Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2016 (texte n° 190, rapport n° 191).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en nouvelle lecture, je tiens à rappeler que, voilà quelques jours, la France a été la cible d’actes terroristes d’une extrême violence. Demain, la nation tout entière rendra hommage aux 130 personnes qui ont perdu la vie et, au-delà d’elles, aux centaines de blessés. Mes pensées vont en priorité vers ces victimes, leurs familles, leurs proches.

Aujourd'hui restent toujours hospitalisées 97 personnes, dont 18 sont dans un service de réanimation. Je veux saluer de nouveau la mobilisation de l’ensemble du corps médical qui a fait preuve d’un professionnalisme qui force l’admiration.

Cette tragédie nous a malheureusement rappelé l’importance de la gratuité des soins pour les victimes d’actes terroristes, mesure mise en œuvre par ce texte. Lorsque j’ai présenté celle-ci devant la Haute Assemblée, voilà quelques semaines, j’ai indiqué que nous souhaitions ne pas avoir à y recourir. Toutefois, parce que notre pays était exposé à la menace terroriste, il était nécessaire de prendre par anticipation des dispositions.

Jusqu’à présent, les personnes victimes d’actes terroristes devaient s’adresser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Après l’ouverture du droit à une pension d’invalidité, elles pouvaient bénéficier de la gratuité des soins. Cette démarche était longue et lourde pour des personnes souvent traumatisées.

Au mois de septembre dernier, j’ai donc décidé de vous proposer d’exonérer les personnes victimes d’actes terroristes de toute participation financière, en leur permettant de s’adresser directement à leur caisse d’assurance maladie. Nous avons assoupli les conditions d’attribution des indemnités journalières.

Lorsque je vous ai présenté ces mesures le 9 novembre dernier, elles devaient entrer en application après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, c'est-à-dire au 1er janvier prochain. À la suite des attentats du 13 novembre, j’ai décidé, par dérogation, l’application immédiate de la gratuité des soins pour les personnes victimes de terrorisme. Sans délai, ces personnes peuvent être prises en charge à 100 %. Les indemnités journalières seront immédiatement versées. Par ailleurs, un numéro de téléphone dédié a été mis en place auprès de l’assurance maladie.

Pour mieux protéger nos concitoyens, ce texte fait progresser les droits sociaux de chacun. Je rappellerai trois des avancées majeures qu’il contient.

Premièrement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 crée la protection universelle maladie, qui permet d’éviter les ruptures de droits que connaissent de trop nombreux Français – plus d’un million de nos concitoyens chaque année.

L’existence des régimes sera maintenue, mais les statuts d’étudiant, d’épouse ou d’époux, d’indépendant, de salarié ou de chômeur s’effaceront au profit d’une seule et unique citoyenneté sociale.

Lors de la première lecture, votre assemblée a exprimé sa demande de réformes structurelles : en voilà une, importante, décisive, qui permettra de faire progresser les droits de nos concitoyens, par la simplification du fonctionnement des caisses et de la conception même du droit à la prise en charge des soins. Je salue d’ailleurs l’accueil favorable que le rapporteur général comme la majorité de votre assemblée ont réservé à cette réforme.

Deuxièmement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 instaure le droit à bénéficier d’une complémentaire santé de qualité. Dès le 1er janvier 2016, les salariés bénéficieront de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, y compris désormais les salariés précaires.

L’accès des personnes âgées à une couverture santé complémentaire de qualité sera également facilité. Pour permettre à ces dernières de faire face à la hausse du coût de leur complémentaire avec l’âge, nous mettons en place une labellisation des contrats respectant des conditions de garantie suffisante et des prix maîtrisés.

Sur ces deux articles, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez probablement noté, le Gouvernement a proposé, au cours de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, des aménagements qui tiennent compte des préoccupations exprimées par votre assemblée. La procédure prévue par l’article 21 a évolué, afin d’éviter les risques de dumping ; l’article 22 a également été modifié pour trouver un meilleur équilibre entre le rôle des couvertures collectives mises en place par les branches et la nécessité de permettre aux salariés de bénéficier d’une bonne couverture santé.

Troisièmement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 crée le droit à une garantie des impayés de pension alimentaire. Je veux y insister. Notre objectif est de mieux protéger les familles monoparentales, qui sont le plus souvent des femmes seules, car ces familles sont davantage confrontées à la pauvreté que les autres. Trop souvent, le parent isolé ne perçoit pas la pension alimentaire à laquelle il a droit. C’est pourquoi je me réjouis de proposer à travers ce texte la généralisation de la garantie d’une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant.

Nous renforçons les droits tout en prolongeant le redressement des comptes sociaux engagé depuis trois ans, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse qui devrait être ramené sous la barre des 10 milliards d’euros en 2016 et une branche vieillesse qui devrait revenir à l’équilibre pour la première fois depuis 2005.

Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Assemblée nationale a rétabli les équilibres que vous aviez supprimés en première lecture et je crains que ce désaccord ne puisse être résolu aujourd’hui. Je le regrette et m’en étonne d’autant plus que les deux seules mesures d’économies que vous avez proposées – la création de trois jours de carence dans la fonction publique, le décalage de l’âge légal de la retraite à 63 ans – n’étaient pas de nature à améliorer les équilibres proposés dans ce texte : la première parce qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux financiers, la seconde parce qu’elle ne produirait des effets qu’à partir de 2020.

L’Assemblée nationale a donc supprimé ces dispositions, d’une part, parce que nous n’approuvons pas l’orientation politique qu’elles expriment, d’autre part, parce qu’elles ne permettent pas de relever les défis financiers auxquels nous devons faire face.

Là encore, je ne suis pas certaine que cet examen en nouvelle lecture nous permette de surmonter ce désaccord.

M. le président de la commission sourit.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Pour le reste, je souhaite rappeler le caractère constructif de la discussion qui s’est tenue dans votre assemblée il y a quinze jours. Le président de la commission l’avait souligné, une quarantaine d’articles avaient été votés conformes par le Sénat.

Cet esprit a animé la suite de l’examen du texte, puisqu’une douzaine d’articles ont été votés par l’Assemblée nationale dans les termes adoptés par la Haute Assemblée. Sur plusieurs sujets, le texte a évolué pour tenir compte de la discussion au Sénat et parvenir à un compromis entre les deux assemblées. C’est le cas, comme je l’ai évoqué, pour les articles 21 et 22 sur la couverture complémentaire. Cela a été également le cas s’agissant du régime microsocial des travailleurs indépendants, où l’article 14 adopté par l’Assemblée nationale est très proche de la proposition de votre rapporteur général.

C’est enfin le cas de l’affiliation des gens de mer travaillant à bord de navires battant pavillon d’États avec lesquels nous n’avons pas de convention de sécurité sociale. Devant votre assemblée, je m’étais engagée, en particulier devant Jean-Louis Tourenne, à répondre à la préoccupation que vous aviez exprimée d’affiliation des marins au régime de l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’évidence, un consensus sur l’ensemble du texte était hors de portée, nous le savons bien, mais nous avons cherché, sur le plus grand nombre de sujets possible, à examiner le texte issu de votre assemblée dans un esprit de concorde, pour respecter la qualité des débats. S’il en est ainsi, c’est grâce à l’engagement de chacun d’entre vous pour toujours améliorer ce texte et trouver des mesures favorables à nos concitoyens. C’est surtout, je le redis, grâce à la volonté personnelle du président de la commission des affaires sociales et du rapporteur général de voir ces discussions se dérouler, malgré les différences et les oppositions, dans le respect, la sérénité et la convivialité, c'est-à-dire dans un climat qui ne nuit en aucun cas à l’expression des divergences.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec la création de nouveaux droits sociaux, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 marque une étape importante pour notre système de protection sociale. Ma volonté, celle du Gouvernement, est de garantir aux Français un modèle social à la hauteur de leurs espérances, un modèle qui protège, qui promeut l’égalité et la solidarité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, moi aussi, je tiens à saluer l’hommage que la France tout entière a rendu aux trop nombreuses victimes des attentats qui ont eu lieu juste après l’examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Madame la ministre, je fais miens les remerciements que vous avez adressés aux personnels hospitaliers ou libéraux pour leur dévouement auprès des victimes et des blessés, eux aussi trop nombreux. Nous nous associerons à toute la France rassemblée et unie lors de l’hommage qui sera rendu demain aux Invalides.

Néanmoins, il nous faut bien poursuivre nos travaux. Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, après la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, 46 articles restent en discussion.

En première lecture, le Sénat a marqué son profond désaccord avec la partie financière de ce texte en rejetant les articles portant approbation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, lesquels ont évidemment été rétablis, comme nous nous y attendions, par l’Assemblée nationale. Notre désaccord porte sur l’insuffisance de résultats en termes de réduction des déficits au regard de l’injection massive de recettes effectuées ces dernières années.

À titre d’illustration, permettez-moi de rappeler quelques chiffres. En 2012, 2, 5 milliards d’euros de recettes nouvelles ont été décidés par la nouvelle majorité, seulement 200 millions d’euros de réduction du déficit ont été constatés ; en 2013, 9, 8 milliards d’euros de prélèvements nouveaux ont été effectués, pour 3, 6 milliards d’euros de réduction du déficit ; en 2014, 5, 6 milliards d’euros de prélèvements ont été réalisés, pour seulement 1, 3 milliard d’euros de réduction du déficit.

Depuis trois ans, l’assurance maladie et le Fonds de solidarité vieillesse demeurent à un niveau de déficit quasi inchangé et toujours très, pour ne pas dire trop élevé. La branche famille ne se redresse qu’au prix de mesures qui affectent son identité.

Face à cette situation, le Sénat a adopté des articles additionnels, marqueurs de ce que serait une politique plus volontariste en faveur de la maîtrise des dépenses hospitalières et de l’allongement de la durée passée au travail. L’amendement présenté par la commission sur la retraite visait à restaurer l’équité entre public et privé, en cohérence avec l’accord sur les complémentaires, et ne faisait qu’anticiper une réforme que tout le monde sait nécessaire.

