Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en nouvelle lecture, je tiens à rappeler que, voilà quelques jours, la France a été la cible d’actes terroristes d’une extrême violence. Demain, la nation tout entière rendra hommage aux 130 personnes qui ont perdu la vie et, au-delà d’elles, aux centaines de blessés. Mes pensées vont en priorité vers ces victimes, leurs familles, leurs proches.
Aujourd'hui restent toujours hospitalisées 97 personnes, dont 18 sont dans un service de réanimation. Je veux saluer de nouveau la mobilisation de l’ensemble du corps médical qui a fait preuve d’un professionnalisme qui force l’admiration.
Cette tragédie nous a malheureusement rappelé l’importance de la gratuité des soins pour les victimes d’actes terroristes, mesure mise en œuvre par ce texte. Lorsque j’ai présenté celle-ci devant la Haute Assemblée, voilà quelques semaines, j’ai indiqué que nous souhaitions ne pas avoir à y recourir. Toutefois, parce que notre pays était exposé à la menace terroriste, il était nécessaire de prendre par anticipation des dispositions.
Jusqu’à présent, les personnes victimes d’actes terroristes devaient s’adresser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Après l’ouverture du droit à une pension d’invalidité, elles pouvaient bénéficier de la gratuité des soins. Cette démarche était longue et lourde pour des personnes souvent traumatisées.
Au mois de septembre dernier, j’ai donc décidé de vous proposer d’exonérer les personnes victimes d’actes terroristes de toute participation financière, en leur permettant de s’adresser directement à leur caisse d’assurance maladie. Nous avons assoupli les conditions d’attribution des indemnités journalières.
Lorsque je vous ai présenté ces mesures le 9 novembre dernier, elles devaient entrer en application après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, c'est-à-dire au 1er janvier prochain. À la suite des attentats du 13 novembre, j’ai décidé, par dérogation, l’application immédiate de la gratuité des soins pour les personnes victimes de terrorisme. Sans délai, ces personnes peuvent être prises en charge à 100 %. Les indemnités journalières seront immédiatement versées. Par ailleurs, un numéro de téléphone dédié a été mis en place auprès de l’assurance maladie.
Pour mieux protéger nos concitoyens, ce texte fait progresser les droits sociaux de chacun. Je rappellerai trois des avancées majeures qu’il contient.
Premièrement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 crée la protection universelle maladie, qui permet d’éviter les ruptures de droits que connaissent de trop nombreux Français – plus d’un million de nos concitoyens chaque année.
L’existence des régimes sera maintenue, mais les statuts d’étudiant, d’épouse ou d’époux, d’indépendant, de salarié ou de chômeur s’effaceront au profit d’une seule et unique citoyenneté sociale.
Lors de la première lecture, votre assemblée a exprimé sa demande de réformes structurelles : en voilà une, importante, décisive, qui permettra de faire progresser les droits de nos concitoyens, par la simplification du fonctionnement des caisses et de la conception même du droit à la prise en charge des soins. Je salue d’ailleurs l’accueil favorable que le rapporteur général comme la majorité de votre assemblée ont réservé à cette réforme.
Deuxièmement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 instaure le droit à bénéficier d’une complémentaire santé de qualité. Dès le 1er janvier 2016, les salariés bénéficieront de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, y compris désormais les salariés précaires.
L’accès des personnes âgées à une couverture santé complémentaire de qualité sera également facilité. Pour permettre à ces dernières de faire face à la hausse du coût de leur complémentaire avec l’âge, nous mettons en place une labellisation des contrats respectant des conditions de garantie suffisante et des prix maîtrisés.
Sur ces deux articles, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez probablement noté, le Gouvernement a proposé, au cours de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, des aménagements qui tiennent compte des préoccupations exprimées par votre assemblée. La procédure prévue par l’article 21 a évolué, afin d’éviter les risques de dumping ; l’article 22 a également été modifié pour trouver un meilleur équilibre entre le rôle des couvertures collectives mises en place par les branches et la nécessité de permettre aux salariés de bénéficier d’une bonne couverture santé.
Troisièmement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 crée le droit à une garantie des impayés de pension alimentaire. Je veux y insister. Notre objectif est de mieux protéger les familles monoparentales, qui sont le plus souvent des femmes seules, car ces familles sont davantage confrontées à la pauvreté que les autres. Trop souvent, le parent isolé ne perçoit pas la pension alimentaire à laquelle il a droit. C’est pourquoi je me réjouis de proposer à travers ce texte la généralisation de la garantie d’une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant.
Nous renforçons les droits tout en prolongeant le redressement des comptes sociaux engagé depuis trois ans, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse qui devrait être ramené sous la barre des 10 milliards d’euros en 2016 et une branche vieillesse qui devrait revenir à l’équilibre pour la première fois depuis 2005.
Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Assemblée nationale a rétabli les équilibres que vous aviez supprimés en première lecture et je crains que ce désaccord ne puisse être résolu aujourd’hui. Je le regrette et m’en étonne d’autant plus que les deux seules mesures d’économies que vous avez proposées – la création de trois jours de carence dans la fonction publique, le décalage de l’âge légal de la retraite à 63 ans – n’étaient pas de nature à améliorer les équilibres proposés dans ce texte : la première parce qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux financiers, la seconde parce qu’elle ne produirait des effets qu’à partir de 2020.
L’Assemblée nationale a donc supprimé ces dispositions, d’une part, parce que nous n’approuvons pas l’orientation politique qu’elles expriment, d’autre part, parce qu’elles ne permettent pas de relever les défis financiers auxquels nous devons faire face.
Là encore, je ne suis pas certaine que cet examen en nouvelle lecture nous permette de surmonter ce désaccord.