crois que Bourgès-Maunoury était alors ministre de l’intérieur – d’avoir fait voter la loi relative à l’état d’urgence de 1955. Mais cette génération, qui avait connu la guerre, était mieux préparée à la résistance, même si beaucoup n’avaient pas résisté.

Quelques mots encore sur cette obligation de surveiller le droit, de ne faire aucune concession. L’autorité administrative est capable de juger et de sanctionner les initiatives de l’exécutif, même à des niveaux subalternes. Laissons à la police, à nos forces de sécurité la capacité d’intervenir. En cet instant, ne nous livrons à aucune surenchère dans les solutions ; laissons aux juristes de la commission des lois le soin de suivre cet effort et cette adaptation.

Je terminerai mon propos en évoquant une autre forme de confiance, celle que les Français doivent avoir entre eux. Nous sommes différents. Nous n’avons pas les mêmes histoires, et chaque famille a sa diversité.

Pour être lorrain, je me souviens que Barrès, député de Nancy, dressait ses compatriotes contre les Italiens, qui étaient soit des « jaunes », pour les syndicalistes, soit des « rouges », pour le patronat – Jean-Marc Todeschini sait de quoi je parle.

Les descendants des hommes emmenés contre leur gré dans nos îles, cher Harlem Désir, sont aujourd’hui, grâce au sénateur Schœlcher, des Français à part entière.

Père de famille – j’ai des filles –, je ne choisis pas mes gendres ! §Je les accepte, dans leur diversité.

Il ne faut pas laisser s’instiller le doute ni s’engager un processus de méfiance. Je ne formule qu’un vœu. Nous connaissons l’histoire de notre pays et son héritage, dont toutes les pages ne sont pas roses. Mais pourquoi diable, de temps en temps – pardonnez-moi d’invoquer le diable –, ne pas parler aussi de ce qui nous rapproche, de ce qui nous fédère, de ce qui fait que nous avons envie d’être ensemble, envie de nous aimer un peu nous-mêmes, nous, les Français ? Aimer notre histoire, aimer notre peuple, aimer notre aventure, aimer nos réalisations et, pour être un peu provocant, aimer la diversité.

Je n’étais pas un lecteur de Charlie Hebdo et je ne suis pas certain que la musique jouée au Bataclan me soit familière

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