Sur la partie législative du texte, nous n’avons que peu de désaccords de fond, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre. Je rappelle que le Sénat a voté dès la première lecture les deux principales mesures financières de ce projet de loi de financement : la réduction de la cotisation famille et le relèvement de l’abattement de C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, qui mettent en œuvre la seconde étape du pacte de responsabilité et de solidarité, prévue aux articles 7 et 8 du texte.

Les autres mesures sont de portée technique et nos désaccords limités, même si les solutions dégagées à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ne laissent pas, pour certaines, de nous interroger.

À l’article 19, le Gouvernement a proposé une forme de compromis, qui semble compliqué, sur l’affiliation des gens de mer : les marins seraient affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine, et les non-marins au régime général.

À l’article 7 bis, un sous-amendement de Dominique Tian déposé à l’Assemblée nationale a réduit le champ d’application aux seuls dirigeants et mandataires sociaux – je rappelle que, selon M. le secrétaire d’État, 6 personnes auraient pu être concernées en 2014 ! –, tout en supprimant par là même également l’assujettissement au premier euro des indemnités de ruptures supérieures à dix plafonds de la sécurité sociale pour les salariés – je dis bien : les salariés, et non plus seulement les mandataires.

Parallèlement, un sous-amendement du Gouvernement aménage des dispositions transitoires pour les ruptures de contrat de travail. Tout cela, avouez-le, laisse une certaine impression d’inachevé…

J’en viens maintenant à l’assurance maladie. La discussion sur la couverture complémentaire santé des personnes de plus de 65 ans et des salariés en contrat court ou effectuant un faible nombre d’heures s’est poursuivie à l’Assemblée nationale et a abouti, à la suite de l’adoption d’amendements du Gouvernement, à des mesures plus acceptables à nos yeux pour l’ensemble des acteurs. Elles ne nous paraissent pas toutefois régler de manière totalement satisfaisante les problèmes posés.

L’article 21 aboutit à un système de comparaison des contrats complémentaires proposés aux personnes de plus de 65 ans au travers d’une labélisation des paniers de prestations avec des cotisations plafonnées en fonction des âges.

Il est incontestablement bon, tout le monde l’a souligné, que les personnes qui sortiront des complémentaires d’entreprises à l’âge de la retraite aient accès à une information la plus transparente possible sur ce qui leur est proposé et que les cotisations soient encadrées. Le dispositif finalement adopté par l’Assemblée nationale sera néanmoins assez complexe d’un point de vue réglementaire et administratif. En ce qui concerne le crédit d’impôt, son montant, réduit de moitié, apparaît désormais assez symbolique, sa seule justification étant de permettre le rattachement de la mesure au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, un comparateur public des complémentaires susceptible de faire jouer la concurrence sur les tarifs n’aurait-il pas permis de parvenir au même résultat ?

À l’article 22, sur les contrats courts, le Gouvernement propose désormais de limiter l’option pour le chèque aux salariés dont la durée de couverture par le régime d’entreprise est trop courte. Le texte ne précise pas la durée, qui sera définie par voie réglementaire. Nous avions souligné, lors de la première lecture, que la situation des salariés précaires devait être traitée par la négociation entre partenaires sociaux ou par la mise en place de fonds de financement, comme le suggère le rapport Libault. À défaut, la solution préconisée par le Gouvernement semble au moins avoir le mérite de ne pas remettre en cause ce que les entreprises ont négocié pour une mise en œuvre au 1er janvier 2016.

Je relève par ailleurs que sur les articles 39 – sur la protection maladie universelle –, 42 – sur la filière visuelle – et 49 – sur la réforme de la tarification des soins de suite et de réadaptation –, qui sont parmi les articles les plus importants encore en discussion, nous n’avons pas de divergences de fond. Nous serons particulièrement vigilants, madame la ministre, sur le contenu du prochain rapport sur la tarification des activités hospitalières, qui doit clarifier, pour les établissements privés, les conditions exactes de mise en œuvre de la réforme de la tarification des soins de suite et de réadaptation.

Notre désaccord de fond repose sur les dépenses de la branche maladie. Comme je l’ai indiqué en première lecture, les mesures qui nous sont proposées dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, nous apparaissent insuffisantes face à l’enjeu de plus en plus urgent de la réduction des déficits. Certes, un effort d’économies de 3, 4 milliards d’euros par rapport à la progression spontanée des dépenses est prévu, mais à ce rythme, les comptes de la branche maladie ne reviendront à l’équilibre que dans vingt ans !

Je rappelle que si, grâce à des outils permettant une meilleure articulation entre professionnels de santé, nous nous fixions pour objectif de supprimer 2 % à 3 % des actes effectués chaque année – cela ne paraît pas irréaliste dans la mesure où l’on estime à 28 % le taux d’actes inutiles ou redondants –, nous pourrions économiser annuellement 4 à 5 milliards d’euros.

Des économies substantielles sont également envisageables grâce au développement de la permanence des soins. Les propositions que nous avons faites concernant un nouveau numéro d’appel national permettraient de viser 500 millions d’euros d’économies annuelles, voire davantage, sur ce poste.

Quant aux dépenses hospitalières, tout le monde s’accorde sur ce point, elles doivent faire l’objet d’une meilleure organisation, et ce de manière urgente. Les questions qui se posent ici sont multiples et vont du rétablissement des jours de carence à la réduction des RTT, en passant par une meilleure gestion de la hiérarchie des hôpitaux. Ici encore, les gisements d’économies pourraient être très importants, de l’ordre de 500 millions d’euros par an.

Il nous faudra également nous pencher sur les dépenses de ville. À ce propos, la Cour des comptes a fait des études intéressantes, notamment sur les moyens mis en œuvre par l’Allemagne pour limiter les consultations répétitives.

Ces mesures, madame la ministre, nous pourrions les prendre ensemble, mais puisque vous ne souhaitez pas aller au-delà des dispositions de votre texte, il nous paraît préférable de nous arrêter là, peut-être pour mieux progresser sur d’autres sujets comme le projet de loi relatif à la santé.

De même, sur l’ensemble du projet de loi de financement, je ne vois pas de sujet sur lequel la poursuite de la discussion pourrait contribuer utilement au texte définitivement adopté.

Pour cette raison, et compte tenu du désaccord de fond sur les équilibres généraux proposés pour la sécurité sociale, la commission a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, en toute courtoisie, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’insisterai tout d’abord sur la nécessité de préserver cette institution qui fête ses 70 ans : la sécurité sociale. Issue de l’esprit du Conseil national de la résistance et mise en place par Ambroise Croizat, elle a permis d’extraire la santé, l’assurance chômage, la retraite et les allocations familiales des mains du privé afin de les confier à un ensemble d’associations paritaires œuvrant pour l’intérêt général.

Soixante-dix ans plus tard, la sécurité sociale est la cible d’assauts répétés afin de réduire la part de solidarité dans notre société. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit malheureusement dans la logique de réduction des dépenses et des prestations, alors que les besoins augmentent.

Oui, madame la ministre, le texte issu de l’Assemblée nationale contient quelques avancées : l’individualisation de la gestion des droits à la protection universelle maladie, le développement de l’accès à la contraception pour les mineurs, la lutte contre l’abus de certains médicaments ou encore l’extension du dépistage du cancer du sein. Mais ces avancées sont très insuffisantes au regard de certains articles, contraires à l’esprit de solidarité de la sécurité sociale.

Ainsi, l’exonération de la C3S sera offerte aux entreprises qui réalisent jusqu’à 19 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 3, 25 millions d’euros aujourd’hui. Le Gouvernement prévoit également d’étendre la baisse de 1, 8 point des cotisations familiales patronales jusqu’à 3, 5 SMIC, soit 5 000 euros mensuels. Ces deux mesures sont mises en place sans condition ni contrepartie, et bénéficieront largement aux grandes entreprises, qui ne sont pas celles qui ont le plus besoin de soutien.

De plus, la non-conditionnalité de ces aides empêche de les utiliser comme levier de transformation sociale.

En première lecture, ma collègue Aline Archimbaud avait fait des propositions concrètes afin d’améliorer le volet santé du projet de loi, concernant notamment l’huile de palme.

Dans notre pays, cette huile est moins taxée que les autres huiles alimentaires, telles que l’huile de colza ou l’huile d’olive, qui sont pourtant souvent fabriquées en France et distribuées en circuit court. C’est incompréhensible, car, on le sait, cette huile est dangereuse pour la santé quand elle est surconsommée. En outre, elle entraîne des déforestations massives dans plusieurs régions du monde.

Nous avions pourtant fait une proposition de bon sens : il s’agissait simplement d’aligner le taux de taxation de l’huile de palme sur celui des autres huiles, même pas d’introduire une surtaxation. Le refus du Sénat, et de Mme la ministre, est regrettable. Il traduit une certaine conception de la santé environnementale que nous ne partageons pas.

À un texte initial insatisfaisant et à un rejet systématique de nos amendements s’ajoute une nette détérioration du texte par la majorité sénatoriale en première lecture.

Même si M. le rapporteur général a choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable en raison des désaccords avec l’Assemblée nationale, il me semble important de revenir un instant sur les modifications apportées au texte par le Sénat.

Je pense tout particulièrement à la suppression de l’article 7 bis et, avec lui, de la mesure prévoyant d’augmenter les cotisations sociales pour les bénéficiaires de parachutes dorés dans les grandes entreprises. En pleine crise sociale, alors que des millions de nos concitoyens sont dans la précarité, cette suppression constitue une provocation.

Je pense également au vote d’un amendement visant à instaurer trois jours de carence pour les agents de la fonction publique hospitalière. Cette mesure injuste frappe de plein fouet les personnels hospitaliers dont les conditions de travail sont particulièrement éprouvantes. Je ne vous inviterai pas, mes chers collègues, à aller vous rendre compte sur place de leurs conditions de travail, car vous les connaissez. À l’heure où chacun rend hommage aux services de soins à la suite des attentats du 13 novembre, cette mesure me semble particulièrement déplacée.

