Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 25 novembre 2015 à 14h30
Autorisation de prolongation de l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, tant mieux si ce débat arrive avant la fin du délai de quatre mois, car il s’agit non pas d’une simple obligation constitutionnelle, mais d’une exigence morale après les attentats du 13 novembre dernier.

Je tiens à lever d’emblée toute ambiguïté : le groupe UDI-UC votera en faveur de la prorogation de l’intervention en Syrie.

Ce vote est l’une des traductions de notre volonté de soutenir notre pays dans la lutte contre l’État islamique. Et nous serons prêts à nous associer à toutes les mesures utiles pour assurer notre défense et la protection de nos concitoyens.

L’unité nationale – oui, l’unité nationale ! –, dans les circonstances graves que nous traversons, n’est pas une vaine expression. Nous la devons aux victimes ; nous la devons également à l’ensemble de nos concitoyens. Elle nous oblige, en tant que parlementaires ; elle oblige aussi le ministre des affaires étrangères, dans sa tâche, comme elle oblige l’ensemble du Gouvernement.

Notre vote ne saurait ainsi nous dédouaner de toute responsabilité à l’égard de nos compatriotes. Ils se posent des questions sur la nature, les perspectives et l’efficacité de cette intervention. Et ces questions, nous devons à notre tour les poser au Gouvernement.

La France a, depuis dix jours, renforcé en profondeur son engagement contre l’État islamique, ce qui permettra de tripler les capacités d’action aérienne de l’opération Chammal.

Le groupe UDI-UC salue cet engagement de la France dans la lutte contre Daech qui est conforme à son rang de membre du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous nous devions de réagir rapidement et le plus fermement possible face à des attentats qui avaient tous les contours d’une attaque à la fois terroriste et guerrière.

Toutefois, au-delà de l’émotion que chacun peut encore ressentir après les événements du 13 novembre, il est de notre devoir d’analyser la situation avec calme et sang-froid, ce que nous faisons tous, ce soir.

Nous bombardons l’État islamique depuis près d’une année en Irak et quatre mois en Syrie. La France assure une part substantielle des frappes aériennes aux côtés des États-Unis et des alliés de la coalition.

J’avais eu l’occasion, au mois de septembre dernier, de saluer le déclenchement de cette intervention, au nom de mon groupe. En Irak comme en Syrie, le déploiement de nos forces aériennes a contribué à endiguer l’expansion territoriale spectaculaire de l’État islamique. Mais endiguer n’est pas réduire.

Les frappes aériennes ne suffiront pas à vaincre un ennemi au sol. Attaquer les sources de financement, les assécher, s’en prendre au recrutement, clarifier les ambiguïtés qui peuvent encore exister ici ou là, tout cela, il faudra le faire. Pour autant, la question d’une intervention au sol – que nous évoquons forcément tous – semble désormais posée, afin de parachever, le moment venu, les résultats obtenus à la suite de nos engagements.

La France ne peut se lancer seule dans ce combat. Ce n’est pas son rôle, ni celui de l’Europe, ni même celui de l’Occident, que de former un contingent d’intervention terrestre, dont la présence au Moyen-Orient pourrait durer de nombreuses années. Nous devons tirer les enseignements de l’histoire et méditer l’exemple des interventions en Irak et ailleurs.

Toute intervention ne peut être que multilatérale et ne pourrait, le moment venu, qu’être assurée par une large coalition, sous couvert des Nations unies, à partir des puissances militaires régionales disposant de la légitimité historique pour agir dans ces territoires. Ces puissances, nous les connaissons : la Russie – incontournable –, l’Iran, la Turquie, les Kurdes – nous avons tous à l’esprit leur engagement et leur courage –, l’Égypte sûrement et, peut-être – il le faudrait –, les pays du Golfe, voire, enfin, les pays concernés – l’Irak assurément, mais aussi, le moment venu, certaines forces syriennes, selon des conditions et des modalités à définir.

La France devra, le cas échéant, avec d’autres nations, soutenir une telle coalition, notamment par le biais de frappes aériennes et d’un soutien logistique.

Toutefois, à la lumière de l’incident du chasseur russe abattu par les forces turques hier matin, il est devenu patent que ces acteurs régionaux, parfois déjà engagés dans la lutte contre l’État islamique, ne partagent pas nécessairement les mêmes buts de guerre ni les mêmes intérêts stratégiques dans la région.

C'est la raison pour laquelle tous les pays que j’ai cités, ainsi que la coalition actuelle et celle qui est en devenir, devront trouver un terrain d’entente pour agir ensemble. Et cela en dépit de leurs mésententes historiques, à commencer par la rivalité entre sunnites et chiites au Moyen-Orient. Les rivalités historiques, ancestrales, sont faites aussi pour être surmontées autour d’objectifs communs.

L’unification de la coalition autour d’objectifs militaires et politiques définis s’impose ainsi comme un véritable défi diplomatique. Mais c’est un défi qu’il faut impérativement relever, comme l’illustre le ballet diplomatique – encore en cours – de cette semaine.

Bien sûr, ce n’est pas gagné. La France a un rôle clé à jouer dans la réunion de ces pays autour d’un but commun et d’une solution politique crédible en Syrie et en Irak. L’attaque dont notre pays a été victime a marqué les esprits dans le monde entier. Nous avons clarifié depuis lors notre position diplomatique. Toutes les conditions sont donc réunies pour que la France puisse pleinement jouer tout son rôle.

Pour ce faire, nous devons continuer de nous engager, comme le fait actuellement le Président de la République, pour convaincre nos partenaires européens et américains, mais aussi les Russes – acteurs incontournables – et la Turquie – grande puissance régionale – de s’investir davantage dans la lutte contre l’État islamique.

Cet effort de positionnement, le Président de la République l’a réalisé lui-même lors du Congrès, à Versailles, en désignant clairement l’État islamique comme notre ennemi principal. Il s’agit d’un tournant, d’une position plus lisible et plus forte que le « ni Assad ni Daech ». Je ne fais aucun retour en arrière, ce n’est pas le sujet, et ne suis aucunement le greffier des déclarations des uns et des autres. Allons de l’avant !

Il s’agit donc d’un tournant important en termes de crédibilité. À ce titre, et au regard du contexte géopolitique qui se dessine sous nos yeux au Moyen-Orient, la question du sort de Bachar al-Assad reste bien évidemment posée – il ne peut incarner l’avenir –, mais elle ne saurait être le préalable à la définition d’un cadre politique pour déraciner l’État islamique en Syrie.

Je mesure à quel point cette tâche est difficile, a fortiori dans des délais aussi contraints. Notre diplomatie doit en effet conduire chacun de nos partenaires dans la lutte contre l’État islamique à adapter sa stratégie et ses alliances. Ainsi, la France a, à juste titre, invoqué la clause de défense mutuelle de l’Union européenne. Sa demande a été approuvée à l’unanimité par les pays membres, l’assurant ainsi de leur soutien.

Le groupe UDI-UC, sensible, comme d’autres, à la cause européenne, espère que cette démarche contribuera à relancer l’Europe de la défense, à quelques semaines du prochain Conseil européen.

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