Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’insisterai tout d’abord sur la nécessité de préserver cette institution qui fête ses 70 ans : la sécurité sociale. Issue de l’esprit du Conseil national de la résistance et mise en place par Ambroise Croizat, elle a permis d’extraire la santé, l’assurance chômage, la retraite et les allocations familiales des mains du privé afin de les confier à un ensemble d’associations paritaires œuvrant pour l’intérêt général.
Soixante-dix ans plus tard, la sécurité sociale est la cible d’assauts répétés afin de réduire la part de solidarité dans notre société. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit malheureusement dans la logique de réduction des dépenses et des prestations, alors que les besoins augmentent.
Oui, madame la ministre, le texte issu de l’Assemblée nationale contient quelques avancées : l’individualisation de la gestion des droits à la protection universelle maladie, le développement de l’accès à la contraception pour les mineurs, la lutte contre l’abus de certains médicaments ou encore l’extension du dépistage du cancer du sein. Mais ces avancées sont très insuffisantes au regard de certains articles, contraires à l’esprit de solidarité de la sécurité sociale.
Ainsi, l’exonération de la C3S sera offerte aux entreprises qui réalisent jusqu’à 19 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 3, 25 millions d’euros aujourd’hui. Le Gouvernement prévoit également d’étendre la baisse de 1, 8 point des cotisations familiales patronales jusqu’à 3, 5 SMIC, soit 5 000 euros mensuels. Ces deux mesures sont mises en place sans condition ni contrepartie, et bénéficieront largement aux grandes entreprises, qui ne sont pas celles qui ont le plus besoin de soutien.
De plus, la non-conditionnalité de ces aides empêche de les utiliser comme levier de transformation sociale.
En première lecture, ma collègue Aline Archimbaud avait fait des propositions concrètes afin d’améliorer le volet santé du projet de loi, concernant notamment l’huile de palme.
Dans notre pays, cette huile est moins taxée que les autres huiles alimentaires, telles que l’huile de colza ou l’huile d’olive, qui sont pourtant souvent fabriquées en France et distribuées en circuit court. C’est incompréhensible, car, on le sait, cette huile est dangereuse pour la santé quand elle est surconsommée. En outre, elle entraîne des déforestations massives dans plusieurs régions du monde.
Nous avions pourtant fait une proposition de bon sens : il s’agissait simplement d’aligner le taux de taxation de l’huile de palme sur celui des autres huiles, même pas d’introduire une surtaxation. Le refus du Sénat, et de Mme la ministre, est regrettable. Il traduit une certaine conception de la santé environnementale que nous ne partageons pas.
À un texte initial insatisfaisant et à un rejet systématique de nos amendements s’ajoute une nette détérioration du texte par la majorité sénatoriale en première lecture.
Même si M. le rapporteur général a choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable en raison des désaccords avec l’Assemblée nationale, il me semble important de revenir un instant sur les modifications apportées au texte par le Sénat.
Je pense tout particulièrement à la suppression de l’article 7 bis et, avec lui, de la mesure prévoyant d’augmenter les cotisations sociales pour les bénéficiaires de parachutes dorés dans les grandes entreprises. En pleine crise sociale, alors que des millions de nos concitoyens sont dans la précarité, cette suppression constitue une provocation.
Je pense également au vote d’un amendement visant à instaurer trois jours de carence pour les agents de la fonction publique hospitalière. Cette mesure injuste frappe de plein fouet les personnels hospitaliers dont les conditions de travail sont particulièrement éprouvantes. Je ne vous inviterai pas, mes chers collègues, à aller vous rendre compte sur place de leurs conditions de travail, car vous les connaissez. À l’heure où chacun rend hommage aux services de soins à la suite des attentats du 13 novembre, cette mesure me semble particulièrement déplacée.
Je pense enfin au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans pour les générations nées à partir de 1957. À l’heure où le chômage touche plus de 10 % de la population active, où celui des seniors ne cesse d’augmenter, cette mesure aurait pour seul effet de transformer de nouveaux retraités en chômeurs. Elle est également totalement contraire à la pensée écologiste, qui prône une réduction du temps de travail, non seulement hebdomadaire, mais aussi tout au long de la vie.
En conclusion, considérant que le texte initial ne correspond pas à l’esprit de solidarité de la sécurité sociale, prenant acte du rejet systématique des propositions écologistes pour améliorer le texte et déplorant l’état d’esprit des mesures injustes portées par la droite sénatoriale, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.