Je pense enfin au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans pour les générations nées à partir de 1957. À l’heure où le chômage touche plus de 10 % de la population active, où celui des seniors ne cesse d’augmenter, cette mesure aurait pour seul effet de transformer de nouveaux retraités en chômeurs. Elle est également totalement contraire à la pensée écologiste, qui prône une réduction du temps de travail, non seulement hebdomadaire, mais aussi tout au long de la vie.

En conclusion, considérant que le texte initial ne correspond pas à l’esprit de solidarité de la sécurité sociale, prenant acte du rejet systématique des propositions écologistes pour améliorer le texte et déplorant l’état d’esprit des mesures injustes portées par la droite sénatoriale, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous arrivons en nouvelle lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, après un échec de la commission mixte paritaire et une seconde délibération, lundi dernier, à l’Assemblée nationale.

À l’aune des débats, on ne peut que constater le peu de cas accordé à nos travaux en première lecture par la majorité des députés - pas toute la majorité, d’ailleurs - et le peu de cas porté surtout par vous, madame la ministre, à nos propositions, même si vous venez d’essayer de minimiser cette attitude.

En première lecture, notre assemblée avait cherché à améliorer ce texte, au regard de ses insuffisances, par quelques mesures certes emblématiques, mais reflétant la réalité. Grâce à un travail minutieux des rapporteurs et à une discussion approfondie en séance publique, un certain nombre de propositions en faveur de nos concitoyens avaient été votées.

Nous avions reconnu les quelques avancées de ce texte, comme la protection universelle maladie, la garantie des impayés de pension alimentaire, ou encore quelques mesures intéressantes concernant la prévention, notamment sur la PREP, ou prophylaxie préexposition.

Bien sûr, nous avions dénoncé les procédures financières tendant à faire croire que les déficits étaient définitivement derrière nous et dont le bilan a été détaillé par le rapporteur général voilà quelques instants : un déficit réduit, certes, mais avec 17 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires depuis trois ans.

Cette fragilité budgétaire est d’ailleurs implicitement reconnue par le transfert de 23 milliards d’euros de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sans qu’aucune mesure soit proposée pour consolider cette dette.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a repris la plupart du temps la rédaction qu’elle avait adoptée en première lecture, avec votre consentement, madame la ministre, y compris pour les dispositions qui auraient pu faire consensus.

Cette attitude systématique de retour à la case départ confirme l’impression de dédain que nous avons ressenti dans cet hémicycle, un dédain que vous avez affiché tout au long de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comme au moment de l’examen du projet de loi relatif à la santé.

Cette attitude va à contre-courant du discours prononcé il y a une semaine par le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui a déclaré ceci : « Le bicamérisme place le dialogue parlementaire au cœur du fonctionnement de notre démocratie. Ce dialogue entre le Gouvernement et les deux assemblées et entre l’Assemblée nationale et le Sénat participe de la qualité de la loi. Il permet à chacun d’affiner ses positions dans le débat, dans l’échange et dans la contradiction. Il donne à la loi plus de force et de cohérence. »

Pour en revenir au texte qui nous préoccupe, vous gardez vos cibles privilégiées : la médecine libérale, l’industrie du médicament et surtout la famille, sans vouloir un seul instant aborder les réformes structurelles et la principale d’entre elles, la restructuration hospitalière évoquée par le rapporteur général.

Est-il utile de rappeler que nous avons deux fois plus de lits d’hospitalisation qu’un pays comme l’Allemagne ? Nous ne pouvons garder une organisation datant de 40 ou 50 ans, dont la plus importante date de 1970, ne serait-ce qu’en fonction de l’évolution des pratiques et des progrès de la médecine. Il faudrait du courage et de l’abnégation pour conduire cette réforme, j’en conviens.

Pas de grande réforme, donc, mais pas non plus de petites, quand vous rejetez des mesures comme la généralisation de la déduction forfaitaire à 1, 50 euro pour les particuliers employeurs, l’allègement des charges sociales des jeunes agriculteurs, qui a été repoussé d’un an, la suppression de l’article 12 concernant le recouvrement des cotisations de sécurité sociale des professions libérales, et d’autres propositions sans impact majeur.

Tout en comprenant que la majorité des députés accepte difficilement le report de l’âge de départ à la retraite à 63 ans, pourquoi se précipiter à réformer la tarification des soins de suite et de réadaptation sans étude d’impact, ce qui pose un véritable problème ?

De tout cela, vous ne souhaitez pas discuter. Vous vous réfugiez derrière une prétendue nécessité d’économie, alors que le Haut Conseil des finances publiques considère que « les mesures nouvelles pour 2016 seront votées sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à notre connaissance ni dûment documentées ».

Votre attitude à l’égard de notre assemblée est similaire. Aussi, est-il bien nécessaire de discuter de ce texte à nouveau ? Je ne le pense pas.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vous l’avez fait, madame la ministre, en préambule, je tiens à mon tour à saluer l’engagement sans faille des professionnels de santé qui sont intervenus auprès des victimes des attentats du 13 novembre et le bon fonctionnement du « plan blanc ».

Le 17 novembre dernier, le Sénat a adopté par 188 voix contre 147 un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 profondément remanié, certains diront « dépouillé ».

En première lecture, les débats ont mis en exergue le manque incontestable d’ambition et d’ossature de ce texte. Nous avons en effet constaté, une fois encore, qu’il manquait une réforme courageuse et structurelle, alors que le déficit du régime général, fixé à 12, 4 milliards d’euros pour cette année, reste toujours aussi élevé, et qu’augmentent les prélèvements obligatoires.

Même si le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de ramener le déficit à 9, 3 milliards d’euros, le retour à l’équilibre est envisagé non plus en 2017, mais pas avant 2020, voire 2021, contrairement à ce qui avait été promis par le Président de la République. Nous le regrettons vivement, en ce soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale.

Nous constatons, pour cette nouvelle lecture, que nos remarques et nos propositions courageuses n’ont, une fois encore, malheureusement pas été prises en compte par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.

Nous avons été largement critiqués par l’opposition sénatoriale pour ne pas avoir adopté les tableaux d’équilibre, qui sont certes des articles techniques, mais qui reflètent malgré tout des prévisions de recettes et de dépenses qui nous sont apparues pour le moins incertaines.

Le taux de l’ONDAM, fixé à 1, 75 %, est proche de celui qu’avait proposé la commission l’an passé, mais les mesures d’économie que vous proposez, madame la ministre, ne nous satisfont pas, et ce principalement pour deux raisons.

La première, c’est que vous prenez le risque de mettre à mal un secteur déjà mis largement à contribution, celui des industries pharmaceutiques. Au-delà des traditionnelles baisses de prix de médicaments, un catalogue de mesures d’économies directes et indirectes va impacter fortement, pour plus de 1 milliard d’euros, les entreprises de ce secteur.

Ces entreprises sont l’un des fleurons de notre pays. Nous craignons que toutes les mesures prises successivement depuis quatre ans ne mettent à mal leur développement sur notre territoire et leur compétitivité en matière de recherche et d’innovation. Aujourd’hui, des sites de production pharmaceutique ne s’installent pas dans notre pays en raison du manque de visibilité des laboratoires quant aux ponctions financières qui leur sont imposées et en raison d’un manque de soutien à la recherche. L’industrie pharmaceutique française perd aujourd’hui du terrain dans certains domaines thérapeutiques.

Permettez-moi, puisque le sujet a été évoqué à l’occasion de la discussion d’un amendement, de formuler une remarque sur la délivrance à l’unité des antibiotiques. Vous envisagez, madame la ministre, si l’expérimentation, sous la responsabilité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, est jugée concluante, une généralisation de ce dispositif.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette façon d’aborder les choses. Bien qu’un rapport du ministère estime que les Français ont tendance à conserver des médicaments non utilisés dans leur armoire à pharmacie, en ce qui concerne les antibiotiques, je pense qu’il s’agit d’un problème non pas de conditionnement, qui est globalement bien adapté à la prescription médicale, mais d’observance, les patients arrêtant précocement leur traitement dès qu’ils vont mieux, conservant les médicaments et les reprenant dès qu’ils ont un peu mal à la gorge.

C’est ainsi, je vous l’accorde, que se développent la résistance aux antibiotiques et les risques d’iatrogénie. Sur ce point, je suis d’accord avec vous, madame la ministre, il s’agit d’un problème sanitaire. En revanche, je ne suis pas sûre que la délivrance à l’unité règle totalement le problème, même si vous en attendez des économies. Je voudrais simplement vous rassurer, en tant que professionnelle de santé : les équipes officinales ne sont pas satisfaites du gaspillage, et elles travaillent, au contraire, au quotidien, à essayer de le réduire !

Le second point qui nous chagrine dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la croisée avec le projet de loi relatif à la santé, tient au tiers payant généralisé et obligatoire, réintroduit par les députés, dont nous doutons qu’il facilite la réalisation d’un objectif d’économies et craignons au contraire qu’il ne génère des dépenses supplémentaires.

Grâce au travail du rapporteur général et des rapporteurs, que je tiens à féliciter à nouveau, et grâce à différentes propositions de notre groupe, qui ont souvent été soutenues par nos collègues de l’UDI-UC et certains de nos collègues du RDSE, le Sénat avait apporté des modifications substantielles, que nous jugeons pour certaines fondamentales.

Je pense notamment à la généralisation de l’augmentation de la déduction forfaitaire à 1, 50 euro pour les particuliers employeurs, quelle que soit l’activité de l’employé, afin de favoriser l’emploi, de faire reculer l’emploi non déclaré et par conséquent d’augmenter les cotisations versées à la sécurité sociale.

Je pense aussi, cela a été évoqué, à l’exonération partielle de la cotisation vieillesse pour les médecins retraités exerçant en zone sous-dense, afin de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite.

