Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 26 novembre 2015 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2016 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, moi aussi, je tiens à saluer l’hommage que la France tout entière a rendu aux trop nombreuses victimes des attentats qui ont eu lieu juste après l’examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Madame la ministre, je fais miens les remerciements que vous avez adressés aux personnels hospitaliers ou libéraux pour leur dévouement auprès des victimes et des blessés, eux aussi trop nombreux. Nous nous associerons à toute la France rassemblée et unie lors de l’hommage qui sera rendu demain aux Invalides.

Néanmoins, il nous faut bien poursuivre nos travaux. Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, après la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, 46 articles restent en discussion.

En première lecture, le Sénat a marqué son profond désaccord avec la partie financière de ce texte en rejetant les articles portant approbation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, lesquels ont évidemment été rétablis, comme nous nous y attendions, par l’Assemblée nationale. Notre désaccord porte sur l’insuffisance de résultats en termes de réduction des déficits au regard de l’injection massive de recettes effectuées ces dernières années.

À titre d’illustration, permettez-moi de rappeler quelques chiffres. En 2012, 2, 5 milliards d’euros de recettes nouvelles ont été décidés par la nouvelle majorité, seulement 200 millions d’euros de réduction du déficit ont été constatés ; en 2013, 9, 8 milliards d’euros de prélèvements nouveaux ont été effectués, pour 3, 6 milliards d’euros de réduction du déficit ; en 2014, 5, 6 milliards d’euros de prélèvements ont été réalisés, pour seulement 1, 3 milliard d’euros de réduction du déficit.

Depuis trois ans, l’assurance maladie et le Fonds de solidarité vieillesse demeurent à un niveau de déficit quasi inchangé et toujours très, pour ne pas dire trop élevé. La branche famille ne se redresse qu’au prix de mesures qui affectent son identité.

Face à cette situation, le Sénat a adopté des articles additionnels, marqueurs de ce que serait une politique plus volontariste en faveur de la maîtrise des dépenses hospitalières et de l’allongement de la durée passée au travail. L’amendement présenté par la commission sur la retraite visait à restaurer l’équité entre public et privé, en cohérence avec l’accord sur les complémentaires, et ne faisait qu’anticiper une réforme que tout le monde sait nécessaire.

Sur la partie législative du texte, nous n’avons que peu de désaccords de fond, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre. Je rappelle que le Sénat a voté dès la première lecture les deux principales mesures financières de ce projet de loi de financement : la réduction de la cotisation famille et le relèvement de l’abattement de C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, qui mettent en œuvre la seconde étape du pacte de responsabilité et de solidarité, prévue aux articles 7 et 8 du texte.

Les autres mesures sont de portée technique et nos désaccords limités, même si les solutions dégagées à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ne laissent pas, pour certaines, de nous interroger.

À l’article 19, le Gouvernement a proposé une forme de compromis, qui semble compliqué, sur l’affiliation des gens de mer : les marins seraient affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine, et les non-marins au régime général.

À l’article 7 bis, un sous-amendement de Dominique Tian déposé à l’Assemblée nationale a réduit le champ d’application aux seuls dirigeants et mandataires sociaux – je rappelle que, selon M. le secrétaire d’État, 6 personnes auraient pu être concernées en 2014 ! –, tout en supprimant par là même également l’assujettissement au premier euro des indemnités de ruptures supérieures à dix plafonds de la sécurité sociale pour les salariés – je dis bien : les salariés, et non plus seulement les mandataires.

Parallèlement, un sous-amendement du Gouvernement aménage des dispositions transitoires pour les ruptures de contrat de travail. Tout cela, avouez-le, laisse une certaine impression d’inachevé…

J’en viens maintenant à l’assurance maladie. La discussion sur la couverture complémentaire santé des personnes de plus de 65 ans et des salariés en contrat court ou effectuant un faible nombre d’heures s’est poursuivie à l’Assemblée nationale et a abouti, à la suite de l’adoption d’amendements du Gouvernement, à des mesures plus acceptables à nos yeux pour l’ensemble des acteurs. Elles ne nous paraissent pas toutefois régler de manière totalement satisfaisante les problèmes posés.

L’article 21 aboutit à un système de comparaison des contrats complémentaires proposés aux personnes de plus de 65 ans au travers d’une labélisation des paniers de prestations avec des cotisations plafonnées en fonction des âges.