À ce sujet a été annoncé, il y a quelques jours, un « Pacte territoire-santé 2 » visant à installer 1 000 jeunes médecins et à rendre opérationnelles 1 000 maisons de santé d’ici à 2017, ainsi qu’une augmentation du numerus clausus de 6, 4 % en fonction des régions. Je m’interroge sur les moyens financiers qui seront affectés à ces mesures. J’aimerais également savoir s’il existe une concertation avec les professionnels de santé, avec les représentants des territoires, puisque seules dix régions actuelles sont concernées par ce plan.

J’ai bien conscience que vous n’avez pas pu présenter ce plan en raison des événements dramatiques que nous avons connus, madame la ministre, mais je suis sûre que nous en reparlerons bientôt.

Pour revenir au projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat avait également introduit un allégement des charges sociales supportées en début de carrière par les jeunes agriculteurs, en étendant d’une année l’exonération dont ils bénéficient aujourd’hui sur les cotisations d’assurance maladie, invalidité, maternité, de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole.

Autre modification substantielle : la suppression d’une mise en concurrence destinée à sélectionner les contrats d’assurance maladie complémentaire pour les personnes de plus de 65 ans, qui risquait d’amplifier la segmentation entre les assurés, tout en aménageant le dispositif d’aide à la complémentaire santé, pour permettre aux retraités les plus modestes d’en bénéficier.

Concrètement, cette proposition de notre collègue rapporteur Francis Delattre, qui visait à aménager le dispositif de l’aide à la complémentaire santé, nous semblait plus adaptée, plus opérationnelle, et offrait l’avantage de cibler en priorité les personnes ayant de faibles revenus.

Autre preuve du courage de la majorité sénatoriale : le relèvement graduel de l’âge légal de départ à la retraite pour le fixer à 63 ans au 1er janvier 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Cette proposition de notre collègue rapporteur Gérard Roche était, nous semble-t-il, une mesure de justice.

L’accord que les organisations patronales et trois syndicats – la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC – viennent de signer sur les retraites complémentaires va accentuer le fossé entre retraités du public et du privé, le malus de 10 % pendant trois ans sur la part complémentaire des pensions qui s’appliquera à partir de 2019 aux retraités partant avant 63 ans concernant uniquement les salariés du privé.

Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, après avoir dit que vous reviendriez sur l’âge de 62 ans, vous avez allongé la durée de cotisations qui de facto fera partir une grande majorité de salariés entrés plus tard dans la vie active au-delà de 62 ans s’ils veulent avoir une retraite à taux plein. Je m’interroge sur la justice sociale.

Autre marqueur inscrit dans le texte sorti du Sénat : l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière. Concernant la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale, qui sont également concernées, cette mesure sera à nouveau proposée par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. C’est une question de cohérence et d’équité.

Le Sénat avait en outre souhaité revenir sur la date du versement de la prime de naissance pour que celle-ci soit versée avant la naissance de l’enfant.

Aujourd’hui, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire et de la nouvelle lecture du texte par l’Assemblée nationale, notre groupe soutiendra sans réserve la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales, tout en réaffirmant notre attachement à l’ensemble des propositions adoptées par la Haute Assemblée en première lecture, que nous considérons comme étant essentielles.

Nous attendions un souffle nouveau pour notre système de protection sociale ; nous attendions du Gouvernement qu’il prenne des mesures concrètes : il n’en est malheureusement rien et nous le regrettons fortement, car nous sommes, tout autant que vous, attachés à la sécurité sociale !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous avons eu l’occasion de le souligner lors de l’examen, en première lecture, de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, mon groupe ne partage pas l’orientation politique du Gouvernement pour financer la sécurité sociale.

Les mesures positives contenues dans ce texte, que nous avons soutenues, ne sont pas suffisantes pour contrecarrer la privatisation continue de notre système de protection sociale.

Au fond, la question qui nous est posée est la suivante : avons-nous réussi à faire bouger le contenu de certains articles, à améliorer le texte par rapport au projet initial ?

Malheureusement, le parcours législatif et les 46 articles restant encore en discussion n’ont pas changé notre constat, d’autant moins que, en première lecture, la majorité sénatoriale a aggravé les choses : report de l’âge légal de la retraite à 63 ans, instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, sous le prétexte d’un trop fort absentéisme à l’hôpital, dénoncé par un député Les Républicains lors de la commission mixte paritaire la semaine dernière…

Je le redis ici, j’ai été particulièrement choquée par de tels propos au lendemain d’une mobilisation exemplaire de ces personnels, qui n’ont pas attendu qu’on les appelle après la mise en place du plan blanc pour se présenter spontanément afin de porter secours aux victimes de ces attentats monstrueux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ces reculs sociaux sont inacceptables, et nous sommes satisfaits que les députés aient, en nouvelle lecture, supprimé ces articles de régression.

Toutefois, sur la nécessité de maîtriser plus fortement les dépenses, et malgré la question préalable votée par la majorité de la commission, il n’y a pas de désaccord de fond entre vous, madame la ministre, et le rapporteur général, M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Sachez que nous le déplorons vivement !

Alors que le Gouvernement imposait des restrictions budgétaires drastiques, notamment en proposant un ONDAM hospitalier à 1, 75 %, qui ne couvrait même pas la progression des dépenses, évaluée par les pouvoirs publics à près de 4 %, et un ONDAM des soins de ville contenu, la droite a jugé que ces objectifs étaient encore trop importants et a refusé de les voter, en adoptant un amendement de suppression de l’article 55.

Les personnels hospitaliers jugeront, alors que des services sont saturés, que des lits font défaut et que les urgences sont au bord de l’explosion !

En ce qui concerne la médecine de ville, pourquoi vouloir réduire un peu plus la marge de manœuvre des médecins alors qu’ils peinent à faire face au surcroît de consultations et au renforcement de leurs missions dans le cadre du développement de la médecine ambulatoire ?

Raisonner seulement en termes de réduction du déficit de la sécurité sociale, délibérément entretenu – faut-il le rappeler ? –, n’est pas juste, d’autant moins que, dans le cadre du pacte de responsabilité, le Gouvernement entend doubler le montant des exonérations patronales pour les porter à 41 milliards d’euros en 2017, sans même avoir évalué les dispositifs mis en place !

Il faut arrêter cette fuite en avant, qui non seulement ne crée aucun emploi, mais, qui plus est, tire les salaires vers le bas, ce que démontrent les faits et les différentes études.

Le débat que nous portons est un débat de fond. Nous sommes favorables à un financement lié à l’entreprise, lieu où les salariés créent richesses et croissance. Or, vous ne faites, madame la ministre, qu’exempter les grandes entreprises, et la droite sénatoriale en demande encore davantage.

Contrairement à vous, nous soutenons le principe fondateur de la cotisation sociale, chacun cotisant en fonction de sa capacité contributive et recevant des prestations et des soins en fonction de ses besoins.

Cela passe par de nouvelles recettes, ce que vous avez rejeté en première lecture. L’adoption vraisemblable de la question préalable déposée par la majorité sénatoriale, même si elle fait partie du jeu parlementaire, ne nous permettra pas de proposer de mettre à contribution les dividendes des actionnaires et les « retraites chapeau », démontrant ainsi une nouvelle fois que le Gouvernement pourrait faire autrement s’il en avait la volonté politique.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale restera donc construit sur un schéma de réduction des dépenses qui a montré ses limites. Faute de recettes nouvelles, toute économie supplémentaire se fait au détriment des prestations sociales.

Madame la ministre, comment soutenir un texte qui poursuit l’étranglement financier des hôpitaux publics, avec 1 milliard d’euros de restrictions supplémentaires, auxquelles il faut ajouter 600 millions d’euros déjà empochés l’année dernière ?

Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale succédant au projet de loi relatif à la santé, il ne faut pas perdre de vue que, sous couvert des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, nombre d’établissements sont menacés de fermeture.

Comment maintenir une qualité de soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire dans ces conditions ?

Comment ne pas dénoncer la réforme des allocations familiales, une nouvelle fois, qui, sous couvert de justice sociale, récupère de l’argent sur le dos des familles ?

Je n’ai malheureusement pas le temps de revenir sur tous les points de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, auquel nous sommes opposés.

Ce que je dénonce fortement avec l’ensemble de mon groupe, c’est que la politique poursuivie aujourd’hui ne diffère que fort peu de celle que nous combattions ensemble quand vous étiez députée, madame la ministre.

Et cette politique met à mal notre système de protection sociale. Aujourd’hui, pour se soigner dans de bonnes conditions, il faut impérativement adhérer à une complémentaire. Vous encouragez donc les assurés sociaux à se tourner vers des assurances privées.

Ce serait la solution pour répondre au fond à une triste réalité : la sécurité sociale ne rembourse plus suffisamment et les restes à charge deviennent de plus en plus lourds à supporter sans couverture complémentaire. Et dans ce texte, vous reconnaissez que ce recours aux assurances privées n’est pas à la portée de tout le monde, notamment des plus âgés. C’est le fondement de l’article 21, maintenu par l’Assemblée nationale, qui instaure une complémentaire obligatoire pour les plus de 65 ans.

Pourquoi faire ce choix, madame la ministre, de privatiser notre système de protection sociale ?

Pourquoi ne pas mieux rembourser les soins par une prise en charge à 100 % pour les jeunes et 80 % pour les autres, étape permettant d’aller à 100 % pour toutes et tous dans un second temps ?

Madame la ministre, vous avez personnellement remercié, par courrier, les agents de l’AP-HP, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui se sont fortement mobilisés pour assurer la prise en charge des blessés victimes des attentats qu’a connus notre pays. Vous venez de nouveau de leur rendre hommage ce matin, comme à l’ensemble du corps médical.

Nous nous associons à cette reconnaissance nationale pour le travail accompli par ces milliers d’hommes et de femmes. Mais il faut transformer cette reconnaissance en actes, en redonnant les moyens à un grand service de santé publique de se déployer, de répondre efficacement sur l’ensemble du territoire aux besoins de santé et de prévention de la population.

Il faut avoir l’ambition de mettre en place un véritable maillage d’établissements hospitaliers et de centres de santé, aux côtés de la médecine de ville, dans une logique de coopération.

Ce sont toutes ces raisons qui nous poussent, en ce soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale, à continuer de défendre dans cet hémicycle une protection sociale qui garantisse à toutes et à tous l’accès à des soins gratuits, de proximité et de qualité, car nous estimons que c’est le sens du progrès et de la modernité.

Aussi, comme en première lecture, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, si l’occasion nous en est donnée, et contre la question préalable, dont les objectifs sont à l’opposé des nôtres.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous nous sommes, toutes et tous, exprimés à cette tribune pour rendre hommage aux victimes du 13 novembre, dire notre soutien à leurs proches, ainsi qu’aux forces de sécurité et de secours.

La solidarité nationale s’exprime aussi en actes. Comme vous nous l’avez indiqué dans votre intervention, madame la ministre, vous avez décidé l’application immédiate des dispositions de l’article 40 de ce projet de loi de financement permettant l’exonération de toute participation financière et l’assouplissement des conditions d’attribution des indemnités journalières aux victimes d’actes de terrorisme. Votre réactivité a permis la mobilisation du fonds de garantie, et nous avons tous reçu les informations utiles que nous pourrons à notre tour diffuser en tant que de besoin.

Je réitère l’hommage et les remerciements adressés à l’ensemble des personnels de santé, qui ont fait la preuve de leur grand dévouement et de leurs compétences dans ces circonstances abominables.

Je le redis après deux des intervenants qui m’ont précédé : les trois jours de carence que la majorité de cette assemblée a souhaité imposer à ces professionnels, et qu’elle a votés en première lecture, résonnent mal à cet égard, vous l’admettrez, mes chers collègues.

Face à ces événements, la demande de renforcement des services publics s’est accrue. Il est vrai qu’elle émane aussi de ceux-là qui approuvaient, voilà peu, une réduction systématique des effectifs de la fonction publique, notamment dans le corps de la police nationale.

Il me semble que ce discours paradoxal imprègne également la position de la majorité sénatoriale dans notre débat sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous avez estimé vous-même, monsieur le rapporteur général, qu’il y avait peu de désaccords sur le fond de ce projet. De fait, 48 articles ont été adoptés conformes par le Sénat dès la première lecture, et deux des mesures phare du texte, la création d’une protection maladie universelle et celle d’un mode de financement innovant des établissements de soins de suite et de réadaptation, ont été adoptées sans grande modification.

La majorité sénatoriale a aussi approuvé les dispositions relatives à l’amélioration des droits des assurés et celles qui ouvrent de nouveaux droits – calcul plus favorable de l’assiette des contributions des agriculteurs, modalités de contrôle plus favorables aux entreprises, garantie des impayés de pension alimentaire, prise en compte de certaines périodes de chômage des marins pour l’assurance vieillesse, gratuité et confidentialité des actes liés à la prescription de contraceptifs pour les mineures, gratuité du dépistage du cancer du sein pour les femmes à risques, mi-temps thérapeutique pour les travailleurs indépendants, prise en charge des actes de dépistage de l’obésité chez les jeunes enfants, prise en charge des frais d’établissement du certificat de décès dans le cadre de la permanence de soins. Ces points méritaient d’être rappelés.

Ont également été approuvées les mesures structurelles relatives à l’organisation et au fonctionnement des régimes et aux modalités d’exercice des professions de santé, telles que le transfert du financement des établissements et services d’aide par le travail à l’assurance maladie, la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens aux établissements et services médicosociaux pour personnes handicapées, la généralisation, pour la permanence de soins ambulatoires, d’une gestion régionale globalisant forfaits d’astreinte, de régulation et honoraires, ou encore la poursuite de la réforme du régime social des indépendants.

Ces différents rappels montrent que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas si mauvais que cela, contrairement à ce qu’a déclaré l’un de nos collègues députés lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Le Sénat a par ailleurs utilement travaillé à l’amélioration de certaines dispositions du texte en élargissant le régime d’affiliation volontaire vieillesse aux conjoints de collaborateurs et en faisant mention expresse des orthoptistes dans le cadre de la création de contrats de coopération que pourront passer les ophtalmologistes. Nous étions d’ailleurs d’accord avec ce dernier point et avions défendu le même amendement. Ces améliorations ont été approuvées et maintenues par l’Assemblée nationale.

Pourtant, malgré l’absence de désaccord sur le fond et l’approbation consensuelle d’un grand nombre de mesures du projet de loi de financement, la commission mixte paritaire a, dès l’abord, échoué.

Ce désaccord résulterait – cela nous a été dit en commission – de l’état de nos finances sociales. J’ai en main le tableau des soldes de l’ensemble des régimes obligatoires de base et de ceux du régime général depuis 2005 : le Gouvernement soumet cette année à l’examen du Parlement le meilleur des projets de loi de financement de la sécurité sociale que l’on ait connus depuis dix ans. J’ose le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous reconnaissiez vous-même, monsieur le rapporteur général, que les chiffres étaient globalement bons.

Je comprendrais que l’on puisse s’opposer sur la nécessité ou non du virage ambulatoire, sur la médecine de premier recours, sur la politique de promotion des génériques, sur les modalités de tarification ou sur la politique hospitalière, bref, sur la stratégie nationale de santé qui détermine et encadre les choix de long terme. Mais, s’il fallait absolument être en désaccord, la cible apparaît fort mal choisie.

Faut-il réduire les déficits ? Oui, nous en sommes presque tous d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Dans ce domaine, vous n’avez pas de leçons à nous donner !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Au demeurant, les déficits sont réduits, cela n’est pas contestable.

On prétend que le « redressement » n’est « ni spectaculaire ni suffisant ». Il y a donc bien un redressement, en tout état de cause. Pouvait-il être spectaculaire ? Oui, peut-être, mais à la condition de réduire drastiquement les droits et le niveau de protection des assurés, dans une période où la sécurité sociale est plus nécessaire que jamais.

Cela a été le choix, en 2010, d’une précédente magistrature, particulièrement brutale, qui a réformé les retraites en modifiant les trois paramètres déterminants du montant des pensions, sans réelle prise en compte de la pénibilité des métiers. J’ai relu les débats de cette époque.

Ce choix, cette orientation, ce ne sont pas ceux du Gouvernement, qui entend, quant à lui, agir sur les déficits sociaux sans réduire les droits. Ainsi, le reste à charge des assurés a diminué pour la troisième année de suite.

Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base a été divisé par deux en seulement trois ans, celui de la branche vieillesse par huit, celui de la branche famille par trois et celui de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche AT-MP, a été supprimé, puisque cette branche est excédentaire. Ce n’est pas mince !

Est-ce suffisant ? Non, bien sûr. Nous ne sommes pas aveugles. L’assurance maladie et le Fonds de solidarité vieillesse présentent un niveau de déficit encore important que nous ne pouvons pas méconnaître, bien au contraire. Ils sont d’ailleurs l’objet de mesures de régulation et de réduction de dépenses, qui atteignent en 2016 – je le rappelle – 3, 4 milliards d’euros dans le champ de l’ONDAM, dont l’évolution a été fixée au niveau le plus strict qu’on ait connu.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous qui appelez à une maîtrise impérative des dépenses, vous devriez donc approuver ces dispositions ! Or non seulement vous ne les approuvez pas, mais vous proposez nombre de mesures qui augmentent les dépenses ou réduisent les ressources sans contrepartie !

On peut les énumérer : suppression du système de régulation du coût des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C – je n’ai pas bien vu l’utilité de cette mesure –, affaiblissement du mécanisme de la clause de sauvegarde en réduisant l’assiette prise en compte pour son calcul, suppression de la réduction du plafond d’exonération de cotisations sur les parachutes dorés – mesure rétablie en partie par l’Assemblée nationale –, généralisation de la réduction forfaitaire de cotisations pour les particuliers employeurs, extension du taux réduit du forfait social aux entreprises créant un plan d’épargne entreprise ou un plan d’épargne pour la retraite collectif, suppression du paiement de charges sociales sur les dividendes versés aux dirigeants de SARL, suppression de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine immobilier et les produits de placement perçus en France par les personnes domiciliées hors de France.

Comment assumer, sans contradiction, la responsabilité de telles propositions ? Leur coût n’est pas évalué, leur compensation pas prévue et elles augmenteraient de manière importante les déficits, à l’opposé de toute justice sociale !

Le niveau des prélèvements a également été évoqué, mais comment passer sous silence la mise en œuvre de la deuxième tranche du pacte de responsabilité et de solidarité ? Elle représente pourtant un allègement de charges de plus de 3 milliards d’euros en 2016 pour les entreprises – 4, 2 milliards en année pleine –, auquel s’ajoute 1 milliard d’euros de réduction de la C3S, qui profitera prioritairement aux petites et moyennes entreprises.

Enfin, l’amélioration des comptes s’accompagne d’une démarche volontaire du Gouvernement dans le traitement de la dette sociale par l’anticipation du transfert à la CADES, prévu par la loi de financement pour 2011, d'un montant de 23, 6 milliards d’euros, soit le reliquat des 62 milliards d’euros de dette, dont l’apurement été fixé à terme en 2017. L’opportunité de cette mesure est évidente, dans un contexte de taux extrêmement bas.

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale a retrouvé les tableaux d’équilibre, supprimés au Sénat.

Il nous y est proposé également une nouvelle rédaction de deux dispositions largement discutées sur tous les bancs et prévues par les articles 21 et 22.

La nouvelle rédaction de l’article 21 substitue à la procédure d’appel d’offres, initialement prévue pour sélectionner les contrats de complémentaire santé destinés aux personnes de plus de 65 ans, une procédure de labellisation.

Nous pouvons nous réjouir qu’un accord ait pu être trouvé sur ce point. Il va dans l’intérêt de la protection sociale des personnes concernées, tout en prenant en compte la spécificité des organismes mutualistes appelés à proposer de meilleures garanties au meilleur coût.