Il est incontestablement bon, tout le monde l’a souligné, que les personnes qui sortiront des complémentaires d’entreprises à l’âge de la retraite aient accès à une information la plus transparente possible sur ce qui leur est proposé et que les cotisations soient encadrées. Le dispositif finalement adopté par l’Assemblée nationale sera néanmoins assez complexe d’un point de vue réglementaire et administratif. En ce qui concerne le crédit d’impôt, son montant, réduit de moitié, apparaît désormais assez symbolique, sa seule justification étant de permettre le rattachement de la mesure au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, un comparateur public des complémentaires susceptible de faire jouer la concurrence sur les tarifs n’aurait-il pas permis de parvenir au même résultat ?

À l’article 22, sur les contrats courts, le Gouvernement propose désormais de limiter l’option pour le chèque aux salariés dont la durée de couverture par le régime d’entreprise est trop courte. Le texte ne précise pas la durée, qui sera définie par voie réglementaire. Nous avions souligné, lors de la première lecture, que la situation des salariés précaires devait être traitée par la négociation entre partenaires sociaux ou par la mise en place de fonds de financement, comme le suggère le rapport Libault. À défaut, la solution préconisée par le Gouvernement semble au moins avoir le mérite de ne pas remettre en cause ce que les entreprises ont négocié pour une mise en œuvre au 1er janvier 2016.

Je relève par ailleurs que sur les articles 39 – sur la protection maladie universelle –, 42 – sur la filière visuelle – et 49 – sur la réforme de la tarification des soins de suite et de réadaptation –, qui sont parmi les articles les plus importants encore en discussion, nous n’avons pas de divergences de fond. Nous serons particulièrement vigilants, madame la ministre, sur le contenu du prochain rapport sur la tarification des activités hospitalières, qui doit clarifier, pour les établissements privés, les conditions exactes de mise en œuvre de la réforme de la tarification des soins de suite et de réadaptation.

Notre désaccord de fond repose sur les dépenses de la branche maladie. Comme je l’ai indiqué en première lecture, les mesures qui nous sont proposées dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, nous apparaissent insuffisantes face à l’enjeu de plus en plus urgent de la réduction des déficits. Certes, un effort d’économies de 3, 4 milliards d’euros par rapport à la progression spontanée des dépenses est prévu, mais à ce rythme, les comptes de la branche maladie ne reviendront à l’équilibre que dans vingt ans !

Je rappelle que si, grâce à des outils permettant une meilleure articulation entre professionnels de santé, nous nous fixions pour objectif de supprimer 2 % à 3 % des actes effectués chaque année – cela ne paraît pas irréaliste dans la mesure où l’on estime à 28 % le taux d’actes inutiles ou redondants –, nous pourrions économiser annuellement 4 à 5 milliards d’euros.

Des économies substantielles sont également envisageables grâce au développement de la permanence des soins. Les propositions que nous avons faites concernant un nouveau numéro d’appel national permettraient de viser 500 millions d’euros d’économies annuelles, voire davantage, sur ce poste.

Quant aux dépenses hospitalières, tout le monde s’accorde sur ce point, elles doivent faire l’objet d’une meilleure organisation, et ce de manière urgente. Les questions qui se posent ici sont multiples et vont du rétablissement des jours de carence à la réduction des RTT, en passant par une meilleure gestion de la hiérarchie des hôpitaux. Ici encore, les gisements d’économies pourraient être très importants, de l’ordre de 500 millions d’euros par an.

Il nous faudra également nous pencher sur les dépenses de ville. À ce propos, la Cour des comptes a fait des études intéressantes, notamment sur les moyens mis en œuvre par l’Allemagne pour limiter les consultations répétitives.

Ces mesures, madame la ministre, nous pourrions les prendre ensemble, mais puisque vous ne souhaitez pas aller au-delà des dispositions de votre texte, il nous paraît préférable de nous arrêter là, peut-être pour mieux progresser sur d’autres sujets comme le projet de loi relatif à la santé.

De même, sur l’ensemble du projet de loi de financement, je ne vois pas de sujet sur lequel la poursuite de la discussion pourrait contribuer utilement au texte définitivement adopté.

Pour cette raison, et compte tenu du désaccord de fond sur les équilibres généraux proposés pour la sécurité sociale, la commission a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, en toute courtoisie, madame la ministre.

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