Une nouvelle rédaction est également proposée pour l’article 22 : l’option dérogatoire du salarié en contrat court pour choisir une couverture individuelle, qui peut être solvabilisée par un versement de l’employeur, devient subsidiaire par rapport à la couverture collective existante.

Il n’y aura pas de débat ce matin sur les articles. Nous avons donc écouté Mme la ministre avec beaucoup d’attention sur cette disposition. Je vous rappelle notre souci que les conventions existantes comportant une complémentaire santé dans ces secteurs de travail précaire conservent l’adhésion de leurs salariés.

Mes chers collègues, j’ai évoqué le travail de fond réalisé par le Sénat, mais aussi les contradictions qui traversent sa majorité et lui font rendre une « copie hors sujet », pour reprendre une expression que j’ai déjà utilisée ! Elle est hors sujet, car privée de tout chiffre, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour un projet de loi de financement…

Notre objectif en faveur de la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens et pour redonner confiance à notre jeunesse dans son avenir est pourtant commun : faire vivre et inscrire dans le XXIe siècle un système de protection sociale, que tout le monde loue et qui est reconnu et envié au-delà de nos frontières.

Tel est le message que nous pouvons porter le plus largement possible. En tout cas, je l’espère profondément et sincèrement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en préambule, je souhaite, madame la ministre, au nom de mes collègues du groupe de l’UDI-UC, exprimer à vos côtés notre infinie solidarité avec les victimes et leurs familles, ainsi que notre infinie gratitude aux services de soins et de secours pour le travail remarquable qu’ils ont accompli.

Nous examinons à nouveau le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui – à la déception du groupe de l’UDI-UC – ne comporte aucune des améliorations apportées par le Sénat en première lecture.

J’évoquerai d’abord les équilibres généraux de ce texte.

Avec un déficit de la sécurité sociale de 12, 4 milliards d’euros, marquant un léger recul par rapport à celui de 2014, le groupe UDI-UC reconnaît que des efforts ont été entrepris. Dans le même temps, il faut bien reconnaître que nous sommes encore loin du compte !

La branche maladie, qui représente près de la moitié du budget du régime général, concentre les deux tiers des déficits, avec un solde négatif supérieur à 6 milliards d’euros.

Quant à la branche vieillesse, elle enregistre – techniquement – un léger solde positif en 2016, qu’elle doit d’ailleurs largement à la réforme des retraites de 2010. Mais le Fonds de solidarité vieillesse reste, lui, en situation de fort déficit structurel, avec 3, 7 milliards euros.

La branche famille est également fragilisée. Son retour à l’équilibre est désormais prévu pour 2018. Cependant, il provient non seulement de certaines mesures défavorables aux familles – elles ont été évoquées par Corinne Imbert à l’instant –, mais aussi du transfert à l’État de la prise en charge de l’aide au logement familial.

Par ailleurs, le sujet de la dette demeure des plus préoccupants. L’article 17 du projet de loi transfère 23, 6 milliards d’euros de dettes de l’ACOSS à la CADES, laissant ainsi entière la question du traitement de la dette sociale.

Le retour à l’équilibre, promis par le Gouvernement pour 2017, est sans cesse repoussé. À l’image de sœur Anne, il est ici reporté à l’horizon 2020, voire 2021 ou au-delà !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

On le voit, les avancées, s’il y en a, paraissent minces. Or l’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts importants et structurels, ce que le Gouvernement semble se refuser à faire.

Aussi, nous déplorons particulièrement la suppression de plusieurs mesures courageuses votées au Sénat, destinées à rétablir durablement l’équilibre des comptes, en particulier des dispositions qui sont le fruit du travail remarquable et audacieux mené par nos rapporteurs et le président de la commission des affaires sociales, que je salue.

Au premier rang de ces mesures, je pense à la proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales sur la branche vieillesse, Gérard Roche, visant à reporter à 63 ans l’âge légal de départ en retraite, à compter du 1er janvier 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Pourtant, cette mesure est indispensable, à la fois pour prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie et garantir la pérennité de notre système social, auquel nous sommes profondément attachés.

De même et sans rien enlever à l’hommage que nous venons de rendre aux personnels, l’instauration des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, proposée par la commission des affaires sociales, a malheureusement été supprimée à l’Assemblée nationale. On s’accorde pourtant à dire que cette mesure aurait eu un véritable impact sur les coûts de fonctionnement et qu’elle aurait même dû être élargie à l’ensemble de la fonction publique, par équité avec les salariés du secteur privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

De la même manière, certaines propositions introduites par le Sénat ont été balayées, comme l’exonération pour les jeunes agriculteurs, ou ignorées, comme la réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l’assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

Je regrette également que n’ait pas été maintenu le dispositif d’incitation en faveur des médecins qui, arrivés à l’âge de la retraite, souhaitent poursuivre leur activité lorsqu’ils exercent dans des zones sous-dotées. Cette disposition aurait été un premier pas concret, aisé et non coûteux dans le sens de la lutte contre les déserts médicaux que le groupe de l’UDI-UC appelle de ses vœux. Car, si la France n’a jamais compté autant de médecins, les Français y ont un accès de plus en plus difficile, notamment du fait de la répartition inégale de ces praticiens sur le territoire.

Par ailleurs, j’observe que bon nombre de mesures semblent être des intentions louables, mais en vérité, madame la ministre, elles risquent in fine de mettre en difficulté les publics qu’elles sont censées aider.

Je pense à l’article 19 sur les gens de mer résidant en France et travaillant pour des pavillons étrangers. Ce sujet est une vraie question, mais la mesure proposée initialement, dans la précipitation et sans réelle concertation avec les intéressés et les partenaires sociaux, aurait eu des conséquences exactement contraires à celles que vous visez. En effet, elle risquait d’entraîner la perte totale de l’attractivité, pour les compagnies étrangères, des gens de mer résidents français, dont le coût du travail aurait encore augmenté.

Le Gouvernement a préféré proposer une forme de compromis, ce qui montre bien que la formule initiale ne devait pas être optimale… Ce compromis est compliqué : il prévoit l’affiliation à l’Établissement national des invalides de la marine des gens de mer marins et celle des gens de mer non marins au régime général. Si cette avancée est positive pour les premiers, cette différence de statut manque de lisibilité et soulève beaucoup d’interrogations, voire d’incompréhensions, comme l’indiquent les partenaires sociaux que mon collègue du Finistère, Michel Canevet, et moi-même ne cessons de recevoir.

De même, nous regrettons que l’article 21 instaurant un nouveau contrat labellisé pour les personnes de 65 ans et plus ait été rétabli, même s’il a été modifié, sur l’initiative du Gouvernement, dans le sens d’une labellisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses, avec un plafonnement du montant des cotisations en fonction de l’âge.

Cette segmentation des offres met en difficulté l’équilibre d’ensemble du système, car elle constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, qui se fera in fine au détriment des actifs. On le voit, l’accès aux complémentaires santé pose la question de la nécessaire remise à plat des huit dispositifs existants, afin d’apporter une plus grande lisibilité et une plus grande équité.

Je souhaite également évoquer l’article 22, qui prévoit un système de « chèque santé » pour les salariés en contrats très courts ou en temps très partiel.

Vous proposez de limiter cette disposition aux salariés dont la durée de couverture par le régime d’entreprise est trop courte. Vous évitez ainsi de remettre en cause les accords déjà signés par les entreprises. Toutefois, l’absence de données chiffrées et d’éléments sur les seuils donnant droit au dispositif ne permet pas de mesurer l’effet de cette mesure qui va certainement contribuer, en revanche et de façon certaine, à alourdir les démarches administratives et les charges des entreprises.

En conclusion, force est de constater que le Gouvernement ne prend pas la mesure des menaces qui continuent de peser sur notre système social et, surtout, du poids de la dette que, ce faisant, nous continuons de reporter sur les générations à venir.

Comme l’indiquait notre rapporteur général, nous avons un désaccord de fond sur l’état de nos finances sociales et le degré d’urgence du rétablissement des équilibres.

En ces temps où la République est confrontée à des défis considérables qui renvoient à la fragilité de la cohésion sociale, l’esprit de solidarité, valeur que nous partageons tous ici, devrait nous conduire à plus de lucidité, de courage et d’audace, mais aussi à un meilleur dialogue entre les assemblées parlementaires.

Chacun l’aura compris, ces constats conduisent notre groupe à soutenir la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis saisie, par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,

Considérant que le niveau de prélèvements obligatoires au profit des organismes de sécurité sociale a atteint un niveau record ;

Considérant qu’en dépit de ce niveau de prélèvements, les déficits, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse se stabilisent à des niveaux très élevés ;

Considérant que le retour à l’équilibre n’est constaté que pour les branches (famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles) où de réels efforts ont été demandés aux assurés ;

Considérant que les mesures d’économies par rapport au tendanciel sur l’assurance maladie sont à la fois insuffisantes et non-assurées et risquent de se traduire une nouvelle fois par des mesures de régulation sur l’hôpital pour « tenir » l’ONDAM ;

Considérant que les perspectives pluriannuelles sont insuffisamment renseignées et ne comportent aucune information sur l’ONDAM après 2016 ;

Considérant que la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraite à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie;

Considérant, que la ponction de 0, 15 point de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles au profit de l’assurance maladie contrevient au principe d’autonomie des branches ;

Considérant que le texte n’apporte pas de réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l’assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et des produits de placement ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (190, 2015-2016).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le président de la commission, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, bien que cela ait déjà été fait dans cette enceinte mardi dernier, nous adressons une pensée émue et solidaire aux victimes des attentats du 13 novembre. Nous devons également exprimer notre reconnaissance à l’ensemble des personnels de santé, libéraux et salariés, médicaux et paramédicaux, qui ont fait preuve, une fois encore, d’un dévouement sans borne et de leur aptitude à délivrer des soins de qualité.

Revenons cependant à notre sujet du jour, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. En première lecture, le Sénat a émis une note dissonante dans ce qui s’apparentait à un concert d’autosatisfaction.

Certes, le déficit des comptes sociaux a été diminué d’un tiers en trois ans, soit d’un peu plus de 6 milliards d’euros. Notre commission n’en disconvient pas, mais elle souligne que près de 18 milliards d’euros de recettes supplémentaires auront été mobilisés pour parvenir à ce résultat, ce qui conduit à le relativiser quelque peu.

Malgré un niveau record de prélèvements, nous aurions encore, en 2016, un déficit de l’assurance maladie de plus de 6 milliards d’euros et un déficit du Fonds de solidarité vieillesse de 3, 7 milliards d’euros.

Le retour à l’équilibre des comptes sociaux, prévu en 2014, puis en 2016 au fil des lois de programmation, est désormais reporté à plus tard, au-delà de l’horizon couvert par la loi de programmation.

En ce qui concerne les retraites, nous récoltons aujourd’hui les fruits de la réforme de 2010, pourtant mise à mal par l’élargissement des possibilités de départ anticipé, décidé à l’été 2012. Nous savons pourtant qu’il sera nécessaire d’aller plus loin, car les projections à moyen terme montrent le caractère très provisoire de l’amélioration actuelle. Nos concitoyens en sont pleinement conscients et l’immobilisme en la matière les inquiète davantage qu’il ne les rassure. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’ils perçoivent le soulagement du Gouvernement à la suite de l’accord intervenu sur les retraites complémentaires, par lequel les partenaires sociaux ont accompli ce qu’il n’avait pas même tenté ?

Notre rapporteur pour la branche vieillesse l’a fort bien rappelé : chaque génération doit relever ses propres défis et la pérennité du système de retraites est bien notre défi d’aujourd’hui.

Pour la branche famille, le déficit ne se réduit qu’au prix de coupes dans les prestations pour les foyers qui ont, par ailleurs, subi de plein fouet la vague fiscale, ou encore grâce à des mesures de trésorerie peu justifiables, comme celle qui consiste à décaler le versement de la prime à la naissance.

En matière de maladie, « le remboursement des soins et l’évolution des tarifs assurent une intégration continue du progrès technique dans le secteur médical » qui permet « une amélioration de l’efficience du système de soins » : je viens de citer l’annexe B du projet de loi de financement qui justifie ainsi la ponction réalisée sur les cotisations de la branche AT-MP.

Cependant, notre système de santé ne restitue pas de gains d’efficience, il les absorbe au contraire sans dégager les marges nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles techniques ou de nouveaux médicaments.

Le Gouvernement se félicite d’une expansion continue des droits, mais celle-ci est financée par un déficit qui s’est accru depuis 2012. Respect de l’ONDAM et déficit ne sont pas antinomiques, l’année 2016 nous en apportera une nouvelle illustration.

En 2016, l’augmentation de l’ONDAM sera certes limitée à 1, 75 %, mais par rapport à une variation tendancielle moins élevée. Que n’avons-nous entendu dire, l’an dernier, sur les propositions du Sénat, qualifiées tour à tour de « poudre aux yeux » et de « mesures antisociales » ? Pourtant, le Gouvernement nous propose cette année le même niveau d’évolution de l’ONDAM. Les économies proposées sont les mêmes que l’an dernier – nous sommes toujours dans le virage ambulatoire – et, comme l’an dernier, les mises en réserve sur l’ONDAM hospitalier permettront sans doute d’assurer le bouclage d’économies insuffisantes en exécution.

Nous avons tous rendu hommage à l’action des personnels hospitaliers. Serons-nous capables de leur proposer une organisation du travail compatible avec leurs missions et qui ménage de vrais temps de repos ? Nous savons bien que l’hôpital n’est pas véritablement passé aux 35 heures. Revenons, dans l’intérêt même des personnels, à une organisation plus rationnelle du travail.

On a reproché au Sénat, sur certains bancs de l’une ou l’autre des assemblées, d’avoir supprimé les tableaux d’équilibre et d’avoir ainsi adopté un texte « virtuel ». À l’actuelle opposition sénatoriale, je voudrais rappeler que c’est précisément ce qu’elle a fait dès la première année où elle s’est trouvée en majorité dans cet hémicycle…

À ceux qui s’interrogent sur la portée d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi « tronqué », j’indique que la suppression des tableaux d’équilibre ne signifie ni la suppression des recettes ni celle des dépenses, qui ne sont pas formellement autorisées par la loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de tableaux plus politiques que juridiques, qui marquent les orientations données à nos finances sociales, et c’est bien comme tels que nous les avons supprimés, même si je concède que nous nous écartons, en cela, de la loi organique.

Bien que son désaccord persiste sur les équilibres généraux du texte, la commission des affaires sociales n’a pas souhaité reproduire cet exercice de réécriture en nouvelle lecture ni proposer de rétablir, à ce stade, plusieurs dispositions que le Sénat avait approuvées, mais que l’Assemblée nationale n’a pas retenues. C’est pourquoi elle vous demande d’adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, puisqu’il est ici question d’une motion qui s’apparente à un acte d’accusation, je vais me faire l’avocate de la coupable – ou plutôt des coupables –, coupable de la réduction de 40 % en trois ans du déficit des comptes sociaux !

Mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, force est de constater que, au cours de nos échanges lors des réunions de commission et des débats dans l’hémicycle, vous avez été les premiers tantôt à réclamer des économies de 100 milliards d’euros à 150 milliards d’euros sur le budget de l’État, tantôt à le déséquilibrer, par un mécanisme simple consistant à augmenter les dépenses et à diminuer les recettes.

Surtout, vous ne donnez aucune explication du déséquilibre financier que vous imprimez à ce budget et ne proposez aucune solution de recettes pour le rééquilibrer. Je ne sais que dire, à part que vous n’en êtes pas à une contradiction près – avec tout le respect que je vous dois.

Reprenons point par point les motifs invoqués par votre motion, qui ne manque pas de mettre en exergue griefs et chefs d’accusation.

Tout d’abord, vous dites que, en dépit d’un « niveau record » des prélèvements obligatoires, « les déficits, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse, se stabilisent à des niveaux très élevés ». Cette affirmation mérite que l’on s’y attarde.

L’idée que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale soit le plus équilibré de ces dix dernières années ne vous a pas plu dès le départ. Vous avez précisément supprimé les articles 26 à 28, puis les articles 30, 34, 36 et 38 et les articles 54 à 56 relatifs aux objectifs de recettes et de dépenses pour les années 2015 et 2016. Avouez que cela n’avait aucun sens, du moins pour nous. Séance après séance, vous avez dénaturé et « détricoté » ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En fait, c’est la dette qui se stabilise depuis trois ans, puisque le déficit global se réduit d’année en année : en 2013, il s’élevait à 15, 4 milliards d’euros ; en 2014, à 13, 2 milliards d’euros et, en 2015, à 12, 8 milliards d’euros. Pour 2016, le déficit est prévu à 9, 7 milliards d’euros. Il me semble que ces chiffres vous ont été rappelés à plusieurs reprises, lors de la première lecture, par le chef de file de notre groupe, Yves Daudigny et, pour le Gouvernement, par la ministre Marisol Touraine.

En 2016, le solde cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse retrouvera son niveau d’avant 2008. Je le dis : c’est grâce à l’actuel gouvernement et pas à un autre ! En fait, il s’agit d’une réduction du déficit de 40 % en trois ans.

Plus spécifiquement, en 2016, contrairement à ce que laisse penser le texte de votre motion, la branche maladie retrouvera sa tendance baissière engagée en 2013, avec un déficit de 6, 2 milliards d’euros, quand le déficit du FSV entamera son inflexion vers la baisse, avec un montant de 3, 5 milliards d’euros.

Les réformes entreprises depuis 2012 permettent donc à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 d’être plus équilibré que les précédents. Comme vous le savez, depuis deux ans, les résultats sont souvent meilleurs que les prévisions.

Je ne sais si je dois vous remercier, monsieur le rapporteur général, d’avoir noté le retour à l’équilibre des branches famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles. En effet, d’une certaine manière, vous mettez en exergue le courage dont a fait preuve le Gouvernement en adoptant des mesures difficiles, qui demandent notamment des efforts aux assurés – mais tout le monde sait que le laisser-faire serait encore plus dramatique !

Vous évoquez des perspectives pluriannuelles « insuffisamment renseignées » et ne comportant, pour l’ONDAM, « aucune information après 2016 ». Or l’actuel plan pour la maîtrise de l’ONDAM prévoit des économies de 2015 à 2017 et il me semble que nous étudions aujourd’hui le plan de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Évoquer la non-tenue de l’ONDAM dans cette motion, à l’heure où sa progression est historiquement basse, car maîtrisée, alors même que de nouveaux droits sont ouverts, n’est pas au niveau du débat que nous devrions avoir dans cet hémicycle. Vous comprenez bien, mes chers collègues, que la majorité gouvernementale ne fait pas tous ces efforts pour relâcher ensuite son attention les années suivantes : c’est une question de pragmatisme et, surtout, de bon sens.

Vous affirmez que « la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraites à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie ».

Vous le savez, en l’état, le système de retraites sera à l’équilibre jusqu’en 2030. Il nous faudra, bien sûr, rester vigilants et, éventuellement, nous adapter, mais rien ne justifie aujourd’hui un départ à la retraite à taux plein à l’âge de 63 ans. La question du prolongement de la vie est un sujet dont nous devrons débattre, et nous en débattrons sans doute, mais la question essentielle est celle de la vie en bonne santé pendant ce prolongement de la vie, plutôt que celle de l’âge du départ à la retraite. Sur ce terrain, nous avançons, avec le compte personnel de prévention de la pénibilité que nous avons proposé.

En ce qui concerne la ponction de 0, 15 point de cotisation effectuée sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles au profit de l’assurance maladie, tout le monde constate, mes chers collègues, que les différentes branches se portent mieux, notamment la branche AT-MP, excédentaire chaque année depuis 2013. Cette ponction est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et il sera important que nous veillions tous à ce que cette aide ponctuelle permette à la branche maladie de rattraper son retard vis-à-vis des autres branches.

Très ponctuellement, la solidarité entre les branches doit pouvoir être envisagée. Vous le savez, cette ponction temporaire n’empêchera pas ces deux branches d’être fortement excédentaires en 2016.

Pour la première fois depuis sept ans, le budget de la sécurité sociale présente un déficit de moins de 10 milliards d’euros ; pour la première fois depuis 2004, la branche vieillesse sera à l’équilibre et le restera jusqu’en 2030 ; pour la première fois depuis 2002, la dette sociale va baisser en valeur.

Que reprochez-vous à ce budget ?

Sourires sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Lutter contre le gaspillage, faire baisser les prix des produits de santé, renforcer l’efficience de la dépense hospitalière et favoriser le virage ambulatoire pour bénéficier d’une prise en charge par des spécialistes de terrain ? Et encore, je ne cite là qu’une partie seulement des mesures permettant de prendre en compte les contraintes budgétaires tout en offrant aux Français de nouveaux droits.

Je pourrais aussi vous parler de la protection universelle maladie, de la simplification des procédures de prise en charge des victimes du terrorisme, qui a été saluée par de nombreux orateurs, de la généralisation de la complémentaire santé, mais aussi du droit à une garantie de 100 euros par enfant, notamment pour les impayés de pension alimentaire, ce qui concernera 30 000 familles, ou encore de la poursuite de la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés précaires ou en multiactivité et les personnes âgées de plus de 65 ans.

Je m’arrête là, mais je ne peux m’empêcher de trouver qu’il est dommage, en ces temps où le Sénat et le formidable travail qui y est effectué sont remis en cause par certains, que ce texte fasse l’objet d’une motion de procédure « de l’intérieur ». Son adoption aura pour conséquence de priver la Haute Assemblée d’un second débat sur un texte si important pour la vie de nos concitoyens, un texte essentiel pour notre société, notre République, et les valeurs d’humanisme et de solidarité que bien d’autres nous envient.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Non, vous préférez l’éclat politique feutré au devoir qui est le nôtre de discuter et de se disputer avec nos différences, mais aussi de mettre au jour nos convergences dans l’intérêt de la nation.

Cette question préalable, in fine, me laisse un goût amer, car elle nous détourne de l’essence même de notre mandat : légiférer au nom de la nation et de tous les citoyens qui la composent, et que nous représentons.

C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain appelle à voter contre cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Je me suis exprimée assez longuement tout à l’heure, donc je ne vais pas retarder davantage le moment du vote. Bien entendu, je suis défavorable à l’adoption de la motion qu’a défendue M. le président de la commission des affaires sociales.

Nous avons eu le temps, en première lecture, d’échanger nos arguments, de voir ce qui peut nous rapprocher et ce qui reste un sujet de division entre nous. Je ne répondrai pas plus en détail aux arguments avancés par les soutiens de cette motion, car il me semble que les termes du débat sont désormais bien connus et bien identifiés.

Je conclus en remerciant le groupe socialiste et républicain du soutien qu’il apporte à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Nous voici confrontés au vote d’une motion tendant à opposer la question préalable, ce qui revient à clore le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je voudrais mettre l’accent sur trois points.

Tout d’abord, cette motion de procédure fait partie du règlement de notre assemblée. C’est donc une demande tout à fait légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Ensuite, sur le plan politique, nous avons fait, les uns et les autres, en première lecture, un certain nombre de propositions qui nous paraissaient intéressantes.

Mme la ministre nous en a reproché le coût, mais notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe a suggéré, tout au long des débats, tant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale que sur le projet de loi relatif à la santé, des propositions d’économies qui allaient bien au-delà du surcoût dont on nous fait grief.

Le texte issu du Sénat était fort éloigné de celui de l’Assemblée nationale. Dans ces conditions, il était totalement illusoire de penser à un compromis possible lors de la commission mixte paritaire. In fine, l’Assemblée nationale n’a d’ailleurs retenu pratiquement aucune de nos propositions lors de la nouvelle lecture.

Cependant, clore le débat cause un peu d’amertume chez ceux d’entre nous qui avaient proposé des amendements, votés ou non, mais toujours défendus avec ardeur, parfois avec véhémence. En particulier, et à titre personnel, je pense à l’amendement sur l’âge de la retraite, dont Françoise Gatel a parlé tout à l’heure. Je me console en espérant que, peut-être, dans les mois à venir, madame la ministre, vous vous souviendrez de cette proposition efficace, juste et socialement acceptable.

Enfin, je veux évoquer le contexte général. Nos débats se sont terminés le 13 novembre dernier, dans un climat très apaisé. À cet égard, je remercie encore Mme la ministre des mots de conclusion qu’elle prononça à ce moment-là. Il était alors dix-neuf heures. Trois heures plus tard, Paris et la France basculaient dans l’horreur. Trois jours plus tard, nous étions au Congrès de Versailles. Après avoir écouté le Président de la République, nous nous sommes levés, nous avons applaudi, et nous avons ensemble chanté La Marseillaise dans une grande émotion partagée.

Nos concitoyens, devant leur poste de télévision, ont ressenti la même émotion ; ils ont été rassurés par cet élan d’union nationale et ils ont, je crois, été fiers des femmes et des hommes politiques. Pour une fois, je crois pouvoir dire qu’ils ont été fiers de leurs élus.

Alors, dans cette ambiance de drame, où le besoin d’union nationale se fait sentir, faisons le rêve que, à l’avenir, les débats entre l’Assemblée nationale et le Sénat aboutissent non plus à des constats d’échec, mais à des textes de compromis raisonnable, fondés sur le respect d’un vrai dialogue démocratique, qui, lui, est la source de cette unité nationale que nous désirons tous.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Fort de ses convictions, le groupe de l’UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Effectivement, nous venons de vivre des drames douloureux qui transcendent nos réflexions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. À mon sens, il est quand même permis de tirer deux conclusions de ce qui s’est passé, en ce qui concerne les secours et la participation du monde médical ou paramédical.

Tout d’abord, nous pouvons rendre hommage à la motivation qui anime tous ces personnels. Nous voyons bien qu’il n’est pas seulement question d’horaires, de gardes ou d’astreintes.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Si ces personnes se dévouent au service de nos concitoyens, c’est parce qu’elles croient en ce qu’elles font ! Je le répète, ce n’est pas qu’une question d’horaires, de 35 heures ; c’est véritablement une question d’organisation des structures hospitalières, qui dépasse ce dogmatisme.

Par ailleurs, à la suite des propos du Président de la République, qui a déclaré que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité, je tire la sonnette d’alarme, madame la ministre : on ne peut pas continuer, notamment dans les domaines social, médicosocial et sanitaire, à vivre sur le dos de nos successeurs et de nos enfants !

Il faut véritablement trouver des solutions pour éviter cette dérive que nous connaissons…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

C’est l’hôpital qui se moque de la Charité ! Vous êtes expert en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… depuis un certain nombre d’années.

Même si les gouvernements précédents n’ont pas forcément montré le bon exemple, il appartient au gouvernement actuel de s’y employer. Or tel n’est pas le cas !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Au-delà, on voit bien que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond pas aux préoccupations de notre société. J’en veux pour preuve le rejet de propositions ou les manifestations du monde médical ou paramédical devant ce qui leur est proposé, à la fois dans ce texte et dans le projet de loi relatif à la santé.

Il y a véritablement un certain nombre de décisions à prendre. Malheureusement, nous ne les retrouvons pas dans ce texte. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Notre groupe est plutôt étonné du dépôt de cette question préalable, non pas en soi – il s’agit d’un outil parlementaire légitime –, mais parce que la majorité sénatoriale avait refusé de voter la nôtre en première lecture, au prétexte qu’il fallait, je cite M. le rapporteur, « que la discussion ait lieu » !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

M. Dominique Watrin . Peut-être la proximité des élections régionales vous incite-t-elle à vous démarquer d’un texte dont vous n’avez pourtant pas remis en cause les grands principes et que vous avez même aggravé !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

J’en veux pour preuve le vote par la majorité sénatoriale d’un amendement portant l’âge légal de la retraite à 63 ans et l’instauration de trois jours de carence pour le personnel hospitalier, avec, si j’ai bien compris, en ligne de mire également la remise en cause des 35 heures.

Vous n’avez, en revanche, rien à redire au sujet des nouveaux cadeaux que ce projet de loi accorde indistinctement aux employeurs, qu’il s’agisse de l’exonération de toutes cotisations sociales à la branche famille pour les salaires allant jusqu’à 3, 5 SMIC ou de la suppression de la contribution de solidarité des entreprises au régime social des commerçants, artisans et professions libérales.

Vous approuvez ainsi le pacte de responsabilité que nous contestons, pour notre part, car il aboutit à priver de recettes la sécurité sociale, ce qui a pour conséquence indirecte de diminuer les prestations.

Au nom d’économies du Gouvernement jugées insuffisantes, vous appelez, dans votre motion, à toujours plus de coupes claires dans notre système de protection sociale, pour cette année comme d'ailleurs pour les années suivantes.

Je vous rappelle simplement que c’est l’inverse qu’il faudrait faire. La sécurité sociale est, d’abord, malade des exonérations massives de cotisations sociales, sans aucun ciblage, sans contrepartie en termes d’emplois ou de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, et sans efficacité démontrée.

D'ailleurs, malgré cette générosité le déficit de la sécurité sociale correspond, en réalité, à un découvert modeste de 40 euros pour un salarié qui toucherait 1 500 euros. Autant vous dire qu’avec des mesures de bonne gestion, faisant porter l’effort sur les revenus financiers des entreprises et en agissant positivement sur l’emploi et les salaires, il serait possible de s’attaquer vraiment aux grands défis de la maladie, de la santé au travail ou du vieillissement et d’épargner ainsi aux Français tous ces sacrifices.

Or c’est tout l’inverse que vous nous proposez ! C'est pourquoi nous voterons contre cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 74 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en nouvelle lecture.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.